Notre amendement a pour objet de mentionner la prévention des pathologies à effet différé parmi les actions que conduisent les SST.
L’article 1er indique que les SST ont pour mission de suivre les travailleurs tout au long de leur parcours professionnel, afin d’éviter toute altération de leur santé. Toutefois, le parcours professionnel affecte la santé des travailleurs au-delà de leur seule période d’activité : le salarié qui part en retraite n’est pas une autre personne ; son corps ne se métamorphose pas, mais conserve les effets des conditions de travail auxquelles il a été soumis.
Notre amendement s’appuie notamment sur l’expérience acquise en matière d’exposition à des substances cancérogènes. L’exposition à l’amiante, aux éthers de glycol, à des poussières de bois ou de ciment, à des adjuvants chimiques, comme ce peut être le cas dans l’industrie agro-alimentaire, par exemple, provoque des pathologies pouvant se déclarer jusqu’à trente-sept ans après l’exposition.
Un nouveau scandale est d’ailleurs en train d’éclater, comme je l’ai mentionné tout à l'heure. En effet, après avoir, pendant des décennies, respiré des substances toxiques sans protection appropriée, les ouvriers retraités des verreries de la vallée du Gier sont atteints, dans des proportions anormales, de cancers des voies respiratoires et digestives.
L’un des retraités atteints, qui connaît parfaitement son état et sait quelle sera l’issue, nous a dit : « Pour moi, c’est trop tard. Mais, pour ceux qui sont encore dans les verreries, il faut qu’on fasse quelque chose. Je ne veux pas qu’ils crèvent comme nous autres. » C’est un propos, monsieur le ministre, que j’avais déjà entendu dans la bouche d’ouvriers contaminés par l’amiante !
Ce type d’événements interroge la médecine du travail. Il est indispensable d’orienter son action vers la prévention de ces situations, tant par l’action dans les entreprises en direction des employeurs, des salariés et des intervenants extérieurs, que par la recherche et la transmission des observations faites par les praticiens.
Je relève qu’à l’alinéa 5 il est fait mention de la prévention en matière de consommation d’alcool et de drogue sur le lieu de travail. C’est un aspect certes non négligeable, et je souscris pleinement à ces actions – Anne-Marie Payet le sait bien –, mais il y a bien d’autres comportements qui ont un effet différé sur la santé.
De plus, il est bien évident que, si le mal-être au travail peut être la cause de la consommation, au travail ou ailleurs, d’alcool ou de drogue, la consommation reste le fait du salarié.
Nous proposons d’aller au-delà de ce ciblage un peu trop restreint et de donner un rôle prépondérant à la médecine du travail, en partenariat avec les spécialistes d’autres disciplines, dans la recherche des causes des pathologies qui frappent les retraités. Ce serait d’ailleurs, monsieur le ministre, un élément d’intérêt professionnel et intellectuel important pour revaloriser la médecine du travail aux yeux des étudiants.