Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon propos portera exclusivement sur le secteur de l’audiovisuel.
Premier budget après le récent bouleversement du cadre législatif du média audiovisuel, l’examen de la mission « Médias » pour 2010 constitue, en quelque sorte, un « rendez-vous vérité », en particulier au regard du dispositif de financement.
Lors de son examen, nous avions insisté sur la fragilité de l’audiovisuel public et de la création audiovisuelle, sur le contexte économique défavorable à une telle réforme.
Nous avions également dénoncé un système de financement hypocrite et pervers, qui liait la télévision publique à la santé de la publicité sur les chaînes privées, et préconisé, si suppression de la publicité sur la télévision publique il devait y avoir, le financement de celle-ci par une redevance audiovisuelle rénovée. Aujourd’hui, où en sommes-nous ?
Les velléités de modification du régime de la taxe, sans même attendre l’arrêt des comptes 2009, montrent la fragilité du modèle économique de cette réforme audiovisuelle.
M. le Président de la République avait assuré que chaque euro de publicité en moins pour le service public serait compensé par un euro public. Il n’en est rien : les crédits du programme 313, destinés à compenser la perte de recettes publicitaires et dégagés par le biais des nouvelles taxes, sont en diminution. De 473 millions d’euros en 2009, ils sont passés à 457, 9 millions d’euros pour 2010, alors même que, sur cette somme, seront prélevés 40 millions d’euros pour financer le GIP France Télé Numérique.
Non seulement l’enveloppe de ce programme a été revue à la baisse, mais son périmètre a parallèlement été élargi.
Certes, la clarification du mode de financement du GIP va dans le sens demandé par le Parlement, mais le rattachement de celui-ci au programme 313 se fait encore au détriment de l’audiovisuel public et de France Télévisions en particulier.
Ajoutons à cela l’amputation de 35 millions d’euros sur le surplus de 105 millions d’euros de recettes publicitaires de France Télévisions par le Gouvernement, alors que le déficit du groupe s’élève à 137 millions d’euros. Non seulement le Gouvernement n’honore pas ses engagements, mais il ponctionne les bons résultats du groupe, au motif qu’ils sont supérieurs aux prévisions de l’État, tout en lui demandant des comptes à l’équilibre, alors même qu’il a été maintenu en sous-financement chronique.
Je souhaiterais attirer votre attention, monsieur le ministre, sur la situation financière d’Arte.
Arte France devra faire face, en 2010, à des coûts non prévus lors de l’établissement de son contrat d’objectifs et de moyens 2007-2011.
Pour 2010, le coût total de diffusion devrait être de 28, 8 millions d’euros, soit un surcoût de diffusion de 9, 15 millions d’euros par rapport au contrat d’objectifs et de moyens.
Sur toute la durée du contrat d’objectifs et de moyens, c'est-à-dire de 2007 à 2011, les coûts de diffusion auront progressé de 49 %, GIP compris, et le surcoût de diffusion par rapport au contrat d’objectifs et de moyens devrait atteindre 22 millions d’euros en cumulé, hors diffusion outre-mer, sachant qu’Arte ne gagne pas d’argent sur l’arrêt de l’analogique.
L’an passé, avec l’autorisation de l’État, la chaîne a dû opérer un prélèvement sur le fonds de roulement et consacrer l’augmentation prévue au contrat d’objectifs et de moyens, normalement destinée à abonder le budget de programmes en 2009, soit 5, 1 millions d’euros, au surcoût de diffusion.
Les 3 millions d’euros supplémentaires que vous avez la gentillesse d’allouer pour 2010 à la chaîne afin qu’elle puisse faire face aux surcoûts sont insuffisants. Or Arte n’a plus de marge de manœuvre, sauf à prendre une partie des sommes allouées à ses programmes, donc à pénaliser la création audiovisuelle et son développement sur les nouveaux médias.
La situation à Radio France internationale, après l’absorption en 2009 de cette société par l’AEF, est très préoccupante, notamment en termes de ressources humaines.
Après la suspension, par la cour d’appel, du premier plan social prévoyant 206 suppressions d’emplois sur 1000, le 28 septembre 2009, un deuxième plan social a été présenté le 23 octobre dernier, plan qui prévoit toujours 206 suppressions d’emplois.
Pas plus que le premier, ce deuxième plan ne semble pas répondre aux demandes relatives aux mesures de reclassement formulées par la cour d’appel, laquelle avait préconisé « une recherche effective et sérieuse des offres de reclassement existantes au sein de toutes les sociétés de l’audiovisuel public ». D’ailleurs, seule la CFDT négocie avec la direction, les autres syndicats estimant ce plan « plus illégal que l’ancien ».
Il faut aussi souligner que le lien fait par la direction de la holding entre la situation financière de RFI et la nécessité du plan de sauvegarde de l’emploi est loin d’être démontré par la réalité des chiffres : aucune corrélation ne peut être trouvée entre la masse salariale et le déficit de RFI issu, là encore, d’un sous-financement chronique.
Dans le même temps, France 24, dont la Cour des comptes a déjà pointé le coût exorbitant, procédait à de nombreuses embauches en ne prévoyant aucune possibilité de reclassement pour des salariés volontaires de RFI, tout comme la holding AEF elle-même, et ce y compris pour des postes non prévus dans l’effectif initial.
La direction d’AEF semble peu préoccupée par la rigueur de gestion et la maîtrise des coûts de la holding, dont les charges sont en dérapage significatif. Dans ces conditions, nous ne pouvons que nous étonner de la hausse de 6 % de ses crédits pour 2010, allouée, cette fois encore, en dehors de tout objectif ou indicateur de performance précis, en dehors de tout plan stratégique – plan pourtant exigé par la convention de subvention de mai 2008 –, en dehors, enfin, du contrat d’objectifs et de moyens, dont le point de démarrage devait pourtant être l’année 2009.
L’ensemble des ressources publiques d’AEF n’auront donc été assorties d’aucune contractualisation concernant leur usage et leur affectation.
De la sorte, le rapport de la Cour des comptes – datant pourtant de 2008 – qui soulignait « une absence de vision d’ensemble, des choix stratégiques différés, un coût global croissant et l’absence de mesure satisfaisante de la performance » de la part de la société AEF est toujours d’actualité.
Bien sûr, il revient également à la tutelle de reconnaître sa part dans cette gouvernance défaillante.
Je pense inutile, mes chers collègues, de vous préciser l’orientation pour laquelle optera mon groupe : la teneur critique de mes propos la laisse aisément présager.