Intervention de Robert Hue

Réunion du 25 novembre 2010 à 15h00
Loi de finances pour 2011 — Action extérieure de l'état

Photo de Robert HueRobert Hue :

À l’heure actuelle, nous n’avons pas les moyens de maintenir cet outil. En effet, avec les récents événements nationaux, qui ont eu un fort retentissement au-delà de nos frontières – je pense à la bataille sur les retraites ou à la stigmatisation d’une partie de la population –, notre aura n’est plus.

Il est de notre devoir de restaurer les moyens de notre outil diplomatique. « Il y a un moment où le quantitatif, comme le disait le philosophe, pose un problème qualitatif. Nous avons atteint ce stade. » Ces propos ne sont pas de moi ; ce sont ceux d’un député de la majorité. Probablement ignorait-il qu’il citait Karl Marx ! §

Dans une tribune parue le 7 juillet dernier dans le journal Le Monde – notre collègue Jean-Pierre Bel y a fait référence –, Alain Juppé et Hubert Védrine tiraient la sonnette d’alarme sur l’affaiblissement du Quai d’Orsay. Selon eux, il faut « adapter l’appareil diplomatique, comme l’État tout entier, mais cesser de l’affaiblir au point de le rendre d’ici à quelques années incapable de remplir ses missions, pourtant essentielles. »

Et d’en revenir aux fameuses RGPP I et RGPP II, qui suppriment à l’aveuglette des moyens qu’il faudrait absolument garder.

Rappelons qu’en vingt ans le ministère a connu une diminution, sans équivalent dans l’administration, de 20 % de ses effectifs, qui les effectifs ont été réduits de 2 600 postes depuis 2006. Quelque 160 suppressions seront programmées cette année, et 700 sur la période 2009-2011, sur un effectif total de 15 500 personnes, dont 5 000 titulaires.

Voilà comment une présentation comptable et un brin mensongère permet de présenter avantageusement, c’est-à-dire en augmentation, un budget qui, en fait, ne l’est pas.

Votre prédécesseur n’avait pas exclu, en son temps, des licenciements secs en « dernier recours ». Qu’en est-il, madame le ministre d’État ?

Pouvez-vous rassurer les personnels du ministère et les agents consulaires, qui, confrontés à un flou incroyable depuis maintenant trois ans, sont particulièrement inquiets pour l’avenir ? Croyez-vous que l’influence de la France dans le monde se trouve grandie par tant de reculs ?

Comment oublier le goût amer qu’a laissé la dernière Conférence des ambassadeurs ? Un diplomate, en parlant d’un possible changement permettant de redorer l’image de la France, comme l’arrivée d’un nouveau ministre, disait : « On l’espère plus que l’on n’y croit ». Tout est dit !

Entre 2011 et 2013, le ministère, dont le budget représente à peine plus de 1 % de celui de l’État, sera encore contraint de raboter ses dépenses de 10 %. Les subventions des 140 instituts culturels français à travers le monde correspondent pourtant seulement à la dotation annuelle du l’Opéra de Paris ! Tout cela nous donne l’image d’un ministère fortement marginalisé.

J’en viens maintenant à l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger.

Comme je le soulignais l’année dernière, l’AEFE, asphyxiée financièrement, ne peut pas répondre à la croissance des besoins. La deuxième priorité du Livre blanc est le développement du réseau des établissements. Malheureusement, la subvention décroît. Comment régler le problème du déficit chronique avec seulement 421 millions d’euros ? Nous avons déjà cinq ans de retard en la matière !

Mes chers collègues, j’attire notamment votre attention sur l’article 11 du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014, qui interdit tout emprunt remboursable sur une durée supérieure à douze mois. L’inquiétude est grande au sein de l’AEFE, alors que les entreprises se désengagent partiellement du paiement des frais de scolarité et que les contribuables français pallient les défaillances du système.

Pour faire face à une telle situation, une augmentation des frais de scolarité a été instaurée l’année dernière. Cette disposition, parfaitement discriminatoire pour de nombreuses familles, signe de fait le désengagement, fortement contesté, de l’État en la matière.

En réalité, les parents d’enfants non français ont tendance à ne plus scolariser leurs enfants dans des établissements français. La finalité première de la création de l’AEFE, à savoir développer ou, du moins, stabiliser l’emploi de la langue française dans le monde, est sérieusement menacée. M. Raffarin le rappelait d’ailleurs tout à l’heure.

Madame le ministre d’État, comment pourrions-nous envisager une modernisation urgente de ces formes de financement ?

Force est de constater que la crédibilité de la France sur la scène internationale s’étiole. L’attitude agitée d’un chef d’État qui est à la fois président, ministre des affaires étrangères, ambassadeur et qui parcourt la planète sans grand succès, même s’il a un nouvel avion

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