Intervention de Serge Lagauche

Réunion du 27 novembre 2009 à 14h30
Loi de finances pour 2010 — Culture

Photo de Serge LagaucheSerge Lagauche :

Monsieur le ministre, vous nous présentez un budget plutôt honnête par rapport à ceux des années précédentes. Vous rompez ainsi avec la pratique des présentations fallacieuses à grande échelle, même si les annulations de crédits en 2009 vous permettent d’afficher des hausses plus importantes qu’elles ne sont en réalité.

Saluons également l’augmentation des crédits alloués aux patrimoines, de l’ordre de 100 millions d’euros, qui rend compte à elle seule de l’augmentation du budget global de votre ministère, tout en la remettant en perspective.

Cet effort ne constitue qu’un rattrapage, très partiel, de la situation dramatique des secteurs du patrimoine et de l’archéologie depuis neuf exercices budgétaires. Ainsi, l’enveloppe destinée au seul patrimoine monumental a baissé de plus de moitié, durant cette période, en crédits de paiement. Et, malgré les dotations supplémentaires, les crédits du programme « Patrimoines » ne retrouveront pas leur niveau de 2008 en autorisations d’engagement.

En ce qui concerne le patrimoine, les DRAC, compte tenu des lois de finances rectificatives, n’ont aucune visibilité sur le montant réel de leur enveloppe annuelle ; ainsi à mi-année, une bonne partie d’entre elles ont souvent dépensé la totalité de l’enveloppe annuelle et se trouvent en situation de cessation de paiement. En 2009, l’endettement des DRAC atteignait 600 millions d’euros. De nombreuses entreprises très spécialisées travaillant sur des projets pilotés par celles-ci connaissent de gros problèmes. Les commandes étant annulées, elles doivent parfois licencier du personnel, voire fermer.

Depuis plusieurs années, le Groupement français des entreprises de restauration de monuments historiques, le GMH, estimait à 400 millions d’euros le montant nécessaire en crédits de paiement et en autorisations d’engagement pour permettre la restauration et l’entretien des monuments historiques. Les 419 millions d’euros en crédits de paiement prévus pour 2010 permettent, en apparence, de relever le défi. Cependant, les autorisations d’engagement sont très inférieures – 365 millions d’euros –, ce qui signifie que la capacité d’investissement du ministère dans ce secteur n’est pas assurée pour les années à venir.

Par ailleurs, si l’on retranche les 24 millions d’euros de dépenses de personnels et les 24 millions d’euros de crédits extrabudgétaires, il manque 50 millions d’euros sur les 400 millions d’euros nécessaires.

Les dispositions de l’article 52 constituent une autre source d’inquiétude, car elles assouplissent de façon importante la possibilité, pour l’État et le Centre des monuments nationaux, de transférer aux collectivités territoriales qui en font la demande la propriété du patrimoine monumental de l’État.

Le transfert pourra ne porter que sur une partie du monument et pourra faire l’objet d’une « réutilisation éventuelle dans des conditions respectueuses de son histoire et de son intérêt artistique et architectural ». Monsieur le ministre, faut-il entendre par là une éventuelle transformation en hôtel ou en parc d’attraction qui respecterait simplement le bâti ?

Cet article autorise, en outre, les établissements publics de l’État à procéder au transfert de propriété des monuments à la place du Centre des monuments nationaux, et ce sans qu’un bilan ait été dressé de la première vague de transferts. Je voudrais donc insister, monsieur le ministre, sur l’importance d’une politique patrimoniale nationale et du rôle péréquateur de l’État, à travers le Centre des monuments nationaux, entre monuments « rentables » et « non rentables », pour leur entretien et leur restauration.

Je suis tout à fait d’accord avec les termes employés par M. Nachbar, rapporteur pour avis, sur le risque de « dépeçage » de notre patrimoine monumental, avec le transfert possible de bouts d’immeuble ou d’objet.

Enfin, monsieur le ministre, il est impossible de défendre nos patrimoines sans revenir sur la situation précaire de notre archéologie préventive.

Depuis 2003, c’est une vision très libérale qui a inspiré toutes les modifications législatives, et elles sont nombreuses, dans ce domaine. Le credo est toujours le même : construire le plus rapidement possible et établir un financement sur mesure pour les aménageurs. Une simple modification du mode de calcul de la redevance aurait permis de venir à bout des difficultés engendrées par l’application de la loi de 2001, principalement liées à une disproportion entre les coûts d’aménagement et les tarifs de redevance.

Au lieu de cela, le Gouvernement a profité de la réforme du 1er août 2003 pour ouvrir le marché des fouilles à la concurrence privée et à la négociation contractuelle, et il tente depuis lors, en vain, de fixer un taux de redevance pour diagnostic satisfaisant l’ensemble des aménageurs, urbains et ruraux, en multipliant les dérogations déraisonnables à l’acquittement de cette taxe.

Le récent relèvement des taux de redevance d’archéologie préventive voté, dans le cadre de la loi du 17 février 2009 pour l’accélération des programmes de construction et d’investissement publics et privés, aurait dû permettre de réaliser l’objectif de rendement stable et pérenne de la redevance, et suffisant pour financer l’INRAP. Cependant, ces hausses sont trop modestes et devraient permettre de ne dégager que 11 millions d’euros supplémentaires, au lieu des 35 millions d’euros indispensables à l’INRAP pour assumer pleinement ses missions.

Néanmoins, en vertu de ce relèvement des taux de la redevance, la dotation budgétaire de l’INRAP sera supprimée en 2010. Il s’agira donc d’une opération quasi blanche, puisque les redevances réformées ne devraient dégager que quelque 11 millions d’euros supplémentaires, cependant que l’État supprime 9 millions d’euros de ressources budgétaires à l’Institut. Les 2 millions d’euros de ressources supplémentaires correspondront à une hausse des moyens de 1, 3 %.

Déjà fragilisé par une situation financière instable, l’INRAP le sera plus encore par le projet de délocalisation à Reims. Alors que Mme Pécresse et vous-même, monsieur le ministre, vous étiez prononcés pour reconsidérer ce projet, le Premier ministre a confirmé cette délocalisation le 19 octobre dernier. Je ne peux croire que, en fonction de visées strictement électoralistes liées à la prochaine échéance régionale, M. le Premier ministre ait accédé à la demande pressante de Mme Catherine Vautrin, au détriment de la capacité opérationnelle de l’INRAP et de sa mission de service public.

Pour toutes ces raisons, et bien d’autres encore que je n’ai pu énoncer faute de temps, nous ne pourrons approuver les crédits de la mission « Culture ».

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