Intervention de Françoise Laborde

Réunion du 27 novembre 2009 à 14h30
Loi de finances pour 2010 — Culture

Photo de Françoise LabordeFrançoise Laborde :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, si le projet de budget pour 2010 consacré à la culture présente une hausse globale de 5 %, il comporte toutefois plusieurs facettes.

La valorisation du patrimoine constitue clairement la priorité budgétaire du Gouvernement. Les crédits de paiement qui y sont consacrés augmentent de 100 millions d’euros par rapport à 2009. Je ne peux que m’en réjouir, même si cette décision, particulièrement attendue après des années de restriction, s’inscrit dans une perspective historique, ce programme rattrapant enfin le retard accumulé.

Assurément, le patrimoine est le socle de notre culture. Il contribue au rayonnement de la France, mais aussi à l’attractivité de notre économie touristique.

Le groupe du RDSE sera attentif à ce que cette augmentation budgétaire soit pérennisée sur plusieurs années, comme vous vous y êtes engagé, monsieur le ministre.

Par ailleurs, à l’occasion de l’examen de la mission « Culture », il nous est proposé, par le biais de l’article 52, rattaché, d’étendre une procédure de reprise par les collectivités territoriales des monuments appartenant au patrimoine historique de l’État. Nous y reviendrons tout à l’heure, mais je tiens d’ores et déjà à vous dire que nous nous inquiétons des conséquences de l’élargissement de cette procédure, qui ne saurait aboutir à un désengagement de l’État en matière de sauvegarde et d’entretien de notre patrimoine ni se faire aux dépens des collectivités territoriales repreneuses.

Quant aux crédits de paiement du programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture », ils marquent un recul de 10 millions d’euros. L’influence de la RGPP engagée par le Gouvernement pèse sur le budget en termes d’emploi et d’organisation. Les personnels du ministère de la culture et des établissements publics, qui occupent 70 % des emplois, seront considérablement touchés par le non-remplacement d’un agent sur deux partant à la retraite. Selon une formule sibylline du ministère, ces mesures permettront de respecter la trajectoire de diminution des emplois, c'est-à-dire de supprimer 249 équivalents temps plein sur trois ans.

En 2010, l’administration centrale devra donc réorganiser ses directions, dont le nombre passera de dix à trois. Les nouveaux périmètres ainsi créés distingueront le patrimoine, la création artistique, ainsi que les médias et industries culturelles.

Je voudrais aborder maintenant la situation contrastée du secteur associatif de la culture et de la communication. En dix ans, les 2 millions de bénévoles qui font vivre la création artistique et la culture de proximité ont contribué à une augmentation de 5 % du nombre d’associations répertoriées, qui sont aujourd’hui 204 800. Le soutien budgétaire de l’État doit maintenant suivre cette évolution, car les collectivités territoriales ne peuvent seules en définir l’orientation et en subir la charge.

Les acteurs du secteur associatif se trouvent souvent impuissants face au désengagement de l’État, qui concentre son action sur certains territoires privilégiés et des établissements de grande taille, comme le démontre l’utilisation des crédits alloués aux DRAC. Je souhaite relayer leur inquiétude : l’État doit veiller à ce que la conception des politiques culturelles continue à s’élaborer en partenariat avec le secteur associatif.

La préoccupante dégradation de l’industrie de la musique appelle également toute notre attention. Nous avons déjà eu ce débat à l’occasion de la discussion des lois HADOPI 1 et HADOPI 2. La relance de ce pan de l’économie culturelle est cruciale. Elle ne peut passer, je l’ai souligné lors de nos précédents débats, que par la mise en place d’un système de licence globale.

Aujourd’hui, l’accès à la culture passe aussi par l’internet et le numérique, surtout pour les plus jeunes. La numérisation des fonds patrimoniaux en faveur des écoles et des bibliothèques est d’ailleurs lancée. Pour ma part, comme nous l’a suggéré M. Racine, président de la BNF au cours de son audition par la commission de la culture, je serai attentive à ce que soit élaborée une charte déontologique de partenariat entre institutions publiques patrimoniales et partenaires privés.

En effet, certaines inquiétudes persistent concernant le monopole des opérateurs et moteurs de recherche commerciaux. Notre rôle de parlementaires est bien d’accompagner la marche du progrès. Or il est indéniable que ces nouveaux outils démultiplieront les conditions d’accès du plus grand nombre à la culture et à la richesse des collections culturelles. Reste, assurément, à encadrer les conditions de leur progression.

Les questions numériques concernent également le domaine du cinéma, dont la production est plutôt florissante. La nécessaire numérisation des salles devra être accomplie rapidement. La mise en place du fonds de mutualisation en faveur de la numérisation des salles de cinéma me paraît déjà engagée par le CNC, même si, pour les petites salles municipales, le cap sera plus difficile à franchir.

J’en arrive au sujet qui nous préoccupe tous ici depuis de nombreux mois, et pour longtemps encore, je ne crois pas me tromper en l’affirmant : la réforme imminente des collectivités territoriales.

Dans cette perspective, monsieur le ministre, comment comptez-vous garantir le dynamisme des politiques culturelles des territoires ? Les ressources sont remises en cause, notamment par la suppression de la taxe professionnelle. Les collectivités locales se verront-elles contraintes d’arbitrer à la baisse les budgets consacrés aux actions culturelles ? L’avenir nous le dira !

Outre les compétences régaliennes qui lui incombent, l’État doit mettre en œuvre les moyens de corriger les inégalités entre les territoires. Or je n’en vois pas la traduction dans votre budget, monsieur le ministre ; je déplore même l’inverse ! Sont inscrits des grands projets principalement situés en Île-de-France : le Grand Paris, la Philharmonie de Paris, le Palais de Tokyo, le site historique de la BNF et le Centre national de conservation, de recherche et de restauration des patrimoines en Île-de-France. Comme l’année dernière, une exception notable concerne le MUCEM, le Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée, situé à Marseille.

J’aurais souhaité, monsieur le ministre, que les efforts soient mieux répartis, notamment en direction des arts du spectacle vivant. Ce sont les vecteurs les plus efficaces de la démocratisation de l’accès à la culture et de l’aménagement du territoire.

Même si je salue la progression globale de 2 % des crédits du programme « Création », ainsi que la pérennisation, à hauteur de 15 millions d’euros, des ressources exceptionnelles extrabudgétaires affectées en 2009, permettez-moi de regretter une augmentation trop timide, de 0, 4 %, de la dotation consacrée au spectacle vivant. Ce chiffre ne permettra pas de compenser le taux d’inflation, qui devrait atteindre cette année 1, 2 %. Ne l’oublions pas, les coûts du spectacle vivant sont incompressibles. Ils reposent essentiellement sur des moyens humains. Je compte sur vous, monsieur le ministre, pour que le spectacle vivant soit privilégié dans le budget que nous examinerons l’année prochaine.

Avant de conclure, je tiens absolument à évoquer très rapidement la question de l’éducation artistique et culturelle à l’école, dont je reparlerai lors de la discussion de la mission « Enseignement scolaire ». En la matière, il ne suffit pas de prendre des engagements : les moyens doivent suivre.

Ces enseignements ont été confiés, dans un premier temps, aux professeurs d’histoire-géographie. Mais le programme déjà très chargé de ces disciplines ne leur permet pas de consacrer du temps à l’éducation artistique, alors même que l’éducation civique a déjà du mal à trouver sa place. Il faut donc franchir une étape supplémentaire et mettre en place un programme à part entière, confié à des enseignants recrutés à cet effet. Garantir l’égalité d’accès à la culture pour tous, par le biais de l’école, est à ce prix.

Enfin, que sont devenues les préconisations des entretiens de Valois et les réformes qui devaient découler de cette concertation ? Quels crédits y sont consacrés ? Certes, affichant une volonté à toute épreuve, vous souhaitez œuvrer en faveur d’une politique culturelle ambitieuse. Mais, des engagements à la pratique, le chemin à parcourir est encore long !

Devant les fortes disparités affectant les différents programmes de la mission « Culture », la majorité du groupe du RDSE ne votera pas ces crédits.

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