Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vais vous parler à mon tour de la politique audiovisuelle extérieure de la France. Celle-ci doit être plus cohérente, avec une stratégie plus lisible et une efficacité accrue.
La création de la holding Audiovisuel extérieur de la France, en avril 2008, s’inscrit dans une telle perspective. Cette structure, qui détient 100 % du capital de Radio France Internationale et de France 24, chaîne d’information, ainsi que 49 % de celui de TV5 Monde, chaîne généraliste partenaire de la holding, doit permettre une meilleure coordination de ces différentes entités pour favoriser un véritable rayonnement de notre langue, de notre culture, de notre pays et de notre vision du monde. Comment ne pas approuver un tel programme ? Mais qu’en est-il, en définitive ?
Certes, le projet de loi de finances prévoit une augmentation des crédits de la mission et même 4, 1 % de hausse réelle pour l’AEF. Il n’en demeure pas moins que la réforme n’a pas, pour le moment, tenu ses promesses et suscite encore de nombreuses interrogations.
Revenons rapidement sur le passé récent et sur les couacs intervenus au moment de la constitution de la holding.
TV5 Monde a été créée, certes sur l’initiative de la France, mais aux côtés des Suisses, des Belges, des Québécois et des Canadiens. L’annonce de la réforme a suscité de multiples interrogations de leur part et la crainte d’une absorption pure et simple par la holding. Après de longs mois de zizanie, un compromis a été trouvé et l’autonomie de TV5 Monde finalement préservée. Mais nous ne sommes pas passés loin de la rupture.
Venons-en à la situation à RFI. Troisième radio internationale après BBC World Service et Voice of America, émettant en français et dans près de vingt langues, RFI a connu le plus long conflit de l’histoire de l’audiovisuel public. Depuis des mois, ses salariés se battent contre un plan social prévoyant 206 suppressions d’emploi sur 1 100 au total, et la fermeture de ses bureaux allemand, albanais, polonais, serbo-croate, turc et laotien.
Malgré l’ampleur de la contestation, la direction n’a jamais semblé prête à négocier. Elle a même pris la décision, à un certain moment, de remplacer les techniciens grévistes par des non-grévistes sur l’antenne en français, ce qui a bien entendu attisé la colère du personnel, qui a vu dans cette attitude une remise en cause du droit de grève.
Outre cet insupportable « autisme » de la direction, comment accepter que RFI licencie, alors que, dans le même temps, France 24 embauche ?
Comment expliquer que, d’un côté, l’on considère que la masse salariale de RFI est trop élevée, et que, de l’autre, une augmentation spécifique d’un million et demi d’euros, pour payer le salaire de ses dirigeants, soit inscrite au budget de l’AEF ?
Fin septembre, la cour d’appel de Paris a suspendu le plan social. Un plan de départ volontaire a été mis en œuvre. Il est encore trop tôt pour en dresser le bilan. Mais il importe d’éviter que le conflit ne s’enlise encore, au détriment de tous : salariés de RFI, direction, mais aussi les millions d’auditeurs, Français établis à l’étranger, bien sûr, mais aussi francophones et francophiles à travers le monde.
Monsieur le ministre, dans l’hypothèse où des départs contraints seraient nécessaires, un médiateur doit être désigné pour procéder, dans les meilleures conditions, à l’étude effective et complète de toutes les possibilités de reclassement.
Le comité d’entreprise a, quant à lui, décidé de saisir le Conseil d’État en référé, afin que soit ordonné aux ministères de tutelle de faire toute la lumière sur le contenu du contrat d’objectifs et de moyens de l’Audiovisuel extérieur de la France. Ce contrat doit exposer la totalité des ressources dont dispose RFI pour les années 2009 à 2013. Le comité d’entreprise estime qu’aucun licenciement économique ne peut être justifié tant que les moyens de l’AEF n’ont pas été dévoilés.
En effet, le contrat d’objectifs et de moyens que l’AEF doit signer avec l’État et qui, selon Mme Albanel, était sur le point d’aboutir il y a six mois déjà, se fait toujours attendre. Mais d’après le président Alain de Pouzilhac, sa signature n’interviendra qu’une fois le plan de mise à l’équilibre de RFI réalisé. Pourtant, n’est-ce pas justement ce contrat d’objectifs et de moyens qui doit définir les perspectives de retour à l’équilibre financier ?
Bref, un dialogue de sourds persiste toujours entre syndicats et direction de RFI. Nous sommes encore très loin, malheureusement, du climat de confiance indispensable à une sortie de crise.
Devant ces incertitudes, il nous paraît difficile de voter les crédits de la mission « Médias ». Nous voterons donc contre.