Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici donc parvenus au terme d'un long marathon législatif, qui a débuté il y a près de huit mois, le 21 novembre 2005 exactement, date de la première lecture du projet de loi portant engagement national pour le logement par notre Haute Assemblée.
J'ai l'honneur de vous présenter aujourd'hui les conclusions de la commission mixte paritaire qui s'est tenue le mercredi 21 juin dernier à l'Assemblée nationale.
Mes chers collègues, avant d'aborder la présentation du texte élaboré par la CMP qui est soumis à votre approbation, je voudrais tout d'abord rendre un hommage appuyé au président de la commission des affaires économiques, Jean-Paul Emorine, qui m'a épaulé et encouragé tout au long des différentes étapes - quelquefois difficiles - de l'examen de ce texte important.
Qu'il me soit également permis de saluer l'ouverture d'esprit de notre collègue député Gérard Hamel, rapporteur du texte à l'Assemblée nationale, ainsi que l'excellente ambiance qui a régné lors de nos travaux en commission mixte paritaire.
Il était à craindre que, sur un projet de loi désormais long de plus de cent dix articles, la commission mixte paritaire n'ait un travail considérable à effectuer. En réalité, ses travaux ont été grandement facilités par les convergences de vue évidentes entre les deux chambres du Parlement. D'ailleurs, comment pouvait-il en être autrement quand notre pays est confronté à un défi majeur : combattre la grave crise du logement qui frappe notre pays, crise qui nécessite la mobilisation de tous les acteurs ? Comment expliquer aux partenaires du monde du logement qu'ils doivent se rassembler et travailler ensemble pour relever ce défi si nous, élus de la nation, n'avions pu donner l'exemple ?
De ce point de vue, il est également indéniable que le travail préparatoire initié par la commission des affaires économiques en janvier 2005, avec la création d'un groupe de travail consacré aux facteurs fonciers et immobiliers de la crise du logement - dont j'avais l'honneur de présider et dont notre collègue Thierry Repentin était le rapporteur -, a largement orienté nos travaux. Le Parlement dans son ensemble, notre Haute Assemblée en particulier, peut être fier du travail accompli et des nombreux enrichissements qui ont été apportés à un texte qui ne comptait, à l'origine, que onze articles.
Dans ce cadre, tous les groupes politiques de notre assemblée, sans exception, ont apporté leur pierre à l'édifice. Certes, je ne nie pas que certains points aient pu susciter d'intenses et longs débats, parfois, d'ailleurs, pour des raisons infondées à mes yeux. Du reste, dès que la question de la réforme de l'article 55 de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, ou loi SRU, a été tranchée - dans un sens, je le crois, conforme aux intérêts de nos concitoyens - la plupart des polémiques se sont éteintes.
Ce rappel étant fait, j'en viens maintenant à la présentation du texte élaboré par la commission mixte paritaire.
L'essentiel de nos travaux a porté sur le titre Ier, consacré aux dispositions en matière d'urbanisme.
La commission mixte paritaire a tout d'abord rétabli certaines dispositions que l'Assemblée nationale avait supprimées.
À l'article 2, elle a rétabli la consultation d'un représentant des organismes d'HLM lors de l'élaboration des plans locaux d'urbanisme, disposition qui avait été introduite au Sénat. Afin de ne pas alourdir à l'excès les procédures, elle a toutefois précisé que le représentant des organismes devait rendre son avis dans un délai de deux mois à compter de sa saisine par le maire.
Après un riche et long débat, la CMP a rétabli l'article 3 bis, qui avait été supprimé à deux reprises par l'Assemblée nationale. Cette disposition, issue des travaux du groupe de travail présidé par M. Philippe Pelletier, institue une prescription administrative de dix ans sur les constructions afin de permettre à leurs propriétaires d'engager des travaux de sécurisation ou de rénovation, ce qu'ils ne peuvent pas faire à l'heure actuelle. Afin de prendre en compte les interrogations, justifiées, suscitées par cet article, la commission mixte paritaire a précisé que cette prescription n'était pas applicable lorsque la construction avait été réalisée sans permis de construire ou lorsqu'une action en démolition était engagée.
S'agissant de l'article 4 quinquies, en deuxième lecture, les députés ont souhaité que la majoration de taxe applicable au foncier non bâti sur les terrains constructibles soit instituée par délibération du conseil municipal, et cela dans toutes les communes, quelle que soit leur importance. Sous réserve de quelques ajustements rédactionnels, la CMP a validé ce dispositif très attendu par tous les acteurs locaux dans le contexte actuel de forte hausse des prix du foncier, dont on constate qu'elle encourage grandement la rétention foncière. Nous pouvons faire confiance aux maires pour utiliser à bon escient cet outil essentiel qui doit leur permettre de mettre en oeuvre leur politique d'urbanisation, et en aucun cas de percevoir de nouvelles recettes.
Les députés ont rétabli l'article 4 septies, introduit par le Sénat en première lecture, puis supprimé par lui en deuxième lecture, qui vise à instaurer un partage de la plus-value réalisée par les propriétaires d'un terrain rendu constructible au profit des communes. Dans la même logique que l'article 4 quinquies, l'Assemblée nationale a prévu que cette taxe devrait être instituée sur délibération du conseil municipal. En outre, les députés ont précisé qu'elle ne pourrait s'appliquer qu'à partir du triplement au moins du prix du terrain. La CMP a adopté cet article ainsi modifié, avec quelques amendements rédactionnels.
Avant d'aborder la partie « logement » du texte, je ne peux que regretter que le décret relatif à la décote à 35 % sur les terrains de l'État n'ait toujours pas été publié, alors même que notre commission avait accepté au mois de novembre de retirer son amendement en contrepartie de l'engagement du Gouvernement à publier ce décret avant la deuxième lecture du texte au Sénat. Nous sommes bientôt au mois de juillet et, sur le terrain, les opérations sont prêtes à démarrer !
Je souhaiterais donc, monsieur le ministre, que vous nous donniez des indications précises sur la date de parution de ce décret afin de pouvoir mettre en route toutes les opérations qui sont en attente. En outre, nous exercerons un suivi attentif et vigilant de la mise en oeuvre de cette disposition, dont l'application dépendra des discussions sur le plan local et de la volonté effective de l'État de remettre des terrains sur le marché.
S'agissant de la partie « urbanisme », je souhaiterais que vous nous donniez également des indications précises sur la date envisagée pour la parution du décret prévu à l'article 4 quinquies du projet de loi.
Sur le titre II, la commission mixte paritaire a adopté un grand nombre d'amendements rédactionnels et de cohérence sur plusieurs articles. Ils n'ont cependant aucune incidence sur le fond.
Dans le cadre de la réforme de l'article 55, les députés ont renoncé à comptabiliser les logements en accession sociale à la propriété dans le décompte des obligations de construction. En revanche, ils ont adopté un dispositif permettant de majorer, jusqu'au 31 décembre 2010, le montant du prêt à taux zéro pour les opérations d'accession sociale à la propriété qui reçoivent une aide d'une commune. Sur ce sujet, la CMP a adopté une disposition précisant que le bénéfice de cette majoration était également applicable aux opérations aidées par tout type de collectivité territoriale.
La commission mixte paritaire a validé, dans la rédaction retenue par les députés, l'article 8 septies, introduit au Sénat, qui vise à créer des commissions départementales et une commission nationale chargées d'analyser les difficultés rencontrées par les communes pour remplir leurs obligations de construction de logements sociaux dans le cadre de l'article 55 de la loi SRU.
Enfin, l'Assemblée nationale a finalement supprimé l'article qui comptabilisait les aires permanentes d'accueil des gens du voyage comme logements sociaux au titre dudit article 55 et a adopté un amendement rendant déductibles du prélèvement les dépenses engagées par les communes pour développer ces emplacements. La CMP a validé ce schéma.
En ce qui concerne les autres modifications de fond, nous avons supprimé l'article 5 sexies A, introduit par les députés en seconde lecture, qui prévoyait l'institution d'un mécanisme de garantie des emprunts immobiliers pour les personnes titulaires d'un contrat de travail autre qu'un contrat à durée indéterminée.
Cela ne signifie nullement que nous méconnaissons les difficultés que rencontrent certains de nos concitoyens, en particulier les plus modestes, pour avoir accès au crédit, difficultés qui entravent gravement leurs possibilités de devenir propriétaires. Toutefois, tel qu'il était rédigé, cet article aurait été inapplicable. Je sais que le ministre en charge du logement, M. Jean-Louis Borloo, s'est engagé à se pencher sur ce problème et à faire en sorte que des mesures législatives puissent être proposées dans la prochaine loi de finances. Pourriez-vous, monsieur le ministre, nous confirmer cet engagement ?
La CMP a également supprimé l'article 5 decies, lui aussi voté à l'Assemblée nationale en deuxième lecture, qui créait une nouvelle forme d'accession sociale à la propriété, dite de « location-attribution ». En définitive, nous n'avons pas été convaincus par les modalités d'application de ce dispositif.
Sur l'article 7 nonies, en deuxième lecture, les députés ont adopté des amendements de M. Michel Piron, président du Conseil national de l'habitat, qui ont remplacé le permis de louer par un régime déclaratif. Tout en conservant le caractère expérimental de ce dispositif, l'Assemblée nationale a trouvé une formule beaucoup plus souple et plus pragmatique. La CMP, quant à elle, a précisé que ce régime de déclaration de mise en location était sans effet sur le bail dont bénéficie le locataire.
S'agissant des dispositifs relatifs à la lutte contre les « déconventionnements », les députés ont prévu que les conventions des logements possédés par les filiales de la Caisse des dépôts et consignations seraient prolongées de six ans au seul bénéfice des locataires en place. La commission mixte paritaire s'est ralliée à leurs arguments. Il s'agit là d'une avancée majeure.
Par ailleurs, la CMP a maintenu la suppression de l'article 8 septies C, adopté au Sénat contre l'avis du Gouvernement et de la commission, qui obligeait les bailleurs possédant plus de 100 logements à offrir un relogement aux locataires « déconventionnés » dans la même commune ou à proximité.
Sur les articles du titre III, la commission mixte paritaire a validé l'article 19 B, qui instaure un régime comptable simplifié pour les petites copropriétés. En revanche, elle a supprimé l'article 19 C, qui conférait aux syndicats de copropriétaires un privilège sur les créances des entreprises en liquidation judiciaire. Enfin, la commission mixte paritaire a élargi aux communautés d'agglomération le bénéfice du dispositif prévu à l'article 25 bis.
En définitive, la commission mixte paritaire a retenu un texte équilibré, qui prend en compte toutes les préoccupations des députés et des sénateurs. Au total, je crois que nous nous retrouvons tous largement dans ce texte. C'est pourquoi, mes chers collègues, je ne peux que vous inviter à le voter. Il apporte en effet une réponse ambitieuse et globale aux problèmes du logement dans notre pays.
Reste maintenant, monsieur le ministre, à rendre ce texte applicable le plus rapidement possible : la balle est dans le camp du Gouvernement. Croyez bien que le Parlement y veillera avec la plus grande attention compte tenu des problèmes de logement que connaît notre pays.