Effectivement, messieurs Raffarin, Chevènement et Yung, j’ai l’intention de me battre pour défendre le budget de ce ministère. Lors de l’examen du projet de loi de finances rectificative, j’essaierai d’obtenir des moyens supplémentaires.
Je suis opposée non pas au principe la RGPP, mais à une approche strictement comptable !
Si la RGPP a pour finalité une utilisation optimale de l’argent dont les Français nous confient la gestion en payant leurs impôts, j’y suis favorable. Mais faire de celle-ci un simple instrument destiné à justifier des coupes budgétaires, ce serait oublier les intérêts majeurs de la France et le long terme au profit d’équilibres comptables immédiats !
Certes, il faut associer les deux aspects. Nous avons besoin de moyens, mais nous devons aussi veiller à les gérer au mieux.
En tout état de cause, je n’accepterai pas un décalage excessif entre nos ambitions et les moyens consacrés à la diplomatie française dans toutes ses composantes.
Que ce soit en matière stratégique, économique, scientifique, linguistique et culturelle, nous pouvons avoir des ambitions, car notre pays dispose d’atouts dans la compétition internationale, sans doute encore plus aujourd’hui qu’hier, face au risque de la mondialisation.
Bien entendu, nos moyens resteront insuffisants pour satisfaire nos ambitions, mais nous devons réfléchir ensemble à la manière de mieux les utiliser et les développer.
Madame Garriaud-Maylam, monsieur de Montesquiou, je suis tout à fait disposée à réfléchir à des solutions innovantes nous permettant d’être plus efficaces dans un certain nombre de domaines.
À l’évidence, notre organisation diplomatique doit mieux intégrer la construction européenne et les enjeux d’aujourd’hui, tout en anticipant ceux de demain.
Monsieur Yung, vous m’avez interrogée sur le nombre de Français au sein du nouveau Service européen pour l’action extérieure.
Je vous rappelle que, à compter du 1er décembre prochain, le premier collaborateur de Mme Ashton sera un diplomate français dont la compétence est unanimement reconnue.
En outre, dans les prochaines semaines ou dans les prochains mois, trois Français seront nommés chefs de délégation de l’Union européenne en pays tiers. Enfin, l’ancien ministre de la défense que je suis se félicite de la présence d’un compatriote à la tête de l’une des directions principales de l’Agence européenne de défense.
Mon ambition, puisque nous devons anticiper, est que le Quai d’Orsay devienne, ou redevienne, l’outil permettant d’avoir une vision stratégique à dix ans, vingt ans, trente ans de ce que doit être l’action de la France et qu’il puisse ainsi mieux servir la politique du Président de la République et de notre pays.
Dès lors, nous devons nous adapter et nous moderniser. Nous devons apprendre à travailler différemment, sur la base des moyens prévus pour l’heure par la mission « Action extérieure de l’État », quand bien même ceux-ci augmenteraient à l’avenir.
La mise en œuvre de ce budget soulève un certain nombre de questions, auxquelles j’entends apporter des réponses concrètes le plus rapidement possible.
S’agissant des effectifs, ceux-ci seront réduits. Ainsi, 160 équivalents temps plein seront supprimés en 2011. Ces réductions prolongent malheureusement celles des exercices précédents.
Comme certains d’entre vous l’ont fait remarquer, dans un certain nombre de cas, une utilisation plus rationnelle des moyens est non seulement possible, mais encore nécessaire.
Monsieur de Montesquiou, une logique d’adéquation aux priorités stratégiques doit être mise en œuvre. Nous devons définir nos priorités et y adapter nos moyens. Vous avez d’ailleurs cité un certain nombre de chiffres. Ce sont les missions qui doivent définir les moyens, et non l’inverse.
Il n’est pas question que les suppressions de postes remettent en cause la qualité du service, en administration centrale comme dans les ambassades et les consulats. Là où les postes sont nécessaires, ils subsisteront. Je rejoins sur ce point les préoccupations exprimées par plusieurs sénateurs, notamment par M. le rapporteur spécial.
Concrètement, une trentaine d’ambassades dites « à mission simplifiée » sont aujourd’hui en service. La question est de savoir si une ambassade peut réellement fonctionner avec onze, voire dix équivalents temps plein.
À ce jour, je ne suis pas en mesure de vous répondre. C’est pourquoi je lancerai un audit dès le début de l’année 2011 pour évaluer la pertinence du modèle. Ne le condamnons pas par avance. Voyons ce qu’il en est.
Je tiens à rassurer Jean-Pierre Raffarin. Mon objectif est de conforter notre présence diplomatique à l’étranger. Je veux aussi valoriser certains ambassadeurs qui n’ont pas d’affectation territoriale ou qui ne sont pas en poste. Quel dommage de ne pas employer leur compétence, leur savoir-faire, leur expertise, qui seraient si utiles, par exemple, pour renforcer la culture diplomatique de nos entreprises ou de nos collectivités territoriales !
S’agissant maintenant des crédits de fonctionnement, qui doivent également faire l’objet d’une réflexion approfondie, ils seront réduits de 5 % cette année, soit une économie non négligeable.
La présidence du G8 et du G20 n’en sera toutefois pas affectée. Comme l’ont d’ailleurs noté MM. Adrien Gouteyron et André Trillard, une enveloppe spécifique nous permet de nous en assurer.
En outre, dans le total des dépenses de fonctionnement, plus du tiers sont liées aux loyers. Cette charge nous oblige aujourd’hui plus que jamais à suivre tout particulièrement notre parc immobilier, afin de voir dans quelle mesure il correspond réellement à nos besoins. Nous devons également réfléchir à l’utilisation d’un certain nombre de locaux.
Je reviens de Berlin, où j’ai passé la journée avec mon homologue et la chancelière Merkel. J’ai pu constater que certains locaux de notre ambassade, notamment les locaux de réception, étaient loués à des entreprises étrangères qui ont besoin de mener des actions à Berlin. Cela permet de diminuer d’autant, voire de prendre en charge entièrement les frais de fonctionnement de l’ambassade. Ce modèle peut être reproduit ailleurs.
Il existe également un problème d’entretien, cela n’est pas contestable. Monsieur Trillard, monsieur Yung, vous avez eu raison de le noter.
Compte tenu des règles établies, se pose aussi un problème de fluidité des ventes. Pour cette raison, j’ai demandé au Quai d’Orsay de prendre contact avec la SOVAFIM.
La Société de valorisation foncière et immobilière, créée sur capitaux publics à l’initiative de Jean-Pierre Raffarin alors qu’il était à Matignon, s’occupe de ventes « prépayées », c’est-à-dire que le vendeur reçoit l’argent avant même que la vente ne soit réalisée, et dispose également d’une clause d’incitation à vendre au-delà de l’estimation.
J’ai fait travailler cette société pour le ministère de la justice, notamment au titre de la cession de prisons. Je désire la faire travailler également pour le ministère des affaires étrangères. La formule a donné de bons résultats ailleurs, pourquoi ne pas y recourir ici ?
Il est vrai, monsieur Yung, que les délais de rattachement des crédits immobiliers sont longs et complexes, vous avez souligné ce décalage effectivement préoccupant. Je demanderai donc à M. Baroin de faire en sorte que ses services soient un peu plus rapides et efficaces. Il est bon de demander aux autres de faire des efforts, mais il n’est pas moins utile d’en exiger de soi-même…
En tout état de cause, la fluctuation des taux de change pose le problème de l’anticipation d’un certain nombre de dépenses. Pour parvenir à une plus juste appréciation de ces charges, j’entends demander le plus rapidement possible à Bercy de trouver une solution, afin de procéder à la nécessaire couverture du risque de change.
D’autres solutions peuvent être trouvées, et j’en ai entendu qui étaient appréciables, notamment de la part de M. Béteille, qui prône une politique de partage ou de mutualisation d’un certain nombre de biens immobiliers. Ces voies sont à explorer. L’important est d’être concret et pragmatique, et de chercher des solutions de bon sens.
Enfin, toujours au titre de la nécessaire adaptation des pratiques, je citerai la prise en charge des frais de scolarité pour les élèves français.
Beaucoup d’intervenants ont évoqué, et à juste titre, notre politique d’enseignement à l’étranger et l’attrait que nous pouvions avoir pour un certain nombre d’étrangers. Je pense notamment à MM. Duvernois, Pozzo di Borgo et Yung, ainsi qu’à Mme Garriaud-Maylam.
Les actions à mener sont de plusieurs ordres.
Le problème des élèves français à l’étranger est particulier. La décision du Président de la République d’instaurer la gratuité de l’enseignement public à l’étranger répond à une exigence d’égalité.
En conséquence, le coût de prise en charge budgétaire des frais de scolarité augmente, la dotation budgétaire correspondante aussi. Ainsi, l’évolution entre 2010 et 2011 correspond à une augmentation de 13 %. Les besoins sont couverts pour l’année prochaine. Cela étant, il faut envisager cette question aussi sous l’angle du moyen et du long terme. Je sais que le Parlement est attentif à ce sujet, nous aurons l’occasion d’en reparler.
Un rapport a été remis par Mmes Colot et Joissains au Président de la République. Dans ce contexte, plusieurs amendements sénatoriaux ont été déposés. Nous y reviendrons plus tard au cours de ce débat.
À cet instant, je veux souligner que le financement public des frais de scolarité ne doit pas conduire à un désengagement total des entreprises et des acteurs économiques, désengagement que je n’admettrai pas.
Pour un certain nombre d’entreprises, en effet, cela représentera une économie, et j’attends que ces dernières montrent aussi qu’elles sont prêtes à participer au rayonnement de la France, singulièrement à l’entretien des bâtiments. J’ai eu l’occasion de le dire à plusieurs grands chefs d’entreprises ayant des implantations à l’étranger. Je me suis adressée à eux très directement, car je pense que cela relève aussi de leur responsabilité, et de leur intérêt à long terme, que de soutenir l’action menée en la matière par le gouvernement français.
Monsieur le président, je ne voudrais pas abuser de l’attention du Sénat. Je crois en effet savoir qu’une règle a été fixée pour que nous tâchions d’achever rapidement cette discussion.
Permettez-moi cependant de souligner que 2011 sera une année importante pour le ministère des affaires étrangères et européennes.
Le budget prévu pour la mission « Action extérieure de l’État » correspond aux priorités les plus importantes. Il nous oblige aussi à faire des choix, à innover, à proposer des pratiques nouvelles, ce qui n’est pas désagréable : nous sommes dans un monde en mouvement et devons savoir nous remettre en cause.
L’année 2011 sera celle de la mise en œuvre d’outils nouveaux, tel que l’Institut français, qui répondra en partie aux préoccupations de M. Béteille.
Que nous soyons d’accord ou pas, je vous invite, mesdames, messieurs les sénateurs, dans les discussions qui vont suivre, toujours constructives, je l’espère, à ne pas oublier l’essentiel.
L’essentiel, c’est la France, et la place incontournable qu’elle occupe désormais dans le monde. C’est le rôle de premier plan que nous avons repris grâce à la présidence française de l’Union européenne, grâce à la présidence du G20, et bientôt celle du G8.
Nos valeurs et nos principes nous amènent à élever une voix forte, et une voix entendue dans le monde entier. Notre responsabilité à tous est de faire en sorte que cette voix soit la plus audible possible.
Nous pouvons avoir des divergences, nous ne sommes sans doute plus à l’époque du consensus général sur tous les sujets, mais l’important est la hauteur de vues que nous exigeons de nous-mêmes pour débattre.
Le budget que je vous présente aujourd’hui est un moyen. L’important est que ce moyen nous permette de mettre en œuvre ce que sont nos idées et ce qu’est notre politique. Nous n’avons pas le temps d’aborder l’Afghanistan, l’ONU, l’Afrique, l’Europe ou la piraterie. Je le regrette, car j’ai des choses à dire sur tous ces sujets.
Ces débats, je souhaite que nous les ayons. Ils sont en effet aussi essentiels à l’information de tous qu’aux échanges d’idées. Et nous aurons ces débats dans un état d’esprit qui sera digne des enjeux, car je suis persuadée que nous sommes tous ici attachés à des valeurs qui ont fait la grandeur et l’histoire de notre pays, et à cette valeur qui nous dépasse tous : la France !