Intervention de Nicole Borvo Cohen-Seat

Réunion du 20 janvier 2010 à 14h30
Motion référendaire sur le projet de loi de réforme des collectivités territoriales — Rejet d'une motion référendaire

Photo de Nicole Borvo Cohen-SeatNicole Borvo Cohen-Seat :

Monsieur le ministre, la suppression de la taxe professionnelle et la réforme actuelle réunies contredisent vos propos sur l’organisation décentralisée de la République.

M. Longuet affirmait également à l’époque : « Nous aurions pu retenir au contraire quatre niveaux de territoires : la commune, le département, la région et l’intercommunalité. En faisant le choix de n’en retenir que trois, le Gouvernement nous rappelle simplement que, au-delà du devoir évident des collectivités locales, et particulièrement des 36 000 communes, de travailler ensemble, de constituer ensemble des réponses collectives face à des besoins immédiats comme l’intercommunalité rurale, les agglomérations et les communautés urbaines, il n’y a qu’une seule unité terminale qui permette la proximité pour le citoyen : la commune ».

Aujourd’hui, M. Longuet pense que le projet ne va pas assez loin quant aux métropoles et à leurs pouvoirs !

En vérité, il est difficile de le nier, certaines des dispositions de votre projet posent des problèmes au regard de la Constitution confirmée, en ce domaine, en 2008, c’est-à-dire postérieurement à l’élection présidentielle. Autrement dit, vous ne pouvez nous objecter qu’elles figurent dans le programme du candidat élu Président de la République depuis, dans la mesure où la révision constitutionnelle de 2008 n’en a pas décidé ainsi.

En effet, l’article 72 de la Constitution, notamment, n’est pas respecté sur plusieurs points. Cet article, malgré les explications gênées et excessivement complexes du comité de réforme des collectivités territoriales présidé par M. Balladur, pose sans ambiguïté le principe de la compétence générale des collectivités territoriales que sont la commune, le département et la région.

Cette clause de compétence générale est consubstantielle à la libre administration. En un mot, pas de démocratie locale sans compétence générale.

Supprimer la compétence générale, c’est réduire la capacité d’action des élus, au regard des citoyens qui les ont élus, c’est donc réduire la capacité des citoyens à agir sur la réalité de leur quotidien.

L’argumentation du comité Balladur sur ce point est surprenante. Il constate que la Constitution établit clairement par trois raisonnements la compétence générale. Premièrement, la compétence générale distingue une collectivité d’un établissement public. Deuxièmement, la Constitution établit clairement le lien entre libre administration et conseil élu pouvant exercer ses compétences. Troisièmement, la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 pose clairement que chaque collectivité locale a vocation à gérer ses propres affaires.

Or, de manière surprenante, le comité a estimé qu’« en l’absence de toute jurisprudence constitutionnelle tranchant clairement la question, il était raisonnable de penser que la modification, voire la suppression de la clause de compétence générale était possible ». Comprenne qui pourra…

Le comité Balladur, le Gouvernement et la majorité exercent un droit dont ils ne disposent pas : interpréter la Constitution à leur guise !

En fait, votre projet tend à changer profondément la conception des institutions telles qu’elles résultent de notre loi fondamentale.

Il en est ainsi de la création des conseillers territoriaux, déjà si souvent critiquée depuis le début de cette discussion. Chacun devine que leur instauration préfigure la fin du département. En outre, ils mettent à mal trois principes constitutionnels lourds : le fait que chaque collectivité dispose d’une assemblée propre élue, le principe de parité et le principe d’une représentation pluraliste. Nous aurons l’occasion de revenir sur ces questions avec la motion d’irrecevabilité.

Le mode de scrutin, qui, certes, n’est pas discuté aujourd’hui – c’est un comble ! – mais qui sera bien présent dans nos décisions, met à mal ces deux principes.

Il est donc logique que nos concitoyens soient consultés sur ce changement. Rappelons-nous, c’est lui, le peuple souverain, qui, il y a bien longtemps, par la force de son engagement, a forgé les institutions démocratiques de notre pays. Croyez-vous un seul instant qu’il puisse être mis à l’écart du débat qui s’ouvre ?

Pour nous, la consultation populaire est nécessaire sur les réformes institutionnelles, c’est une exigence démocratique. Il est évident qu’elle s’impose ici, comme elle aurait dû s’imposer lors de la révision constitutionnelle de 2008.

Le Président de la République n’y a pas eu recours alors, comme il ne juge pas nécessaire a priori de le faire pour la réforme territoriale.

Votre peur de la démocratie est très surprenante, alors que toute votre argumentation, monsieur le ministre, tente de nous convaincre que nos concitoyens attendent avec impatience cette réforme !

Notre groupe tout au contraire – il a déposé des amendements en ce sens, amendements que la commission a immédiatement rejetés – considère que les regroupements de collectivités et les modifications interterritoriales, dans la mesure où ils ont obligatoirement des conséquences sur les services rendus à la population, à la démocratie et à l’élection par nos concitoyens de leurs représentants à tous les échelons, doivent faire l’objet d’une consultation des assemblées élues des collectivités concernées – ce que vous refusez – et de la population concernée dans les territoires !

Il est donc logique que nous proposions une consultation populaire sur la réforme que vous voulez vous-mêmes comme structurante de la future organisation territoriale de notre pays.

C’est la raison pour laquelle nous soutenons cette motion référendaire.

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