Intervention de Roland Muzeau

Réunion du 16 décembre 2004 à 15h00
Cohésion sociale — Adoption des conclusions modifiées du rapport d'une commission mixe paritaire

Photo de Roland MuzeauRoland Muzeau :

Il y a quelque temps, lorsque vous êtes venu défendre votre texte, monsieur le ministre, vous évoquiez la « nouvelle donne », « une démarche inédite en rupture avec le passé », qui allait nous être proposée.

Vous rappeliez avec raison l'aggravation des inégalités sociales dans notre pays et l'accroissement de la pauvreté. Vous veniez donc nous proposer un projet de loi de cohésion sociale destiné à renverser la tendance... Mais il faut avouer que cet arbuste social a bien du mal à cacher la forêt libérale !

Difficile de faire illusion très longtemps lorsque sont ajoutées à un volet « emploi » déjà indigent des dispositions relatives aux licenciements économiques qui n'ont d'autre objet que de faciliter ces licenciements !

Difficile d'oublier l'épisode édifiant de la manipulation du Parlement par le MEDEF, livrant aux sénateurs vingt-deux amendements clé en main !

Difficile également, monsieur le ministre, de minimiser l'accueil chaleureux réservé à ces amendements par votre majorité, qui a retenu à la lettre sept d'entre eux !

Comment ne pas noter les ajouts scandaleux de l'Assemblée nationale satisfaisant, là aussi, aux exigences du MEDEF et des parlementaires ultralibéraux pariant sur la refondation sociale, le tout avec la bénédiction du Gouvernement, avec votre accord, monsieur le ministre ?

Enfin, que dire de la confusion d'intérêts dont vous vous êtes rendus complices, mes chers collègues, en adoptant, contre l'avis du président de la commission, du rapporteur et des ministres, un amendement grignotant le régime du travail de nuit, exauçant ainsi prioritairement le voeu d'un grand propriétaire d'entreprise de presse, par ailleurs sénateur, M. Dassault ?

Nul doute que ce mélange des genres intéressera le Conseil constitutionnel !

Cette future loi est un véritable cheval de Troie de la politique libérale du Gouvernement et du MEDEF, puisqu'elle dégradera considérablement les conditions de travail, les droits des chômeurs, et déresponsabilisera encore davantage les chefs d'entreprise en cassant le code du travail et la jurisprudence sociale.

Parler de cohésion sociale est donc pour le moins étrange, en raison tout d'abord du contenu même de nombre d'articles torpillant notamment l'emploi. Je ne peux plus me contenter de chiffres budgétaires « ronflants », des 15 milliards d'euros annoncés : le seul milliard pour 2005 ne me rassure pas quant à l'ambition de ce plan.

Même les plus optimistes d'entre vous, chers collègues, n'ont pu taire leurs inquiétudes, d'autant moins qu'ils sont aussi à la tête de collectivités territoriales une fois de plus sollicitées. Les contradictions, les insuffisances, voire les inadaptations de telle ou telle mesure ou orientation n'ont échappé à personne !

Je vais prendre un exemple. Comme l'an passé, l'examen des crédits de l'emploi et du travail a révélé que la principale masse de dépenses restait concentrée sur les allégements de cotisations sociales. Or cette option négative, qui ne saurait tenir lieu de politique de l'emploi, sauf à viser le plein-emploi précaire, a, de surcroît, l'inconvénient de « plomber » les finances sociales.

Pour autant, cela ne semble guère ébranler le Gouvernement. Au mépris de ses propres engagements devant l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale, l'ACOSS, et alors qu'il fait porter sur les seuls assurés sociaux le coût de la réforme de l'assurance maladie prétendument rendue nécessaire par le « trou » de cette branche, le Gouvernement s'autorise un accroc à l'article L. 131-7 du code de la sécurité sociale.

Sur son initiative, l'article 25 du projet de loi a été modifié pour dispenser le Gouvernement de toute compensation intégrale à la sécurité sociale des exonérations de cotisations sociales consenties au titre des nouveaux dispositifs, dont le contrat d'accompagnement dans l'emploi et le contrat d'avenir.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion