Intervention de Jean-Pierre Godefroy

Réunion du 13 juillet 2005 à 15h00
Services à la personne et mesures en faveur de la cohésion sociale — Adoption des conclusions modifiées du rapport d'une commission mixe paritaire

Photo de Jean-Pierre GodefroyJean-Pierre Godefroy :

Le principal problème est celui de la concrétisation de votre politique. Si nous prenons comme référence le démarrage poussif des contrats d'avenir ou l'échec total du CI-RMA, le contrat de réinsertion-revenu minimum d'activité, on constate simplement, sans même avoir besoin de polémiquer - et telle n'est pas mon intention -, que vos déclarations et vos promesses ne sont pas suivies d'effet visible. Et pour cause, puisque le budget de l'emploi n'a pas augmenté en proportion des besoins inhérents à une politique de contrats aidés !

Avec le projet de loi relatif au développement des services à la personne, c'est une nouvelle promesse de création de 500 000 emplois qui nous a été présentée. En réalité, dans le meilleur des cas, il ne s'agira pas de 500 000 emplois à temps plein, mais d'emplois à temps partiel, précaires, voire très précaires.

Avec ce projet de loi, vous utilisez de façon habile l'expansion continue du secteur des services et une demande croissante qui existe essentiellement dans les domaines de la petite enfance et des personnes âgées dépendantes.

Monsieur le ministre, ce qui est critiquable, ce n'est pas tant la volonté de développer ce secteur, c'est l'utilisation qui en est faite pour mélanger les différentes catégories de services au bénéfice des futures grandes enseignes qui sont annoncées.

Derrière la multiplicité des agréments et la confusion qui va en résulter, une constante se fait jour : les exonérations de cotisations sociales dont va bénéficier l'employeur. Ce débat a d'ailleurs eu lieu ce matin encore dans cet hémicycle, à l'occasion de l'examen de la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale.

Alors que vous mettez en avant la simplification des formalités, c'est en fait le chèque-emploi-service universel, le CESU, substitut du contrat de travail et de la fiche de paie, qui est généralisé. Même le patron qui voudra aider ses salariés à employer une simple aide ménagère - ce qui est très bien - y trouvera un avantage financier.

Avec ce texte, vous faites le choix du « gré à gré » au détriment de la politique qui avait été mise en place pour orienter les personnes vers des associations prestataires susceptibles de mettre à leur disposition en toute sécurité des personnels formés. Il s'agit donc d'un véritable retour en arrière et ce sont des choix politiques lourds, comme d'habitude d'inspiration libérale, dans un secteur où lesdits choix recèlent quelques dangers.

Les nouveaux métiers de la prise en charge font désormais partie des services marchands et ont perdu leur aspect de mission de service public, aspect qui fondait l'action des gouvernements de gauche dans une perspective exigeante et humaniste. L'avenir nous dira si, comme certains l'espèrent, la dépendance et le marché font bon ménage et si la dépendance peut vraiment être considérée comme un marché.

S'agissant du volet « cohésion sociale », ajouté en catastrophe, il ne s'agit pour l'essentiel que d'ajustements de dispositifs annoncés à grands fracas mais dont on ne perçoit pas encore les résultats. Ainsi, les termes de la convention de reclassement personnalisée sont précisés et plusieurs mesures relatives au logement sont proposées.

Nous vous mettons en garde, avec les grandes confédérations de locataires, contre ce nouvel indice de référence pour le calcul des loyers, qui n'a fait l'objet ni de concertation ni de simulation et dont on ignore comment il va réellement évoluer.

Mais la mesure la plus effarante - et mon propos ne vous surprendra pas, monsieur le ministre -, celle qui dans ce texte restera sans doute la plus mémorable pour tous ceux qui sont attachés à certaines valeurs, concerne le travail le dimanche, les jours fériés et la nuit pour les apprentis mineurs. Cette disposition, que vous avez progressivement mise en place au détour de plusieurs projets depuis le début du mois de juin, est inacceptable et scandaleuse. Elle concerne en effet des enfants de seize à dix-huit ans !

Qu'il soit nécessaire - ô combien ! - de développer la formation en alternance et que les jeunes doivent aborder avec lucidité la réalité du métier qu'ils envisagent ou vers lequel on les a orientés, nous en convenons parfaitement. Nous regrettons d'ailleurs que les propositions raisonnables que nous avions faites à cet égard pour trois professions particulièrement concernées n'aient pas été retenues : il s'agissait d'insérer progressivement les jeunes dans un métier qu'ils ont choisi ou vers lesquels on les a orientés tout en leur permettant de mener une vie d'adolescent compatible avec celle de leurs camarades qui, eux, n'ont pas suivi cette voie professionnelle.

Mais cela ne justifie absolument pas une dérogation générale aux règles du droit du travail relatives aux jours fériés, au dimanche et au travail de nuit ! J'ai d'ailleurs été très surpris que, lors de la discussion du projet de loi en faveur des PME, après avoir émis un avis défavorable au travail les jours fériés M. Dutreil, au nom du Gouvernement, y soit devenu favorable ! Faute de pouvoir expliquer ce changement de pied, j'en déduis que, manifestement, un débat aurait pu s'ouvrir.

S'agissant ensuite des dérogations permanentes, je constate, sans pour autant faire de procès d'intention à quiconque, que nous n'avons aucune information sur ce sujet. Pour l'instant, ce sont donc des dérogations permanentes, qui concernent tous les dimanches, tous les jours fériés, toutes les nuits.

Certes, un décret en Conseil d'Etat déterminera la liste des secteurs dont l'activité justifiera une dérogation. Cependant, cette liste, nous ne la connaissons pas ! Et ce n'est pas la suppression proposée de l'article 11 bis qui changera quoi que ce soit, puisque que nous retrouvons ces dispositions dans la loi en faveur des PME.

Il y a donc bien deux poids, deux mesures. Pour accepter une telle disposition, il faut considérer dès le départ que certains jeunes, issus bien souvent des milieux les plus modestes, sont destinés au travail dès leur plus jeune âge et à la précarité ensuite : telle est, en effet, la signification principale de ces projets de loi.

J'attire votre attention, monsieur le ministre, sur cette dangereuse évolution : si l'on applique les dispositions de ce texte, les jeunes mineurs seront progressivement obligés de travailler la nuit, le dimanche et les jours fériés.

Au sortir de l'apprentissage, si ces jeunes rencontrent des difficultés à trouver du travail, ils se verront proposer le cas échéant un contrat « nouvelles embauches ». Leur employeur pourra alors ne pas les prendre en compte dans les effectifs de l'entreprise, puisqu'ils n'auront pas atteint l'âge de vingt-six ans. Par ailleurs, étant donnée la nature de ce contrat, ils pourront être licenciés sans motivation. Quel parcours social !

Croyez-vous que c'est ainsi que l'on réussira à intégrer ces jeunes dans la société des adultes et à la leur faire admettre ? Je ne pense pas que cela soit la bonne méthode.

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