Intervention de François-Noël Buffet

Réunion du 30 juin 2006 à 16h00
Immigration et intégration — Adoption définitive des conclusions du rapport d'une commission mixe paritaire

Photo de François-Noël BuffetFrançois-Noël Buffet, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le texte présenté par la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à l'immigration et à l'intégration résulte largement d'une communauté de vues entre le Sénat et l'Assemblée nationale.

Le projet de loi présenté en conseil des ministres comportait 84 articles. Après son examen en première lecture par l'Assemblée nationale, il en comptait 116. Le Sénat, qui a adopté 117 amendements, a porté ce nombre à 128. Il a notamment inséré douze articles additionnels.

Sur les 116 articles issus des travaux de l'Assemblée nationale, 66 ont été adoptés par la Haute Assemblée dans les mêmes termes.

La commission mixte paritaire était appelée à examiner les 62 articles qui restaient en discussion. La majorité d'entre eux n'ont fait l'objet d'aucune modification, ou n'ont subi que de simples modifications pour coordination.

M. Thierry Mariani, rapporteur pour l'Assemblée nationale, et moi-même avons souligné la vision commune des deux assemblées sur ce texte. Celui-ci porte néanmoins, incontestablement, l'empreinte de notre assemblée. Je rappelle que son examen par le Sénat en première lecture a duré cinquante heures.

Parmi les apports les plus substantiels du Sénat, j'évoquerai tout d'abord le souci affirmé de renforcer un certain nombre de droits des étrangers.

Je citerai, à cet égard, l'extension du bénéfice de l'aide juridictionnelle pour les demandeurs d'asile à l'occasion du recours devant la Commission des recours des réfugiés, l'inscription dans la loi du délai d'un mois pour déposer un recours devant cette même commission, l'intervention des administrateurs ad hoc auprès des mineurs étrangers isolés dès la décision de refus d'entrée sur le territoire national, le maintien de la possibilité, pour les déboutés du droit d'asile, de contester la décision fixant le pays de renvoi, le renouvellement de la carte « salarié » lorsque l'étranger a été involontairement privé d'emploi, la faculté, pour les étrangers en situation irrégulière mariés avec un ressortissant français entrés régulièrement en France, de déposer leur demande de visa de long séjour auprès de la préfecture.

En matière de regroupement familial, la commission mixte paritaire a confirmé le texte du Sénat, notamment la suppression de la modulation, en fonction de la taille de la famille, du montant de ressources exigé pour pouvoir faire venir sa famille.

Le Sénat a également, je le crois, amélioré et simplifié ce texte.

Il a, en particulier, supprimé la création du conseil national de l'immigration et de l'intégration, afin, notamment, de permettre une réflexion plus approfondie sur son articulation avec les organismes existants.

Concernant les étudiants étrangers, notre assemblée a décidé de leur accorder automatiquement le droit d'exercer une activité salariée, abandonnant de la sorte le système en vigueur d'autorisation préalable.

Concernant la nouvelle procédure d'admission exceptionnelle au séjour, le Sénat a tenu à préciser que la commission émettra un simple avis sur les critères de régularisation, afin d'éviter de l'ériger en quasi-autorité administrative indépendante.

Notre assemblée a également souhaité confier aux commissions du titre de séjour, dans chaque département, la mission de rendre un avis sur les demandes de régularisation émanant d'étrangers justifiant de dix années de résidence habituelle en France.

Par ailleurs, toujours avec le souci d'améliorer ce texte, le Sénat a étendu le champ de la carte « salarié en mission » créée à l'article 10 du projet de loi, et facilité la venue des conjoints et enfants des titulaires de cette carte. La compétitivité de nos entreprises et l'attractivité de notre territoire devraient être ainsi consolidées.

Enfin, tout au long de ses travaux, la Haute Assemblée s'est attachée à donner davantage d'épaisseur à l'idée de codéveloppement, démarche qui, à long terme, représente la seule solution durable pour résoudre la question de l'immigration clandestine. Cette préoccupation s'inscrit complètement dans l'esprit des travaux de la commission d'enquête du Sénat sur l'immigration clandestine. En particulier, le Sénat a créé le compte épargne codéveloppement, qui devrait constituer un puissant levier financier en faveur du codéveloppement.

Notre assemblée a également tenu à mieux réglementer la délivrance de la carte « compétences et talents », de telle sorte que la mise en place de ce dispositif ne se traduise pas par ce que certains ont appelé un « pillage des cerveaux » des pays les plus pauvres.

Comme je l'ai dit au début de mon propos, la quasi-totalité des apports du Sénat ont été confirmés par la commission mixte paritaire. Quatre modifications de fond ont néanmoins été apportées par cette dernière.

À l'article 7, relatif à l'entrée et au séjour en France des étudiants, la commission mixte paritaire a décidé que les étudiants étrangers seraient autorisés à travailler dans la limite de 60 % de la durée de travail annuelle normale.

En première lecture, l'Assemblée nationale avait fixé pour limite un mi-temps annualisé. Le Sénat avait en revanche retenu la limite d'un temps partiel annualisé, afin notamment de permettre aux étudiants de travailler à temps plein pendant les vacances universitaires. Dans un souci de compromis, la commission mixte paritaire a donc décidé d'autoriser les étudiants étrangers à travailler dans la limite de 60 % de la durée de travail annuelle normale.

À l'article 12, relatif à la création de la carte de séjour « compétences et talents », la commission mixte paritaire a approuvé, sur la proposition du rapporteur pour l'Assemblée nationale, la possibilité de délivrer une telle carte à un étranger ressortissant d'un pays appartenant à la zone de solidarité prioritaire si cet étranger s'engage à retourner dans son pays à l'issue de six années de séjour en France.

Afin de favoriser le codéveloppement et de poser la première pierre d'une gestion mutuelle des flux migratoires, le Sénat avait souhaité subordonner la délivrance de la carte « compétences et talents » à des étrangers ressortissants des pays de la zone de solidarité prioritaire à la conclusion préalable d'un accord de partenariat pour le codéveloppement entre la France et ces pays.

Toutefois, le rapporteur pour l'Assemblée nationale a craint que l'institution de cette condition n'aboutisse à rendre inopérant le dispositif de la carte « compétences et talents », la négociation de tels accords de codéveloppement pouvant prendre de nombreuses années, voire ne jamais aboutir. La commission mixte paritaire a donc décidé de laisser la possibilité, en l'absence d'accord, de délivrer cette carte si l'étranger concerné s'engage à retourner dans son pays au bout de six ans. Je précise que si un accord prévoyant les conditions dans lesquelles la carte « compétences et talents » sera délivrée est conclu, cet accord prévaudra évidemment. Il ne saurait être contourné par le biais du simple engagement de l'étranger à retourner dans son pays.

S'agissant des articles 33 B et 33 C, visant à favoriser le recours à la visioconférence lors des audiences en vue de la prolongation du maintien en zone d'attente ou en rétention administrative, la commission mixte paritaire a préféré les supprimer en raison d'un risque d'inconstitutionnalité.

Enfin, à l'article 82 bis, relatif à l'entrée en vigueur de la réforme de l'obligation de quitter le territoire français, la commission mixte paritaire a souhaité laisser un peu plus de temps au Gouvernement pour prendre les décrets d'application nécessaires.

Tout ayant été dit au cours d'une sérieuse première lecture, je voudrais enfin, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, exprimer mes remerciements à l'ensemble des intervenants qui, sur toutes les travées, ont apporté leur contribution au débat, même si leurs propos ont parfois pu être quelque peu sévères. Je voudrais remercier tout particulièrement le groupe de l'UMP du soutien qu'il a apporté au président et au rapporteur de la commission des lois.

En conclusion, mes chers collègues, je vous demande d'adopter les conclusions de la commission mixte paritaire, dont je viens d'essayer de vous rendre compte fidèlement.

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