Intervention de François Trucy

Réunion du 23 février 2010 à 14h30
Jeux d'argent et de hasard en ligne — Discussion d'un projet de loi

Photo de François TrucyFrançois Trucy, rapporteur de la commission des finances :

Si nos concitoyens ne sont pas les plus joueurs du monde, ni même les plus joueurs d’Europe, chacun sait cependant que plus d’un Français sur deux joue à quelque chose et qu’il joue chaque jour davantage. Et tout laisse penser que cette tendance s’accentuera compte tenu de l’environnement et d’une offre de jeux toujours plus proche, toujours plus pressante.

Prenez la mesure, mes chers collègues, des désastres sociaux et personnels que l’addiction au jeu provoque chez les individus les plus fragiles, pour qui le jeu a cessé d’être un simple divertissement pour devenir une passion ruineuse et destructrice. La prohibition n’étant jamais la solution, le devoir de l’État était donc de réguler ce marché, de le réglementer, d’y faire la police, mais aussi de mettre en place une prévention efficace, de lutter contre l’addiction, de secourir et de soigner les accidentés du jeu qui sont de plus en plus nombreux.

Le projet de loi s’attaque à ces problèmes sociaux avec la même détermination qu’il s’emploie à réguler le marché lui-même, à encadrer les jeux, les paris et le poker en ligne sur internet, qui, à eux seuls, constituent une véritable révolution pour ce monde jusqu’ici bien réglé avec ses monopoles – la Française des jeux et le PMU – et ses casinos tellement réglementés et surveillés qu’ils donnent l’impression d’un quasi-monopole.

Il faut le dire, si l’État, qu’il soit rose ou bleu, est parvenu jusqu’à présent à remplir correctement ses devoirs en matière d’ordre public et de sécurité publique, il n’en est pas de même pour ce qui touche à la santé publique. Dans ce domaine sensible, nous sommes consternés par l’absence quasi totale de recherches et de travaux publics, par une prise en compte officielle de l’addiction au jeu vraiment trop molle et par l’insuffisance des soutiens de l’État aux spécialistes et aux praticiens de cette addiction sans drogue.

Mes chers collègues, il vous appartient d’apprécier si ce texte est susceptible, dans ce domaine, de changer les choses d’une manière significative. Votre rapporteur le pense sincèrement, mais c’est à vous d’en juger.

C’est faire un mauvais procès au Gouvernement que de prétendre qu’il nous présente ce projet de loi parce que, pendant des années, il a croisé le fer avec la Commission européenne qui voulait voir la France abolir tous ses monopoles et ouvrir le marché des jeux à double battant.

Si l’État a rencontré des difficultés pour convaincre la Commission que la gouvernance française des jeux d’argent répondait à des nécessités d’ordre public et à la protection de filières économiques vitales, ce n’est pas cela qui le motive aujourd’hui pour nous faire légiférer.

Une lecture exigeante mais honnête et scrupuleuse du texte vous permettra de conclure que celui-ci répond à l’ensemble des problèmes posés.

Il répond aussi, toujours selon mon point de vue et celui de la commission des finances, à l’objectif majeur qui est de mettre un terme au développement du marché illégal des jeux en ligne.

Ce marché illégal s’est installé parce que les autorités bruxelloises, en France comme ailleurs en Europe, n’ont pas mis en place les règlements permettant, sinon de contenir internet et ses services, du moins de faire en sorte que ceux-ci respectent les règles de sécurité et de santé publiques auxquels les États membres sont légitimement attachés, mais aussi certains intérêts économiques majeurs.

Le projet de loi qui vous est présenté vise donc à organiser le marché des jeux en ligne en agréant certains opérateurs par l’intermédiaire d’une autorité administrative indépendante, la future autorité de régulation des jeux en ligne, l’ARJEL, à condition que ceux-ci s’engagent à respecter un nombre important d’obligations du cahier des charges de cette autorité.

Examinez bien, une à une, ces obligations : elles répondent de manière satisfaisante à toutes vos questions et à toutes vos craintes face à ces nouveautés.

Je citerai la protection des mineurs, l’interdiction de la publicité à leur endroit, la lutte contre l’addiction dans la publicité commerciale. Sur les sites eux-mêmes, des modérateurs de jeux, un numéro spécifique direct d’aide aux joueurs en détresse, l’intervention des organismes d’assistance et de soins sont prévus.

Le contrôle strict des opérateurs agréés sera effectué en continu comme seront conduites les poursuites et les sanctions de tous les opérateurs qui resteront dans l’illégalité ou viendraient à y opérer, et ce pour éviter que la concurrence des sites illégaux – ils ne subissent aucune contrainte et n’acquittent aucune taxe – ne parvienne à « tuer » les opérateurs légaux.

Le projet de loi vise à préserver les ressources de l’État, mais aussi celles de la filière hippique française, habituée depuis toujours à recevoir du monopole que possédait le PMU une aide financière considérable sur laquelle comptent le groupement d’intérêt économique, le GIE, les sociétés hippiques et les quelque 70 000 – ou 90 000 – emplois de cet important secteur économique. Je cite ces deux chiffres car M. le rapporteur pour avis de la commission de la culture et moi-même avons un différend sur ce point. Mais il s’agit sans doute de 70 000 emplois directs et de 90 000 emplois directs et indirects, et vous pourrez peut-être nous confirmer ces données, monsieur le ministre.

Le projet de loi préserve et améliore aussi les ressources drainées vers le sport amateur et le Centre national pour le développement du sport qui les administre.

Il crée pour les sports professionnels un droit au pari sportif que négocieront entre eux, sous le contrôle de l’ARJEL, les organisateurs sportifs et les opérateurs.

Il existe d’autres bénéficiaires des prélèvements effectués sur les jeux dont vous serez amenés à débattre au cours de l’examen du texte, je n’en doute pas. Chacun d’eux a son intérêt pour notre société ; chacun d’eux défend durement ses intérêts. Nul doute que l’examen des articles du volet fiscal du projet de loi sera pour nous difficile, ardu, car le texte est complexe. Avez-vous déjà vu un texte fiscal qui ne le soit pas ? Moi, jamais !

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