Intervention de Jack Ralite

Réunion du 27 novembre 2009 à 22h15
Loi de finances pour 2010 — Article 52

Photo de Jack RaliteJack Ralite :

Nous souhaitons la suppression de l’article 52, dont l’adoption aboutirait au démantèlement de la politique patrimoniale nationale, préfigurant la possible fin d’une politique culturelle cohérente en matière de monuments historiques.

Je ne suis évidemment pas opposé à la décentralisation culturelle. Mais il ne s’agit pas ici de cela ! L’État tente de se délester du coût financier lié à la conservation, à la présentation et à la mise en valeur du patrimoine national sur les collectivités territoriales sans leur allouer quelque moyen supplémentaire que ce soit, dans un contexte de déstabilisation financière de celles-ci notamment liée à la suppression de la taxe professionnelle.

Je relève d’ailleurs que cet article est inséré dans le même projet de budget du ministère de la culture par lequel celui-ci affirme se consacrer de manière prioritaire au patrimoine, qui était sous-doté depuis plusieurs années.

Il y a dans cet article 52 un risque pour les monuments. Les collectivités locales doivent être volontaires, mais on sait qu’elles sont souvent tentées de reprendre un établissement public ayant un intérêt local marqué mais mal entretenu parce que non prioritaire au niveau national : même non rentable, il serait malgré tout réclamé par la collectivité pour sa valeur symbolique.

Que se passera-t-il lorsque les collectivités locales découvriront qu’elles ne peuvent remplir les obligations financières découlant de ce transfert ? Rien dans cet article ne pose le caractère inaliénable des monuments transférés, ce qui vaut presque autorisation de les vendre – je dis bien : de les vendre !

Or le caractère inaliénable des œuvres historiques remonte à une décision prise au XIIIe siècle, quand les juristes royaux, craignant des faiblesses royales, imposèrent l’interdit aux rois de vendre les objets artistiques qui ornaient leurs demeures. L’idée de transgresser cette inaliénabilité est venue du rapport Jouyet-Lévy, et, quand Bercy a proposé de passer aux actes, le ministère de la culture a demandé un rapport à Jacques Rigaud, qui a stoppé cette dérive.

Dans les conditions de l’article 52, que deviendra une politique patrimoniale cohérente sur l’ensemble du territoire, qui doit reposer sur la péréquation et la solidarité, comme le Centre des monuments nationaux en est l’exemple ?

En effet, cet article 52, en élargissant la possibilité de transfert à la totalité des monuments, fait sauter toute règle et a fortiori tout plan financier national. Les monuments réclamés par les collectivités territoriales seront ceux qui sont les plus rentables ou ceux qui viennent d’être rénovés par l’État.

Le système d’entretien et de valorisation des monuments, je le répète, repose sur une logique de mutualisation du CMN. Le Centre des monuments nationaux assure la conservation et la présentation de quatre-vingt-seize monuments dont seuls six sont rentables. Ce sont ces six monuments qui permettent de financer les quatre-vingt-dix autres.

À titre d’exemple, si une collectivité locale réclame le transfert du Mont-Saint-Michel, ce sont vingt monuments en région qui sont touchés. Si l’Arc de triomphe n’est plus géré par le CMN, quinze autres monuments connaîtraient de grandes difficultés.

Cette mutualisation d’intérêt général pour le patrimoine doit l’emporter sur la logique de la rentabilité financière au profit de quelques monuments seulement.

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