Intervention de Dominique Mortemousque

Réunion du 20 octobre 2006 à 10h00
Secteur de l'énergie — Articles additionnels après l'article 5 bis

Photo de Dominique MortemousqueDominique Mortemousque :

L'amendement que je défends, et qui est de finalité pratique, est également soutenu par MM. Jackie Pierre, sénateurs des Vosges, et Bernard Murat, sénateur de Corrèze.

L'article 1er de la loi du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité, dispose : « le service public de l'électricité a pour objet de garantir l'approvisionnement en électricité sur l'ensemble du territoire national, dans le respect de l'intérêt général. Dans le cadre de la politique énergétique, il contribue [...] à la compétitivité de l'activité économique [...]. Il concourt [...] au développement équilibré du territoire, dans le respect de l'environnement [...] ».

Il précise également que « le service public de l'électricité est géré dans le respect des principes d'égalité, de continuité et d'adaptabilité, et dans les meilleures conditions de sécurité, de qualité, de coûts, de prix et d'efficacité économique, sociale et énergétique ».

En outre, la loi de programme du 13 juillet 2005 fixant les orientations de la politique énergétique dispose en son article 2 que l'action de l'État vise à limiter l'impact paysager des lignes électriques et que, « afin de garantir la cohésion sociale et territoriale, le droit d'accès à l'énergie, et en particulier à l'électricité, dans des conditions indépendantes du lieu de consommation, élément constitutif de la solidarité nationale, doit être préservé ».

Or, les unités industrielles installées en milieu rural sont parfois pénalisées par rapport aux unités industrielles concurrentes implantées en agglomération, du fait d'une moindre densité et d'une moindre qualité des réseaux publics d'acheminement de l'électricité. Les gestionnaires de ces réseaux publics accordent, en effet, une priorité aux investissements dans les zones de consommation dense et croissante, de sorte que les ouvrages implantés en milieu rural connaissent des coupures plus fréquentes et surtout ne permettent parfois de délivrer qu'une énergie de qualité insuffisante pour satisfaire aux exigences qui sont désormais celles de process industriels complexes et fragiles.

Il en va notamment ainsi lorsque l'alimentation, même si elle n'est pas interrompue, subit des creux de tension, sous l'effet par exemple de la foudre ou du vent.

Les conséquences économiques de ces défaillances du système électrique constituent un désavantage concurrentiel inéquitable pour ces installations ; elles représentent dès lors une sérieuse menace pour l'industrie et l'emploi dans ces zones et, par suite, une contradiction au regard des objectifs d'aménagement du territoire de la politique énergétique.

Le renforcement du réseau électrique approvisionnant les unités industrielles en milieu rural demeure la meilleure réponse de long terme et la plus conforme aux exigences de service public. Mais, en tout état de cause, le renforcement des réseaux publics en haute et très haute tension est aujourd'hui coûteux, aléatoire pour des raisons environnementales et il prend, de toute façon, des années.

C'est pourquoi le recours à la production d'énergie décentralisée, notamment à partir d'unités de cogénération existantes et situées à proximité de ces installations de consommation industrielle, constitue la meilleure solution à court terme.

À l'heure actuelle toutefois, les exploitants de telles unités de production n'ont pas intérêt à vendre leur énergie à ces industriels, même lorsqu'ils sont installés sur le même site, car les tarifs de l'obligation d'achat par EDF ou par les distributeurs non nationalisés demeurent supérieurs aux prix de marché.

Le présent amendement prévoit une solution à ce paradoxe. Cette solution est neutre pour l'utilisateur des réseaux publics redevable de la CSPE, comme pour EDF et les DNN, ou encore pour l'équilibre global des flux sur le système électrique. Elle permet de résoudre le problème spécifique de ces industriels en milieu rural, en donnant du temps aux gestionnaires pour réaliser le renforcement des réseaux publics. Elle consiste, pendant les périodes météorologiques présentant un risque avéré de perturbations sur le réseau, à îloter conjointement le cogénérateur et le consommateur industriel, de sorte que l'énergie produite par le premier soit livrée au second, EDF ou le DNN territorialement compétent prenant en charge le différentiel entre le tarif d'achat et le prix de vente avant d'en être remboursé par la CSPE.

Il va de soi que cette dérogation au dispositif de l'obligation d'achat suppose un étroit contrôle, à la fois de la part de l'autorité administrative sur les aspects techniques et réglementaires et de la Commission de régulation de l'énergie sur la dimension économique.

Il convient de préciser que le nombre de sites industriels dans des bassins ruraux en monoactivité, situés dans des zones de fragilité du réseau de transport, sensibles aux creux de tension et susceptibles de s'ilôter avec une installation existante de cogénération est de l'ordre de quelques dizaines d'unités.

Le remboursement par la CSPE de l'énergie achetée dans les périodes d'îlotage est de l'ordre de un million d'euros pour les unités industrielles les plus consommatrices d'énergie.

Les quelques sites industriels concernés sont les premiers employeurs dans des bassins industriels isolés. Ils concourent, de manière non substituable, à l'échelle nationale, départementale, régionale et locale, de façon exceptionnelle, à la pérennité des savoir-faire industriels et à la taxe professionnelle.

J'ajouterai que j'ai été sollicité dans mon département, la Dordogne, par l'entreprise Condat Lardin, une papeterie qui emploie près de mille salariés. Dans ce département, nous comptions encore, voilà quelques années, 6 000 producteurs de tabac. Aujourd'hui, la production de tabac est quasi arrêtée et vous savez pourquoi !

Nous avons la chance de posséder un site industriel qui est le premier employeur en Dordogne : il convient de lui donner tous les atouts. Mon amendement porte uniquement sur l'équité.

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