Mes chers collègues, en cette période d’examens pour nos lycéens, permettez-moi de vous soumettre un petit exercice de raisonnement qui éclairera les amendements que nous proposons.
Soit une chambre de commerce et d’industrie lambda – cette CCI lambda se trouve en Essonne, mais elle pourrait se situer en Seine-et-Marne sans que mon raisonnement en soit altéré – dont tous les voyants sont au vert.
Cette CCI est particulièrement puissante, puisqu’elle occupe le huitième rang national – sur 148 – en termes de bases économiques.
Elle recueille un taux de notoriété spontanée de 73 % et un taux de satisfaction de 92 % au regard des services qu’elle rend aux entreprises de son département.
Elle contribue activement au développement économique et commercial de l’Essonne, et donc à la création d’emplois, grâce à son ancrage territorial, à sa connaissance fine du territoire qui lui permet d’appréhender aussi bien les territoires urbains du nord que les territoires ruraux et traditionnels du sud, tout cela sans être « bénie des dieux », comme le sont depuis toujours Paris et l’Ouest francilien.
Elle a créé avec succès des pépinières d’entreprises technologiques, le Genopole par exemple.
Elle démontre son utilité dans le domaine de la reprise-transmission des entreprises et des commerces, contribuant à préserver le Sud francilien de la désertification économique.
Elle mène une politique efficace en termes de formation et d’accompagnement des jeunes entrepreneurs, réduisant ainsi notablement le taux d’échec des nouvelles entreprises d’un à cinq ans.
Elle prend en charge quelque 3 200 apprentis dans des zones urbaines sensibles, pour un coût moyen deux fois moindre qu’à Paris, et s’investit avec succès dans l’opération « Réussir en banlieue »…
J’arrête ici l’inventaire, en précisant toutefois qu’elle mène l’ensemble de ces missions en demeurant l’une des CCI les moins chères de France. Son taux de pression fiscale la place en effet au cent trente-troisième rang national dans ce domaine.
Question : que va-t-il arriver à notre CCI, forte de ce bilan ? Va-t-on la féliciter pour son dynamisme, pour l’excellence de son rapport coût-efficacité ? Va-t-on l’encourager à diffuser son savoir-faire et à exporter ses expérimentations réussies ? Vous n’y êtes pas : on va la mettre sous tutelle !
Raymond Domenech ne veut pas changer une équipe qui perd ; le Gouvernement, avec la même obstination coupable, projette, lui, de rétrograder une équipe qui gagne, qui fait gagner son territoire et la France, jusque dans les compétitions internationales.
Pour des raisons qui nous échappent encore, cette chambre de commerce et d’industrie doit être vassalisée, privée de sa personnalité morale, donc de son autonomie financière et de sa qualité d’employeur… Rien de moins !
Les équipes qui ont bâti ce succès doivent être ramenées au rang de simple exécutant de décisions tombées du ciel parisien. Et tant pis si les entrepreneurs essonniens, les plus petits surtout, ne se reconnaissent pas sous les ors de la rue de Friedland, peu désireux qu’ils sont de payer deux fois plus cher des services qui ne seront plus conçus pour eux !
À leurs yeux comme aux nôtres, le sort promis aux chambres de commerce et d’industrie de l’Essonne et de la Seine-et-Marne n’est justifiable ni sur le plan économique – l’argument de la révision générale des politiques publiques se retourne ici contre les auteurs du projet de fusion ! – ni au regard de la qualité des services rendus aux entrepreneurs qui les financent. Il constitue, de surcroît, un formidable recul démocratique.
Soyez certains que les CCI concernées ne sont ni révolutionnaires, ni maximalistes, ni fermées à toute perspective d’évolution. Le rôle positif et constructif qu’elles ont joué dans l’élaboration de ce texte, avant qu’on ne leur claque violemment la porte sur les doigts, l’a suffisamment démontré.
Elles ne considèrent pas l’échelon régional comme un épouvantail, sauf s’il devait avoir pour effet de créer une technostructure hypertrophiée, hégémonique, coupée des réalités du terrain et dont les intérêts sont contradictoires, et sauf si sa mise en place devait avoir pour objectif, ou pour conséquence, de leur couper les vivres et les ailes. C’est le cas aujourd’hui : ce projet de loi dévitalise le système nerveux central de l’économie du Sud francilien, sans aucune contrepartie.
Comme vous l’avez souligné, monsieur lesecrétaire d’État, c’est le consensus éclairé des forces économiques et politiques de l’Essonne et de la Seine-et-Marne qui vous est solennellement opposé.