Rappelons que la création du médiateur, en 1973, constituait vraiment une innovation. Auparavant, il n'était pas possible de trouver un moyen de rapprocher les points de vue de l'administré et de l'administration. Depuis cette date, les médiateurs successifs ont fait la preuve du très bon fonctionnement de cette institution.
Une évolution s'est produite : des délégués du Médiateur existent dans tous les départements. Ce sont souvent des personnes de grande qualité. Grâce à eux, les problèmes sont réglés au niveau local sans qu'il soit nécessaire de s'adresser au Médiateur national.
Il n'en demeure pas moins que, comme nous le savons très bien, le passage obligé par les parlementaires est parfois fictif : alors que le Médiateur a été saisi directement d'une affaire, on demande ensuite à un parlementaire de régulariser la saisine pour que la loi soit respectée.
Il faudrait que notre système permette une saisine directe du Médiateur par les citoyens, comme cette possibilité existe dans beaucoup de pays. Bien entendu, la saisine par un parlementaire doit subsister : lorsque des personnes nous soumettent leurs difficultés, il nous arrive de leur proposer de saisir le Médiateur, seul à même, à notre avis, d'intervenir.
M. Patrice Gélard, dans son rapport fait au nom de l'Office parlementaire d'évaluation de la législation, avait déjà proposé cette saisine directe. Il soulignait que, compte tenu de notre longue expérience en matière de médiation, il n'était pas nécessaire d'interdire aux citoyens de saisir directement le Médiateur de la République.
Certes, ce point soulève de fortes oppositions tant de la part de certains de nos collègues sénateurs qu'à l'Assemblée nationale, dont la plus haute autorité est extrêmement hostile à cette ouverture.
Le comité Balladur va certainement faire des propositions en matière d'exception d'inconstitutionnalité. Il semblerait que la question de la saisine par les citoyens de certaines autorités administratives indépendantes soit également posée.
Dans cette situation, est-il préférable de voter aujourd'hui cet amendement avec le risque d'essuyer un refus de la part de la majorité de l'Assemblée nationale, ou vaut-il mieux différer cette discussion et la reprendre plus tard ? Pour ma part, j'hésite. Mais cela m'ennuierait beaucoup qu'il y ait une opposition entre l'Assemblée nationale et le Sénat sur ce sujet, alors que chacun, j'en suis convaincu, doit pouvoir comprendre qu'une saisine directe du Médiateur est souhaitable.
Voilà où nous en sommes. C'est pourquoi, même si la commission a adopté cet amendement, je vous invite à la prudence, mes chers collègues, afin d'éviter une opposition entre les deux assemblées, qui ne débouchera sur rien. Nous gâcherions une occasion.Peut-être devrions-nous donc attendre quelques mois ?