Intervention de Jean-Patrick Courtois

Réunion du 20 janvier 2010 à 21h30
Réforme des collectivités territoriales — Exception d'irrecevabilité

Photo de Jean-Patrick CourtoisJean-Patrick Courtois, rapporteur :

Les auteurs de la motion contestent la constitutionnalité du projet de loi sur deux points : la création du conseiller territorial et la disparition de la clause générale de compétence.

Je traiterai d’abord de la création du conseiller territorial.

En ce qui concerne la mise en place d’une nouvelle catégorie d’élus siégeant à la fois dans les départements et dans les régions, j’ai bien entendu les arguments selon lesquels la fusion entre les conseillers généraux et les conseillers régionaux pourrait se heurter au principe inscrit au troisième alinéa de l’article 72 de la Constitution, qui dispose que les collectivités territoriales « s’administrent librement par des conseils élus ».

Selon certains, cette formulation interdirait au législateur de ne prévoir qu’une seule catégorie d’élus pour représenter les départements et les régions, collectivités territoriales dont l’existence est consacrée par le même article de la Constitution.

J’observe néanmoins que le constituant a précisé que ce principe de libre administration s’exerçait « dans les conditions prévues par la loi ». Cette précision laisse de larges marges de manœuvre au législateur, qui est d’ailleurs compétent, aux termes de l’article 34 de la Constitution, pour fixer le régime applicable aux assemblées locales.

Je rappelle également que la création des conseillers territoriaux, telle qu’elle est proposée par le projet de loi, maintient deux assemblées délibérantes distinctes : les départements et les régions demeureront donc administrés par des conseils élus séparés et la spécificité de chaque niveau sera respectée.

La création des conseillers territoriaux ne soulève donc pas, en elle-même, de problèmes évidents de constitutionnalité.

En ce qui concerne maintenant le mode de scrutin retenu pour l’élection des conseillers territoriaux, je me dois de relever que, à ce stade des discussions, des inquiétudes et des oppositions très fortes se sont manifestées sur plusieurs points : la mise en place d’un scrutin uninominal à un tour, qui ne connaît qu’un précédent en France ; le « dosage » de scrutin proportionnel, c’est-à-dire la proportion de sièges attribués aux candidats élus au scrutin de liste ; la combinaison de candidats au scrutin uninominal et d’élus au scrutin de liste.

Surtout, le mode de scrutin retenu dans la rédaction du projet de loi n° 61 aurait probablement, selon les signataires de la motion, pour effet de faire diminuer sensiblement le nombre de femmes présentes dans les conseils régionaux et pourrait ainsi remettre en cause les acquis de la parité.

La commission des lois prend toute la mesure de ces craintes. Toutefois, ces questions ont vocation à être traitées non pas dans le cadre du présent projet de loi, mais lors de l’examen du projet de loi relatif à l’élection des conseillers territoriaux et du renforcement de la démocratie locale.

La commission des lois a constaté que la rédaction de l’article 1er permettait d’approuver la création des conseillers territoriaux dans son principe sans pour autant préjuger des modalités de leur élection, qui seront souverainement déterminées par les assemblées à l’occasion de l’examen d’un texte ultérieur. Elle a donc considéré que cet article pouvait être adopté sans qu’il soit nécessaire d’y apporter de changement de fond.

Enfin, les sénateurs socialistes contestent également le fait que le législateur soit invité à créer les conseillers territoriaux dans l’ignorance de leur nombre exact par département et de la délimitation des nouveaux cantons.

Je rappelle que le redécoupage des cantons sera organisé non seulement pour ramener le nombre total de cantons à environ 3 000 – contre plus de 4 000 aujourd’hui –, mais surtout pour réduire les écarts démographiques considérables qui affectent actuellement la carte cantonale et qui contreviennent au principe constitutionnel d’égalité devant le suffrage.

Le Gouvernement, par la voix du secrétaire d’État à l’intérieur et aux collectivités locales, a apporté des réponses aux légitimes interrogations des sénateurs lors des deux débats organisés par la commission des lois, réunissant les ministres et l’ensemble des sénateurs, les 28 octobre et 2 décembre derniers.

M. Alain Marleix a indiqué que le nombre de conseillers territoriaux dans chaque département ne pourrait être précisé que lorsque le Conseil constitutionnel se serait prononcé sur le découpage des circonscriptions législatives et que les résultats du recensement pour 2007 seraient connus, cette dernière condition étant aujourd'hui remplie.

Il a également précisé que le nombre des conseillers territoriaux devrait résulter d’une évaluation au niveau régional dans la mesure où la situation actuelle, très variable d’un département à l’autre, doit être prise en compte puisque le découpage cantonal doit reposer sur le territoire autant que sur la population.

Le Gouvernement nous a en outre confirmé qu’un seuil de quinze conseillers serait fixé par département.

En conséquence, mes chers collègues, le législateur bénéficie des informations suffisantes pour décider de la création du conseiller territorial.

J’en arrive au second point, qui concerne la clause générale de compétence. Celle-ci ne correspond pas à un principe constitutionnel.

En effet, dans l’article 72 de la Constitution, ni le principe de libre administration ni celui dit de « subsidiarité » n’impliquent directement la clause générale de compétence. En outre, l’article 4 de la Charte européenne de l’autonomie locale précise, dans son premier alinéa, que « les compétences de base des collectivités locales sont fixées par la Constitution ou par la loi ». Le principe ainsi consacré est celui d’une compétence d’attribution des collectivités territoriales.

En revanche, les collectivités territoriales doivent être dotées d’attributions effectives.

Ainsi donc, les arguments soutenant la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité ne nous paraissent pas fondés et c’est pourquoi, mes chers collègues, la commission des lois vous invite à la rejeter.

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