Intervention de Daniel Soulage

Réunion du 11 janvier 2011 à 14h30
Débat sur l'avenir de la politique agricole commune

Photo de Daniel SoulageDaniel Soulage :

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame, messieurs les co-présidents du groupe de travail, mes chers collègues, l’année 2010 s’est terminée, pour l’agriculture, de façon plus positive qu’elle n’avait commencé, d’abord parce que les agriculteurs ont globalement vu leurs revenus très sensiblement augmenter, ensuite parce que M. Dacian Ciolos a esquissé les contours de la PAC pour la période 2014-2020. En effet, les paramètres du marché agricole évoluant, il est sain de s’interroger sur l’adéquation de la PAC avec les attentes des agriculteurs.

Mon collègue du groupe de l’Union centriste Marcel Deneux ayant tout à l’heure développé son analyse sur l’avenir de la PAC, je souhaiterais pour ma part aborder les cas particuliers de la filière des fruits et légumes et des productions que l’on pourrait qualifier de « spéciales », comme le tabac ou le pruneau pour le Lot-et-Garonne, par exemple, afin que la PAC de demain réponde au mieux aux attentes du terrain.

Les fruits et légumes représentent, je le rappelle, 17 % de la valeur de la production agricole européenne et 6, 1 milliards d’euros pour la France, mais cette filière ne bénéficie que de 3, 5 % du budget de la PAC. Pour maintenir leur activité, et donc la vie dans nos territoires, les producteurs ont impérativement besoin que ces aides soient conservées, afin de leur permettre d’améliorer leur compétitivité et leur organisation professionnelle.

S’agissant des fruits et légumes, la PAC doit permettre de lutter efficacement contre le dumping agricole. À l’échelle de la France, ce sont plus de 640 000 emplois, dont 450 000 saisonniers, qui sont concernés !

En ce qui concerne le tabac, le cas de cette production illustre la nécessité de bâtir des filières intégrées, et à défaut de soutenir la restructuration de l’organisation professionnelle.

En effet, seulement 17 000 tonnes de tabac sont produites en France, pour 60 000 tonnes consommées. Il n’existe donc aucune adéquation entre la consommation et la production. Pendant de longues années, on a laissé se démanteler un appareil industriel qui faisait de la filière du tabac une filière intégrée, à forte valeur ajoutée. Les tabaculteurs ont dû se réorganiser pour défendre les prix de leur production « brute » ; ils ont déjà fourni des efforts considérables, mais ils ne pourront pas poursuivre cette restructuration sans une aide financière. Il faut donc que la PAC permette d’améliorer la compétitivité, l’équilibre n’étant pas encore atteint.

Il en va de même pour la filière de la tomate industrielle, qui ne produit que de 15 % à 20 % des besoins nationaux. Une incitation à la restructuration des producteurs et un soutien à l’outil industriel de transformation permettraient d’accroître sa compétitivité. À défaut, les unités de transformation sont rachetées par des entrepreneurs, notamment chinois, qui s’en servent comme bases logistiques pour vendre non seulement des tomates, mais aussi des haricots verts ou encore du maïs doux, tous produits importés de Chine pour être commercialisés sous la marque française rachetée.

L’aide à la production est donc indispensable pour maintenir les outils de transformation. Sinon, ces filières vont nous échapper !

Enfin, en ce qui concerne la filière du pruneau, il semble indispensable que la France évite un découplage des aides. Seul leur couplage permet d’améliorer la productivité et de concurrencer les productions sud-américaines. À titre d’exemple, nous devons, dans mon département, refaire entièrement le verger pour rester compétitifs, ce qui exige du temps et beaucoup de moyens.

Ces différents exemples montrent qu’il est nécessaire, dans le cadre de la PAC, de maintenir à leur niveau actuel les droits à paiement unique du premier pilier et de laisser des marges de manœuvre aux États membres pour soutenir les investissements et les réformes dans ces secteurs, sauf à voir ces petites productions disparaître purement et simplement !

En outre, la PAC doit agir comme un filet de sécurité en cas de crises conjoncturelles, notamment pour ces productions. L’Europe doit en effet mobiliser des instruments de régulation de marché pour lisser la volatilité des prix et permettre le financement de mécanismes d’assurance contre les risques climatiques ou sanitaires.

Monsieur le ministre, l’assurance récolte, dont je prône le développement depuis de nombreuses années et que vous avez instaurée dans le cadre de la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, ne fonctionnera pas tant qu’il n’y aura pas de réassurance publique. Celle-ci doit être confortée dans le cadre de la PAC, sinon on en restera au stade des bonnes intentions : les assureurs ne pourront pas ou ne voudront pas jouer le jeu !

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