La séance, suspendue à vingt heures dix, est reprise à vingt-deux heures quinze.
La séance est reprise.
Nous poursuivons l’examen des articles de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2010.
Dans la discussion des crédits de la mission « Culture » (et articles 52 et 52 bis), nous en sommes parvenus à l’examen des crédits de la mission « Culture », figurant à l’état B.
En euros
Culture
Patrimoines
Dont titre 2
155 836 492
155 836 492
Création
Dont titre 2
59 390 121
59 390 121
Transmission des savoirs et démocratisation de la culture
Dont titre 2
378 652 411
378 652 411
L’amendement n° II-77, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Modifier comme suit les crédits des programmes :
En euros
Programmes
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
PatrimoinesDont Titre 2
CréationDont Titre 2
Transmission des savoirs et démocratisation de la cultureDont Titre 2
178 000
178 000
TOTAL
SOLDE
La parole est à M. le ministre.
Le présent amendement vise à ajuster les crédits transférés en loi de finances initiale pour 2009 au titre du rattachement de la direction du développement des médias au ministère de la culture et de la communication.
L’amendement tend au transfert d’un montant de 222 500 euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement sur la mission « Culture », par une annulation de crédits de 222 500 euros, dont 178 000 euros de crédits de personnel et 44 500 euros au titre des frais de formation, sur la mission « Direction de l’action du Gouvernement », ainsi qu’une majoration d’un montant équivalent des crédits de la mission « Culture ».
L’amendement est adopté.
L’amendement n° II-100, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Modifier comme suit les crédits des programmes :
En euros
Programmes
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Patrimoines
Dont Titre 2
2 161
2 161
Création
Dont Titre 2
Transmission des savoirs et démocratisation de la culture
Dont Titre 2
643 244
643 244
TOTAL
SOLDE
La parole est à M. le ministre.
Le présent amendement vise à tirer les conséquences de la prise en charge de dépenses de personnel par le budget de certains établissements publics de la mission « Culture ».
Est prévu le transfert d’un montant total de 645 405 euros, en autorisations d’engagement et crédits de paiement, sur la mission « Culture », par une annulation de crédits de titre 2 et une majoration d’un montant équivalent des crédits autres que de personnel répartis entre les différents programmes.
Ces transferts résultent notamment de la prise en charge de la maîtrise d’ouvrage de l’État par le Centre des monuments nationaux et de la fusion du Service national des travaux et de l’Établissement public de maîtrise d’ouvrage des travaux culturels, l’EMOC, en un opérateur unique.
L’amendement est adopté.
L’amendement n° II-58, présenté par MM. Revet, de Rohan, Houel, Le Grand, J.C. Gaudin, Kergueris et P. Dominati, est ainsi libellé :
Modifier comme suit les crédits des programmes :
En euros
Programmes
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Patrimoines
Dont Titre 2
Création
Dont Titre 2
Transmission des savoirs et démocratisation de la culture
Dont Titre 2
TOTAL
SOLDE
La parole est à M. Philippe Dominati.
Je suis généralement très soucieux de l’usage des capitaux publics. Néanmoins, mon collègue Charles Revet, qui préside le groupe d'études du littoral et de la mer, m’a demandé d’être, ce soir, son porte-parole ainsi que celui d’une cinquantaine de sénateurs, siégeant sur toutes les travées de l’hémicycle, qui exercent pour la plupart leur mandat sur les rivages ou dans les ports de notre pays. Ensemble, ils souhaitent que l’État tienne effectivement les engagements qu’il a pris en particulier lors du Grenelle de la mer, dont la résolution 102.b fixe comme objectif de « soutenir financièrement les différentes institutions qui participent à cette mission patrimoniale et en particulier la Fondation du patrimoine maritime et fluvial […] », ou à travers des dispositions plus anciennes concernant de telles fondations de défense du patrimoine.
La Fondation du patrimoine maritime et fluvial, je le rappelle, est une fondation d’utilité publique qui a pour vocation de sauvegarder le patrimoine maritime, notamment la flotte historique de notre pays.
C’est dans cet esprit que, sur l’initiative notamment de Charles Revet, Josselin de Rohan et Jean-Claude Gaudin, est proposé cet amendement, qui vise à doter la fondation des moyens nécessaires pour remplir sa mission d’utilité publique.
La commission n’est pas défavorable à cet amendement, mais préférerait entendre l’avis du Gouvernement.
La Fondation du patrimoine maritime et fluvial a certes vocation à labelliser des bateaux d’intérêt patrimonial, mais elle exerce cette compétence sans lien avec le ministère chargé de la culture.
Le ministère a été conduit à plusieurs reprises à ne pas donner suite aux demandes de subventionnement de cette fondation dans la mesure où il n’accorde pas de crédits de fonctionnement aux associations dans le domaine patrimonial en général. Il peut en revanche soutenir financièrement des projets spécifiques présentés par la Fondation du patrimoine maritime et fluvial, mais uniquement ponctuellement.
Je m’engage par ailleurs à favoriser, dans le cadre gouvernemental, la mise en place de solutions garantissant, éventuellement de manière pérenne, la poursuite des activités de la fondation.
En conséquence, monsieur le sénateur, je vous propose de retirer votre amendement. À défaut, l’avis du Gouvernement sera défavorable.
Monsieur le ministre, j’ai noté avec satisfaction, et je vous en remercie, que vous vous engagiez, au nom du Gouvernement, à trouver une solution pérenne pour que cette association puisse, à l’avenir, continuer d’exercer sa mission. C’est bien là l’objectif que cherchent à atteindre les auteurs de cet amendement !
Malheureusement, ils ne veulent plus de ce dialogue de sourds qui conduit le ministère de la culture à mettre en doute que le patrimoine maritime relève de sa compétence et à renvoyer la fondation vers d’autres ministères. Ce va-et-vient est nuisible à l’action de l’association, qui existe depuis un certain nombre d’années déjà, qui s’occupe d’environ 200 bateaux historiques sur un patrimoine de 3 000 et doit donc faire face à un salon nautique, s’équiper en matériel informatique…
Je conçois très bien que cette fondation n’ait pas nécessairement vocation à relever du ministère de la culture. Pour autant, il est nécessaire que l’État tienne sa parole. Aussi, en attendant qu’il veuille bien arbitrer entre les différents ministères pour savoir auquel incombe la charge de ce patrimoine, je préfère, à titre conservatoire, maintenir mon amendement. Je pense que cela aura pour effet d’inciter le Gouvernement à trouver cette solution pérenne à laquelle vous venez de vous engager.
Nous sommes très sensibles à la haute qualité des membres de notre assemblée soutenant ce projet et cette action qui nous paraissent extrêmement importants.
Néanmoins, les crédits de paiement du programme 224 sont en baisse. Nous estimons donc qu’il revient au Gouvernement de trouver un moyen de les augmenter, comme, me semble-t-il, vient de s’y engager M. le ministre.
En conséquence, nous laisserons la majorité se débrouiller de cette affaire, qui est la sienne, et nous ne prendrons pas part au vote.
L’amendement est adopté.
Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Culture », figurant à l’état B.
Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix, modifiés, les crédits de la mission « Culture ».
Ces crédits sont adoptés.
J’appelle en discussion les articles 52 et 52 bis et les amendements qui sont rattachés pour leur examen aux crédits de la mission « Culture ».
Culture
L’article 97 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa du I est ainsi modifié :
aa)
a) Les mots : « le Centre des monuments nationaux transfère » sont remplacés par les mots : « ses établissements publics peuvent transférer » ;
b) Les mots : « la propriété des immeubles » sont remplacés par les mots : « la propriété de tout ou partie des immeubles » ;
c) Les mots : « figurant sur une liste établie par décret en Conseil d’État » sont supprimés ;
d) Les mots : « au Centre des monuments nationaux » sont remplacés par les mots : « à ses établissements publics » ;
e) Les mots : « Cette liste peut également prévoir le transfert d’objets » sont remplacés par les mots : « Le transfert peut également porter sur des objets » ;
2° Le deuxième alinéa du I est ainsi modifié :
a) Les mots : « dans les douze mois à compter de la publication du décret mentionné à l’alinéa précédent » sont supprimés ;
b) La dernière phrase est supprimée ;
3° Le I est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Après avis du ministre chargé des monuments historiques et du ministre chargé du domaine, le représentant de l’État désigne la collectivité ou le groupement de collectivités bénéficiaire du transfert en fonction des projets présentés en vue de remplir les missions précisées au II. Il peut décider de ne désigner aucun bénéficiaire au vu de l’importance qui s’attache au maintien du bien concerné dans le patrimoine de l’État, de l’intérêt des finances publiques, des conséquences statutaires du transfert pour les personnels concernés ou de l’insuffisance du projet mentionné à l’alinéa précédent. » ;
3° bis §(nouveau) Au II, après les mots : « conservation du monument », sont insérés les mots : «, sa réutilisation éventuelle dans des conditions respectueuses de son histoire et de son intérêt artistique et architectural » ;
4° Au premier alinéa du III, les mots : « ou le Centre des monuments nationaux » sont remplacés par les mots : « ou ses établissements publics » ;
4° bis §(nouveau) Le III est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Dans les dix années suivant le transfert, la collectivité ou le groupement de collectivités bénéficiaire du transfert transmet un rapport au ministre chargé des monuments historiques détaillant la mise en œuvre du projet de conservation et de mise en valeur du monument depuis son transfert. À défaut de transmission de ce document, ou si le bilan de la mise en œuvre s’avère insuffisant et non conforme aux clauses prévues dans la convention de transfert, le ministre chargé des monuments historiques peut demander la résiliation de cette convention. » ;
5° Il est ajouté un IV ainsi rédigé :
« IV. – Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application du présent article. »
L’amendement n° II-69, présenté par M. Ralite, Mme Gonthier-Maurin, MM. Renar, Voguet et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jack Ralite.
Nous souhaitons la suppression de l’article 52, dont l’adoption aboutirait au démantèlement de la politique patrimoniale nationale, préfigurant la possible fin d’une politique culturelle cohérente en matière de monuments historiques.
Je ne suis évidemment pas opposé à la décentralisation culturelle. Mais il ne s’agit pas ici de cela ! L’État tente de se délester du coût financier lié à la conservation, à la présentation et à la mise en valeur du patrimoine national sur les collectivités territoriales sans leur allouer quelque moyen supplémentaire que ce soit, dans un contexte de déstabilisation financière de celles-ci notamment liée à la suppression de la taxe professionnelle.
Je relève d’ailleurs que cet article est inséré dans le même projet de budget du ministère de la culture par lequel celui-ci affirme se consacrer de manière prioritaire au patrimoine, qui était sous-doté depuis plusieurs années.
Il y a dans cet article 52 un risque pour les monuments. Les collectivités locales doivent être volontaires, mais on sait qu’elles sont souvent tentées de reprendre un établissement public ayant un intérêt local marqué mais mal entretenu parce que non prioritaire au niveau national : même non rentable, il serait malgré tout réclamé par la collectivité pour sa valeur symbolique.
Que se passera-t-il lorsque les collectivités locales découvriront qu’elles ne peuvent remplir les obligations financières découlant de ce transfert ? Rien dans cet article ne pose le caractère inaliénable des monuments transférés, ce qui vaut presque autorisation de les vendre – je dis bien : de les vendre !
Or le caractère inaliénable des œuvres historiques remonte à une décision prise au XIIIe siècle, quand les juristes royaux, craignant des faiblesses royales, imposèrent l’interdit aux rois de vendre les objets artistiques qui ornaient leurs demeures. L’idée de transgresser cette inaliénabilité est venue du rapport Jouyet-Lévy, et, quand Bercy a proposé de passer aux actes, le ministère de la culture a demandé un rapport à Jacques Rigaud, qui a stoppé cette dérive.
Dans les conditions de l’article 52, que deviendra une politique patrimoniale cohérente sur l’ensemble du territoire, qui doit reposer sur la péréquation et la solidarité, comme le Centre des monuments nationaux en est l’exemple ?
En effet, cet article 52, en élargissant la possibilité de transfert à la totalité des monuments, fait sauter toute règle et a fortiori tout plan financier national. Les monuments réclamés par les collectivités territoriales seront ceux qui sont les plus rentables ou ceux qui viennent d’être rénovés par l’État.
Le système d’entretien et de valorisation des monuments, je le répète, repose sur une logique de mutualisation du CMN. Le Centre des monuments nationaux assure la conservation et la présentation de quatre-vingt-seize monuments dont seuls six sont rentables. Ce sont ces six monuments qui permettent de financer les quatre-vingt-dix autres.
À titre d’exemple, si une collectivité locale réclame le transfert du Mont-Saint-Michel, ce sont vingt monuments en région qui sont touchés. Si l’Arc de triomphe n’est plus géré par le CMN, quinze autres monuments connaîtraient de grandes difficultés.
Cette mutualisation d’intérêt général pour le patrimoine doit l’emporter sur la logique de la rentabilité financière au profit de quelques monuments seulement.
Mme Françoise Laborde opine.
Nous devons voter contre cet article 52, d’autant que comme cela devient l’habitude, il a été introduit par un cavalier créant au premier abord une incompréhension qui, à elle seule, devrait être cause de son rejet.
Je suis sûr que nous voulons tous que les cent monuments gérés par le Centre des monuments nationaux continuent à pouvoir nous accueillir, nous citoyens de France ou d’ailleurs, dans de bonnes conditions.
La commission est très défavorable à cet amendement.
D’abord, il n’y a pas de raison que la société tout entière, y compris les collectivités locales, se porte garante de la conservation du patrimoine national.
Ensuite, les collectivités locales ne sont pas obligées de présenter cette candidature et, à l’évidence, elles ne la présentent que lorsque le monument est rentable, comme le montre le cas du château du Haut-Koenigsbourg en Alsace.
C’est une vision très étroite et tout à fait regrettable. Il est en effet très bon que tous se rassemblent pour conserver le patrimoine national.
Comme on peut s’y attendre, la position du Gouvernement, compte tenu de tout ce que j’ai rappelé depuis le début de cette séance, est bien sûr totalement défavorable.
J’ai déjà évoqué cette question lors de la discussion générale. M. le ministre est, me semble-t-il, suffisamment prévenu des dangers que fait courir ce dispositif.
Je ne peux que soutenir mon collègue Jack Ralite : il faut être extrêmement prudent en ce qui concerne les monuments. Aujourd’hui, M. le ministre est tout à fait défavorable à cet amendement ; son réveil sera peut-être difficile…
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il n’y a personne dans cet hémicycle qui n’ait, me semble-t-il, le souci de la sauvegarde et de la mise en valeur de notre patrimoine national.
Sauvegarder le patrimoine national, cela ne veut pas dire mettre tout le patrimoine national dans la main de l’État. Ici, il faut rappeler qu’il y a des élus locaux qui ont aussi la passion du patrimoine national et qui mènent une action déterminée pour le sauvegarder et le mettre en valeur.
J’ai fait partie des maires qui se sont battus pour que ma ville reçoive le prestigieux label « Ville d’art et d’histoire ». Ce label n’est pas décerné facilement : les contraintes sont très précises et elles doivent être honorées par les communes.
Nous sommes nombreux a avoir œuvré pour qu’il y ait en France un réseau des villes d’art et des villes d’art et d’histoire. Il ne faudrait donc pas a priori prétendre qu’il y aurait, d’une part, la préoccupation du patrimoine qui concernerait l’État et, d’autre part, une préoccupation locale suspecte, qui concernerait les collectivités, voire le patrimoine privé. En effet, de très nombreux Français possèdent des bâtiments historiques et ils les entretiennent. Heureusement, car je ne sais pas comment nos collectivités locales ou l’État pourraient assurer la protection de l’ensemble du patrimoine.
En l’occurrence, il est proposé que les collectivités locales, si elles le souhaitent, puissent recevoir des monuments qui appartenaient jusqu’à présent à l’État. Il ne faut pas accepter cette proposition sans l’entourer d’un certain nombre de garanties, mais il ne faut pas non plus décréter qu’elle est a priori irrecevable. Or c’est bien ce qui est fait au travers de cet amendement.
Voilà pourquoi, cher Jack Ralite, même si je partage votre amour du patrimoine, sur ce point il ne faut pas répondre par un refus.
Une réflexion importante a déjà eu lieu, c’est la loi de 2004. Il y a eu la commission René Rémond, j’en ai fait partie et j’y ai été très actif car ce problème me semblait important. Je suis aussi administrateur du Centre des monuments nationaux. Je suis très sensible à son avenir.
Que peut-on dire de tout cela ?
Décider que l’État peut transférer un monument à une collectivité sans s’assurer que celle-ci a un projet pour ce monument et qu’elle a les moyens de le réaliser serait évidemment une erreur. Nous devons avoir l’assurance qu’il y a bien une convention et un projet dans ce domaine.
Nous devons aussi veiller à ce que le Centre des monuments nationaux reste bien un acteur de la politique patrimoniale de l’État et ne soit pas simplement le réceptacle des bâtiments dont personne ne voudrait.
Mes chers collègues, c’est d’ailleurs la raison pour laquelle la commission de la culture a décidé de lancer une étude sur la situation et le devenir du Centre des monuments nationaux, car nous voulons qu’il soit un acteur de cette politique patrimoniale.
À l’occasion de ce débat, nous ne voulons pas supprimer l’article et refuser la discussion ; nous voulons au contraire faire en sorte que la possibilité de cession soit retenue, mais qu’elle soit encadrée par toute une série de conventions raisonnables et réalistes, et que la décision ultime soit laissée au ministre en charge du patrimoine, c’est-à-dire le ministre de la culture.
Tels sont les amendements qui seront proposés par la commission. Aussi, nous vous demandons, mes chers collègues, de poursuivre le débat.
J’ai été moi aussi, assez longtemps et avec beaucoup de plaisir, administrateur du Centre national des monuments historiques, et par-delà tous les débats qui s’y sont déroulés, la grande expérience que j’en ai eu, c’est que le statut des monuments qui dépendaient de cet organisme a toujours été modifié dans un sens de fragilisation.
Pourquoi, si cette mesure était si morale, est-elle introduite par un cavalier législatif ?
Nous avons eu suffisamment de débats, notamment sur La Poste et sur la sécurité sociale, pour savoir le rôle de la « cavalerie » parlementaire.
Sourires.
Cette façon de faire me rend la mesure suspecte. Bien entendu, tous les monuments ne doivent pas être traités de la même manière. Si le CMN existe, c’est parce qu’il y a cent monuments qui nous accueillent. Voici la brochure qui les concerne.
L’orateur brandit ladite brochure.
J’ai été maire pendant de très nombreuses années et j’aime les monuments, mais une collectivité locale peut se trouver dans des difficultés financières énormes et la future loi sur les collectivités locales organise ces difficultés. Comment la collectivité fera-t-elle pour s’en sortir ? Elle tentera de vendre. À qui ? À une personne privée. Celle-ci fera peut-être dans le monument concerné des chambres, de la restauration. Mais si restauration il doit y avoir, moi, je veux qu’elle concerne le bâtiment, les conditions d’accueil, la maintenance, dans le respect du passé.
Il faut que le grenier de mémoire qui s’immortalise dans ces lieux soit sauvegardé. Je n’ai de suspicion à l’égard de qui que ce soit, mais le chemin pour y conduire me semble avoir emprunté nombre de rues sombres.
Cet amendement est un amendement de clarté, de moralité et de respect du patrimoine ! C’est pourquoi je maintiens ma demande de suppression de l’article.
L'amendement n'est pas adopté.
Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° II-6, présenté par M. Gaillard, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
Cet amendement vise simplement à supprimer une répétition au sein de l’article 97 de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, car il y est question d’un avis du ministre de la culture et de la communication – chose absolument essentielle – à la fois au début et à la fin du I. Une seule fois suffit.
L'amendement n° II-70, présenté par M. Ralite, Mme Gonthier-Maurin, MM. Renar, Voguet et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 3
Supprimer cet alinéa
II. -Alinéa 13
Remplacer les mots :
Après avis du ministre chargé des monuments historiques et du ministre chargé du domaine, le représentant de l'État
par les mots :
Après avis du ministre chargé du domaine, le ministre en charge des monuments historiques
La parole est à M. Ivan Renar.
Cet amendement se situe dans cette volonté que nous avons maintes fois exprimée de garantir la cohérence de la politique patrimoniale en France.
En effet, le ministre de la culture a en charge la protection du patrimoine. C’est sa décision, éclairée par les services et des fonctionnaires responsables qualifiés, qui assure le classement et l’inscription des monuments historiques.
Or, l’article 52 du projet de loi de finances pour 2010 tel que présenté à l’Assemblée nationale, tout comme d’ailleurs l’article 97 de la loi de 2004 que le présent article tend à modifier, prévoyait que ce soit le représentant de l’État, c’est-à-dire le préfet, qui désigne la collectivité bénéficiaire du transfert.
L’Assemblée nationale a introduit un amendement prévoyant que le ministre chargé des monuments historiques puisse émettre un avis, ainsi que le ministre chargé du domaine, avant que le représentant de l’État décide et finalise le transfert.
Cet amendement est, à notre sens, insuffisant. Il y va de la garantie de la politique patrimoniale nationale. C’est en effet le ministre de la culture qui assure cette mission, et il est pour le moins étonnant que ce ne soit pas à lui que revienne cette décision de transfert, alors qu’il est en charge de la protection du patrimoine et qu’il dispose des éléments, du recul et de la vision d’ensemble nécessaire – je dirai même « indispensable » – au transfert de ces monuments.
Jusqu’à ce jour, le jacobin de proximité que je suis pensait que le ministre donnait ses consignes au préfet, et non l’inverse, et que c’était le préfet qui donnait un avis au ministre, qui décidait.
Une fois de plus, nous souhaitons insister sur la nécessité d’appréhender notre patrimoine en conservant une vision stratégique globale, même si c’est pour le confier à d’autres collectivités.
Ce n’est donc pas simplement un avis que doit délivrer le ministère de la culture et de la communication. Un avis n’est pas une garantie suffisante pour la sauvegarde du patrimoine.
Nous souhaitons renforcer la protection de ce patrimoine en accordant la possibilité de dévolution d’un monument à une collectivité au ministre dont c’est la compétence, c'est-à-dire le ministre en charge des monuments historiques.
C’est parce qu’il a pour mission de conduire la politique de sauvegarde, de protection et de mise en valeur du patrimoine culturel, parce qu’il participe à ce titre à la définition et à la mise en œuvre de la politique du Gouvernement dans le domaine de la décentralisation que le ministre de la culture et de la communication, et lui seul, doit décider de l’opportunité d’un transfert tel que prévu à l’article 52.
Il y va véritablement de l’avenir des monuments français.
C’est pourquoi notre amendement vise à rétablir le ministre dans ses justes attributions en lui confiant le pouvoir de décision de transfert après avis du ministre du domaine et, en toute cohérence, nous proposons la suppression de l’alinéa 3 qui, s’il était maintenu, serait contradictoire.
L'amendement n° II-52, présenté par M. Nachbar, au nom de la commission de la culture, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 13, première phrase
Rédiger ainsi le début de cette phrase :
Après avis du ministre chargé du domaine, le ministre en charge des monuments historiques désigne...
II. - En conséquence, alinéa 3
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis.
Cet amendement vise à substituer le ministre au préfet de région dans le pouvoir décisionnaire, et ce pour deux raisons. D’une part, parce que cela nous paraît conforme au décret relatif aux attributions du ministre de la culture et de la communication, qui prévoit qu’« il conduit la politique de sauvegarde, de protection et de mise en valeur du patrimoine culturel ». D’autre part, parce que c’est la garantie d’une politique nationale cohérente de protection du patrimoine.
Il revient donc au ministre, après avis et instruction du préfet de région saisi par la collectivité qui souhaite un transfert, de donner ou non son accord sur le transfert.
Vous comblez ainsi entièrement mes vœux pour conduire l’action que je souhaite mener conformément aux annonces que j’ai faites tout à l'heure.
Pour les mêmes raisons, le Gouvernement est également favorable à l’amendement n° II-70, qui a le même objet.
Les amendements sont adoptés.
Je constate que ces amendements ont été adoptés à l’unanimité des présents.
L'amendement n° II-51, présenté par M. Nachbar, au nom de la commission de la culture, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 5
Supprimer cet alinéa
II. – Alinéa 8
Rédiger ainsi cet alinéa :
e) La deuxième phrase du premier alinéa du I est supprimée.
La parole est à M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis de la commission des lois.
Non, monsieur le président, je m’exprime au nom de la commission de la culture !
Effectivement ! Veuillez m’excuser, mon cher collègue, mais cette confusion est due à la fatigue : j’étais à ce fauteuil hier soir et c’est la quatrième séance d’affilée que je préside.
Je vous retire cette promotion d’aller à la commission des lois et vous rends à la culture.
Sourires.
Pour l’avocat que je suis, c’était très flatteur, mais, dès mon arrivée au Sénat, j’ai choisi d’être membre de la commission de la culture, et j’entends bien y rester, malgré vos souhaits, monsieur le président.
C’était une boutade, mon cher collègue.
Veuillez présenter l’amendement n° II-51, je vous prie.
Cet amendement vise à supprimer deux dispositions de l’article 52 qui permettent, d’une part, de scinder un monument en plusieurs morceaux, si j’ose dire, et, d’autre part, de vendre des objets mobiliers indépendamment du monument qui les abrite.
En termes clairs, il s’agit d’empêcher qu’un monument historique ne soit dépecé ou vendu « à la découpe ».
Comme vous pouvez vous y attendre, et là je ne ferai pas durer le suspens, le Gouvernement émet un avis favorable.
Mon explication de vote est une forme de clin d’œil.
Je suis très heureux de constater que vous n’êtes pas favorables à la vente à la découpe dans ce domaine. Aussi, je vous demande d’élargir votre vision des choses et de nous soutenir lorsque nous nous battons contre la vente à la découpe d’immeubles où vivent nos concitoyens.
L'amendement est adopté.
L'amendement n° II-71, présenté par M. Ralite, Mme Gonthier-Maurin, MM. Renar, Voguet et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 13
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Ces transferts entraînent l'inaliénabilité des biens qui ne pourront faire l'objet d'une cession de la part d'une collectivité. »
La parole est à M. Ivan Renar.
Cet amendement introduit des limites nécessaires au transfert. Les établissements publics et les monuments historiques sont transférés aux collectivités à titre gratuit. Mais, une fois transférés, il n’est pas dit que ces collectivités ne peuvent pas les vendre à des opérateurs privés, notamment pour se décharger des frais importants que la conservation et la mise en valeur d’un monument ne manquent pas d’entraîner.
En l’état actuel du texte, rien n’empêche en effet une collectivité de réclamer le transfert d’un monument, puis de décider éventuellement, par la suite, de le vendre.
Cela pourrait être le cas pour le Mont-Saint-Michel, dont parlait Jack Ralite tout à l'heure, le Panthéon, les Invalides ou des biens plus modestes ayant fait l’objet de travaux importants financés par l’argent public.
Je prendrai un exemple parmi tant d’autres. Le château de Chareil-Cintrat situé en Auvergne n’accueille pas plus de 1 500 visiteurs par an, un fait qu’on ne peut pas lui reprocher. Sa toiture vient d’être restaurée pour un montant de 800 000 euros grâce, il faut le dire, à l’intervention de l’État.
Au regard de la gestion des deniers publics, il est important de prévoir des mesures de protection afin d’éviter que des biens ayant bénéficié d’investissements importants financés par l’État ne fassent l’objet d’une demande de transfert pour être ensuite cédés au meilleur prix à un acteur privé, qui, lui, pourra disposer librement de ce monument pourtant constitutif d’un bien public.
Ces établissements sont en effet des biens collectifs dont la conservation relève de l’intérêt général. Ils doivent donc rester en possession d’entités publiques : l’État ou, effectivement, cher Jacques Legendre, les collectivités territoriales.
Il est indispensable d’empêcher que des éléments emblématiques du patrimoine national ou entrant dans le cadre du pilotage stratégique de la politique nationale d’investissement patrimonial puissent être cédés à des entreprises privées dans un seul but mercantile.
C’est pourquoi je vous demande, mes chers collègues, de voter en faveur de cet amendement.
La commission n’est pas favorable à cet amendement, qui fait peser une suspicion sur les collectivités.
Monsieur Renar, si le Gouvernement partage vos préoccupations, il émet néanmoins un avis défavorable, non pour les raisons avancées par M. le rapporteur spécial, mais parce qu’il semblerait que cet amendement soit inconstitutionnel, dans la mesure où il mettrait à la charge des collectivités territoriales une contrainte incompatible avec le principe de leur libre administration.
Nous avons été heureux de constater que les amendements n° 70 et 52 ont été adoptés à l’unanimité. Mais le refus de prise en compte de l’amendement n° II-71 présenté par mon collègue Ivan Renar invalide concrètement la signification du premier vote.
Dès que l’on peut vendre, dès que l’on introduit le marché dans ce domaine où il n’est pas, et où il est normal qu’il ne soit pas, toutes les dérives sont possibles.
J’ai écouté avec intérêt l’argumentaire de M. le ministre. Je ne sais pas si cet amendement est inconstitutionnel, mais je ne saurais cautionner un tant soit peu la possibilité de dire : j’achète, je vends ; j’achète, je vends ! Ces considérations sont extérieures à la question de l’art et, en tout cas, du patrimoine national !
Mes chers collègues, en l’occurrence, vous mettez un doigt dans le processus qui se cache derrière cet amendement de cavalerie – mon collègue Ivan Renar a raison, il s’agit non pas de cavalerie légère, mais de cavalerie lourde ! – et, rapidement, nous verrons sur quoi cela débouchera.
J’aurais aimé que certains soient, comme nous, soucieux jusqu’au bout de l’intégrité du statut des monuments.
Monsieur Gaillard, je respecte beaucoup l’État. Je souhaite un État fort de sa légitimité historique, qui prenne des mesures justes et assure la protection du peuple tout entier rassemblé. Mais je suis aussi pour des collectivités territoriales fortes de leur proximité, qui assument des devoirs de solidarité dans l’ensemble de l’Hexagone.
C’est dire que je refuse, dans l’amendement que j’ai proposé, toute idée de suspicion envers les collectivités. Il s’agit au contraire de prendre des assurances.
Quand on construit une route et que celle-ci emprunte un pont, on met des garde-fous, et ce n’est pas faire preuve de suspicion à l’égard de la collectivité concernée. Il en est de même pour la SNCF : on ne se contente pas de poser des rails, on met également en place des garde-fous.
Le terme de « suspicion » que vous avez employé, cher Yann Gaillard, est tout de même un peu exagéré. Sans doute avez-vous été emporté par votre passion…
L'amendement n'est pas adopté.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° II-7 est présenté par M. Gaillard, au nom de la commission des finances.
L'amendement n° II-53 est présenté par M. Nachbar, au nom de la commission de la culture.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 14
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Yann Gaillard, rapporteur spécial, pour présenter l’amendement n° II-7.
Cet amendement a pour objet de revenir au texte initial de l'article 52, que l'Assemblée nationale a un peu troublé en précisant, au titre des missions incombant aux collectivités et groupements bénéficiaires d'un transfert de monument, la « réutilisation éventuelle [du monument] dans des conditions respectueuses de son histoire et de son intérêt artistique et architectural ». C’est du charabia ! Je ne comprends pas le sens de cette formulation.
La parole est à M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis, pour présenter l’amendement n° II-53.
L’alinéa introduit par l’Assemblée nationale est flou. Or, pour qu’une disposition puisse s’appliquer dans de bonnes conditions, elle doit être précise.
Par ailleurs, la rédaction proposée laisse planer un doute sur les intentions des collectivités. La convention qui sera signée monument par monument entre l’État et la collectivité suffit largement à prévoir les obligations de chacun.
Le sous-amendement n° II-118, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Amendement n° II-7
Compléter cet amendement par un paragraphe ainsi rédigé :
II. - Alinéa 13
Compléter cet alinéa par les mots :
, notamment au regard des enjeux de conservation du monument, de son histoire ou de son intérêt architectural et patrimonial
La parole est à M. le ministre.
Je comprends fort bien les arguments avancés par MM. Gaillard et Nachbar pour proposer la suppression de l’alinéa qui a été ajouté par l’Assemblée nationale.
Mais, afin de tenir compte de l’enjeu de qualité notamment patrimoniale qui s’attache au projet proposé par les collectivités locales, ce que l’Assemblée nationale avait voulu souligner par son ajout, je vous propose de compléter l’alinéa 13 par les mots : « notamment au regard des enjeux de conservation du monument, de son histoire ou de son intérêt architectural et patrimonial. »
Ainsi, avant d’autoriser le transfert, il sera à chaque fois nécessaire de vérifier si le projet de la collectivité est effectivement respectueux de l’histoire du monument ou de son intérêt architectural et patrimonial.
Sous réserve de l’adoption de ce sous-amendement, le Gouvernement émet un avis favorable sur les amendements identiques n° II-7 et II-53.
Le sous-amendement est adopté.
Les amendements sont adoptés.
L'amendement n° II-54 rectifié, présenté par M. Nachbar, au nom de la commission de la culture, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 15
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
...° Le III est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Pendant un délai de vingt ans à compter du transfert de propriété, la collectivité ou le groupement de collectivités bénéficiaires doit, avant tout projet de cession de tout ou partie de l'immeuble à un tiers, en informer l'État qui peut s'opposer à la cession. »
La parole est à M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis.
Aux termes de cet amendement, que j’ai déposé et que la commission de la culture a approuvé, pendant un délai de vingt ans à compter du transfert de propriété, la collectivité ou le groupement bénéficiaires doit, avant tout projet de cession de l'immeuble, en informer l'État, qui peut s'opposer à la cession.
Nous apportons, une fois encore, des garanties pour le patrimoine.
Le sous-amendement n° II-117, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Amendement n° II-54 rectifié
Compléter le texte proposé par cet amendement par les mots :
et, le cas échéant, résilier unilatéralement la convention de transfert en cas de non respect de ses clauses et ses conditions.
La parole est à M. le ministre.
Nous retrouvons ici, et c’est heureux, la notion de garde-fou, chère à M. Ivan Renar.
L’amendement n° II-54 rectifié vise à concilier le principe de libre administration des collectivités locales et le nécessaire encadrement des conditions de cession éventuelles du monument transféré.
À la nécessité d’informer l’État, qui constitue d'ailleurs une obligation de droit commun pour tout propriétaire de monument historique classé, s’ajoute ainsi la possibilité pour l’État de s’opposer à la cession pendant un délai de vingt ans à compter de la date du transfert.
Toutefois, il est normal également que l’État puisse résilier unilatéralement la convention dans l’hypothèse où les clauses et conditions de celle-ci ne seraient pas respectées par la collectivité repreneuse. C'est pourquoi le Gouvernement a déposé, en complément, le présent sous-amendement.
Sous réserve de l’adoption de cette disposition, le Gouvernement émet un avis favorable sur l’amendement n° II-54 rectifié.
Quel est l’avis de la commission sur le sous-amendement n° II-117 et sur l’amendement n° II-54 rectifié ?
La commission est favorable à l’amendement n° II-54 rectifié et peut-être au sous-amendement n° II-117...
La parole est à Mme Maryvonne Blondin, pour explication de vote sur le sous-amendement n° II-117.
La série d’amendements et de sous-amendements que nous sommes en train d’examiner montre combien était justifié le point de vue de notre collègue Ivan Renar. Celui-ci réclamait des garde-fous : en voici !
Toutefois, je ne comprends pas pourquoi de telles dispositions n’ont pu être introduites plus tôt dans cet article relatif à la cession des immeubles. J’exprime mon incompréhension devant la multiplication des amendements et des sous-amendements.
Il nous semblait que la possibilité pour l’État de s’opposer à la cession, comme l’a prévu la commission de la culture, était suffisante…
Par ailleurs, le libellé du sous-amendement n° II-117 est ambigu : le droit laissé à l’État de résilier la convention vaut-il seulement en cas de projet de cession par une collectivité…
… ou bien est-il ouvert de façon générale ? Et peut-il s’exercer à tout moment, dès lors que les clauses de la convention seraient réputées violées ?
La commission des finances serait donc portée à considérer que la faculté laissée ainsi à l’État est excessive. Monsieur le ministre, vous évoquiez tout à l'heure le principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales ; il me semble, après concertation avec mes collègues présents au banc des commissions, …
M. Yann Gaillard, rapporteur spécial. Je me rallie au point de vue du président de la commission à laquelle j’appartiens !
Sourires.
… que le Gouvernement va ici un peu loin dans la remise en cause de la cession.
Les bonnes conventions appellent la confiance. Naturellement, s’il est violé, l’accord doit être résilié, mais nous ne pouvons aller plus loin, sauf à prévoir une clause qui donnerait à l’État, en cas de cession, une priorité, et encore peut-il déjà exercer cette dernière en toutes circonstances.
Nous sommes donc finalement plutôt défavorables à ce sous-amendement.
Au risque de faire de la peine à M. le ministre, ce qui n’est pourtant pas mon objectif ce soir, je serai, moi aussi, défavorable à ce sous-amendement, parce que ses dispositions me semblent exorbitantes du droit commun.
La convention est la loi des parties ; c’est ce que j’ai cru apprendre autrefois et ce que j’ai enseigné moi-même. Comment pourrions-nous, dès lors, instituer une résiliation unilatérale sans aucune garantie ?
Cette disposition pose plus de problème qu’elle n’en résout.
Premièrement, qui constatera la violation de la convention ? Si nous prévoyons que l’État, unilatéralement, constate le viol de l’accord, puis résilie ce dernier, nous nous situons totalement en dehors des règles qui sont à la base du droit des contrats !
Deuxièmement, quelles seront les conséquences de cette situation si le monument dont il s'agit a été transféré plusieurs années auparavant et si la collectivité y a réalisé des travaux importants ? Ce n’est pas là une hypothèse d’école, comme on l’a constaté avec plusieurs des édifices transférés au cours des derniers mois. Qu’adviendra-t-il alors des crédits engagés par la collectivité pour embellir ce monument ? Ces quelques questions me viennent à l’esprit, mais il y en aurait sans doute beaucoup d’autres.
Cette disposition, dans sa rédaction actuelle, va très loin dans la remise en cause des principes juridiques et, je le répète, elle crée davantage de problèmes qu’elle n’en résout. C'est pourquoi, à titre personnel, puisque la commission de la culture ne s’est pas réunie, j’y suis défavorable.
Les travaux engagés par la collectivité territoriale le seraient forcément en conformité avec la convention, ou alors ils ne pourraient être réalisés ! C’est tout le sens du respect de l’accord par les deux parties.
Par conséquent, l’État peut toujours considérer que les travaux mis en œuvre ne correspondent pas à la convention, par exemple parce qu’ils entraînent le monument historique dans la voie d’une exploitation commerciale contraire aux stipulations de l’accord conclu.
Dès lors qu’elle n’est plus respectée par l’une des parties, la convention n’a plus d’objet et l’État a la liberté – ce n’est pas une obligation, bien entendu – de reprendre le monument pour ce motif.
Mes chers collègues, j’avoue éprouver un certain embarras, tout comme, je le suppose, un certain nombre d’entre vous.
Imaginons qu’une convention a déterminé les conditions dans lesquelles un monument a pu être transféré par l’État à une collectivité. Si l’esprit de cet accord est respecté, il n’est évidemment en aucun cas possible de remettre en cause la cession. Si l’État, qui est l’une des parties, a le sentiment que la convention n’est pas respectée, il doit pouvoir revenir sur la dévolution du monument, me semble-t-il.
Toutefois, peut-il le faire lui-même ou doit-il saisir un juge, qui constatera la violation de la convention ? Telle est précisément la question que je me pose.
Si je comprends tout à fait dans quel esprit le Gouvernement a déposé ce sous-amendement, je suis un peu plus perplexe quant à la forme d’une telle disposition.
Toutefois, peut-être est-il préférable, au point où nous en sommes, de marquer notre détermination à ne tolérer aucune violation de la convention du point de vue de l’État, quitte à trouver, quand nous nous entendrons avec nos collègues de l’Assemblée nationale, une meilleure formulation ? Du moins le problème est-il posé et comprenons-nous les intentions du Gouvernement.
Monsieur le ministre, ce sous-amendement me paraît superflu.
J’imagine que la convention prévoira un tel cas de figure. Dès lors, pourquoi préciser ce point dans la loi ? Nous devons être économes des textes normatifs !
La convention stipulera que, en cas de non-respect de la vocation ou de l’histoire du monument, l’État sera amené à remettre en cause la cession.
Toutefois, introduire dans le projet de loi une telle disposition permettant à l’État de résilier unilatéralement la convention de transfert en cas de non-respect de ses clauses serait franchement superfétatoire.
Une telle disposition mériterait d’être inscrite dans la convention, mais pas dans la loi !
Aux termes du droit des contrats, une partie qui craint le non-respect des engagements pris peut introduire dans la convention une clause résolutoire.
Néanmoins, l’application de cette clause, tout comme la résiliation de la convention, relève des tribunaux, et d’eux seuls ! Tel est le droit des contrats, publics comme privés.
Le sous-amendement n'est pas adopté.
L'amendement est adopté.
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° II-8, présenté par M. Gaillard, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Alinéas 16 et 17
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
Le présent amendement a pour objet de revenir au texte initial du projet de loi.
L'Assemblée nationale a souhaité que les collectivités et groupements bénéficiaires d'un transfert remettent au ministre chargé des monuments historiques, dans les dix ans suivant cette dévolution, un rapport détaillant la mise en œuvre du projet de conservation et de mise en valeur du monument.
Or, jusqu’à présent, on n’a jamais vu les collectivités locales adresser un rapport au Gouvernement ! Cette disposition nous semblant quelque peu excessive, nous proposons de la supprimer.
L'amendement n° II-55, présenté par M. Nachbar, au nom de la commission de la culture, est ainsi libellé :
Alinéa 17
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis.
Avis défavorable sur les deux amendements.
J’avoue ne pas comprendre l’attitude du Gouvernement. On ne va pas attendre dix ans pour connaître la situation d’un monument historique ! Monsieur le ministre, j’espère que vos services sur le terrain seront vigilants.
Exiger sans cesse des rapports, c’est sombrer dans la bureaucratie, c’est à la limite de la caricature !
Voilà pourquoi nous ne pouvons pas ne pas voter cette disposition.
Les amendements sont adoptés.
L'article 52 est adopté.
Le Gouvernement transmet tous les deux ans aux commissions compétentes du Parlement un rapport établissant un bilan et une évaluation de l’application de l’article 97 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, et notamment un suivi des conventions de transfert signées en application de ces dispositions.
Ce rapport retrace également, région par région, l’évolution des moyens alloués par l’État en faveur de l’entretien et de la restauration des monuments classés ou inscrits au titre des monuments historiques dont il n’est pas propriétaire, ainsi que des engagements en cours et des opérations réalisées et programmées.
L'amendement n° II-56, présenté par M. Nachbar, au nom de la commission de la culture, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Compléter cet alinéa par les mots :
et des conditions de leur mise en œuvre
La parole est à M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis.
L’article 52 bis prévoit que le Gouvernement transmet au Parlement un rapport sur les conditions d’exécution des transferts de patrimoine. Par le présent amendement, il s’agit d’indiquer que ce rapport concerne aussi les conditions de mise en œuvre des conventions de transfert, afin que le Parlement soit informé de manière plus précise dans un domaine auquel il est particulièrement attaché.
Nous retrouvons, peut-être sous une autre forme, la préoccupation exprimée par M. le président Arthuis.
Cet amendement vise à préciser le contenu du rapport que le Gouvernement remettra au Parlement. J’appelle néanmoins votre attention sur le fait que ce rapport ne pourra être établi que sur le fondement des informations fournies par les collectivités territoriales bénéficiaires des transferts de monuments et signataires des conventions.
Le Gouvernement s'en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.
L'amendement est adopté.
L'article 52 bis est adopté.
Mes chers collègues, nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Culture ».
Le Sénat va examiner les crédits relatifs à la mission « Médias » et au compte spécial « Avances à l’audiovisuel public ».
La parole est à M. le président de la commission des finances.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c’est en remplacement de M. Claude Belot, rapporteur spécial, aujourd’hui empêché, que je formulerai les principales observations que la commission des finances a portées sur les crédits de la mission « Médias » et du compte de concours financiers « Avances à l’audiovisuel public ».
L’ensemble des crédits des deux missions s’élève à 4, 27 milliards d’euros, soit une augmentation globale des crédits de paiement de 6 %.
S’agissant du compte de concours financiers qui finance les organismes de l’audiovisuel public, une progression des crédits de 4, 17 % a été en partie permise grâce à l’augmentation de deux euros du montant de la redevance audiovisuelle, devenue contribution à l’audiovisuel public. Cela est dû à l’initiative du Sénat.
Quant à la mission « Médias », l’augmentation de sa dotation de 11 %, dans un contexte budgétaire globalement tendu, témoigne de la volonté de l’État d’accompagner les nombreuses réformes en cours. L’année 2010 a été marquée du sceau de la modernisation ou de la restructuration des médias, qu’il s’agisse de la presse écrite, de l’audiovisuel extérieur ou de la télévision du service public.
Ainsi, les aides directes à la presse bénéficient d’une hausse globale de 84 % de leurs crédits de paiement. Cette augmentation permet la mise en application de certaines des préconisations formulées dans le Livre vert des états généraux de la presse.
Nous attendons en contrepartie de ce budget « historique » un véritable effort de restructuration du secteur de la presse, afin d’optimiser les coûts de gestion.
J’en viens au financement de l’audiovisuel extérieur. La progression globale de ses crédits, au titre des deux missions, est de l’ordre de 6, 11 %.
L’audiovisuel extérieur est en cours de réforme depuis la création de la holding Audiovisuel extérieur de la France, AEF, le 4 avril 2008. La réorganisation capitalistique s’est achevée en 2009. AEF détient désormais 100 % de RFI et de France 24 et 49 % de TV5 Monde.
Cette restructuration appelle deux commentaires sur la gouvernance d’AEF. La commission des finances ainsi que son rapporteur spécial souhaitent, d’une part, connaître les modalités de pilotage de TV5, dont AEF ne possède que 49 %, les 51 % restants étant détenus par ses partenaires francophones, et, d’autre part, disposer des conditions de la clé de répartition des crédits d’AEF entre RFI, France 24 et 49 % de TV5 Monde, afin de s’assurer d’un traitement équitable entre les différentes sociétés.
Enfin, les crédits supplémentaires dédiés à AEF doivent permettre la poursuite de la modernisation du média global. Là encore, nous souhaitons que cette augmentation de crédits permette une réelle mise en place des synergies ainsi qu’une maîtrise de la trajectoire de charges.
Le budget de 2010 traduit également deux autres évolutions, l’une de nature financière, la suppression de la publicité après vingt heures sur les chaînes du service public, l’autre de nature technique, le déploiement de la télévision numérique terrestre, la TNT.
France Télévisions doit faire face à un changement de modèle économique depuis le 5 janvier 2009, date marquant l’arrêt de la diffusion des écrans publicitaires après vingt heures. La suppression totale de la publicité est programmée à compter de l’extinction de la diffusion par voie analogique, à l’exception des programmes régionaux et locaux ou des campagnes d’intérêt général.
Or le financement de France Télévisions reposait jusqu’en 2008 à hauteur de deux tiers sur la redevance audiovisuelle et d’un tiers sur les recettes publicitaires.
Il convient de souligner que, contre toute attente, les chaînes privées telles que TF1 ou M6 n’ont pas bénéficié d’un effet d’aubaine en 2009. Au premier semestre 2009, le temps de diffusion de leurs écrans publicitaires a marqué un net recul, respectivement de 23 % et de 14 %. En revanche, France Télévisions a enregistré une évolution positive de 3, 3 %.
Le groupe audiovisuel public a ainsi annoncé, le 29 septembre 2009, une prévision de recettes publicitaires supplémentaires de 105 millions d’euros.
En conséquence, l’enveloppe de 450 millions d’euros prévue en 2009 ne sera versée qu’à hauteur de 415 millions d’euros. Les 70 millions d’euros restants du surplus des recettes publicitaires devraient être affectés à la réduction du déficit. Ce dernier pourrait alors s’établir en 2009 à 67, 8 millions d’euros au lieu de 135, 4 millions d’euros.
L’efficience du nouveau modèle économique élaboré par France Télévisions, traduit dans le plan d’affaires révisé au mois de juin dernier, fera l’objet d’un contrôle conjoint de la commission des finances et de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, monsieur le président Legendre. Il permettra de vérifier les hypothèses conduisant à une prévision de retour aux bénéfices en 2012 de l’ordre de 31 millions d’euros.
J’en viens à la seconde évolution, le déploiement de la TNT. Des crédits à hauteur de 40 millions d’euros ont été inscrits dans le cadre de la mission « Médias ». Le rattachement de ce financement à cette mission plutôt qu’au compte de concours financiers dont les ressources sont issues des encaissements de la contribution à l’audiovisuel public paraît plus approprié.
Nous constatons que le déploiement se poursuit. Lancée au mois de mars 2005, la TNT couvrait alors 35 % de la population. Le taux de couverture est aujourd’hui de 88 % de la population métropolitaine. Je rappelle que l’objectif à atteindre est de 95 % d’ici au 30 novembre 2011 pour l’ensemble des éditeurs de la TNT.
Telles sont, mes chers collègues, les principales observations que votre rapporteur spécial aurait souhaité porter lui-même à votre connaissance. Sous réserve de ces observations, la commission des finances a proposé l’adoption sans modification des crédits de la mission « Médias » et du compte de concours financiers « Avances à l’audiovisuel public ».
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c’est l’ensemble du système d’aides publiques à la presse qui doit être refondé autour d’une stratégie claire, cohérente et mobilisatrice. Le secteur n’attend plus d’être une nouvelle fois maintenu sous perfusion : il réclame une cohérence d’ensemble, une véritable vision pour l’avenir.
Or le seul élément de stratégie que j’ai pu relever jusqu’à présent, c’est l’exigence de rentabilité des entreprises de presse, avec tout ce que cette antienne suppose de raccourcis bien ficelés : les traditionnels plans sociaux sont toujours les bienvenus pour combattre l’inefficience des coûts et le recours à la concentration est présenté comme la solution miracle à la sous-capitalisation du secteur.
Mais la rentabilité n’est pas une stratégie en soi. Une stratégie viable pour la presse, c’est une stratégie qui mise sur une information de qualité, qui nourrit le débat citoyen d’une analyse critique, libre et indépendante. Là est la véritable valeur ajoutée de la presse écrite payante. Or cela ne se limite pas à la simple réduction des sureffectifs, cela suppose avant tout d’investir massivement dans le développement de compétences nouvelles pour permettre à la presse de renouveler son offre éditoriale.
Il ne suffit pas de déclarer que cela coûte trop cher et qu’il faut réduire les coûts, il faut réfléchir précisément à la façon de reconquérir un lectorat par la qualité, par la spécificité de la presse écrite. Une stratégie de ce type lui redonnerait probablement des couleurs.
En matière de diffusion de la presse, la question centrale demeure celle du prolongement en 2010 du moratoire sur l’application des accords État-Presse-La Poste qui prévoyaient une revalorisation progressive des tarifs du transport postal de la presse.
Certains éditeurs de presse ont exprimé le souhait que le moratoire prononcé en 2009 soit reconduit en 2010 pour six mois ou un an.
Mon analyse est la suivante : le prolongement de ce moratoire est, pour l’heure, essentiellement réclamé par les familles de presse dont les ventes s’appuient en grande partie sur l’abonnement postal, comme c’est le cas de la presse magazine et de la presse spécialisée. Les éditeurs de la presse quotidienne nationale semblent, en revanche, plus hésitants et veulent préserver la crédibilité des accords Schwartz entre l’État, la presse et La Poste.
J’estime toutefois indispensable de prolonger le moratoire pour une période de six mois en 2010, afin de permettre cette transition, étant donné les difficultés rencontrées par la presse en matière de diffusion. La crise du secteur perdure et les conditions qui ont prévalu lors de l’instauration de ce moratoire sont toujours d’actualité. En conséquence, pourriez-vous, monsieur le ministre, revenir sur l’état des discussions concernant la reconduction de ce moratoire ?
En matière de pluralisme, l’aide en faveur des quotidiens nationaux à faibles ressources publicitaires, qui est passée de 7 millions d'euros à 9 millions d’euros, me semble encore insuffisante. Il est capital de soutenir activement ces quelques journaux d’opinion, comme L’Humanité, qui suscitent peu l’intérêt des investisseurs privés ou des annonceurs, mais qui sont pourtant indispensables au pluralisme effectif de nos courants d’expression.
Dans le cadre de la stratégie cohérente que j’appelle de mes vœux, il conviendrait de cibler les aides publiques au profit de cette presse citoyenne qui remplit des missions d’intérêt général.
Or, votre prédécesseur, monsieur le ministre, avait annoncé au printemps que ce fonds serait doublé en 2009, pour passer de 7 millions à 14 millions d’euros, afin de répondre à la détresse financière des titres les plus faibles.
Qu’est-il advenu de cette promesse ? Ce fonds a-t-il réellement été doublé en 2009 ? Si tel était le cas, pourquoi ne pas avoir prolongé la montée en puissance de cette aide dans le projet de budget pour 2010, alors que l’effondrement du marché publicitaire se poursuit ? À l’évidence, il y a un manque de cohérence que des annonces non suivies d’effet peinent à dissimuler !
Je le souligne également, on ne saurait faire l’impasse sur la reconnaissance juridique des rédactions, qui constituerait le rempart le plus efficace contre les effets pervers des concentrations sur l’indépendance rédactionnelle des titres. Je pense en particulier à la presse quotidienne régionale, la PQR, et aux phénomènes à l’œuvre aujourd’hui.
En matière de modernisation, l’augmentation du fonds d’aide au développement des services de presse en ligne ne constitue qu’une partie de la réponse. À la suite de l’adoption du statut d’éditeur de presse en ligne dans la loi Hadopi I, il convient d’aller au bout de la logique de neutralité entre les supports et de militer auprès des institutions communautaires en faveur d’un alignement du taux de TVA de la presse numérique non gratuite sur celui de la presse imprimée.
La légitimité d’une telle demande semble plus juste et plus nécessaire que celle de la baisse de la TVA dans la restauration.
J’ai tenu dans mon rapport pour avis à consacrer une partie au devenir de l’Agence France-presse, l’AFP, même si ce sujet n’est pas en lien direct avec le budget qui nous est proposé. Ce devenir est en prospective. J’ai auditionné le président de l’Agence et l’intersyndicale. Je tiens à vous faire part de ces analyses.
C’est probablement là où le défaut de stratégie est le plus préoccupant. La rentabilité ne peut présider seule à la remise en cause d’un statut qui a permis à l’AFP d’asseoir durablement sa renommée internationale. Les bonnes performances de l’AFP dans la période récente démontrent que des considérations d’ordre purement financier ne sauraient, à elles seules, justifier une modification de son statut.
La direction avance deux arguments principaux à l’appui de son projet de réforme.
D’abord, l’État accepte d’intervenir mais souhaite en échange des contreparties et notamment la possibilité de peser sur les décisions de gestion de l’entreprise. Or, s’il lui appartient de financer de façon pérenne les missions d’intérêt général de l’AFP, l’État ne saurait raisonnablement réclamer de contrepartie en termes de pouvoir décisionnaire de gestion et d’orientation sans prendre le risque de faire de l’AFP une agence d’État.
Ensuite, selon la direction, l’AFP aurait besoin d’une dotation de 65 millions d’euros, dont 45 millions d’euros en capitaux propres et 20 millions d’euros en autorisations d’endettement, pour mener à bien sa politique de développement. Or l’intersyndicale de l’AFP a souligné la rentabilité très incertaine des projets de développement et d’acquisitions menés jusqu’à présent par la direction et a prévenu contre le risque d’éloigner l’Agence de son cœur de métier, ces acquisitions étant souvent réalisées loin de son cœur de métier.
Dans ces conditions, je vous interrogerai, monsieur le ministre, sur les deux points suivants : comment pourriez-vous garantir le financement pérenne par la puissance publique des missions d’intérêt général qui incombent à l’AFP – le rayonnement international, la francophonie, la couverture géographique et linguistique exhaustive ? Comment comptez-vous répondre aux inquiétudes du personnel sur le risque, paradoxal, d’étatisation ou de privatisation qui pèse sur l’Agence ? La préservation de l’indépendance rédactionnelle doit constituer le principe cardinal de la gouvernance de l’Agence.
En conclusion, étant donné les réserves que j’ai émises précédemment, vous le comprendrez, je serai personnellement défavorable à l’adoption des crédits du programme « Presse » de la mission « Médias ». La commission de la culture a donné, quant à elle, un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Médias ».
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en cette fin d’année 2009, nous pouvons observer que le paysage audiovisuel a subi une profonde mutation. D’abord, parce que le choc des cultures s’est accéléré avec la mondialisation et la crise. Ensuite, parce qu’il y a une révolution technologique, la révolution du numérique. Enfin, parce que nous avons entrepris depuis quelques mois une action réformatrice profonde de l’audiovisuel, notamment avec la réforme de l’audiovisuel public, la gouvernance nouvelle de l’Audiovisuel extérieur de la France, la transposition de la directive « Services » de médias audiovisuels et bien sûr, on ne saurait l’oublier, les lois Hadopi I et Hadopi II.
Ce soir, j’ai le plaisir de vous annoncer que le projet de loi de finances pour 2010 conforte et soutient l’audiovisuel en maintenant un effort très élevé, en faveur de l’audiovisuel public notamment, avec une augmentation de plus de 2, 6 % des crédits par rapport à l’année dernière pour les organismes de l’audiovisuel public et de 6, 1 % pour l’audiovisuel extérieur, pour un montant total de 3, 848 milliards d’euros.
Grâce notamment à l’augmentation de la contribution à l’audiovisuel public, soutenue par la commission de la culture et le Sénat, l’étau budgétaire a ainsi en partie été desserré au service d’un développement harmonieux de l’audiovisuel public français.
Le groupe France Télévisions n’a jamais connu un financement aussi important, avec une dotation globale de 2, 55 milliards d’euros, en augmentation de 2, 4 % par rapport à 2009. Cette progression est conforme au contrat d’objectifs et de moyens et permettra au groupe de remplir ses principaux objectifs, et je vais les évoquer.
D’abord, il s’agit de la poursuite de ses investissements en faveur de la création, pour plus de 380 millions d’euros. En 2009, ce qu’on appelait le risque du guichet unique ne s’est pas réalisé : les commandes ont été nombreuses et le nombre de producteurs concernés ne semble pas avoir diminué, même si, à cause de la crise et de la restructuration de France Télévisions, nous devons rester vigilants et accentuer tous nos efforts en faveur de la création.
Ensuite, il s’agit de la réorganisation interne de France Télévisions, qui aura un coût mais elle devrait permettre au groupe, à moyen terme, de renforcer l’identité de ses différentes chaînes et de gagner en pouvoir de négociation vis-à-vis de ses interlocuteurs.
Enfin, il s’agit du maintien de ses ambitions en matière de diffusion de programmes culturels, notamment aux heures de grande écoute.
ARTE, dont nous apprécions tous le travail approfondi depuis de nombreuses années, notamment avec nos partenaires allemands, voit ses ressources augmenter de plus de 4 % pour atteindre 241, 9 millions d’euros dans le projet de loi de finances pour 2010.
Cette dotation devrait lui permettre non seulement de poursuivre les objectifs assignés par le contrat d’objectifs et de moyens, mais également de faire face aux dépenses imprévues liées au coût de la diffusion en haute définition, ou HD, sur un canal plein et à sa participation au GIP France Télé numérique.
Notons toutefois que cette chaîne n’a pas pu remplir ses obligations en matière d’investissements dans les œuvres au cours de l’année 2009, en raison des surcoûts de diffusion qu’elle a subis. Il faut donc veiller, pour ARTE également, à assurer un financement suffisant à la création française.
La dotation allouée par le projet de loi de finances à Radio France s’élève, quant à elle, à 583, 9 millions d’euros, soit une progression de 4, 3 %.
Le défi culturel des prochaines années pour le groupe, c’est le renouvellement de son offre éditoriale et les évolutions liées au passage au numérique.
L’épreuve technique, c’est le chantier de réhabilitation de la Maison de la radio, projet lourd et complexe dont le coût financier n’a pas été évalué correctement au début des travaux.
Les moyens qui sont accordés au groupe en 2010 devraient lui permettre d’apporter des réponses satisfaisantes à ces deux enjeux.
L’Institut national de l’audiovisuel, l’INA, est également financé par la contribution à l’audiovisuel public à hauteur de 87, 2 millions d’euros en 2010, ce qui constitue une hausse de 1, 2 % de ses crédits par rapport à 2009, en parfaite conformité avec le contrat d’objectifs et de moyens négocié avec l’État.
Le budget de l’audiovisuel extérieur est, quant à lui, en progression de plus de 6 % dans le projet de loi de finances pour 2010 par rapport à la loi de finances de 2009. Le montant des crédits s’élève à 315 millions d’euros, dont 117, 5 millions sont issus de la contribution à l’audiovisuel public.
Je l’avais déjà dit l’an dernier, le financement de l’Audiovisuel extérieur de la France par la redevance me semblait contraire à l’esprit de cette taxe qui ne devrait financer que des organismes diffusant des programmes accessibles gratuitement aux Français redevables. Cette année, la part de la contribution à l’audiovisuel public dans le financement de l’AEF s’est encore accrue.
À moyen terme, monsieur le ministre, comment justifiez-vous le financement de plus en plus important de la société de l’audiovisuel extérieur par la contribution à l’audiovisuel public plutôt que par des crédits budgétaires ?
Je dois aussi parler rapidement du GIP France Télé numérique, qui ne sera pas financé par la contribution à l’audiovisuel public cette année, grâce à l’action de notre commission, mais par le budget général et la mission « Médias ».
Ce sont 40 millions d’euros qui sont budgétés pour que le GIP puisse mener à bien la campagne d’information nationale et les actions locales, ainsi que la gestion du fonds de soutien institué à l’article 102 de la loi de 1986.
Ce financement devrait être suffisant. Toutefois, les annonces du Premier ministre aux termes desquelles serait apporté un financement complémentaire pour les zones d’ombre sans condition de ressources n’ont pas encore été concrétisées. Sur ce point, monsieur le ministre, nous apprécierions de savoir comment seront prélevés les crédits permettant de tenir ces engagements.
Le soutien à l’expression radiophonique locale est enfin très important puisqu’il atteindrait 29 millions d’euros en 2010, soit une progression de 9, 5 % par rapport à 2009, afin de tenir compte de l’augmentation du nombre de radios associatives autorisées par le Conseil supérieur de l’audiovisuel, le CSA, en modulation de fréquence et du soutien nécessaire au passage à la diffusion en mode numérique des radios associatives qui ont ou auront des autorisations en radio numérique terrestre le jour venu.
À cet égard, monsieur le ministre, combien de radios associatives le ministère subventionne-t-il avec les crédits inscrits sur le programme 312 ? Quel est votre sentiment sur l’augmentation régulière du nombre de ces radios ?
Avant de conclure, je ne peux pas ne pas évoquer la question de l’audiovisuel privé. Alors que les organismes de l’audiovisuel public, pour lesquels la ressource publicitaire représente une faible part de leur budget, sont dans une situation plutôt clémente, les chaînes privées souffrent d’une crise du marché publicitaire – ce point a déjà été évoqué dans cet hémicycle – au détriment de l’équilibre de notre paysage médiatique et de la création française, qui en a largement pâti en 2009.
Je proposerai donc en projet de loi de finances rectificative, ou PLFR, un amendement de modulation de la taxe que l’on a instituée il y a quelques mois, comme cela nous a été suggéré récemment par le ministre du budget.
Pour toutes ces raisons, notre commission donne un avis favorable à l’adoption des crédits relatifs à l’audiovisuel de la mission « Médias » et des crédits du compte spécial « Avances à l’audiovisuel public ».
M. le président de la commission de la culture applaudit.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’audiovisuel extérieur constitue et doit de plus en plus constituer un élément majeur de l’influence de la France et de notre langue dans le monde.
C’est la raison pour laquelle la commission des affaires étrangères et de la défense accorde à ce dossier une importance particulière.
La réforme de l’audiovisuel extérieur, lancée en 2007 par le Président de la République, commence désormais à porter ses fruits.
Elle se traduit par un développement des synergies et des mutualisations entre les différentes sociétés, rassemblées sous la houlette de la holding Audiovisuel extérieur de la France, synergies en matière de fonctions supports, de contenus ou encore de distribution.
Un autre aspect essentiel de cette réforme porte sur le renforcement du pilotage stratégique.
Or, à cet égard, je regrette, monsieur le ministre, que le Gouvernement n’ait pas encore transmis au Parlement le contrat d’objectifs et de moyens entre l’État et la société Audiovisuel extérieur de la France.
Ce contrat d’objectifs et des moyens doit, en effet, définir les orientations stratégiques des différentes sociétés pour la période 2009-2013.
Il doit également contenir des éléments sur l’évolution des financements qui seront consacrés à l’audiovisuel extérieur dans les prochaines années.
Il aurait donc été plus logique de disposer de ce contrat d’objectifs et de moyens avant l’examen du projet de loi de finances pour 2010. Peut-être pourriez-vous nous dire, monsieur le ministre, quand ce document sera transmis aux deux chambres du Parlement et quels sont ses principaux éléments, notamment concernant les aspects financiers.
Il semblerait en effet qu’après une phase d’augmentation des subventions de l’État, singulièrement pour 2010 – ce dont nous nous réjouissons –, et ce afin d’accompagner la réforme de l’audiovisuel extérieur, une phase dite de « retour sur investissement », et donc de baisse des subventions publiques, soit à prévoir en 2012 et en 2013.
Or on peut, à juste titre, nourrir quelques inquiétudes à ce sujet, car il n’est pas certain que les économies réalisées et l’augmentation des ressources propres prévues soient de nature à compenser une trop forte diminution des crédits. Je souhaiterais donc que vous puissiez, monsieur le ministre, nous rassurer sur ce point.
J’évoquerai, enfin, la situation de Radio France Internationale.
Sans prendre position dans le conflit social en cours, qui concerne les relations entre la direction d’une entreprise et ses salariés, lesquelles, de ce fait, sont régies par les dispositions du droit du travail, je me dois cependant de souligner les conséquences importantes de ce conflit sur l’équilibre financier de la chaîne.
En effet, d’après les estimations, chaque mois de retard dans la mise en œuvre du plan social se traduit par une perte de l’ordre de 800 000 euros pour la radio. À l’évidence, ce poids pèse lourdement sur son équilibre financier et nous inquiète pour l’avenir.
Par ailleurs, au même moment – est-ce une simple coïncidence ? –, il semble que la BBC soit en train de s’installer à Dakar pour partir à la conquête de l’Afrique francophone.
Je voudrais donc savoir, monsieur le ministre, si vous pensez que l’on pourra sortir rapidement de cette situation et engager un processus de réforme dans un climat apaisé.
Nonobstant ces considérations, mes chers collègues, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a émis un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Médias ».
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les sujets susceptibles d’être abordés à la faveur de la discussion des crédits de la mission « Médias » sont nombreux.
En 2009, des réformes successives ont eu lieu, plus ou moins à bon escient, afin de tenter de moderniser et de dynamiser le secteur tout entier, frappé depuis de nombreuses années par une grave crise structurelle.
Malgré la boulimie législative du Gouvernement, qui légifère jusqu’à plusieurs fois au cours d’une même session parlementaire sur un même sujet, la situation du secteur des médias ne s’est pas améliorée, loin de là.
Cette frénésie contribue plus à déstabiliser et à semer la confusion qu’à soutenir ou réglementer ; j’en veux pour preuve l’ordre du jour de notre Haute Assemblée, qui, en seulement une année, a discuté des projets de loi HADOPI 1 et HADOPI 2, de la réforme de l’audiovisuel public et de la suppression de la publicité sur France Télévisions. N’oublions pas non plus le projet de loi attendu sur la réforme de l’AFP, ou encore la situation de RFI.
La stratégie des pouvoirs publics a donc été très largement redéfinie au cours de l’année écoulée en ce qui concerne tant France Télévisions et l’audiovisuel extérieur de la France que la presse écrite.
L’enjeu de ces réformes était de taille, car, faut-il le rappeler, les médias remplissent une mission centrale pour notre société : ils sont encore à ce jour le principal support du débat républicain et, du moins je l’espère, un véritable contre-pouvoir.
La discussion budgétaire nous conduit à faire le bilan de la première année de suppression de la publicité sur France Télévisions et sur les conséquences socioéconomiques induites.
À la suite du vote de la loi du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision, le groupe France Télévisions bénéficie d’un financement public mixte associant crédits budgétaires et une partie du produit de la nouvelle « contribution à l’audiovisuel public », qui remplace la redevance.
Cette année de transition vers un nouveau modèle économique démontre que la mécanique financière de la réforme, fondée sur la suppression de la publicité après vingt heures et le versement par l’État d’une compensation de 450 millions d’euros, n’a pas fonctionné comme prévu. Cela étant, l’asphyxie programmée de la régie publicitaire de France Télévisions, par le transfert des ressources publicitaires du public vers le privé, n’a pas eu lieu.
C’est une bonne nouvelle, qui permet au groupe de s’affirmer dans le paysage audiovisuel français et de se recentrer sur ses missions de service public.
En 2010, la suppression de la publicité, après vingt heures, sera consolidée par l’État à hauteur de 458 millions d’euros, soit une progression de 1, 75 % par rapport à 2009. De plus, la part du produit issu de la contribution à l’audiovisuel public est fixée à 2, 09 milliards d’euros. Ce sont donc 2, 55 milliards d’euros que l’État versera, l’année prochaine, au groupe France Télévisions, dont les moyens financiers n’ont jamais été aussi assurés.
Par ailleurs, l’examen de cette mission intervient dans le contexte du passage au tout-numérique, qui fait craindre le risque d’un écran noir dans plusieurs zones de réception lors du basculement définitif.
Loin de garantir le service universel de télévision publique, la disparition massive de plus de la moitié des émetteurs nous expose au danger d’une fracture territoriale, accentuée par l’abandon de la diffusion analogique. Un comble, alors que la TNT est censée représenter, pour nos concitoyens, une amélioration de l’offre télévisuelle !
L’analyse budgétaire de la mission « Médias » montre que l’effort financier le plus important profite à la presse, avec une augmentation de 51 % des crédits publics.
Cette année a vu le début de la mise en œuvre des engagements pris à l’issue des états généraux de la presse écrite, qui, par leurs travaux, ont tenté de répondre aux difficultés structurelles du secteur, tout en cherchant les meilleures voies pour l’accompagner dans son évolution vers le numérique.
Toutefois, au-delà de cette indispensable bouée de sauvetage, il serait nécessaire d’envisager la refondation globale des aides à la presse.
Disant cela, je pense plus particulièrement à la presse d’opinion, qui souffre aujourd’hui de l’apparition de phénomènes nouveaux : la concurrence des journaux gratuits et des nouveaux médias, la concentration des capitaux, la crise des contenus et, notamment, la remise en cause de la crédibilité des informations. Les statuts de plus en plus précaires des journalistes contribuent à cet état de crise. Si des aides importantes iront aux coopératives, aux coûts d’impression, au portage, aux kiosques, aux marchands de journaux, n’oublions surtout pas les journalistes et défendons tout ce qui pourrait garantir le pluralisme.
L’aide publique doit aussi favoriser les dispositifs les plus innovants, susceptibles de faire émerger la presse de demain. Ainsi, le soutien accordé cette année au développement de la presse en ligne, porté à 20 millions d’euros, est très important.
D’ailleurs, la loi du 12 juin 2009, dite HADOPI 1, a permis d’instituer un statut d’éditeur de presse en ligne et ouvert la possibilité, pour les journalistes, de bénéficier d’une exploitation multi-supports de leurs œuvres.
Pourtant, la presse se trouve bel et bien dans une période de crise profonde, dont les causes sont liées non seulement aux orientations budgétaires, mais aussi à la politique du Gouvernement.
Ah bon ?
L’association critique non seulement les « mises en examen, placements en garde à vue et perquisitions dans les médias », mais aussi « l’ingérence des autorités politiques ». C’est indigne d’une démocratie moderne. La liberté d’expression semble en péril.
Par conséquent, monsieur le ministre, malgré l’apparente sincérité du budget que vous nous présentez et l’importance des aides accordées, notamment en faveur de la presse, la majorité du groupe RDSE ne votera pas les crédits de la mission « Médias ».
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'examen du budget de l’audiovisuel nous donne l’occasion de faire un premier bilan de la loi du Président Nicolas Sarkozy supprimant la publicité et nommant les présidents de France Télévisions et de Radio France.
Mais, avant tout, je veux caractériser ce que veut faire le Gouvernement de l’AFP, troisième agence mondiale d’information, les deux autres étant anglo-saxonnes.
Va-t-on l’affaiblir, lui donner un nouvel élan garantissant son indépendance ? On nous parle de modernisation. Le PDG, Pierre Louette, lors de sa nomination, affirmait que les termes de l’article 2 du statut historique de l’AFP, élaboré en 1957, permettaient d’assumer les mutations. Or le Gouvernement lui a imposé un statut « clef en main », transformant l’AFP en société nationale de droit commun à capitaux publics. Jusqu’à quand ?
Les personnels de l’AFP ne veulent pas de ce nouveau statut. Ils connaissent une grande précarisation et, surtout, ils ont un souci essentiel : sauvegarder l’indépendance de l’agence. Nous sommes totalement solidaires des personnels et de sa grande composante journalistique.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, venons-en maintenant à France Télévisions, contre qui M. Sarkozy a prononcé une double peine : celle de l’étatisme, l’exposé des motifs de la loi conférant à France Télévisions un rôle de grand éducateur des populations ; celle de l’affairisme, les télés privées se voyant octroyer des plages de publicité supplémentaires, notamment au travers des coupures publicitaires dans les fictions, en application généreuse de la récente directive européenne « SMA ».
France Télévisions était fragile avant le vote de la loi, elle l’est tout autant depuis, et même encore plus.
Il y a en effet l’offensive du lobby TF1, comme on l’a vu au travers des amendements déposés en première partie de la loi de finances, amendements heureusement rejetés.
Il y a la diminution par le Gouvernement des 450 millions d’euros promis en compensation de la perte de publicité. Devant la réussite d’un plan publicitaire dynamique et adapté par les personnels de la régie, le Gouvernement a retenu 35 millions d’euros, qui auraient été bienvenus pour diminuer le déficit de France Télévisions.
Il y a la décision de la Commission européenne de faire un contrôle strict de France Télévisions pour remettre en cause les 450 millions d’euros.
Il y a les protestations des fournisseurs d’accès contre la taxe de 0, 9 % sur leur chiffre d’affaires créée par la loi, étant donné le rôle qu’ils jouent dans le domaine de l’image et leur absence de contribution à sa vie.
Il y a le plan visant au départ à la retraite non remplacé de 900 personnes, la renégociation de la convention collective avec une date butoir en 2010, le développement du global média sans financement spécifique, la volonté de vendre tout de suite la régie publicitaire.
Il y a le contenu du plan d’affaires signé entre l’État et France Télévisions en juin dernier, confirmant un déficit à France Télévisions.
Voilà une liste bien longue, assiégeant littéralement la maison et accentuant sa fragilité.
Ainsi, la réforme sarkozienne n’a pas les qualités que d’aucuns lui trouvaient. Tout cela « bourdonne d’essentiel » dans la maison.
En cet instant, après avoir rencontré des militants syndicaux, j’ai eu envie de donner la parole à l’un d’entre eux. On n’écoute pas assez les syndicalistes. Or nombre de réunions ont lieu à France Télévisions. Il s’agit d’un syndicaliste CGT, Marc Chauvelot : il est à France Télévisions comme un poisson dans l’eau, il y travaille depuis longtemps, il aime cette maison.
Voici, en substance, ce qu’il a déclaré : « Le modèle économique de transition de France Télévisions ne fonctionne pas bien. Rien ne s’est passé comme prévu et, pour les années qui viennent, rien n’est vraiment stabilisé. La régie publicitaire qu’on croyait blessée à mort par l’annonce du 8 janvier 2009 a résisté : 350 millions d’euros, au lieu des 260 millions d’euros estimés. En cause, la stratégie commerciale de TF1, qui a voulu profiter de sa situation de monopole en prime time pour imposer des tarifs trop élevés. En cause, la reconnaissance du marché des annonceurs, qui ont maintenu leurs investissements sur France Télévisions. En cause, l’esprit de fierté des commerciaux de FTP, qui ont voulu démontrer leur savoir-faire.
« Par contre, la publicité régionale et le parrainage en région et au niveau national connaissent un grand retard. Or, ce sont eux qui sont censés rester après 2011. On est à près de 10 millions de retard dus à la réduction des programmes courts, compte tenu du démarrage des programmes de prime time à vingt heures trente pour France 2 et France 3 et le compactage de la tranche de 19-20 sur France 3.
« Il y a eu aussi la crise économique. Les annonceurs ont favorisé leurs investissements en publicité classique.
« Mais c’est la stratégie de France 3 qui pèche. La valorisation des programmes nationaux au détriment des programmes régionaux. Moins de programmes régionaux, moins de publicité régionale. S’y ajoute la perte d’audience de France 3, qui n’est pas bien positionnée dans le référencement.
« Au-delà, se pose la question cruciale du modèle économique de transition, mais aussi du modèle économique définitif.
« Les 450 millions d’euros censés compenser la suppression de la pub après vingt heures ne sont toujours pas garantis au-delà de 2011. La compensation des recettes publicitaires en journée n’a aucun mécanisme dans la loi ».
Marc Chauvelot déplisse alors ce que j’ai expliqué au début de mon propos.
Il poursuit : « Il y a nécessité d’élargir le débat. En 2009, rien ne s’est passé comme prévu, il faut revoir le modèle économique de France Télévisions, la trajectoire du plan d’affaires et le contrat d’objectifs et de moyens.
« Nous demandons d’abord le maintien du droit, pour les antennes de France Télévisions, de faire de la publicité avant vingt heures.
« Nous demandons le maintien de la publicité en outre-mer – 25 millions d’euros de chiffre d’affaires, 10 % du budget global de RFO –, qui ne sera pas de trop pour permettre à RFO de jouer pleinement son rôle dans le déploiement de la TNT.
« Nous proposons que les 450 millions de compensation de la suppression de la publicité après vingt heures soient intégrés dans le budget général de l’État et – pourquoi pas ? – reportés à terme sur le niveau et l’assiette de la redevance, constituant une seule ressource publique “fléchée”.
« Nous militons pour le maintien et la montée en charge d’une activité commerciale intégrée à France Télévision et gérée par FTP.
« Il faudra revoir les droits patrimoniaux sur les œuvres qui ne peuvent continuer à échapper aux premiers financeurs que sont les chaînes publiques.
« Il faut que l’offre commerciale en région sur tous les supports s’appuie sur la pérennité des programmes de France 3. Il y a un immense potentiel inexploité, largement supérieur aux 30 millions d’euros de chiffre d’affaires que représentait la publicité régionale dans le budget 2008.
« Le point de vue doit changer avec la nouvelle donne qui maintient intégralement la publicité sur les décrochages régionaux.
« Aujourd’hui, France 3 est en déshérence et n’a pas de politique de développement. Il devrait y avoir des idées de programmes régionaux en prime time, ce qui offrirait des possibilités de syndication publicitaire.
« Il y a toute une dimension à développer en région. Il y a de vraies perspectives commerciales. Il y aurait encore à dire mais j’ai voulu me concentrer sur la pérennité à assurer de France télévision.
« Je plaide avec mes camarades pour le maintien d’un financement mixte, un panachage, une diversification des ressources qui garantisse sur le long terme un financement pérenne et dynamique.
« Une dernière remarque : le temps de France télévision n’est pas celui du politique. C’est l’épreuve du réel qui doit nous guider. »
S’agissant de la discussion budgétaire, ce délégué syndical et moi-même nous sommes polarisés sur le statut financier de France Télévision. C’est bien normal !
Mais je n’oublie pas les raisons d’un service public de radio télévision, outil extraordinaire, dont la dimension populaire est exceptionnelle, qui est le principal lien social, ce qui explique son histoire tourmentée, qui doit être fidèle à un certain nombre de principes.
France Télévisions est confrontée à des défis nombreux et fondamentaux, ceux de la diversité et du pluralisme, de l’indépendance, de l’investissement dans les contenus, de la protection des œuvres, de leurs auteurs et de leurs interprètes, des nouvelles technologies.
C’est un décisif service public dont le financement reposerait exclusivement sur la redevance mise à niveau et sur une part publicitaire plafonnée, la nomination de son PDG relevant du vote de son conseil d’administration.
C’est à nous, avec les téléspectateurs, avec les personnels, avec ceux qui font la télévision de relever ces défis. La télévision et la radio publiques en sont une partie essentielle, y compris RFI, si malmenée actuellement.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis plus de vingt ans, il existe en France un large consensus politique pour reconnaître la nécessité de donner plus d’efficacité, plus de cohérence et plus de lisibilité à notre dispositif d’action audiovisuelle extérieure, dont les moyens sont saupoudrés entre des organismes différents et souvent même concurrents.
L’enjeu majeur et urgent aujourd’hui est la mise en œuvre de l’organisation de l’audiovisuel extérieur de la France, dont la réforme, voulue par le Président de la République, s’inscrit dans cette perspective après la création, en 2008, de la holding Audiovisuel extérieur de la France, AEF, avec l’État comme unique actionnaire.
Si nous voulons être constructifs, soyons d’abord critiques et employons-nous à être le plus objectifs possible dans nos analyses.
Le constat est simple. La France a disparu des radars sur la scène internationale. Aujourd’hui, les esprits sont majoritairement façonnés par CNN, BBC et Al Jazeera. Si la France veut retrouver toute sa place dans l’univers des médias internationaux, elle n’a pas d’autre choix que de rendre ses médias plus compétitifs.
Mais le pilotage de l’État reste encore flou. La stratégie de l’audiovisuel extérieur serait dévolue, au sein du ministère des affaires étrangères et européennes, à la direction générale de la mondialisation, du développement et des partenariats, la DGM, créée en mars 2009, qui a pour mission d’organiser la stratégie de la France dans tous les domaines, hormis la défense.
Si le programme 115 relève de la responsabilité de la direction du développement des médias, la DDM, pour le compte du Premier ministre, les décisions stratégiques ne sembleraient pas de son ressort. Au ministère de la culture et de la communication, on affirme pourtant « l’importance de l’audiovisuel extérieur ».
La nomination en avril 2009 de Louis de Broissia au titre d’ambassadeur chargé de l’audiovisuel extérieur, très bon connaisseur de l’audiovisuel au demeurant, et qui doit faire un rapport au printemps 2010, vient s’ajouter à nos interrogations sur le pilotage géostratégique d’un État actionnaire en mal de repères.
La lisibilité de la stratégie de l’audiovisuel extérieur passe, à l’évidence, par l’identification du pilote dans l’avion. La Cour des comptes ne s’y est pas trompée dans son rapport public de 2009, en renvoyant au politique l’arbitrage entre les différents acteurs et, en dernière analyse, en s’interrogeant sur le retour sur investissements des fonds publics engagés à ce jour dans l’audiovisuel extérieur : 316, 6 millions d’euros, soit une augmentation de 6 % par rapport à l’exercice 2009.
En tant que représentant du Sénat au conseil d’administration de la société Audiovisuel extérieur de la France, je ne peux, certes, que m’en féliciter. L’État actionnaire prend au moins la mesure de l’enjeu, à défaut de pouvoir organiser celle-ci dans les meilleures conditions.
Je tiens toutefois à souligner les incertitudes qui pèsent sur la répartition par la holding Audiovisuel extérieur de la France de sa dotation publique entre Radio France Internationale, France 24 et TV5 Monde. Le contrat d’objectifs et de moyens pour la période 2009-2013, qui devrait définir la clé de répartition, n’a toujours pas été signé entre l’État et la holding AEF. Cette difficulté n’est pas étrangère à la situation sociale délicate que connaît RFI. Le pilotage stratégique de la holding pâtit de l’absence d’une concertation interministérielle opérationnelle.
En 2004, la question d’un plan de réorganisation de RFI avait déjà été posée aux administrations publiques de tutelle, sourdes à cette nécessité. Cette politique de l’autruche a fini par gangréner le climat social à RFI ; on en voit aujourd’hui les résultats.
Envisageons cependant l’avenir avec confiance. Alors que le plan de sauvegarde de l’emploi à RFI, conçu pour maîtriser les déficits récurrents, est encore en cours de négociation, va-t-on enfin doter RFI des moyens de se développer et de sortir de l’engrenage dans lequel l’actionnaire unique l’a conduit ? Va-t-on l’aider à stopper son déficit chronique ? Va-t-on l’aider à relancer ses audiences ? Le contrat d’objectifs et de moyens en préparation prévoit-il le développement de la diffusion de RFI en FM ? On le voit bien aujourd’hui, notre monde bascule dans l’univers des nouvelles technologies. Pensez-vous, monsieur le ministre, accompagner RFI dans sa mutation du multimédia ?
S’agissant de France 24, une idée du Président Jacques Chirac reprise par le Président Nicolas Sarkozy, quels sont les moyens qui vont être mis à disposition de la holding pour faire en sorte que cette chaîne puisse devenir mondiale, donc compétitive sur le marché d’informations internationales ?
Alors que la France préside l’Union pour la Méditerranée, peut-elle sincèrement se contenter d’une chaîne qui ne diffuse que dix heures d’arabe, langue stratégique, aux côtés, naturellement, du français et de l’anglais ?
Pour ce qui est de TV5 Monde, chaîne multilatérale francophone et société partenaire d’Audiovisuel extérieur de la France, qui possède 49 % de son capital, vous n’êtes pas sans savoir, monsieur le ministre, le rôle essentiel de cette chaîne auprès des communautés françaises expatriées sur les cinq continents, des francophones et des francophiles, ni sans connaître la remarquable offre éducative pour apprendre et enseigner le français sur son portail, outil précieux qui permet de traverser les murs de l’école pour partir à la recherche de l’actualité politique et culturelle.
L’enveloppe dédiée aux programmes de TV5 Monde ne cesse pourtant de se dégrader en raison d’une gouvernance financière complexe et dont les clés de répartition entre « frais communs » de fonctionnement entre partenaires francophones et « frais spécifiques » français ne nous avantagent guère.
La variable d’ajustement de la part française du budget de TV5 Monde est ainsi nécessairement l’enveloppe dédiée aux programmes. Depuis 2007, la progression insuffisante de la subvention française et les régulations qu’elle a connues ont entraîné une diminution de l’enveloppe consacrée aux programmes français : elle est passée de 15, 6 millions d’euros en 2007 à 13, 9 millions en 2009, et chuterait encore à 12, 1 millions d’euros en 2010 si le premier arbitrage financier est maintenu.
Toujours est-il qu’il manque au prochain budget de TV5 Monde 2, 9 millions d’euros pour maintenir le niveau de sa programmation d’œuvres françaises. Ce manque nous empêche, en outre, de répondre aux obligations légales contrôlées par le CSA : 2, 9 millions d’euros, c’est 20 % du budget actuel des programmes français.
Si ces acquisitions sont déterminantes pour la production française et leur diffusion à l’international, pourquoi la chaîne ne trouve-t-elle pas, monsieur le ministre, les moyens de les financer par redéploiement ou augmentation de ses ressources propres ?
Soyons clairs sur ce point. Si les arbitrages budgétaires aboutissent à refuser les 2, 9 millions d’euros demandés, c’est un coup d’arrêt qui est donné à l’exposition de la création française à l’international : cinéma, fiction, théâtre et documentaires La décision, là encore, n’est pas seulement d’ordre budgétaire : elle relève d’un réel choix politique qui engage l’avenir. Monsieur le ministre, nous attendons des engagements.
Enfin, la présence médiatique de la France à l’extérieur ne saurait se limiter à l’audiovisuel. L’Agence France-Presse joue également un rôle primordial : elle est la seule agence d’information mondiale non anglophone et diffuse ses services en six langues, ce qui fait d’elle une entreprise française de la diversité culturelle bien avant la lettre.
L’AFP produit des dépêches, des photos, des infographies, de la vidéo et des documents multimédias d’une forte notoriété et d’une crédibilité incontestée. Son statut actuel, une entreprise sans capital et sans actionnaires, est, certes, original, mais inadapté au contexte opérationnel et compétitif d’aujourd’hui qui la prive de possibilité de financements suffisants.
L’AFP étant, en outre, dans l’impossibilité de financer sur ses fonds propres une croissance par acquisition qui lui serait indispensable, c’est le principe même de sa gouvernance actuelle qui est ainsi remis en question.
Á la demande de la puissance publique, qui représente 40 % de ses ressources d’abonnement, l’AFP a formulé une proposition de réforme du statut de l’entreprise axée sur la transformation en société nationale à actions, dont le capital serait détenu par l’État ou d’autres entités publiques, avec une participation minoritaire des personnels, et, parallèlement, la création d’une entité indépendante chargée de garantir l’indépendance rédactionnelle de l’AFP.
Je souhaiterais connaître, monsieur le ministre, la position du Gouvernement sur cette proposition, efficace compromis entre l’impératif absolu d’indépendance et la nécessité de doter l’AFP d’un actionnaire stratégique de long terme. Entendez-vous y donner suite en déposant un projet de loi en 2010 ?
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à saluer l’effort financier sans précédent qui a été fait par le Gouvernement, puisque trois programmes sur quatre de la mission « Médias » voient leurs autorisations budgétaires augmenter par rapport à l’année passée : plus 48, 3 % pour le programme « Presse » ; plus 9, 33 % pour le programme « Soutien à l’expression radiophonique locale » ; plus 5, 2 % pour le programme « Contribution au financement de l’audiovisuel ».
Il est toutefois regrettable que le programme « Action audiovisuelle extérieure de la France », lui, perde 14, 5 % de ses attributions.
Je tiens également, neuf mois après l’adoption du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision, réforme qui a suscité de nombreux débats au sein de notre Haute Assemblée et des inquiétudes chez les professionnels, profiter de l’examen du projet de loi de finances pour 2010 pour en esquisser un bilan et évoquer les enjeux à venir dans l’univers des médias.
Les défis sont particulièrement nombreux dans ce secteur, qui doit affronter un paysage télévisuel transformé en profondeur, une croissance exponentielle des nouvelles technologies, le tout dans un contexte de crise économique générale qui complexifie la donne.
En effet, le mode de financement traditionnel et, pour certains, principal, des médias est touché de plein fouet par une double crise. La première est structurelle, puisque liée à la fragmentation des audiences sur l’ensemble des supports médiatiques et à l’arrivée de nouveaux médias à la puissance décuplée, notamment internet. La seconde est conjoncturelle, car la réduction des dépenses des annonceurs, amorcée en 2008, s’aggrave du fait de la dépression économique et financière actuelle, dépression dont on ne saurait dire avec assurance quand elle s’achèvera.
Il est incontestable que tous les acteurs ont accompli de réels efforts pour mener à bien les objectifs qui leur étaient fixés. Mais pour que cette importante réforme soit pleinement réussie, les actions engagées doivent être poursuivies et les efforts financiers soutenus.
Je veux donc revenir plus particulièrement sur certaines actions engagées par les acteurs de la réforme.
Tout naturellement, c’est d’abord de l’audiovisuel public que je souhaiterais parler. Comme Michel Thiollière tout à l’heure, je salue l’effort entrepris dans ce secteur, puisque France Télévisions n’a jamais connu un financement aussi important.
L’entreprise nous paraît plus que jamais déterminée à mettre en œuvre la réforme. Cela passe, notamment, par la transformation en une entreprise unique, le groupe France Télévisions, et une complète réorganisation interne globale avec la mise en place d’une organisation matricielle.
En 2010, le groupe devra mener un chantier ambitieux : la renégociation des conventions collectives et accords d’entreprise. Cette révision est devenue une réponse indispensable à l’évolution des métiers de l’audiovisuel et aux bouleversements techniques et économiques qu’a connus le secteur.
Par ailleurs, la mission « Avances à l’audiovisuel public » connaît un resserrement de son périmètre plus conforme à la vocation d’une ressource affectée aux organismes de l’audiovisuel public.
Sort ainsi du champ de la mission le programme 846 « Passage à la télévision tout numérique », qui avait permis l’attribution de 15 millions d’euros issus du produit de la redevance audiovisuelle au GIP France Télé Numérique.
De fait, le produit de la « contribution à l’audiovisuel public » se trouve à nouveau intégralement reversé aux organismes de l’audiovisuel public. Je rappelle ici que ce mode financement découle d’un amendement qui avait été défendu dans cet hémicycle.
Je souhaiterais également revenir sur la suppression de la publicité sur le service public.
Perçue comme satisfaisante par l’ensemble des téléspectateurs, cette réforme incite France Télévisions à poursuivre sa réflexion et ses efforts, car les parrainages seront mieux encadrés.
Il faut également souligner les efforts du groupe France Télévisions, puisque le retour à l’équilibre budgétaire est envisagé dès 2011, soit un an plus tôt que ce qui avait été prévu initialement.
Enfin, un certain nombre de dispositions issues de la loi devraient permettre le suivi et l’amélioration des programmes. Tel est l’objectif du Conseil des téléspectateurs mis en place par France Télévisions, conseil qui s’est réuni pour la première fois cette semaine, ainsi que du Comité pour la diversité, installé en juillet dernier.
Ce budget traduit les bonnes orientations de la réforme.
C’est le cas pour la redevance, dont la rénovation, largement impulsée par le Sénat, porte ces fruits. Même avec les 2 euros supplémentaires que nous avons votés, apport important dans le budget de France Télévisions, la redevance reste à un niveau raisonnable et nettement inférieur à ceux que connaissent nos voisins européens.
L’indexation enfin actée de la contribution à l’audiovisuel public sur l’indice des prix à la consommation était une réforme souhaitée de longue date et, on s’en rappelle, un combat mené par notre assemblée. Aujourd’hui, qui s’en plaindrait ? Cette évolution, par ailleurs légitime économiquement, va en effet permettre d’assurer un certain dynamisme de la principale ressource des organismes de l’audiovisuel public.
Si ces mesures budgétaires sont importantes, c’est également le cas des défis à relever pour ce secteur, qui doit affronter le basculement vers l’ère numérique. Des interrogations persistent à ce sujet concernant la TNT, la télévision mobile personnelle et la radio numérique terrestre.
Pour la TNT, il faudra veiller à ce qu’il n’y ait aucun « laissé pour compte ». Nous devons particulièrement accentuer nos efforts, on l’a dit, sur la communication et l’information à ce sujet, car bon nombre d’élus font part de leur crainte de « l’écran noir ».
La télévision mobile personnelle cherche toujours son modèle économique. Toutefois, les conclusions de la mission confiée à M. Cyril Viguier semblent avoir redonné un certain dynamisme au dossier, l’ensemble des éditeurs ayant remis leurs conventions au Conseil supérieur de l’audiovisuel dans le délai imparti.
La radio numérique terrestre devrait faire son apparition sur les ondes à la fin de l’année 2009 sur trois zones couvrant 15 % de la population. Le probable semestre de retard par rapport au calendrier témoigne des interrogations qui subsistent. On doit encore préciser le mode de financement du projet, notamment pour les radios associatives.
Nous aborderons ce dernier thème lors de la table ronde du 15 janvier prochain organisée par le groupe d’études médias et nouvelles technologies.
Pour autant, la réforme de l’audiovisuel engagée par le texte voté cette année reste à réussir, à compléter, à adapter.
S’agissant notamment de la redevance, je rappelle que le Premier ministre avait promis la constitution d’un groupe de travail sur sa modernisation pour faire suite aux amendements qui avaient été déposés. Nous espérons, monsieur le ministre, que celui-ci pourra voir le jour très rapidement.
Plus généralement, je pense qu’il faut encore améliorer l’information à propos de cette contribution à l’audiovisuel public, pour la faire mieux accepter par nos concitoyens. Combien de Français savent aujourd’hui à quoi sert cette taxe et ce qu’elle finance ? Combien d’entre eux peuvent dire combien ils payent à ce titre ?
Un effort pédagogique me semble absolument indispensable, et il sera encore plus efficace si nos concitoyens voient sur leurs écrans la différence entre le service public et les chaînes privées.
Nous avons d’ailleurs adressé avec Michel Thiollière un courrier à Mme Lagarde et M. Woerth dans lequel nous regrettons que, contrairement à ce qui a été décidé, l’appellation « contribution à l’audiovisuel public » n’ait pas été retenue.
Enfin, concernant la taxe sur le chiffre d’affaires de la publicité des chaînes privées, je déplore, même si le débat à bien eu lieu lors de l’examen de la première partie du projet de loi de finances, que l’amendement prévoyant l’adaptation de cette taxe et sa progressivité en fonction de l’évolution effective du marché n’ait pas été adopté.
Je conclurai en évoquant la presse.
La hausse significative des crédits publics démontre que l’État a rapidement mis en œuvre les engagements pris à l’issue des états généraux de la presse écrite. Il était primordial que le Gouvernement soutienne ce secteur – force est de constater qu’il traverse une crise aiguë – notamment en prévoyant les moyens nécessaires à sa modernisation.
Il ne faut d’ailleurs pas oublier que l’augmentation des crédits permettra d’assurer le pluralisme du secteur, ce qui devrait rassurer nos collègues portés au scepticisme.
Inutile d’ajouter, monsieur le ministre, que le groupe de l’Union centriste votera vos crédits.
Applaudissements sur les travées de l ’ Union centriste et de l ’ UMP.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon propos portera exclusivement sur le secteur de l’audiovisuel.
Premier budget après le récent bouleversement du cadre législatif du média audiovisuel, l’examen de la mission « Médias » pour 2010 constitue, en quelque sorte, un « rendez-vous vérité », en particulier au regard du dispositif de financement.
Lors de son examen, nous avions insisté sur la fragilité de l’audiovisuel public et de la création audiovisuelle, sur le contexte économique défavorable à une telle réforme.
Nous avions également dénoncé un système de financement hypocrite et pervers, qui liait la télévision publique à la santé de la publicité sur les chaînes privées, et préconisé, si suppression de la publicité sur la télévision publique il devait y avoir, le financement de celle-ci par une redevance audiovisuelle rénovée. Aujourd’hui, où en sommes-nous ?
Les velléités de modification du régime de la taxe, sans même attendre l’arrêt des comptes 2009, montrent la fragilité du modèle économique de cette réforme audiovisuelle.
M. le Président de la République avait assuré que chaque euro de publicité en moins pour le service public serait compensé par un euro public. Il n’en est rien : les crédits du programme 313, destinés à compenser la perte de recettes publicitaires et dégagés par le biais des nouvelles taxes, sont en diminution. De 473 millions d’euros en 2009, ils sont passés à 457, 9 millions d’euros pour 2010, alors même que, sur cette somme, seront prélevés 40 millions d’euros pour financer le GIP France Télé Numérique.
Non seulement l’enveloppe de ce programme a été revue à la baisse, mais son périmètre a parallèlement été élargi.
Certes, la clarification du mode de financement du GIP va dans le sens demandé par le Parlement, mais le rattachement de celui-ci au programme 313 se fait encore au détriment de l’audiovisuel public et de France Télévisions en particulier.
Ajoutons à cela l’amputation de 35 millions d’euros sur le surplus de 105 millions d’euros de recettes publicitaires de France Télévisions par le Gouvernement, alors que le déficit du groupe s’élève à 137 millions d’euros. Non seulement le Gouvernement n’honore pas ses engagements, mais il ponctionne les bons résultats du groupe, au motif qu’ils sont supérieurs aux prévisions de l’État, tout en lui demandant des comptes à l’équilibre, alors même qu’il a été maintenu en sous-financement chronique.
Je souhaiterais attirer votre attention, monsieur le ministre, sur la situation financière d’Arte.
Arte France devra faire face, en 2010, à des coûts non prévus lors de l’établissement de son contrat d’objectifs et de moyens 2007-2011.
Pour 2010, le coût total de diffusion devrait être de 28, 8 millions d’euros, soit un surcoût de diffusion de 9, 15 millions d’euros par rapport au contrat d’objectifs et de moyens.
Sur toute la durée du contrat d’objectifs et de moyens, c'est-à-dire de 2007 à 2011, les coûts de diffusion auront progressé de 49 %, GIP compris, et le surcoût de diffusion par rapport au contrat d’objectifs et de moyens devrait atteindre 22 millions d’euros en cumulé, hors diffusion outre-mer, sachant qu’Arte ne gagne pas d’argent sur l’arrêt de l’analogique.
L’an passé, avec l’autorisation de l’État, la chaîne a dû opérer un prélèvement sur le fonds de roulement et consacrer l’augmentation prévue au contrat d’objectifs et de moyens, normalement destinée à abonder le budget de programmes en 2009, soit 5, 1 millions d’euros, au surcoût de diffusion.
Les 3 millions d’euros supplémentaires que vous avez la gentillesse d’allouer pour 2010 à la chaîne afin qu’elle puisse faire face aux surcoûts sont insuffisants. Or Arte n’a plus de marge de manœuvre, sauf à prendre une partie des sommes allouées à ses programmes, donc à pénaliser la création audiovisuelle et son développement sur les nouveaux médias.
La situation à Radio France internationale, après l’absorption en 2009 de cette société par l’AEF, est très préoccupante, notamment en termes de ressources humaines.
Après la suspension, par la cour d’appel, du premier plan social prévoyant 206 suppressions d’emplois sur 1000, le 28 septembre 2009, un deuxième plan social a été présenté le 23 octobre dernier, plan qui prévoit toujours 206 suppressions d’emplois.
Pas plus que le premier, ce deuxième plan ne semble pas répondre aux demandes relatives aux mesures de reclassement formulées par la cour d’appel, laquelle avait préconisé « une recherche effective et sérieuse des offres de reclassement existantes au sein de toutes les sociétés de l’audiovisuel public ». D’ailleurs, seule la CFDT négocie avec la direction, les autres syndicats estimant ce plan « plus illégal que l’ancien ».
Il faut aussi souligner que le lien fait par la direction de la holding entre la situation financière de RFI et la nécessité du plan de sauvegarde de l’emploi est loin d’être démontré par la réalité des chiffres : aucune corrélation ne peut être trouvée entre la masse salariale et le déficit de RFI issu, là encore, d’un sous-financement chronique.
Dans le même temps, France 24, dont la Cour des comptes a déjà pointé le coût exorbitant, procédait à de nombreuses embauches en ne prévoyant aucune possibilité de reclassement pour des salariés volontaires de RFI, tout comme la holding AEF elle-même, et ce y compris pour des postes non prévus dans l’effectif initial.
La direction d’AEF semble peu préoccupée par la rigueur de gestion et la maîtrise des coûts de la holding, dont les charges sont en dérapage significatif. Dans ces conditions, nous ne pouvons que nous étonner de la hausse de 6 % de ses crédits pour 2010, allouée, cette fois encore, en dehors de tout objectif ou indicateur de performance précis, en dehors de tout plan stratégique – plan pourtant exigé par la convention de subvention de mai 2008 –, en dehors, enfin, du contrat d’objectifs et de moyens, dont le point de démarrage devait pourtant être l’année 2009.
L’ensemble des ressources publiques d’AEF n’auront donc été assorties d’aucune contractualisation concernant leur usage et leur affectation.
De la sorte, le rapport de la Cour des comptes – datant pourtant de 2008 – qui soulignait « une absence de vision d’ensemble, des choix stratégiques différés, un coût global croissant et l’absence de mesure satisfaisante de la performance » de la part de la société AEF est toujours d’actualité.
Bien sûr, il revient également à la tutelle de reconnaître sa part dans cette gouvernance défaillante.
Je pense inutile, mes chers collègues, de vous préciser l’orientation pour laquelle optera mon groupe : la teneur critique de mes propos la laisse aisément présager.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vais vous parler à mon tour de la politique audiovisuelle extérieure de la France. Celle-ci doit être plus cohérente, avec une stratégie plus lisible et une efficacité accrue.
La création de la holding Audiovisuel extérieur de la France, en avril 2008, s’inscrit dans une telle perspective. Cette structure, qui détient 100 % du capital de Radio France Internationale et de France 24, chaîne d’information, ainsi que 49 % de celui de TV5 Monde, chaîne généraliste partenaire de la holding, doit permettre une meilleure coordination de ces différentes entités pour favoriser un véritable rayonnement de notre langue, de notre culture, de notre pays et de notre vision du monde. Comment ne pas approuver un tel programme ? Mais qu’en est-il, en définitive ?
Certes, le projet de loi de finances prévoit une augmentation des crédits de la mission et même 4, 1 % de hausse réelle pour l’AEF. Il n’en demeure pas moins que la réforme n’a pas, pour le moment, tenu ses promesses et suscite encore de nombreuses interrogations.
Revenons rapidement sur le passé récent et sur les couacs intervenus au moment de la constitution de la holding.
TV5 Monde a été créée, certes sur l’initiative de la France, mais aux côtés des Suisses, des Belges, des Québécois et des Canadiens. L’annonce de la réforme a suscité de multiples interrogations de leur part et la crainte d’une absorption pure et simple par la holding. Après de longs mois de zizanie, un compromis a été trouvé et l’autonomie de TV5 Monde finalement préservée. Mais nous ne sommes pas passés loin de la rupture.
Venons-en à la situation à RFI. Troisième radio internationale après BBC World Service et Voice of America, émettant en français et dans près de vingt langues, RFI a connu le plus long conflit de l’histoire de l’audiovisuel public. Depuis des mois, ses salariés se battent contre un plan social prévoyant 206 suppressions d’emploi sur 1 100 au total, et la fermeture de ses bureaux allemand, albanais, polonais, serbo-croate, turc et laotien.
Malgré l’ampleur de la contestation, la direction n’a jamais semblé prête à négocier. Elle a même pris la décision, à un certain moment, de remplacer les techniciens grévistes par des non-grévistes sur l’antenne en français, ce qui a bien entendu attisé la colère du personnel, qui a vu dans cette attitude une remise en cause du droit de grève.
Outre cet insupportable « autisme » de la direction, comment accepter que RFI licencie, alors que, dans le même temps, France 24 embauche ?
Comment expliquer que, d’un côté, l’on considère que la masse salariale de RFI est trop élevée, et que, de l’autre, une augmentation spécifique d’un million et demi d’euros, pour payer le salaire de ses dirigeants, soit inscrite au budget de l’AEF ?
Fin septembre, la cour d’appel de Paris a suspendu le plan social. Un plan de départ volontaire a été mis en œuvre. Il est encore trop tôt pour en dresser le bilan. Mais il importe d’éviter que le conflit ne s’enlise encore, au détriment de tous : salariés de RFI, direction, mais aussi les millions d’auditeurs, Français établis à l’étranger, bien sûr, mais aussi francophones et francophiles à travers le monde.
Monsieur le ministre, dans l’hypothèse où des départs contraints seraient nécessaires, un médiateur doit être désigné pour procéder, dans les meilleures conditions, à l’étude effective et complète de toutes les possibilités de reclassement.
Le comité d’entreprise a, quant à lui, décidé de saisir le Conseil d’État en référé, afin que soit ordonné aux ministères de tutelle de faire toute la lumière sur le contenu du contrat d’objectifs et de moyens de l’Audiovisuel extérieur de la France. Ce contrat doit exposer la totalité des ressources dont dispose RFI pour les années 2009 à 2013. Le comité d’entreprise estime qu’aucun licenciement économique ne peut être justifié tant que les moyens de l’AEF n’ont pas été dévoilés.
En effet, le contrat d’objectifs et de moyens que l’AEF doit signer avec l’État et qui, selon Mme Albanel, était sur le point d’aboutir il y a six mois déjà, se fait toujours attendre. Mais d’après le président Alain de Pouzilhac, sa signature n’interviendra qu’une fois le plan de mise à l’équilibre de RFI réalisé. Pourtant, n’est-ce pas justement ce contrat d’objectifs et de moyens qui doit définir les perspectives de retour à l’équilibre financier ?
Bref, un dialogue de sourds persiste toujours entre syndicats et direction de RFI. Nous sommes encore très loin, malheureusement, du climat de confiance indispensable à une sortie de crise.
Devant ces incertitudes, il nous paraît difficile de voter les crédits de la mission « Médias ». Nous voterons donc contre.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je serai bref, car l’essentiel a été dit par mes collègues. Je souhaite surtout vous sensibiliser sur la conviction, largement partagée ici, que l’audiovisuel public a un rôle fondamental à jouer dans le paysage audiovisuel français. On ne doit donc pas baisser la garde.
J’entends de nombreux satisfecit : la réforme aurait réussi, la suppression de la publicité après vingt heures serait un succès et les recettes publicitaires de cette année, supérieures aux attentes, seraient un signe encourageant.
L’ambition de France Télévisions, au-delà de la suppression de la publicité, est d’engager une réforme fondamentale, celle du média global, qui suppose d’être à la pointe de la révolution numérique. Cette grande réforme, qui doit placer le secteur de l’audiovisuel public dans une position dynamique face à la concurrence, nécessite beaucoup de moyens, alors même que France Télévisions est en déficit.
Il faudra investir massivement avant de recueillir les bénéfices de la rationalisation, car, dans un premier temps, affronter la concurrence internationale et celle du secteur privé coûtera cher. Il ne faut pas en attendre de résultats immédiats, malgré le guichet unique et le média global.
Au sein de la commission Copé, nous partagions cette analyse ; nous avions ainsi estimé que 200 millions d’euros d’investissement, au moins, étaient nécessaires pour pouvoir profiter, dans un second temps, des retombées de cette réforme. Mais on navigue à courte vue. L’État s’est même permis de ponctionner 35 millions d’euros sur la centaine de millions d’euros provenant des recettes publicitaires supplémentaires obtenues par France Télévisions.
C’est de la mauvaise politique, dans la mesure où cette entreprise est en déficit. Ce qu’il fallait faire, c’était laisser France Télévisions combler son déficit, car les investissements de demain, pour le moment appréciés « à la louche », nécessiteront sans doute encore davantage de moyens. C’est la condition à remplir pour bénéficier, demain, des retombées de la rationalisation.
Des recettes imprévues seront peut-être encore constatées l’année prochaine. Il ne faudra pas, alors, que l’État s’aventure à les ponctionner à nouveau, car ces sommes, modestes au regard de l’énormité de son budget et de ses dépenses, concernent l’ensemble des programmes de France Télévisions, lesquels risquent d’être compromis. On sait en effet que les coupes budgétaires nuisent avant tout à la création. Il ne faudra pas aller dire après, à La Rochelle, que la création est importante ! Actuellement, on ferme le robinet, alors qu’il faudrait, au contraire, laisser plus de latitude !
Mes collègues ont insisté sur les inquiétudes relatives à l’audiovisuel extérieur de la France. Je tenais à rappeler, pour ma part, l’ambition de la réforme de l’audiovisuel public, une réforme qu’il convenait d’accompagner, de rationaliser et d’unifier, même si l’on ne constate pas encore l’ensemble de ses retombées.
Le conflit à RFI doit rapidement prendre fin, pour l’image de ce média, mais aussi pour celle de l’audiovisuel extérieur de la France.
J’en viens à la question de la redevance. Les sénateurs socialistes souhaitaient que l’État compense la perte de recettes liée à la suppression progressive de la publicité non pas par un abondement au budget, mais par une hausse progressive de la redevance ; notre position était claire au sein de cette assemblée. La redevance est en effet une recette pérenne, dont le produit permet de financer directement l’audiovisuel public, indépendamment des aléas du budget de l’État.
Nous ne pouvons qu’être inquiets au vu du déficit du budget général. Je crains en effet que l’on ne nous dise un jour, malgré les engagements pris, qu’il faut réduire le financement de l’audiovisuel public ; c’est ce que nous dira, par exemple, le président de la commission des finances. Or la redevance permettait justement de pérenniser ce financement.
Depuis 2005, le manque à gagner du produit de la redevance s’est accru parce que l’on n’a pas voulu arrondir à l’euro supérieur, mais aussi du fait de l’exonération de la résidence secondaire, et cela a occasionné, à chaque fois, des difficultés supplémentaires pour l’audiovisuel public.
La redevance va augmenter de deux euros. Je suggère que l’on réfléchisse, au moment où les compteurs seront remis à zéro, au passage à la télévision publique sans publicité, et pas seulement après vingt heures. Le financement permettant de pérenniser ce projet ne devra pas être tributaire des aléas du budget de l’État. C’est un point important, notamment pour l’indépendance de France Télévisions : la redevance assure cette indépendance. Lorsque ce sont l’État et le politique qui décident de l’augmentation ou de la diminution du financement de l’audiovisuel public, cette indépendance est affaiblie.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le président de la commission de la culture, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, je veux tout d’abord vous remercier de vos interventions et de vos questions.
Si vous le permettez, je commencerai par les crédits accordés à la presse.
Comme vous, monsieur Assouline, nous sommes convaincus que la presse écrite contribue de manière essentielle à l’information des citoyens, à la diffusion et, en quelque sorte, à l’existence même des courants de pensées et d’opinions. La vitalité de la presse et la perspective d’un avenir assuré constituent un enjeu essentiel de notre vie démocratique.
Avec un budget total de 419, 3 millions d’euros, le projet de loi de finances permet de confirmer et de consolider les mesures exceptionnelles de soutien décidées à l’issue des états généraux de la presse écrite. L’État témoigne ainsi de sa détermination à accompagner dans ses mutations un secteur qui est, avec votre assemblée, l’un des grands creusets du débat démocratique. Il ne contribue pas à aggraver la crise de la presse, bien au contraire.
L’ambition du Gouvernement se décline en deux objectifs essentiels : accompagner résolument le secteur dans sa modernisation et le renouvellement de son modèle économique face à la révolution numérique ; soutenir le développement de la diffusion de la presse et conforter les conditions de son pluralisme et de son indépendance.
Pour ce qui concerne le premier de ces objectifs, l’État doit accompagner les efforts de modernisation du secteur et conforter sa situation économique, ce qui est le meilleur garant de son indépendance. C’est pourquoi nous soutenons en priorité les initiatives structurantes et innovantes, en assurant, sur le long terme, les conditions du développement de la presse écrite sous toutes ses formes, qu’elle soit payante ou gratuite, imprimée ou numérique.
Les crédits dédiés à la presse écrite serviront prioritairement à appuyer les efforts engagés par le secteur pour moderniser ses structures et ses modes de fonctionnement, dans le cadre d’une démarche de contractualisation permettant de définir précisément des objectifs quantifiés et des indicateurs d’efficience associés.
Monsieur Assouline, vous avez évoqué le développement des services de presse en ligne que les pouvoirs publics doivent accompagner. Vous le savez, l’aide directe aux services de presse en ligne a été considérablement redéployée à l’issue des états généraux de la presse et s’élèvera à 20, 2 millions d’euros. Cet encouragement à l’innovation numérique sera encore renforcé par l’extension du régime de provision fiscale pour investissement, prévu à l’article 39bis A du code général des impôts, auquel seront éligibles les éditeurs de presse en ligne.
Et pour affirmer le principe de neutralité technologique entre supports numérique et imprimé, notons que le régime en faveur du mécénat de presse, récemment étendu par un rescrit du ministre du budget, s’appliquera également aux éditeurs de presse en ligne.
M. le rapporteur spécial souligne, à juste titre, l’effort que consacre l’État à l’aide au développement et à la modernisation des points de vente de presse. Dans ce domaine, la modification des modalités de calcul et d’attribution de l’aide est entrée en vigueur. Depuis, le nombre de dossiers mensuellement déposé s’est accru de près de 50 %. Les procédures d’instruction ont été entièrement réexaminées, afin d’optimiser la gestion du fonds, doté de 13, 3 millions d'euros en 2010.
M. Duvernois a évoqué le sort de l’Agence France-Presse. La dotation prévue pour les abonnements de l’État à l’Agence s’élèvera à 113, 4 millions d’euros.
L’évolution du statut de l’AFP a été évoquée à plusieurs reprises. Le président Jean Arthuis a fort bien indiqué que cette modification était indispensable pour donner à l’Agence les moyens de son développement. Comme toutes les entreprises de médias, l’AFP fait face à une mutation profonde de son secteur d’activité qui l’oblige à opérer un tournant stratégique important, afin de conforter son statut d’agence d’information à vocation mondiale.
Il est de la responsabilité des pouvoirs publics de préserver l’avenir, en dotant l’AFP des meilleurs atouts. Tel est le sens de la réflexion que nous conduisons actuellement. Monsieur Assouline, cet engagement de l’État ne se conçoit que dans le respect du pluralisme, de l’indépendance éditoriale et dans le cadre des missions d’intérêt général de l’Agence. Ces valeurs fondamentales font de l’AFP une agence unique au monde ; elles doivent être préservées.
J’en viens au second objectif du Gouvernement : la défense du pluralisme et le soutien à la diffusion. Le Gouvernement compte renforcer ses aides, tout en ayant le souci de les calibrer de la manière la plus efficace et la plus pertinente.
Ainsi, monsieur Assouline, un plan massif d’aide au développement du portage a été mis en place à partir de 2009, pour une durée de trois ans, afin de favoriser la diffusion de la presse d’information politique et générale. En 2010, 70 millions d’euros seront de nouveau consacrés à cette aide. En complément, un dispositif d’exonération des charges patronales pour les vendeurs-colporteurs et porteurs de presse a été adopté en 2009 et une enveloppe de 12 millions d’euros y sera consacrée en 2010.
Les autres aides à la diffusion sont confortées, telle l’aide au transport postal de la presse, qui permettra d’honorer les engagements pris dans le cadre des accords du 23 juillet 2008 conclus entre l’État, la presse et La Poste et qui prévoient, pour 2010, une contribution de 242 millions d’euros : 83 millions d’euros sont inscrits au programme « Presse » de la mission « Médias » et 159 millions d’euros au programme « Développement des entreprises et de l’emploi » de la mission « Économie ». Nous souhaitons voir figurer ces crédits au sein d’un seul et même programme pour bénéficier d’une meilleure lisibilité.
Dès la clôture des états généraux de la presse écrite s’est posée la question du moratoire de l’application des nouveaux tarifs postaux. L’une de nos priorités a été de reporter d’une année la hausse des tarifs postaux prévue par les accords conclus au mois de juillet 2008. La compensation du manque à gagner pour La Poste s’est traduite par l’inscription de 25, 4 millions d’euros dans la loi de finances rectificative en 2009 et 28 millions d’euros ont à nouveau été inscrits au projet de loi de finances pour 2010.
La question d’une éventuelle prolongation du moratoire est extrêmement délicate. Si celle-ci était retenue, même pour une période de six mois, comme vous le suggérez, monsieur Assouline, elle se traduirait par un nouvel effort budgétaire substantiel de la part de l’État, qui devrait nécessairement en compenser le coût dans les comptes de La Poste.
J’en viens à l’engagement de l’État en faveur du pluralisme. L’aide aux quotidiens nationaux d’information politique et générale à faibles ressources publicitaires, l’aide aux quotidiens régionaux, départementaux et locaux d’information politique et générale à faibles ressources de petites annonces et l’aide à la presse hebdomadaire régionale verront leurs dotations renforcées, pour un total de près de 12 millions d’euros. L’effort sans précédent engagé en 2009 en faveur des quotidiens à faibles ressources publicitaires sera poursuivi en 2010.
Depuis bientôt une année, l’État a mis en place un plan de soutien véritablement historique. Ce plan exceptionnel n’est pas une incitation à l’assistanat, qui serait la pire des choses pour la presse : il vise à faciliter la nécessaire refondation économique et industrielle du secteur. Il est de la responsabilité des éditeurs de saisir cette chance. Mais il s’agit là d’une première étape. Il faut désormais entamer un « acte II » des états généraux qui donne la priorité aux lecteurs, à la qualité de l’information, aux métiers et aux valeurs des journalistes, aux coûts de production de l’information, comme les déboires du photojournalisme français nous le rappellent malheureusement aujourd’hui.
Cette deuxième étape des états généraux, je souhaite la conduire dès maintenant autour de trois axes : le développement de la presse numérique, la formation et la défense des valeurs du journalisme.
En ce qui concerne le développement de la presse numérique, le ministère soutient avec détermination l’émergence d’une véritable politique de recherche et développement au bénéfice de toute la profession et encourage l’initiative collective de plusieurs éditeurs qui se sont réunis au mois de septembre, afin de créer un centre européen pour la recherche et l’innovation dans les nouveaux médias.
Pour ce qui est de la formation, de nouveaux moyens ont été mis en place par l’engagement de développement de l’emploi et des compétences, signé au mois de juin dernier. Pour que ces moyens soient bien utilisés, il est indispensable de faire évoluer le cadre de la formation professionnelle des journalistes. Il faut s’interroger sur la meilleure adaptation possible de l’offre de formation à la demande du marché et des entreprises de presse. Ce débat devra avoir lieu au sein de la conférence nationale des métiers du journalisme, qui devrait se réunir au printemps 2010.
Enfin, la défense des valeurs du journalisme constitue un enjeu majeur. L’État a souhaité que la profession s’organise pour rédiger elle-même un code déontologique, qui vient d’être publié par un groupe de sages indépendants animé par Bruno Frappat. Ce texte est désormais entre les mains des partenaires sociaux et je m’emploierai à ce qu’il puisse être reconnu et appliqué rapidement par toute la profession.
Le dénouement, en tout cas l’aboutissement souhaité de cet acte II, doit être, in fine, une aide aux lecteurs. Tel est l’objet des missions confiées à Aldo Cardoso et à l’inspection générale des finances sur la bonne gouvernance des aides publiques. Les rapports qu’ils doivent élaborer sont doublement justifiés, d’une part, par l’augmentation significative du budget consacré à la presse, qui nécessite une mesure attentive de son efficience et, d’autre part, par la profonde mutation de l’écosystème du marché de l’information, qui nous incite à nous interroger sur la pertinence du modèle actuel. Leurs conclusions nous seront remises au début de l’année 2010.
Le soutien du Gouvernement à la presse est massif et ciblé, comme il ne l’a jamais été auparavant. Il contribue à doter la presse française de tous les atouts qui lui permettront de consolider ses positions face à la concurrence des médias internationaux.
Il me semble que la conclusion pourrait être la même pour l’audiovisuel. En effet, le budget pour 2010 de l’audiovisuel public extérieur, que j’ai le plaisir de vous présenter, est en augmentation de 91 millions d’euros, soit une hausse de 2, 5 % par rapport au budget inscrit en loi de finances initiale de 2009.
Cette progression importante, rendue possible par l’indexation de la redevance sur l’inflation et son augmentation de 2 euros décidée l’hiver dernier par le Parlement lors du débat sur la loi relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision, permettra de mener à bien les réformes majeures engagées pour le secteur et de poursuivre notre politique de soutien actif à la création.
Une première réforme d’importance, celle de l’audiovisuel extérieur, engagée dès l’été 2007 sur l’initiative du Président de la République, était indispensable. Vous le savez, l’ensemble des acteurs du secteur partageaient le constat que notre politique audiovisuelle extérieure souffrait depuis trop longtemps d’un manque de cohérence et d’efficacité de ses opérateurs.
Cette réforme est aujourd’hui bien avancée : la constitution du groupe de l’audiovisuel extérieur autour de la holding Audiovisuel extérieur de la France est achevée.
Dans le cadre de la négociation du contrat d’objectifs et de moyens d’AEF, la stratégie proposée par les dirigeants de cette holding consiste, dans un premier temps, à réaliser de forts investissements dans chacune des sociétés, avant une phase de retour sur investissements grâce à une meilleure coordination entre les sociétés et au développement des ressources propres.
Pour ce qui est de l’année 2010, la forte augmentation des ressources publiques inscrite dans le projet de loi de finances pour la société AEF témoigne clairement du soutien de l’État à la stratégie proposée par ses dirigeants : 315 millions d’euros seront affectés à l’audiovisuel extérieur de la France en 2010, soit une dotation en hausse de 6 % par rapport au montant inscrit en loi de finances initiale de 2009. Monsieur Duvernois, j’espère avoir répondu à quelques-unes de vos interrogations.
Concernant les orientations stratégiques de ce contrat, grâce au renforcement de ses moyens, France 24, chaîne d’information née en 2006, va se déployer progressivement au niveau mondial et en plusieurs langues. TV5 Monde, chaîne à laquelle je suis attaché, s’engage dans la deuxième année de mise en œuvre de son plan stratégique 2009-2012, avec l’ambition de conforter sa diffusion sur les cinq continents, où elle est une vitrine de la culture et des valeurs de la francophonie.
Quant à RFI, la relance de ses audiences est prioritaire ; il convient de développer non seulement la diffusion FM, mais également la diffusion sur les nouveaux médias. Je dirai quelques mots à ce sujet, puisque, comme vous, monsieur Kergueris, je suis tout particulièrement attentif à ce qui se passe à RFI.
La réforme en profondeur engagée par les dirigeants de RFI est certes très douloureuse. C’est pourquoi j’ai à cœur que chaque salarié de RFI soit accompagné dans cette période difficile. Toutefois – et je crois qu’aujourd’hui tout le monde en convient –, cette réforme est indispensable à la survie de la société, qui traverse une crise existentielle ; les remèdes pour y remédier ont été trop longtemps différés.
Cependant, je tiens à vous dire que, malgré les difficultés rencontrées, la réforme avance. Le processus de consultation du comité d’entreprise est aujourd’hui achevé ; le 28 octobre dernier a été ouverte la période des départs volontaires qui s’achève très exactement demain et qui devrait permettre de limiter, voire d’éviter, les licenciements par désignation. La relance de RFI doit désormais se mettre en œuvre dès le début de 2010 ; c’est une exigence que nous devons tous porter ensemble.
Pour répondre à M. Arthuis, je dirai également un mot de la répartition des dotations publiques par AEF entre France 24, RFI et TV5 Monde.
Il faut rappeler que la réforme de l’audiovisuel extérieur trouve également sa traduction dans les modalités de financement des sociétés de l’audiovisuel extérieur. Avant la réforme, les crédits pour l’audiovisuel extérieur étaient attribués individuellement à chacune des trois entités qui sont aujourd’hui rattachées à la holding AEF, c’est-à-dire TV5 Monde, France 24 et RFI.
Désormais, les financements ne sont plus attribués individuellement à chaque société ; ils font l’objet d’une enveloppe globale confiée à la holding, à charge pour elle de la répartir entre les différentes sociétés qui lui sont rattachées.
Monsieur Arthuis, vous m’avez également interrogé sur les modalités de pilotage de TV5 Monde.
Comme vous l’avez précisé, AEF détient 49 % du capital, les 51 % restants l’étant par nos partenaires francophones. Comme vous le savez également, un accord avec nos partenaires francophones sur la place de TV5 Monde dans la réforme de l’audiovisuel extérieur de la France a été conclu en avril 2008 ; c’est ce que nous appelons « l’Entente ».
Cet accord précise bien que TV5 Monde est un partenaire de l’AEF et, à ce titre, le contrat d’objectifs et de moyens d’AEF pourra reprendre des éléments du plan stratégique de TV5 Monde tel qu’il a été approuvé lors de la conférence ministérielle de l’an dernier, tout en tenant compte, bien entendu, de son statut particulier.
Enfin, pour finir sur l’audiovisuel extérieur et, surtout, pour répondre à votre question, monsieur Thiollière, la société Audiovisuel extérieur de la France fait l’objet d’un financement mixte, d’une part, via des ressources issues du budget général et, d’autre part, via une partie du produit de la contribution à l’audiovisuel public.
Comme vous le soulignez, il est effectivement prévu, cette année, que la part de financement budgétaire de la société Audiovisuel extérieur de la France se réduise, cette diminution étant compensée par une augmentation des ressources issues de la contribution à l’audiovisuel public.
L’explication est d’ordre technique. Conformément à la volonté de nombreux parlementaires lors du vote de la loi de finances rectificative pour 2009, le GIP France Télé Numérique, qui gère tout le passage au numérique, a été sorti du champ des bénéficiaires de la contribution à l’audiovisuel public. Ce GIP est donc, dans le PLF pour 2010, financé par des crédits budgétaires inscrits à la mission « Médias ».
Le respect des contraintes que sont l’équilibre du compte de concours financiers et le budget triennal de la mission « Médias » a alors mécaniquement conduit à augmenter le financement d’AEF par le compte de concours financiers, en contrepartie d’une diminution à due concurrence de la part issue du budget général.
La deuxième grande réforme qu’il s’agira de poursuivre, c’est celle de la télévision publique.
La suppression progressive de la publicité sur les services nationaux de France Télévisions, qui libère la télévision publique de la pression de l’audience commerciale, ainsi que la rénovation de son organisation en entreprise commune, donnent désormais au groupe les moyens de son ambition éditoriale.
Comme le prévoit la loi du 5 mars dernier, le projet d’avenant au contrat d’objectifs et de moyens pour la période 2009-2012 a été transmis pour avis aux commissions parlementaires chargées des affaires culturelles et des finances. Comme celles-ci pourront le constater, le modèle économique de France Télévisions a été complètement revu et, bien sûr, le projet de loi de finances en tient compte.
Chacun peut légitimement se féliciter du nouveau modèle de financement de France Télévisions. Le service public a désormais les moyens de ses ambitions. La réforme lancée par le Président de la République lui apporte une sérénité certaine, dans un contexte économique et publicitaire difficile.
J’ai bien noté que les commissions en charge des finances et de la culture souhaitaient conduire en 2010 un contrôle conjoint du plan d’affaires 2009-2012. Le Gouvernement et, plus particulièrement, mes services répondront à toutes leurs interrogations et demandes.
La troisième priorité concerne le soutien réaffirmé à la création audiovisuelle.
Concernant les obligations de financement de la production audiovisuelle par les chaînes de télévision, le rôle de l’audiovisuel public a été renforcé par la réforme de la publicité. France Télévisions contribuera en 2010, à hauteur de 385 millions d’euros, au financement de la création audiovisuelle et, d’ici à 2012, ce montant sera porté à 420 millions d’euros, soit 20 % de son chiffre d’affaires.
À cela s’est ajoutée la modernisation des décrets « Tasca » pour l’ensemble des chaînes privées. Aussi, depuis cette année, les obligations de production des chaînes historiques ont été consolidées et concentrées sur les œuvres patrimoniales. Désormais, et dès l’an prochain, ce sont les chaînes thématiques et celles de la TNT qui vont contribuer, elles aussi, au financement de la diversité culturelle sur les antennes, comme le prévoient les accords qu’elles viennent de signer avec les producteurs et les sociétés d’auteurs. C’est un relais important pour le soutien de la filière qui va se mettre en place.
Pour ce qui est de l’Institut national de l’audiovisuel, dont le rôle dans la préservation de notre mémoire audiovisuelle est si précieux et toujours aussi dynamique – je tiens à le saluer ici encore –, sa dotation budgétaire sera en hausse de 1, 2 %, soit 1 million d’euros par rapport à 2009.
Par ailleurs, j’ai tenu à proposer, à l’occasion du grand emprunt, que 753 millions d’euros soient consacrés à la numérisation de contenus culturels et permettent, notamment, d’assurer la numérisation de notre patrimoine audiovisuel, vaste chantier entamé par l’INA, qui a déjà effectué un travail remarquable.
Autre réforme que je souhaite évoquer, importante elle aussi : le soutien de l’État aux radios associatives.
Vous savez la place très particulière que les radios associatives occupent dans le paysage radiophonique français et vous savez aussi l’importance du soutien que l’État leur apporte depuis 1982 grâce au fonds de soutien à l’expression radiophonique locale. Ce fonds attribue ainsi à près de 600 radios associatives des aides diverses, notamment pour leur fonctionnement, leur installation et leur équipement.
Pour répondre à vos questions précises sur ces aides, monsieur Thiollière, les crédits du programme 312 correspondent aux subventions accordées dans le cadre du fonds de soutien à l’expression radiophonique locale sous quatre formes différentes : deux subventions de fonctionnement qui représentent à elles seules 96 % des crédits, une subvention d’équipement et une subvention d’installation, dont le bénéfice est réservé aux radios nouvellement autorisées par le Conseil supérieur de l’audiovisuel.
Concernant l’exercice 2008, le bilan de l’année 2009 n’étant pas encore disponible, 596 radios ont bénéficié d’une subvention annuelle de fonctionnement, dite « subvention d’exploitation », d’un montant moyen de 34 400 euros. Par ailleurs, 548 de ces radios ont également perçu une subvention sélective à l’action radiophonique, dont le montant varie de 128 euros à 22 000 euros, pour un montant moyen de 8 000 euros.
L’objet principal de ces subventions est de permettre aux radios associatives de poursuivre leur activité, tout en renforçant le soutien en faveur de celles qui remplissent le mieux leurs missions.
Le cinquième point que je souhaite aborder concernant le budget de l’audiovisuel, c’est le passage à la télévision tout numérique. Je ne reviendrai pas, si vous le permettez, sur tous les avantages que représente le passage à la télévision tout numérique.
Conscient qu’il s’agit là de l’un des défis majeurs que nous avons à relever dans les prochaines années, et déterminé à permettre le passage à la télévision tout numérique pour tous et pour chacun dans de bonnes conditions, le Gouvernement a débloqué des moyens importants – 277 millions d’euros sur la période 2009–2011 –, afin de financer une campagne nationale d’information au bénéfice de l’ensemble de la population et un fonds d’aide au bénéfice des foyers les plus démunis.
Le Premier ministre a décidé qu’un complément de financement sera apporté dans les deux prochaines années, afin de pouvoir financer l’acquisition d’un matériel satellitaire pour l’ensemble des foyers qui se trouveront dans une zone d’ombre lors du passage au tout numérique. Ainsi, 100 % de nos concitoyens bénéficieront de la télévision numérique, qu’elle soit diffusée par les ondes hertziennes ou par satellite. Le coût global de cette aide, qui pourrait représenter un effort budgétaire supplémentaire d’environ 56 millions d’euros, est en cours d’expertise.
Pour répondre à votre question précise, monsieur Thiollière, ces sommes, quand elles seront déterminées, feront l’objet d’un financement complémentaire en gestion, éventuellement dans le cadre d’une loi de finances rectificative. Ces crédits seront alors, bien sûr, versés au GIP France Télé Numérique, chargé de la mise en œuvre du passage au tout numérique.
Au total, ce sont donc 333 millions d’euros de crédits qui permettront de financer, avec l’aide des chaînes de télévision historiques, l’ensemble des opérations, notamment de communication et d’accompagnement. Aucun de nos concitoyens ne sera oublié dans l’accès à la télévision numérique pour tous.
Voilà donc ce que je tenais à vous dire pour répondre à vos questions et mettre en perspective, avec vous, les défis, les problèmes et les enjeux qui concernent le monde de la presse et de l’audiovisuel.
Pourquoi l’État s’efforce-t-il de soutenir, d’encourager et d’accompagner tous ces acteurs dans leur mission, quel que soit le support qu’ils choisissent ou le métier qu’ils exercent ? La réponse est simple : il s’agit rien de moins que de contribuer à faire vivre pleinement notre démocratie.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.
Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Médias » figurant à l’état B.
en euros
Médias
Presse
Soutien à l’expression radiophonique locale
Contribution au financement de l’audiovisuel
Action audiovisuelle extérieure
Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix les crédits de la mission « Médias ».
Ces crédits sont adoptés.
Nous allons procéder à l’examen des crédits du compte spécial « Avances à l’audiovisuel public » figurant à l’état D.
en euros
Avances à l’audiovisuel public
France Télévisions
ARTE France
Radio France
Contribution au financement de l’action audiovisuelle extérieure
Institut national de l’audiovisuel
Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix les crédits de ce compte spécial.
Ces crédits sont adoptés.
J’appelle en discussion les amendements tendant à insérer des articles additionnels qui sont rattachés pour leur examen aux crédits de la mission « Médias ».
L'amendement n° II-73, présenté par M. Ralite, Mme Gonthier-Maurin, MM. Renar, Voguet et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
I. - Après l'article 54 ter, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'État s'engage à verser chaque année à France Télévisions le montant exact prévu par la loi de finances de l'année précédente au titre de la compensation forfaitaire de la suppression de la publicité tel que prévu par le troisième alinéa du VI de l'article 28 du chapitre IV de la loi n° 2009-258.
II. - En conséquence, faire précéder cet article de l'intitulé :
« Médias »
La parole est à M. Ivan Renar.
Sourires
Par cet amendement, nous souhaitons que soit garanti le montant de la compensation forfaitaire de la suppression de la publicité pour France Télévisions, tel qu’il a été prévu dans la loi de finances de 2009.
Lors des débats sur le budget de 2009, la décision avait été prise d’attribuer 450 millions d’euros à France Télévisions pour compenser les pertes de revenus que ne manquerait pas de provoquer la suppression de la publicité entre vingt heures et six heures, la publicité assurant, en 2008, je le rappelle, un tiers des financements de France Télévisions. Et le Gouvernement de s’engager à ce que ce montant – j’entends encore la voix convaincue de Mme la ministre – ne soit en aucun cas remis en cause, affirmant que, gravé dans le marbre de la loi, il serait versé en totalité à France Télévisions.
Mais, une fois de plus, les déclarations de bonnes intentions ont été bien vite contredites, ce qui justifie nos craintes. Le montant de la compensation forfaitaire attribué au titre de la loi de finances de 2009 est plutôt conçu comme un montant plafond de l’aide accordée que l’on peut réviser à la baisse. C’est inadmissible
En effet, sous prétexte que France Télévisions a perdu moins que prévu en dégageant 120 millions d’euros de recettes publicitaires supplémentaires par rapport aux prévisions liées à la suppression de la publicité après vingt heures, l’État réduirait son aide forfaitaire à 415 millions d’euros, amputant France Télévisions de 35 millions d’euros qui lui étaient dus.
Je ne peux m’empêcher de poser la question suivante : s’il s’était avéré que les anticipations de pertes pour France Télévisions avaient été, au contraire, sous-estimées, aurait-on pris la peine de compenser cette dotation à la hausse ? Rien n’est moins sûr, car on sait malheureusement à qui doit profiter cette loi et, de toute évidence, ce n’est pas à la télévision publique, qui se voit taxée pour excès de performance.
C’est d’autant plus inacceptable que, même si la régie publicitaire de France Télévisions a réussi à faire mieux que prévu – en partie à cause du comportement des chaînes privées qui, persuadées de leur supériorité, ont maintenu des tarifs trop élevés pour les annonceurs dans un contexte de crise économique –, cela ne veut pas dire pour autant que France Télévisions a dégagé un profit supplémentaire. En réalité, France Télévisions reste déficitaire de 135 millions d’euros. En lui ôtant ses 35 millions d’euros, l’État la maintient volontairement dans une situation difficile, alors que les défis de la télévision du futur se posent avec plus de vigueur que jamais.
En effet, ces 450 millions d’euros de compensation, ajoutés aux 350 millions d’euros de recettes publicitaires, permettent tout juste de maintenir le montant des recettes publicitaires à celui de 2008, avant la suppression de la publicité. Dans cette situation, quelle valeur accorder à l’engagement de 458 millions d’euros de dotations prévues dans le projet de loi de finances pour 2010 ?
En outre, il est intéressant de noter que France Télévisions, avant même la loi du 5 mars 2009, était sous-financée et connaissait de grandes difficultés, comme en témoigne le rapport de la Cour des comptes d’octobre 2009 : l’année 2008 a été marquée par une diminution brutale des recettes de France Télévisions, la situation du groupe s’étant dégradée dès 2007. Ainsi, la « sur-performance » de la régie publicitaire de France Télévisions aura tout juste permis de revenir à la situation qui prévalait avant la loi du 5 mars 2009, c’est-à-dire une grande fragilité économique et un sous-financement de la télévision publique.
Pour toutes ces raisons, nous souhaitons maintenir la compensation de 450 millions d’euros que l’État s’était engagé à verser.
Mon cher collègue, je comprends bien que vous souhaitiez recevoir certaines garanties. Mais ce sont les difficultés financières de son actionnaire qui pourraient fragiliser France Télévisions.
Or il ne vous aura pas échappé que le projet de loi de finances que nous examinons prévoit un déficit prévisionnel, …
…que le Sénat a porté à 117, 5 milliards d’euros. Une réforme est actuellement en cours. Qui peut dire qu’elle n’était pas nécessaire ? N’y avait-il pas, ici et là, s’agissant de l’organisation de cette grande maison, des marges de progression ? L’audiovisuel public ne peut être tenu à l’écart de l’exigence de performance : il s’agit d’argent public !
La convention prévoyant la disparition progressive de la publicité, et ce dès 2009, prévoyait une compensation à hauteur de 450 millions d’euros. Or France Télévisions a réalisé cette année une sur-performance, en enregistrant 105 millions d’euros de recettes supplémentaires. L’État en laisse les deux tiers à France Télévisions.
Vous souhaitez inscrire une garantie dans la loi : la commission des finances ne vous suivra pas ! Il est certainement nécessaire de clarifier la convention et son application. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle les commissions de la culture et des finances uniront leurs efforts pour tenter de faire la lumière en la matière.
Au demeurant, le plan d’affaires 2009-1012 prévoit un retour progressif à l’équilibre et même à l’excédent, pour 2012. Vous pourriez donc retirer cet amendement, car il n’y a pas péril en la demeure. À défaut, la commission des finances émettra un avis défavorable.
Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
Certes, le versement, depuis 2009, d’une dotation issue du budget général à France Télévisions, en complément de la dotation issue de la contribution à l’audiovisuel public, répond au besoin de financement global des missions de service public de France Télévisions. Les trajectoires financières sur lesquelles la société et l’État se sont entendus figurent effectivement dans le projet d’avenant au contrat d’objectifs et de moyens pour la période 2009-2012, qui vous a été transmis pour avis.
Cependant, comme vous le savez, France Télévisions a affiché des recettes publicitaires supérieures aux prévisions : plus de 110 millions d’euros ; seuls 35 millions d’euros reviendront à l’État.
La réévaluation de la dotation publique s’est ainsi fondée sur le constat d’un écart important avec les trajectoires financières sur lesquelles nous nous étions entendus.
C’est la raison pour laquelle le Gouvernement a émis un avis défavorable sur cet amendement.
Je souhaite rappeler les enjeux de ce débat apparemment anodin, qui se déroule à une heure vingt du matin.
Les arguments de M. le président de la commission des finances et de M. le ministre m’inquiètent. Ils laissent en effet entendre que la compensation prévue pourrait de nouveau être réduite l’année prochaine et les années suivantes.
Pour notre part, nous avions combattu la réforme de l’audiovisuel adoptée en ce début d’année.
Le seul élément qui avait rassuré les sénateurs de droite était cette compensation, pérennisée jusqu’en 2012, de 450 millions d’euros par an.
Aujourd’hui, au seul motif que France Télévisions a réalisé 110 millions de recettes publicitaires supplémentaires, on nous explique que la dotation prévue peut être révisée à la baisse. C’est grave !
Plus grave encore, le président de la commission des finances justifie la décision du Gouvernement en invoquant le déficit de l’État. Or, au moment de l’examen de cette réforme, j’avais dit qu’un jour l’État utiliserait cet argument pour considérer qu’il ne s’agit plus d’une priorité.
Pourtant, vous en conviendrez, il serait de bonne gouvernance d’utiliser ce supplément de recettes pour réduire le déficit du groupe et lui permettre de renforcer son dynamisme. Mais mon désaccord ne porte pas sur ce point !
Ce qui m’inquiète, c’est que, dès la première année, vous créez un précédent en réduisant cette dotation pour un motif politique : aux dires mêmes du président de la commission des finances, vu les comptes de l’État, on peut réviser la compensation prévue. Et M. le ministre ne l’a pas démenti !
Je le répète, je vous avais mis en garde, mes chers collègues : un jour, on viendra nous dire qu’en raison du déficit de l’État ce n’est plus une priorité, qu’il faut peut-être ouvrir le capital et privatiser France Télévisions.
Ceux qui ont une telle idée derrière la tête n’ont pas baissé les armes. Ce débat en témoigne, nous ne faisons pas preuve de paranoïa. Nous resterons vigilants !
Par conséquent, nous voterons l’amendement n° II-73 ; compte tenu de la tournure du débat, il est d’autant plus justifié.
En définitive, on constate que la régie publicitaire de France Télévisions a bien travaillé.
Compte tenu de ce que vous venez de dire sur le budget de l’État, on pourrait modifier la ligne qui a été tracée : en conservant la publicité, à terme, France Télévisions pourrait peut-être abonder le budget de l’État…
Pour cette raison, nous voterons l’amendement défendu par M. Renar.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° II-74, présenté par M. Ralite, Mme Gonthier-Maurin, MM. Renar, Voguet et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
I. - Après l'article 54 ter, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les troisième et cinquième phrases du VI de l'article 53 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication sont supprimées.
II. - En conséquence, faire précéder cet article de l'intitulé :
« Médias »
La parole est à M. Ivan Renar.
Je vous propose, par cet amendement, de réaliser quelques économies, afin d’éviter la catastrophe finale que vous nous prédisez, à savoir le naufrage du Titanic-État, à cause de France Télévisions.
Il s’agit de prévoir un moratoire sur la suppression, en 2011, de la publicité en journée sur les chaînes de télévision publiques, ainsi qu’un moratoire sur la suppression totale et brutale de la publicité la même année dans les départements et collectivités d’outre-mer et en Nouvelle-Calédonie.
Tout d’abord, nous souhaitons que la publicité soit maintenue de six heures à vingt heures sur les chaînes publiques. La raison en est simple, nous l’avons déjà abordée : la situation financière de France Télévisions reste fragile, sa trésorerie étant négative.
Si la télévision publique a su faire face cette année, de manière inattendue, à la suppression de la publicité en soirée, rien ne garantit que la conjoncture lui soit également favorable en 2010. Au contraire, la reprise du marché publicitaire par les chaînes privées laisse présager une situation moins propice à France Télévisions. Bien que les circonstances se soient avérées moins catastrophiques que prévu en 2009, toutes les inquiétudes ne sont pas pour autant levées.
Force est de le constater, rien ne s’est passé comme prévu, le modèle économique choisi relevant plus de la transition que de la stabilité.
Par ailleurs, la dotation forfaitaire destinée à compenser la perte des revenus publicitaires n’est pas garantie au-delà de 2011, alors même que la suppression totale de la publicité sur les chaînes publiques, prévue pour la même année, devrait diminuer de 350 millions d’euros supplémentaires les recettes de France Télévisions.
Vous le savez, mes chers collègues, la télévision publique a été soumise, ces dernières années, à des objectifs sans cesse changeants et contradictoires. Dans ce domaine, le rapport de la Cour des comptes, dont nous ne soutenons pas forcément les conclusions, bien que nous partagions une partie de ses analyses, vient appuyer nos propos.
Cette situation a pour conséquence des résultats économiques et financiers préoccupants, ainsi qu’une absence d’horizon stratégique pour France Télévisions, le seul objectif étant d’atteindre l’équilibre financier pour 2011, alors même que le propre de la télévision publique réside dans des objectifs qualitatifs ; je pense notamment au déploiement de ses missions de service public sur le territoire.
J’en profite pour exprimer toute mon indignation quant au dernier coup porté à France Télévisions via le projet de cession de sa régie publicitaire à un groupe privé : Lagardère ?... Ce groupe, passé maître dans la concentration des médias, priverait la télévision publique devenue actionnaire minoritaire de tout pilotage stratégique.
Quant au maintien intégral de la publicité sur RFO et les télés pays, rappelons qu’il était initialement le choix du Président de la République. Seule la pression des lobbys d’opérateurs privés comme le groupe Bourbon à La Réunion, relayés par M. Yves Jégo, explique la décision qui a été prise. Or, en l’absence d’un marché concurrentiel développé, cela reviendrait à accorder un monopole privé, alors même que la publicité assure un dixième du budget de RFO.
C’est la raison pour laquelle nous demandons un moratoire concernant la suppression de la publicité en journée et en outre-mer.
La commission des finances a émis un avis défavorable sur cet amendement.
Il est étonnant que les sénateurs du groupe CRC-SPG deviennent les apôtres de la publicité.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Cher collègue, qui fait de la publicité ? Les entreprises qui réalisent des marges, c'est-à-dire qui n’achètent pas trop cher, et qui ne vendent pas trop cher non plus. Souvent, ce sont les mêmes qui contribuent à accélérer les phénomènes de délocalisation d’activités et d’emplois. Par conséquent, vous qui défendez les travailleurs
Protestations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.
Le plan d’affaires 2009-2012 prévoit non seulement un certain niveau de recettes, mais aussi une maîtrise des dépenses. La garantie que vous évoquez visait à compenser les pertes induites par la suppression de la publicité. Dès lors que les recettes sont supérieures à ce qui était prévu …
C’est une convention entre l’actionnaire et France Télévisions ! Vous ne pouvez pas dire que les moyens mis à la disposition de France Télévisions ont été réduits !
Je tiens tout d’abord à présenter mes excuses à M. Assouline, que j’ai omis de mentionner comme rapporteur dans mon intervention. L’heure tardive explique très certainement ce manquement aux usages, que je regrette.
En ce qui concerne l’amendement n° II-74, malgré toute l’affection que je porte à M. Renar, je dois donner un avis défavorable.
En effet, cet amendement tend à revenir sur deux dispositions de la loi du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision, à savoir, d’une part, la suppression de la publicité en journée sur les services nationaux de France Télévisions après l’extinction de la diffusion analogique et, d’autre part, la suppression de la publicité pour les services des départements d’outre-mer, des collectivités d’outre-mer ou de Nouvelle-Calédonie, à compter de l’extinction de la diffusion analogique, et sous réserve de l’existence d’une offre de télévision privée diffusée par voie hertzienne terrestre en clair.
Ces dispositions participent de l’ambitieuse réforme de la télévision publique, qui vise notamment à libérer cette dernière d’une certaine dépendance du marché publicitaire, afin que son ambition éditoriale puisse s’affirmer de façon plus libre, plus audacieuse, et que la mesure de l’audience cesse d’obéir à une logique commerciale court-termiste, pour retrouver son vrai sens : le succès, auprès d’un public pris dans toute sa diversité, d’une télévision publique de qualité, autant de desseins qui devraient rejoindre les vôtres.
Cette loi relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision a été largement débattue, puis votée, et enfin promulguée. Il est en tout état de cause prématuré de revenir sur ses dispositions.
Je veux simplement rappeler au ministre et aux rapporteurs que, lors de la discussion de la loi relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision, l’année dernière, le Sénat avait, après un débat très nourri, voté contre la suppression de la publicité sur l’audiovisuel public en outre-mer, avant que la CMP vienne finalement rectifier cette position.
Vous ne pouvez pas balayer d’un revers de la main la question. La situation de l’outre-mer est en effet très particulière, nullement comparable à celle de l’audiovisuel public en métropole. Il existe là-bas un monopole privé et, compte tenu de l’importance de la publicité locale en matière de diffusion d’informations courantes, sa suppression consistait à faire un cadeau à ce monopole, en le transformant en prestataire de services plus important que l’audiovisuel public. L’argument avait été entendu dans cet hémicycle, la proposition de M. Renar, pour la partie concernant l’outre-mer, ayant même fait l’objet d’un consensus entre la gauche et la droite.
Même très tard dans la nuit, je peine à comprendre le sens profond de cet amendement, qui tend à revenir sur la suppression de la publicité
Nous avons été très nombreux à estimer que la suppression de la publicité était, d’un point de vue culturel, un événement très positif, qui allégeait les programmes du poids des exigences de l’audimat. Et voilà que, soudain, dans la nuit, on nous propose le rétablissement de la publicité. J’avoue que cela me surprend.
Pour ma part, je voterai résolument contre cet amendement.
Nous n’avons jamais été favorables à la disparition totale de la publicité en 2011. Nous avons dit qu’il fallait trouver un équilibre entre la redevance audiovisuelle et la publicité, qu’il convenait d’évaluer au fur et à mesure.
J’entends bien la vertueuse indignation du président Jacques Legendre. Toutefois, l’objet de cet amendement est non pas de rétablir toute la publicité, mais de décider d’un moratoire permettant de la maintenir pendant un certain temps encore, entre six heures et vingt heures. Je rappelle qu’elle risque de disparaître en 2011.
Si la puissance publique assumait totalement ses obligations par rapport au service public de l’audiovisuel, nous ne discuterions pas de ces questions-là. Mais, souvenez-vous, au sein de la commission Copé, il n’y avait pas de tabous, il n’y avait que des interdits ! Nous avions proposé une augmentation de la redevance, pour la porter au niveau de celle de nos voisins Allemands et Anglais. Aujourd’hui, nous devons gérer la situation pour que France Télévisions puisse remplir ses missions de service public.
Certes, la publicité, comme l’alcool, est à consommer avec modération.
Mais la suppression de la publicité, ce sont autant de recettes en moins pour France Télévisions, du jour au lendemain !
L'amendement n'est pas adopté.
Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Médias » et du compte spécial « Avances à l’audiovisuel public ».
J’informe le Sénat que la proposition de loi n° 64 (2009-2010) de M. Jean-Pierre Sueur et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, relative à l’amélioration des qualités urbaines, architecturales et paysagères des entrées de villes, dont la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire est saisie au fond, est renvoyé pour avis, à sa demande, à la commission de la culture, de l’éducation et de la communication.
Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au lundi 30 novembre 2009, à dix heures, à quatorze heures trente et le soir :
- Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2010, adopté par l’Assemblée nationale (n° 100, 2009-2010).
Examen des missions :
Recherche et enseignement supérieur (+ articles 54 quinquies et 54 sexies)
MM. Philippe Adnot et Christian Gaudin, rapporteurs spéciaux (rapport n° 101, annexe n° 23) ;
MM. Jean-Pierre Plancade et Jean-Léonce Dupont, rapporteurs pour avis de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication (avis n° 104, tome VII) ;
MM. Michel Houel et Daniel Raoul, rapporteurs pour avis de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire (avis n° 105, tome VII).
Action extérieure de l’État
M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial (rapport n° 101, annexe n° 1) ;
M. André Trillard, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (Action extérieure de l’État : Moyens de l’action internationale – avis n° 102, tome I) ;
Mme Monique Cerisier-ben Guiga, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (Action extérieure de l’État : rayonnement culturel et scientifique – avis n° 102, tome II).
M. Yves Dauge, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication (avis n° 104, tome I) ;
Défense
MM. François Trucy, Jean-Pierre Masseret et Charles Guené, rapporteurs spéciaux (rapport n° 101, annexe n° 8) ;
M. Didier Boulaud, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (Défense – Environnement et soutien de la politique de défense – avis n° 102, tome IV) ;
MM. Xavier Pintat et Daniel Reiner, rapporteurs pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (Défense – Équipement des forces – avis n° 102, tome V) ;
MM. André Dulait et Jean-Louis Carrère, rapporteurs pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (Défense - Préparation et emploi des forces - avis n° 102, tome VI).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
La séance est levée le samedi 28 novembre 2009, à une heure trente-cinq.