En effet, visant à résoudre un problème de constitutionnalité, ce texte ajoute à la mesure d’audience des salariés des autres entreprises celle des salariés des TPE, sans toutefois permettre la représentation de ces derniers, et ce pour deux raisons.
Tout d’abord, les salariés voteront sur sigle, c’est-à-dire pour un syndicat et non pour une ou des personnes. Il ressort explicitement de cette disposition que les salariés des TPE n’auront pas de délégués. Leurs suffrages seront additionnés à ceux des salariés des autres entreprises pour fournir la représentativité par branche. Alors qu’ils devraient avoir le droit de désigner nommément leurs représentants, on va leur demander de voter sans même savoir qui siégera dans les commissions.
Il paraît aberrant que le Gouvernement souhaite organiser des élections en fonction de sigles. Des personnes issues de grandes centrales syndicales, qui ne connaissent pas de l’intérieur les TPE et ne sont pas décisionnaires, risquent d’être désignées. On remarque bien ici à quel point il s’agit d’un texte a minima. Nous ne sommes pas sûrs qu’une élection sur sigle apportera la garantie que chaque salarié pourra faire entendre sa voix. Du fait de la faible présence des syndicats dans les TPE, un tel mode d’élection n’aura pas un effet mobilisateur. Il faut admettre que les salariés ne seront pas incités à aller voter : il est beaucoup plus motivant de désigner un candidat que l’on connaît. Je rappelle que des études ont été réalisées par les syndicats auprès des salariés des TPE, sous la forme de questionnaires : les réponses obtenues font apparaître que 70 % d’entre eux souhaitent avoir un porte-parole.
La seconde raison pour laquelle ce texte ne permet pas la représentation des salariés tient au caractère facultatif des commissions paritaires. Nous regrettons fortement que ces commissions ne soient pas obligatoires. Sur ce point, il est légitime de se demander en quoi ce texte représenterait un progrès. Alors que les commissions paritaires ont pour mission d’apporter une aide, en matière de dialogue social, aux salariés et aux chefs d’entreprise, d’assurer un suivi de l’application des conventions et des accords collectifs, le MEDEF et la CGPME ont demandé qu’elles soient facultatives. Ils font pression, aujourd’hui, pour obtenir leur suppression. En rendant facultatives ces commissions, on prive purement et simplement les salariés des TPE de toute démocratie sociale. Une question se pose : que fera-t-on si les commissions ne sont pas créées ?
Par ailleurs, non seulement ces commissions paritaires sont facultatives, mais, de plus, si elles sont créées, leurs membres devront obtenir l’accord de l’employeur pour pouvoir exercer leurs missions. Ainsi, les élus des commissions devront avoir l’autorisation du patron !
Depuis longtemps, le parti socialiste dénonce l’archaïsme d’un système de représentativité déterminé bien souvent par décret et caractérisé par des accords minoritaires s’imposant à l’ensemble des salariés.
Ce texte, dans sa rédaction actuelle, n’est pas satisfaisant. Sa portée reste très limitée en matière de démocratie sociale. Il devrait permettre aux salariés des TPE d’avoir des référents, des représentants auxquels s’adresser : il n’en est rien ! Nous sommes très loin d’une démocratie sociale moderne.
Compte tenu des mutations profondes que connaît actuellement la vie économique, le dialogue social a un rôle important à jouer. L’enjeu est d’autant plus crucial que la crise économique et financière accentue les fractures sociale et générationnelle. La transformation de la société requiert un accroissement du rôle de la démocratie sociale et un renforcement du dialogue social. Ce dialogue peut constituer un outil de modernisation économique et sociale sur de nombreuses questions, telles que l’organisation du travail, les relations professionnelles, la formation professionnelle, la promotion de l’égalité des chances, l’implication des salariés dans la gouvernance de l’entreprise, le développement de la négociation collective à tous les niveaux, les nouveaux enjeux de la protection sociale.
Si la nécessité de mener une réflexion sur la représentativité des organisations syndicales, quasiment figée depuis les années soixante, progresse dans l’opinion, la façon dont cette réflexion est conduite à l’heure actuelle montre bien que les véritables intentions du Gouvernement et du MEDEF ne sont pas de renforcer la démocratie sociale.
La faiblesse du syndicalisme français résulte, pour l’essentiel, de la mauvaise qualité des relations sociales dans notre pays. On laisse peu de place aux acteurs de la société civile et la négociation est peu présente.
On ne peut prétendre défendre l’intérêt général – l’avenir du syndicalisme dans notre pays – en ayant uniquement en tête la protection des intérêts particuliers et en se calant sur la seule position des organisations patronales.
C’est en mettant en avant les principes d’une vraie démocratie sociale, c’est-à-dire la liberté, pour les salariés, de choisir leurs représentants et l’obligation, pour les employeurs, de reconnaître la légitimité des choix des travailleurs exprimés par leur vote, que l’on pourra moderniser notre système et améliorer l’audience des organisations syndicales. On peut innover sans affaiblir les droits.