Intervention de Jean-Pierre Godefroy

Réunion du 18 octobre 2010 à 15h00
Réforme des retraites — Article 27 ter AA

Photo de Jean-Pierre GodefroyJean-Pierre Godefroy :

Cet article vise à inciter les entreprises à développer une politique de prévention de la pénibilité du travail, sous peine d’être soumises à une pénalité financière. Ce dispositif n’est pas inintéressant, bien au contraire, mais je m’interroge sur son efficacité réelle.

D’abord, son champ d’application me semble limité. En effet, il ne concerne que les entreprises de plus de cinquante salariés alors que, dans notre pays, la majorité des salariés travaillent dans des PME d’une taille inférieure. Qui plus est, il faut que ces entreprises emploient une proportion minimale, qui sera fixée par décret, de salariés exposés à des facteurs de risques professionnels. Cette condition restreint la portée de la disposition.

Ensuite, le montant de la pénalité – 1 % au maximum des rémunérations ou gains versés aux salariés pour lesquels l’entreprise n’est pas couverte pas un accord – me semble bien faible pour être réellement dissuasif. De plus, ce montant pourra être modulé en fonction des efforts faits par l’entreprise en matière de prévention de la pénibilité. Autant dire que la sanction risque d’être plus symbolique que réellement pénalisante !

Je regrette également que l’article fixe une obligation de moyens, mais pas de résultat. En effet, une entreprise peut très bien instituer un plan de prévention de la pénibilité ou signer un accord de réduction de la pénibilité, mais l’important est de savoir si ce plan ou cet accord est appliqué, selon quelles modalités et s’il conduit effectivement à une réduction de la pénibilité. De plus, ce document pourra être signé à l’échelon soit de l’entreprise, soit de la branche : dans ce dernier cas, le contrôle sera encore plus restreint.

Enfin, on nous dit que cet article s’inspire du dispositif similaire mis en place en 2009 pour encourager le maintien des seniors dans l’emploi, lequel serait un succès puisque, nous dit-on, la grande majorité des entreprises concernées ont conclu un accord ou développé un plan d’action en faveur de l’emploi des seniors, seules 250 d’entre elles ayant préféré s’acquitter d’une pénalité. Si mes informations sont exactes, 80 accords de branche et 10 000 accords d’entreprise pour l’emploi des seniors ont ainsi été élaborés et près de 3, 3 millions de salariés seraient désormais couverts par de tels accords.

Monsieur le ministre, un tel résultat est a priori formidable ! On pourrait espérer en trouver la traduction dans les chiffres du chômage. Le nombre de seniors demandeurs d’emploi ne devrait-il pas s’être réduit ou, au moins, stabilisé ? Eh bien non ! Si l’on se réfère aux chiffres publiés par l’UNEDIC le 24 septembre dernier, entre août 2009 et août 2010, le nombre de demandeurs d’emploi de plus de 50 ans s’est accru de 16, 6 %. Votre collègue Laurent Wauquiez déclarait sans rire, il y a quelques mois, que « l’emploi des seniors n’a jamais autant progressé »… Qu’est-ce que cela serait sinon, si le Gouvernement n’avait pas mis en place un plan en faveur des seniors ! Selon vous, « le premier bilan de la pénalité “seniors” montre que cet outil est efficacement dissuasif » ! J’imagine que vous escomptez le même succès s’agissant de la pénibilité. Il y a donc de quoi être dubitatif quant à l’intérêt réel du dispositif, surtout si l’on en attend des effets concrets.

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