Intervention de Brice Hortefeux

Réunion du 20 janvier 2010 à 14h30
Motion référendaire sur le projet de loi de réforme des collectivités territoriales — Rejet d'une motion référendaire

Brice Hortefeux, ministre :

Pour ma part, je ne partage pas ce curieux raisonnement qui consisterait, pour un parlementaire, à souhaiter absolument se dessaisir de ses fonctions législatives !

Il ne s’agit naturellement pas pour moi de faire aujourd’hui le procès du référendum. Nous savons tous que l’article 3 de notre Constitution en fait l’un des moyens d’expression du peuple souverain : « La souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants et par la voie du référendum. »

Mais nous savons tous aussi que, dans notre tradition républicaine, la démocratie représentative est, en quelque sorte, la règle, quand la démocratie référendaire est l’exception.

J’ai à l’esprit la formule de Benjamin Constant, qui voyait dans la démocratie représentative « une procuration donnée à un certain nombre d’hommes par le peuple, qui veut que ses intérêts soient défendus ».

Cette formule reste pleinement d’actualité. Je crois profondément que le débat parlementaire constitue la garantie d’un examen exhaustif, par la sérénité qu’il apporte, autant que par l’expertise qu’il comporte.

Comment expliquer à nos concitoyens que les parlementaires qu’ils ont élus renonceraient à leur devoir de législateur ?

Comment expliquer, surtout, que des membres de la Haute Assemblée, dont la mission constitutionnelle consiste, précisément, à représenter les collectivités territoriales, souhaiteraient être dessaisis d’une réforme unanimement reconnue comme essentielle pour l’avenir de ces mêmes collectivités ? Convenez qu’il y a là, à tout le moins, un certain paradoxe !

M. le président Hyest, au nom de la commission des lois, comme M. Buffet, au nom du groupe UMP, et le président About, au nom du groupe Union centriste, ont été, à cet égard, particulièrement éloquents. Je n’y reviendrai donc pas.

Je voudrais insister sur un point qui me paraît essentiel. Là où le referendum n’offre, par définition, qu’une réponse binaire - soit oui, soit non - à une question fermée, la procédure parlementaire a l’immense avantage d’autoriser une discussion ouverte ! Des arguments sont échangés, des positions sont rapprochées, des amendements sont déposés.

Et ces amendements, je vous le dis très clairement au nom du Gouvernement, Michel Mercier et moi-même les appelons de nos vœux dès lors qu’ils sont utiles et qu’ils viennent encourager la démarche de réforme ; je veux parler de la vraie réforme, loin des mots qui ne sont que des alibis pour ne toucher à rien et maintenir le tout figé.

Comme vous le verrez à l’occasion du débat, nous ne nous sentons propriétaires d’aucun des alinéas de cette réforme !

Je n’imagine pas que les sénateurs socialistes et communistes, dont beaucoup sont simultanément des élus locaux, trouvent inutile de prendre part à cette discussion ! D’ailleurs, Jean-Pierre Sueur, tout en défendant la motion référendaire, nous encourage à lui répondre précisément dans le cadre de la discussion parlementaire.

Il faut être logique : vous qui avez exercé des responsabilités ministérielles – j’ai occupé les mêmes aux collectivités locales – devez cesser de demander tout et son contraire ! Choisissez entre la motion référendaire et le débat parlementaire !

Je crois qu’il faut dépasser les manœuvres d’obstruction et éviter les fausses querelles. Il faut aussi, si l’on veut que ce débat soit utile, se tenir éloignés des facilités, des caricatures ou des postures.

Ce que je souhaite, au nom du Gouvernement, c’est débattre sereinement avec le Parlement de cette question essentielle, l’organisation territoriale moderne de notre pays.

Adopter aujourd’hui, sur ce texte, en ces lieux, une motion référendaire, cela signifierait tout simplement interdire au Sénat de débattre d’une loi fondamentale pour les collectivités territoriales !

J’en viens au fond.

Si les orateurs, qui exercent des responsabilités et participent à la représentation nationale, sont de qualité, je trouve quand même littéralement « inopérantes », comme disent les juristes, les argumentations que Michel Mercier et moi-même entendons depuis le début de l’après-midi.

Non, ce projet de loi n’instaure en aucun cas une « recentralisation », contrairement à ce que vous essayez parfois d’insinuer ! Et je suis tout proche de rejoindre le président Hyest lorsqu’il a évoqué certains excès. Sans généraliser et aller jusqu’à dire que les faits se sont produits sur tout le territoire, j’ai en mémoire des situations dans lesquelles des responsables de collectivités ont utilisé, par exemple, des cars, des abris-bus afin de donner leur sentiment sur la réforme, et tout cela avec l’argent des contribuables !

Je pose des questions simples. Instituer un élu local puissant, le conseiller territorial, doté de nouveaux pouvoirs, pour simplifier, clarifier, mieux articuler nos collectivités, n’est-ce pas un facteur de décentralisation ? Il est quand même très difficile de soutenir le contraire !

Donner la liberté aux départements et aux régions de se regrouper volontairement, sans que la loi impose les contours de ces regroupements, est-ce une recentralisation ? Il s’agit, au contraire, en donnant plus de pouvoirs aux collectivités locales, de progresser sur la voie de la décentralisation !

Proposer que les conseillers communautaires soient demain élus au suffrage universel direct, est-ce de la recentralisation ? Non, c’est de la décentralisation !

Donner la liberté aux communes qui le souhaiteront de créer une métropole, non pas d’après une liste établie depuis Paris, comme je l’ai entendu hier sur vos travées, mais sur la base du volontariat et à partir d’une dynamique de territoires, c’est, non une recentralisation, mais une décentralisation !

Je voudrais m’arrêter un instant sur les préfets, au sujet desquels j’ai entendu certaines choses cet après-midi. Je pourrais vous citer quelques exemples de parlementaires qui s’inquiètent à juste titre de savoir quand arrivera le remplaçant du sous-préfet récemment muté ! On ne peut pas, d’un côté, critiquer le corps préfectoral, et en même temps, légitimement aspirer à ce que l’État soit présent !

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