L'ouverture du marché de l'électricité à la concurrence a d'ores et déjà, pour les usagers, une conséquence bien connue, à savoir la majoration du montant de la contribution aux charges du service public de l'électricité et donc, dans les faits, une augmentation de leur facture d'électricité.
Résumons tout de même les conséquences de cet article 3 ter.
Dans un premier temps, en raison des directives européennes de 2003, on a procédé à l'ouverture du marché pour le segment spécifique des entreprises. On connaît le résultat catastrophique de l'opération : nombre de PME, attirées par les offres alléchantes des opérateurs alternatifs, ont changé de fournisseur, croyant toucher rapidement les dividendes de cette ouverture sous forme d'une baisse globale de leur facture d'énergie.
Hélas ! à compter de 2004, les prix de l'énergie - fuel, comme gaz naturel et électricité - ont commencé à monter de manière vertigineuse.
Cette hausse des prix de l'énergie a, de manière générale, largement profité aux entreprises intervenant sur le secteur, et notamment aux compagnies pétrolières qui viennent de transformer la tendance haussière des prix en accroissement spectaculaire de leurs profits. De ce point de vue, l'exemple de Total est sans doute le plus significatif : ce sont en effet 9 milliards d'euros de profits que le groupe pétrolier a engrangés pour le seul premier semestre de 2006 !
La hausse des prix des matières énergétiques a aussi fait, pour le moment, le bonheur de Gaz de France, qui a ainsi pu servir à ses actionnaires, en 2005, un dividende réévalué de 44 %. Cela tombait bien, car c'était l'année où l'on avait largement ouvert le capital. L'entreprise s'apprête probablement à resservir un dividende tout aussi intéressant pour l'année 2006.
Au demeurant, c'est probablement dans cette perspective que l'on espère mieux faire accepter aux actionnaires minoritaires et, singulièrement, aux particuliers le changement de statut de Gaz de France et sa fusion avec Suez.
Toutefois, la hausse des prix de l'énergie se traduit, certes, par une majoration de la rentabilité économique des opérateurs, mais aussi par une augmentation des charges des usagers.
Voici donc que nous en sommes arrivés à cet article 3 ter qui, tirant les conséquences de la hausse des prix, tend à mettre en oeuvre un tarif réglementé transitoire d'ajustement du marché destiné aux clients éligibles au titre de l'article 22 de la loi du 10 février 2000.
En clair, il s'agit de faire payer à Électricité de France et aux distributeurs non nationalisés, ainsi qu'à Suez, parce que ce groupe gère les installations de production de la Compagnie nationale du Rhône via sa filiale Electrabel, les conséquences de l'ouverture du marché.
Dans les faits, pour permettre aux opérateurs alternatifs de conquérir des parts de marché au détriment d'Électricité de France, il s'agit de faire payer à celle-ci le surcoût découlant du fait que les opérateurs alternatifs ne disposent pas encore des capacités de production leur permettant de satisfaire leurs clients.
Cette contribution, qui est destinée à prendre en compte les charges découlant du service public de l'électricité, est en fait détournée de son objet : plutôt que de répondre aux besoins de couverture de la tarification sociale « produit de première nécessité » et de se donner les moyens de la péréquation tarifaire, on tend à consacrer des masses financières toujours plus importantes pour faire face aux surcoûts supportés par les opérateurs privés.
L'argent public, collecté par EDF, Suez et les distributeurs non nationalisés, est donc utilisé pour assurer la rentabilité économique des « preux chevaliers » de la concurrence.
C'est ce dispositif, monsieur le rapporteur, que votre amendement n° 762 rectifié bis propose de consacrer et d'étendre.
Ce n'est évidemment pas acceptable pour nous eu égard au fait que le meilleur moyen d'assurer la libre concurrence, c'est précisément de ne pas la fausser par l'intervention de l'argent public au seul bénéfice des opérateurs alternatifs. Que ce soit nous qui vous le disions, c'est quand même assez fort !
Nous ne voterons donc pas l'amendement n° 762 rectifié bis. Nous vous invitons d'ailleurs, mes chers collègues, à le rejeter par scrutin public.