Intervention de Jean-Patrick Courtois

Réunion du 30 juin 2006 à 16h00
Immigration et intégration — Adoption définitive des conclusions du rapport d'une commission mixe paritaire

Photo de Jean-Patrick CourtoisJean-Patrick Courtois :

Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, le premier projet de loi relatif à la maîtrise de l'immigration a fait la démonstration que, lorsque l'autorité publique se donnait les moyens de sa politique, les résultats suivaient très rapidement dans les faits.

Ce texte complète également la loi du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité - j'ai eu l'honneur d'en être le rapporteur -, qui a permis de doubler en trois ans le nombre de mesures d'éloignement effectivement exécutées.

Il complète également la loi du 10 décembre 2003 relative au droit d'asile, sans oublier le projet de loi relatif au contrôle de la validité des mariages, en attente d'examen devant notre assemblée.

La loi du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration avait déjà prévu la répression pénale de la traite des êtres humains et rétabli l'encadrement du certificat d'hébergement supprimé en 1998, donnant ainsi aux maires la possibilité de participer à ce contrôle.

Elle avait également renforcé les mesures contre les mariages blancs, constitué en délits l'organisation et la participation à une telle union, créé un fichier d'empreintes digitales des demandeurs de visa et porté la durée maximale de rétention de douze jours à trente-deux jours.

Dans le même esprit, ce nouveau projet de loi a pour ambition de confirmer, en l'amplifiant, la politique qui est menée depuis 2002. Son titre lui-même conjugue immigration et intégration, qu'il faut entendre avec deux i majuscules.

Cet équilibre constitue le fondement de ce projet de loi que ses auteurs ont voulu en effet empreint de fermeté mais aussi de justice.

Encore faudrait-il ne pas transformer ces deux idées fortes en deux idées faibles. C'est bien tout l'enjeu de ce texte qui porte deux idées fortes : poursuivre notre lutte contre l'immigration irrégulière en colmatant les failles de notre dispositif et accentuer parallèlement le processus d'intégration des immigrés réguliers.

Fermeté, donc, contre l'immigration clandestine, et en particulier contre celle qui touche, dans des proportions inquiétantes, certaines de nos collectivités ultramarines.

Néanmoins, fermeté toute relative au vu de notre politique d'immigration, puisque nous optons pour une immigration choisie. C'est d'ailleurs l'option qui a déjà été retenue par la plupart des grandes démocraties du monde - États-Unis, Canada, Royaume-Uni ou encore Allemagne.

Ce choix relève du bon sens : un pays doit adapter sa politique d'immigration à ses capacités d'accueil.

Cependant, il s'agit également d'un texte empreint de justice : il prévoit des traitements particuliers pour des raisons humanitaires ; il affiche clairement une préférence pour une immigration du travail ; il réserve une priorité aux immigrés qui cherchent à s'intégrer en respectant les valeurs de la République ; surtout, il favorise le codéveloppement.

En cette dernière matière, le Sénat a apporté sa pierre à l'édifice.

Pour ne citer que cet exemple, notre groupe se félicite que, sur l'initiative de Jacques Pelletier, président du groupe du RDSE, et de notre collègue et ami Hugues Portelli, le concept d'immigration choisie soit désormais très clairement lié à une politique d'aide au développement, grâce à la création du compte épargne codéveloppement.

Ce dispositif extrêmement novateur procède finalement du même esprit que la taxe de un euro sur les billets d'avion.

Il s'agit de cesser de colmater les brèches avec les vieilles recettes dont nous savons tous qu'elles ne fonctionnent plus et d'inventer des démarches neuves. Peu importe que des esprits chagrins nous exposent toutes les raisons pour lesquelles ce qui est souhaitable n'est jamais réalisable.

Ce dispositif a le mérite d'exister, même s'il peut être amélioré - comme d'ailleurs tous les dispositifs fiscaux, qui sont revus presque annuellement. Rien que pour cela, nous ne pouvons que nous féliciter d'en avoir pris l'initiative !

Rappelons tout de même, ainsi que vous nous l'aviez dit, en première lecture, monsieur le ministre délégué, que les investissements attendus sont estimés à 900 millions d'euros pour les pays d'origine, avec un effort financier de l'État français de 125 millions d'euros. Ce geste est suffisamment significatif pour être souligné.

Le Sénat a en outre décidé, sur l'initiative de notre collègue Hugues Portelli, de subordonner la mise en place de la carte « compétences et talents » à des accords de partenariat pour le développement conclus préalablement avec les États d'origine des personnes concernées afin d'éviter le pillage intellectuel unilatéral.

La commission mixte paritaire a toutefois considéré que la délivrance de cette carte devait être possible même en l'absence d'accord de codéveloppement, à condition que l'étranger s'engage à retourner dans son pays à l'issue de six années de séjour en France.

Si je me permets de relever cette modification apportée à notre texte par la commission mixte paritaire, c'est pour souligner son caractère exceptionnel.

En effet, nous pouvons nous enorgueillir que, pour l'essentiel des articles, la commission mixte paritaire ait retenu la rédaction du Sénat.

Parmi nos apports notables - en plus de ceux que vient de rappeler l'excellent rapporteur, François-Noël Buffet, auquel je rends hommage pour la qualité du travail qu'il a effectué en amont, lors de la commission d'enquête, puis tout au long de nos débats - je retiendrai l'article 29 quinquies, adopté sur l'initiative de notre collègue Philippe Goujon. Cet article permet de mieux lutter contre ces marchands de sommeil qui font le commerce de la misère humaine.

Ainsi, son amendement qui vise à rendre possible la confiscation des biens de ceux qui contreviennent à la législation sur le travail au noir et sur l'hébergement incompatible avec la dignité humaine a été adopté à l'unanimité.

Auparavant, seul le fonds de commerce pouvait être confisqué ; dorénavant l'ensemble des biens pourra l'être.

Finalement, le principal point qu'il convenait de résoudre en commission mixte paritaire concernait les conditions requises pour le regroupement familial.

En premier lieu, dès la lecture dans notre assemblée, sur mon initiative, la question de la création d'une nouvelle condition préalable au regroupement familial relative au respect des principes qui régissent la République a été tranchée.

La commission des lois avait proposé le retrait de cette disposition pour des raisons, objectives, tenant à l'imprécision de la rédaction.

En adoptant alors une rédaction faisant référence aux « principes fondamentaux reconnus par les lois de la République », principes qui sont dégagés par la jurisprudence du Conseil constitutionnel et qui comprennent notamment la liberté de conscience et la liberté individuelle, nous avions d'ores et déjà accompli un bout de chemin en direction de nos collègues députés.

En effet, l'étranger qui souhaitera faire venir sa famille dans notre pays via la procédure du regroupement familial devra à tout le moins respecter ces règles essentielles.

Après dix-huit mois de présence sur notre sol, il est normal d'exiger de l'étranger demandant à être rejoint par sa famille qu'il respecte lui-même le pacte républicain.

L'autre aspect de cette problématique du regroupement familial concernait l'instauration de la condition de ressources.

Nous avions, après un très large débat, souhaité supprimer la possibilité de moduler par décret, en fonction de la composition de la famille, le montant des ressources exigées du demandeur.

En effet, d'une part, une telle modulation semblait relever du domaine législatif et, d'autre part, elle introduisait une inégalité incompréhensible dans la mesure où elle revenait à considérer que le SMIC, censé suffire à une famille française, n'aurait pas été suffisant pour une famille étrangère.

En raison de ce risque d'inconstitutionnalité, nos collègues députés se sont ralliés sur ce point à notre opinion, et je m'en réjouis.

Au moment de conclure, je souhaite rappeler - sans intention aucune de minimiser notre travail - que la partie législative n'est qu'un élément dans l'ensemble plus global d'une politique migratoire efficace.

Voter un projet de loi est une chose, et importante, mais le véritable enjeu est de réussir à mettre en oeuvre au plus vite la loi sur le terrain, ainsi que cela a été fait pour la loi de 2003.

De surcroît, beaucoup d'actions ne relèvent pas du domaine de la loi.

Si nous nous félicitons donc de l'adoption de ce texte aujourd'hui, nous avons conscience que le combat contre l'immigration clandestine et pour l'intégration ne se gagnera pas en un jour, mais nécessitera la mobilisation permanente des pouvoirs publics.

Pourtant, monsieur le ministre délégué, en ce dernier jour de session parlementaire, notre groupe souhaite vous signifier, en adoptant ce texte avec enthousiasme, sa confiance en votre détermination et en votre action pour apporter les réponses qui s'imposent.

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