Monsieur le ministre, la commission des lois avait examiné la question de la période de sûreté de trente ans. Je signale que peine incompressible et période de sûreté ne sont pas des notions tout à fait équivalentes. Mais on ne peut sans doute pas demander à tous nos concitoyens d’être des fins connaisseurs du code pénal et il est parfois plus simple, pour s’expliquer, de parler de peine incompressible.
Il y a peine incompressible quand la période de sûreté est portée à trente ans ou, si la réclusion criminelle à perpétuité a été prononcée, quand la cour d’assises décide que le condamné ne pourra pas bénéficier d’une mesure d’individualisation. La période de sûreté de trente ans ou portant sur la totalité de la peine n’est toutefois applicable que pour des actes particulièrement graves puisque, pour le moment, elle concerne les meurtres de mineurs précédés ou accompagnés de tortures ou d’actes de barbarie. Le caractère particulièrement odieux de ces crimes avait en effet justifié que le législateur porte la peine de sûreté à trente ans alors que, depuis un certain nombre d’années, elle était de vingt-deux ans pour les crimes graves.
Pourquoi ces périodes de sûreté, monsieur le ministre ? Parce que l’on estime que les personnes sont particulièrement dangereuses et susceptibles de récidiver. Du reste, on a ensuite créé, pour cette même raison, la surveillance de sûreté et la rétention de sûreté.
Eu égard à cet objectif, monsieur le ministre, nous avons eu un doute lors de la première réunion de la commission des lois : est-ce que tout meurtre de policier ou de dépositaire de l’autorité publique peut relever des sanctions les plus graves en matière de période de sûreté ?
Depuis cette réunion, j’ai réfléchi et je considère que, à partir du moment où il y a volonté délibérée de tuer un magistrat, un préfet – il faut se souvenir du préfet Erignac ! –, des policiers, à partir du moment où il y a guet-apens – récemment, à la faveur d’un incendie, on a attiré des policiers pour les « caillasser » et les tuer –, à partir du moment où l’on se trouve face à des comportements aussi asociaux, les cours d’assises doivent pouvoir appliquer la période de sûreté prévue pour d’autres cas. La volonté délibérée et le caractère odieux de ces crimes portent en effet à croire que les auteurs des faits seraient en mesure de récidiver.
Toutefois, monsieur le ministre, vous comprenez bien qu’on ne peut pas étendre cette possibilité à l’infini, sauf à la priver de son sens. Une telle mesure ne doit donc viser que les faits les plus graves. C’est la raison pour laquelle, par ce sous-amendement, nous entendons restreindre quelque peu le champ d’application de la mesure que vous proposez. Il me semble néanmoins que ce sous-amendement correspond parfaitement à vos propos et à l’objectif rappelé par le Président de la République à Grenoble.