Intervention de Françoise Laborde

Réunion du 27 novembre 2009 à 22h15
Loi de finances pour 2010 — Compte spécial : avances à l'audiovisuel public

Photo de Françoise LabordeFrançoise Laborde :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les sujets susceptibles d’être abordés à la faveur de la discussion des crédits de la mission « Médias » sont nombreux.

En 2009, des réformes successives ont eu lieu, plus ou moins à bon escient, afin de tenter de moderniser et de dynamiser le secteur tout entier, frappé depuis de nombreuses années par une grave crise structurelle.

Malgré la boulimie législative du Gouvernement, qui légifère jusqu’à plusieurs fois au cours d’une même session parlementaire sur un même sujet, la situation du secteur des médias ne s’est pas améliorée, loin de là.

Cette frénésie contribue plus à déstabiliser et à semer la confusion qu’à soutenir ou réglementer ; j’en veux pour preuve l’ordre du jour de notre Haute Assemblée, qui, en seulement une année, a discuté des projets de loi HADOPI 1 et HADOPI 2, de la réforme de l’audiovisuel public et de la suppression de la publicité sur France Télévisions. N’oublions pas non plus le projet de loi attendu sur la réforme de l’AFP, ou encore la situation de RFI.

La stratégie des pouvoirs publics a donc été très largement redéfinie au cours de l’année écoulée en ce qui concerne tant France Télévisions et l’audiovisuel extérieur de la France que la presse écrite.

L’enjeu de ces réformes était de taille, car, faut-il le rappeler, les médias remplissent une mission centrale pour notre société : ils sont encore à ce jour le principal support du débat républicain et, du moins je l’espère, un véritable contre-pouvoir.

La discussion budgétaire nous conduit à faire le bilan de la première année de suppression de la publicité sur France Télévisions et sur les conséquences socioéconomiques induites.

À la suite du vote de la loi du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision, le groupe France Télévisions bénéficie d’un financement public mixte associant crédits budgétaires et une partie du produit de la nouvelle « contribution à l’audiovisuel public », qui remplace la redevance.

Cette année de transition vers un nouveau modèle économique démontre que la mécanique financière de la réforme, fondée sur la suppression de la publicité après vingt heures et le versement par l’État d’une compensation de 450 millions d’euros, n’a pas fonctionné comme prévu. Cela étant, l’asphyxie programmée de la régie publicitaire de France Télévisions, par le transfert des ressources publicitaires du public vers le privé, n’a pas eu lieu.

C’est une bonne nouvelle, qui permet au groupe de s’affirmer dans le paysage audiovisuel français et de se recentrer sur ses missions de service public.

En 2010, la suppression de la publicité, après vingt heures, sera consolidée par l’État à hauteur de 458 millions d’euros, soit une progression de 1, 75 % par rapport à 2009. De plus, la part du produit issu de la contribution à l’audiovisuel public est fixée à 2, 09 milliards d’euros. Ce sont donc 2, 55 milliards d’euros que l’État versera, l’année prochaine, au groupe France Télévisions, dont les moyens financiers n’ont jamais été aussi assurés.

Par ailleurs, l’examen de cette mission intervient dans le contexte du passage au tout-numérique, qui fait craindre le risque d’un écran noir dans plusieurs zones de réception lors du basculement définitif.

Loin de garantir le service universel de télévision publique, la disparition massive de plus de la moitié des émetteurs nous expose au danger d’une fracture territoriale, accentuée par l’abandon de la diffusion analogique. Un comble, alors que la TNT est censée représenter, pour nos concitoyens, une amélioration de l’offre télévisuelle !

L’analyse budgétaire de la mission « Médias » montre que l’effort financier le plus important profite à la presse, avec une augmentation de 51 % des crédits publics.

Cette année a vu le début de la mise en œuvre des engagements pris à l’issue des états généraux de la presse écrite, qui, par leurs travaux, ont tenté de répondre aux difficultés structurelles du secteur, tout en cherchant les meilleures voies pour l’accompagner dans son évolution vers le numérique.

Toutefois, au-delà de cette indispensable bouée de sauvetage, il serait nécessaire d’envisager la refondation globale des aides à la presse.

Disant cela, je pense plus particulièrement à la presse d’opinion, qui souffre aujourd’hui de l’apparition de phénomènes nouveaux : la concurrence des journaux gratuits et des nouveaux médias, la concentration des capitaux, la crise des contenus et, notamment, la remise en cause de la crédibilité des informations. Les statuts de plus en plus précaires des journalistes contribuent à cet état de crise. Si des aides importantes iront aux coopératives, aux coûts d’impression, au portage, aux kiosques, aux marchands de journaux, n’oublions surtout pas les journalistes et défendons tout ce qui pourrait garantir le pluralisme.

L’aide publique doit aussi favoriser les dispositifs les plus innovants, susceptibles de faire émerger la presse de demain. Ainsi, le soutien accordé cette année au développement de la presse en ligne, porté à 20 millions d’euros, est très important.

D’ailleurs, la loi du 12 juin 2009, dite HADOPI 1, a permis d’instituer un statut d’éditeur de presse en ligne et ouvert la possibilité, pour les journalistes, de bénéficier d’une exploitation multi-supports de leurs œuvres.

Pourtant, la presse se trouve bel et bien dans une période de crise profonde, dont les causes sont liées non seulement aux orientations budgétaires, mais aussi à la politique du Gouvernement.

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