Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'article 5 confie au maire un rôle de coordination de l'action sociale sur le territoire de sa commune et autorise, sous certaines conditions, le partage d'informations entre professionnels intervenant auprès d'une même famille, ainsi que la divulgation de ces informations au maire, dans la mesure où cela est nécessaire pour l'accomplissement de ses missions.
En première lecture, le Sénat a considérablement clarifié la rédaction de cet article. S'agissant du rôle du maire en tant que coordonnateur de l'action sociale, le Sénat a constaté, à juste raison, que la rédaction initiale du texte était contradictoire avec l'article L. 121-1 du code de l'action sociale, qui stipule que le président du conseil général coordonne les actions relatives à l'action sociale sur son département.
Ainsi, le Sénat a replacé la compétence du département au centre du dispositif, mais il n'a pas pour autant fait disparaître de ce dernier le maire, lequel a toujours un rôle de coordonnateur.
Comme nous l'avons mentionné en première lecture, s'il est légitime et indispensable pour les maires d'avoir les moyens d'exercer leurs responsabilités en matière de prévention de la délinquance, des troubles à l'ordre et à la sécurité publics, il est en revanche risqué, y compris pour eux-mêmes, de créer une confusion entre les missions de sécurité, de justice et d'action sociale.
La protection de l'enfance et l'action sociale font l'objet d'une législation et de procédures spécifiques, dont la responsabilité revient au conseil général et non pas au maire.
Je souhaite réaffirmer ici que seul le président du conseil général doit rester le coordonnateur de l'action sociale, tel que le définissent les lois de décentralisation. Il ne doit pas y avoir de confusion des rôles. Le maire n'est pas le coordonnateur de l'action sociale !
En ce qui concerne le partage de l'information, l'Assemblée nationale est revenue à l'esprit premier du texte, à savoir au partage de l'information entre professionnels, et non entre professionnels soumis au secret professionnel. Ainsi, le secret professionnel est sérieusement mis à mal par cette nouvelle rédaction.
Le secret professionnel doit être préservé et strictement limité aux seules personnes habilitées par la loi à le partager.
Il y a dans ce projet une tension permanente entre protection de l'enfance et prévention de la délinquance. La question se pose : les travailleurs sociaux sont-ils missionnés par la puissance publique au nom de la défense de l'enfance ou au nom de l'ordre public ?
Le projet de loi réformant la protection de l'enfance qui sera discuté en deuxième lecture au Sénat, à la mi-février, permet le partage du secret professionnel, dans l'intérêt de l'enfant, entre les intervenants liés par ce secret professionnel. Cela fait partie du travail de ces derniers et cela fonde leur déontologie : ce sont des travailleurs sociaux et non des travailleurs de l'ordre public.
Cet article contredit l'esprit du projet de loi réformant la protection de l'enfance. En effet, le partage de l'information risque d'hypothéquer le lien de confiance qui existe entre le travailleur social et l'usager, si bien que les familles les plus en difficulté deviendront de moins en moins accessibles aux travailleurs sociaux.
Dans l'esprit présent de la décentralisation, qui tend à ne pas élargir les pouvoirs du maire, ce dernier n'a pas à détenir d'informations qui relèvent du secret professionnel entre les travailleurs sociaux. Si le maire a vocation à connaître, de façon ponctuelle, des données concernant des personnes sollicitant des aides sociales, qui relèvent traditionnellement de ses compétences, il n'a pas vocation à devenir systématiquement destinataire des informations que les professionnels de l'action sociale sont conduits à recueillir auprès des personnes et des familles en difficulté.
Le maire n'a pas à être destinataire d'informations recueillies dans le cadre des politiques sociales dans le but de mener des actions de prévention de la délinquance.
Par ailleurs, je relèverai une autre incohérence : le coordonnateur devra informer le président du conseil général du fait qu'un mineur est en danger. Or je rappelle que toute personne a l'obligation de signaler un tel cas. Cette formulation est donc complètement inutile !
Pour toutes ces raisons, nous souhaitons la suppression de cet article.