En ces temps de rigueur budgétaire, un premier regard sur les crédits de la mission « Action extérieure de l’État » pourrait donner l’impression que le ministère des affaires étrangères et européennes est relativement privilégié, ce qui serait pour vous, madame le ministre d’État, une bonne chose.
En effet, à périmètre constant, les crédits de la mission progressent de 2, 1 % en autorisations d’engagement, pour s’élever à 2, 962 milliards d’euros, et de 3, 7 % en crédits de paiement, pour atteindre 2, 965 milliards d’euros.
Cependant, ce constat mérite d’être relativisé.
Tout d’abord, le Quai d’Orsay, qui a commencé à réduire ses effectifs dès 2006, soit trois ans avant l’application de la RGPP, la révision générale des politiques publiques, à l’ensemble des ministères, poursuit son effort en la matière. Pour l’année 2011, il sera dans la norme commune : avec 160 suppressions d’emplois, ce qui correspond à environ la moitié des départs en retraite prévus cette même année, soit 282 équivalents temps plein travaillés, dits emplois ETPT. Mais, bien que ce ministère ait déjà perdu 10 % de ses effectifs, il ne sera pas exonéré de la deuxième vague de la RGPP. Ainsi, il devra supprimer 450 nouveaux emplois sur les deux années 2012 et 2013.
Permettez au rapporteur spécial de la commission des finances de saluer une nouvelle fois la démarche du ministère et la volonté de rigueur qui l’anime depuis plusieurs années. Il y avait du chemin à parcourir, et un grand chemin a été parcouru.
Ces suppressions d’emplois se sont accompagnées d’importantes réorganisations, que j’ai déjà eu l’occasion de décrire devant vous. Mais, pour la seconde fois, je me demande néanmoins – je sais que vous serez attentive à cette observation, madame le ministre d’État – si nous n’allons pas bientôt atteindre les limites de l’exercice, voire si nous ne les avons déjà pas atteintes. Des marges de progression existent sans doute encore, peut-être au sein du réseau culturel, voire dans le réseau consulaire, certains postes pouvant être supprimés en ce qu’ils correspondent à une réalité qui est maintenant dépassée.
Cela dit, si l’on persistait en ce sens, la question du maintien de l’universalité du réseau, à laquelle vous connaissez tous, me semble-t-il, mon attachement, se posera inexorablement à moyen terme.
D’ailleurs, selon les informations qui m’ont été communiquées, si les réductions d’effectifs de la trentaine de « postes de présence diplomatique » sont sur le point d’être finalisées – l’effectif moyen de ces « ambassades » au format réduit se situe entre 11 et 12 ETPT –, la redéfinition des missions de ces postes n’est pas encore, à ma connaissance, intervenue. Or elle est essentielle. Il ne s’agirait pas d’avoir les mêmes objectifs et les mêmes ambitions et de vouloir offrir le même type de prestations qu’auparavant, simplement dégradées du fait de la diminution des emplois. Mieux vaut, madame le ministre d’État, analyser clairement la situation et redéfinir les missions de ces ambassades.
Sur les autres crédits du programme « politique » du ministère – programme 105, Action de la France en Europe et dans le monde –, le mouvement le plus notable – je tiens à le souligner pour m’en réjouir – concerne les participations de la France aux organisations internationales, OI, et aux opérations de maintien de la paix, OMP.
Les crédits affectés à ce titre passent de 738, 6 millions d’euros en 2010 à 842, 6 millions d’euros en 2011, soit une hausse de plus de 14 %, ce qui est significatif. La principale cause de ce « recalibrage » est la prise en compte d’un taux de change euro/dollar beaucoup plus réaliste : 1, 35 dollar pour un euro au lieu de 1, 56 dollar auparavant. Actuellement, l’euro doit fluctuer entre 1, 35 et 1, 42... J’ai assez insisté dans le passé sur la nécessité de présenter des chiffres sincères pour ne pas me féliciter de cette prise en compte du taux de change.
Toutefois, il s’agit là de crédits contraints, reflétant des obligations auxquelles la France ne saurait se soustraire et dont le Quai d’Orsay ne peut bien sûr disposer librement. Il ne faut donc pas que l’augmentation de ces crédits fausse la vision que nous avons des moyens du ministère.
En matière culturelle, plusieurs points sont à signaler que je veux rappeler, sans trop insister car j’ai eu l’occasion de le faire dans le passé.
En premier lieu, la maquette et le nom du programme 185 ont été modifiés. On parle non plus de Rayonnement culturel et scientifique, mais de Diplomatie culturelle et d’influence.
En outre, ce programme rassemble tous les crédits dédiés à cette politique, alors qu’auparavant seuls les crédits culturels destinés aux pays « OCDE » y figuraient, les actions conduites dans les pays en développement relevant alors du programme 209. Le nouveau découpage me paraît, je tiens à le dire, plus pertinent et je souscris à ce changement.
En termes opérationnels, l’année 2011 verra la mise en place concrète des deux établissements publics créés par la loi de juillet dernier relative à l’action extérieure de l’État.
Le premier d’entre eux est l’Institut français, qui succédera à CulturesFrance. Il y a eu dans cette assemblée des débats extrêmement importants, fructueux et riches que je n’ai pas besoin de rappeler.
J’ai depuis longtemps plaidé pour une réforme profonde de notre politique culturelle extérieure ; je ne peux donc que me féliciter de ce changement dans notre paysage administratif.
Néanmoins, comme pour toute réforme, la mise en œuvre effective est au moins aussi importante, sinon plus, que le cadre législatif que nous avons fixé ici.
En l’occurrence, je tiens à le rappeler, pour que la réforme produise son plein effet et pour que le nouvel Institut français ait donc réellement l’efficacité que nous attendons, madame le ministre d’État, il faut que votre ministère affirme et montre constamment son intérêt – ce dont je ne doute pas – et son engagement en faveur de cet institut.
Mais il faut aussi – c’est là l’originalité – que d’autres ministères s’engagent à vos côtés : je veux citer une nouvelle fois le ministère de la culture et, bien entendu, le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche. Ils ont déjà – je le sais car cela nous avait été dit par votre prédécesseur, madame le ministre d’État, et peut-être pourrez-vous nous le confirmer – marqué leur volonté d’avancer dans ce domaine-là en mettant à votre disposition un certain nombre d’emplois, de crédits aussi, ils sont décidés, semble-t-il, à sortir de leur magnifique isolement. Mais je souhaite que ce point-là soit affirmé, parce que c’est l’une des conditions du succès.
Je veux rappeler que le Sénat, unanime je crois, a souhaité le rattachement le plus rapide possible du réseau à la nouvelle agence.
Pour l’heure, la loi prévoit la mise en place de l’expérimentation, sur trois ans, d’un tel rattachement, dans une dizaine de pays, mais les volontaires étant plus nombreux que prévu, semble-t-il, l’expérimentation pourrait être menée dans un plus grand nombre de pays. Vous nous le confirmerez ou vous nous l’infirmerez, madame le ministre d’État.
Le second établissement public qui a été créé est CampusFrance, qui regroupera l’association Egide et l’actuel GIP CampusFrance.
Après l’audition organisée le 13 octobre dernier par la commission des finances, je me contenterai de souscrire une nouvelle fois aux recommandations de la Cour des comptes.
Dans l’immédiat, il convient d’assurer au mieux les conditions matérielles de la fusion, en particulier le choix du siège. Les relations financières de l’opérateur avec l’État devront ensuite être redéfinies dans un cadre conventionnel et de manière appropriée. Enfin, les tutelles de l’opérateur, qui ne devront être que deux – il avait été question d’une troisième tutelle, à laquelle, je le dis tout de suite, je ne suis pas pour ma part favorable –, devront apprendre à travailler ensemble sur un sujet d’importance qui est l’attractivité de notre enseignement supérieur. Madame le ministre d’État, permettez-moi d’appeler votre attention et votre vigilance sur ce dossier.
Je dois vous le dire, l’audition que nous avons faite des parties concernées par ce nouvel opérateur nous a démontré qu’il y avait beaucoup de chemin à parcourir, tellement il paraissait ignorer l’objectif que pourtant le Parlement avait clairement fixé. Mais je sais que votre vigilance et votre fermeté s’exerceront aussi dans ce domaine-là.
S’agissant de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger, sa subvention reste fixée à 420, 8 millions d’euros. Comme je l’ai détaillé dans mon rapport écrit, ce niveau, élevé dans l’absolu, ne permet pas à cet opérateur d’absorber une charge pour pensions civiles qui devrait passer de 142 millions d’euros à près de 160 millions d’euros en 2013.
En conséquence, une forte dynamisation des ressources propres, en particulier de la participation à la rémunération des résidents, en d’autres termes une contribution adossée aux frais de scolarité, paraît inéluctable.
En l’état actuel des estimations de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger, l’accroissement devrait être de près de 24 %, ce qui représente un effort considérable en recettes et affecte la croissance de ladite recette à la couverture de la pension civile, au détriment d’autres besoins de dépenses de l’Agence, en particulier immobiliers. Il s’agit, je tiens à le dire, de besoins qui sont substantiels et qu’il convient évidemment de prendre en compte.
Nous aurons à examiner tout à l’heure un amendement de M. André Ferrand qui a été cosigné par un certain nombre de collègues et qui devrait nous permettre d’aborder la question de la capacité d’endettement de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger pour faire face à ses missions. Puisque l’État a confié à l’Agence la responsabilité de l’immobilier, il faut bien qu’elle puisse exercer sa mission. Cela exige quelques précautions ou quelques entorses à un principe auquel, en effet, nous tenons ; nous y reviendrons tout à l’heure.
À propos du programme 151, Français à l’étranger et affaires consulaires, je me contenterai de souligner la progression continue de la prise en charge des frais de scolarité, la PEC, et des bourses.
Le coût total devrait passer de 107 millions d’euros à 119 millions d’euros l’an prochain. Cette hausse continue, tirée notamment par la forte augmentation des frais pratiqués par les établissements, apparaît difficilement supportable dans un cadre budgétaire contraint.
Nous en reparlerons lors de la discussion des articles, tout comme nous évoquerons la prise en charge des adhésions dites « de troisième catégorie », dont peuvent bénéficier les plus défavorisés de nos compatriotes établis hors de France, à la Caisse des Français de l’étranger. C’est un sujet dont notre collègue Jean-Pierre Cantegrit nous parlera tout à l’heure. Les amendements nous donneront la possibilité de revenir sur toutes ces questions importantes.
Je terminerai cette présentation par quelques mots sur le programme 332, Présidence française du G20 et du G8, dont la création est proposée par le présent projet de loi de finances.
Comme son nom l’indique, ce programme doit permettre de retracer les dépenses engagées au titre de la préparation et de la tenue des sommets, sur le modèle de ce qui a été fait, au sein de la mission « Direction de l’action du Gouvernement », pour la présidence française de l’Union européenne en 2008.
Hors dépenses de sécurité, qui resteront à la charge du ministère de l’intérieur, le budget prévu s’élève à 60 millions d’euros en autorisations d’engagement et à 50 millions d’euros en crédits de paiement, ce qui semble raisonnable, voire ambitieux dans le sens de la rigueur ; on y reviendra peut-être.
Il s’agit d’un budget relativement modique et, madame le ministre d’État, la gestion du Quai d’Orsay devra être rigoureuse, afin de rester au sein de cette enveloppe.
Au terme de cette analyse, mes chers collègues, au nom de la commission des finances, je vous invite à adopter sans modification les crédits de la mission « Action extérieure de l’État ». En revanche, je le dis tout de suite, je vous proposerai deux amendements sur les articles rattachés.