C'est dans cet esprit que je vous propose d'adopter sans modification la disposition centrale du projet de loi organique figurant à son article 1er.
Vous me permettrez de vous faire partager une conviction - après tout, c'est mon devoir. Sur le fond, je reste convaincu que ce dispositif relève de la symbolique et je le suspecte d'être superfétatoire.
Convenons qu'il a constitué en son temps un bon instrument d'annonce, un bon vecteur de communication. Passons de nouveau aux travaux pratiques : la loi de finances rectificative pour 2004 prévoit qu'il y aura 6 milliards d'euros de plus-values fiscales, mais les ouvertures de crédits dépasseront de 1, 7 milliard d'euros les annulations de crédits.
Mes chers collègues, je vous propose maintenant d'aborder les articles qui ont été introduits par l'Assemblée nationale.
L'article 2 ne soulève aucune difficulté. Il consiste à donner une date fixe au délai de réponse aux questionnaires budgétaires. Cette date, aujourd'hui fixée à huit jours francs après le premier mardi d'octobre, deviendrait le 10 octobre.
Les questionnaires devant être adressés le 10 juillet tant par les commissions des finances que par les commissions pour avis, il s'ensuivra que les administrations disposeront très exactement de trois mois de date à date pour formuler leurs réponses, c'est-à-dire du 10 juillet au 10 octobre.
Monsieur le ministre, je saisis cette occasion pour insister, d'une part, sur l'impératif de ponctualité des réponses ministérielles et, d'autre part, sur le fait que leur valeur se mesure non pas à leur poids de papier et à leur longueur, mais à leur qualité et à leur précision ; force est de constater que - c'est une observation très optimiste - le Gouvernement dispose à cet égard de marges de progression considérables.
Quoi qu'il en soit, je vous propose d'adopter sans modification l'article 2.
Les articles 3 et 4 concernent la question des plafonds d'emplois prévus par la LOLF.
Sous l'empire de l'ordonnance du 2 janvier 1959, le Parlement votait sur une autorisation de dépenses de personnel et donc de flux d'emplois - création ou suppression d'emplois.
Avec la LOLF, conformément à une demande récurrente des assemblées, l'autorisation parlementaire portera, à partir du projet de loi de finances pour 2006, sur un plafond exprimé en masse salariale et en stock d'emplois. Les plafonnements seront spécialisés par ministères, d'une part, au titre des dépenses de personnel - titre II - et, d'autre part, en termes de nombre d'emplois autorisés.
Chaque emploi sera calculé en équivalent temps plein, indépendamment de la catégorie - A, B ou C- à laquelle il se rattache et des statuts, titulaire ou contractuel.
Il en résulte que seuls les emplois juridiquement rémunérés par l'Etat sont inclus dans le champ plafonné.
En revanche, les personnels dont la rémunération est couverte par des subventions pour charges de service public ne seront pas compris dans le plafond. Je ne sais pas si les services de la Défenseure des enfants entrent dans cette catégorie. Nous avons eu à cet égard des échanges - M. Jégou s'en souvient et y fera peut-être référence dans un instant - qui, parfois, ont donné lieu à des incompréhensions. J'espère que nous les dissiperons ce soir.
Les dépenses de subvention correspondantes figureront au titre III, relatif aux dépenses de fonctionnement. Seront ainsi concernés environ 200 000 agents au service de quelque 600 opérateurs, établissements publics ou associations subventionnées.
Le risque serait que l'Etat encourage la mise en oeuvre de certaines politiques par des opérateurs extérieurs aux seules fins d'échapper à l'autorisation parlementaire. J'ai encore à l'esprit, monsieur le ministre, un rapport établi par la Cour des comptes à la demande de la commission des finances et qui visait le CNASEA, le Centre national pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles. Nous avons pu constater à cette occasion que les préfets prenaient certaines distances avec la règle. C'est dire si nos collègues députés ont été bien inspirés en nous proposant ces dispositions.
L'Assemblée nationale a envisagé, dans un premier temps, de créer un nouveau plafond pour les emplois d'opérateurs du ministère.
Cette suggestion s'est heurtée à une objection sérieuse : la détermination des plafonds d'emplois des établissements publics relève de leurs conseils d'administration. En outre, ceux-ci bénéficient de ressources propres en plus de leurs subventions. Il n'est donc pas possible de créer un plafond d'emplois pour les organismes subventionnés par l'Etat.
Dans ces conditions, les députés ont décidé, en accord avec le Gouvernement, d'améliorer l'information du Parlement à l'occasion de l'examen des lois de finances.
L'article 3 du projet de loi organique prévoit donc que les projets annuels de performance, qui seront annexés au projet de loi de finances, comporteront une présentation indicative des emplois rémunérés par les organismes bénéficiaires d'une subvention pour charges de service public, ainsi que la justification des variations par rapport à la situation existante.
Symétriquement, l'article 4 ajoute à la liste des documents joints au projet de loi de règlement la présentation des emplois effectivement rémunérés par les organismes bénéficiaires d'une subvention pour charges de service public.
Ces informations me paraissent utiles à l'information du Parlement et je vous propose donc d'adopter sans modification les articles 3 et 4.
L'article 5 concerne les pouvoirs de contrôle des membres de la commission des finances, fixés par l'article 57 de la LOLF.
L'initiative des députés qui sont à l'origine de l'article 5 s'explique par le fait que la commission des finances de l'Assemblée nationale fonctionne selon des méthodes différentes de celle du Sénat ; Mme Nicole Bricq et M. Jean-Jacques Jégou peuvent en témoigner.
Les soixante-douze commissaires des finances de l'Assemblée nationale ne peuvent pas tous, à l'évidence, avoir un rapport spécial. De nombreux commissaires des finances de l'Assemblée nationale ne disposent donc pas des pouvoirs prévus à l'article 57 de la LOLF.
Certes, la discussion des députés a porté, pour une large part, sur les droits de l'opposition, concept qui me semble particulièrement important. On remarquera cependant qu'environ un quart des rapports spéciaux sont, à l'Assemblée nationale, confiés à l'opposition. Il doit être précisé que, dans le cadre de la LOLF, les rapports budgétaires « non essentiels » seront moins nombreux, ce qui devrait permettre de réserver un rôle plus important à l'opposition.
La situation est différente au Sénat où tous les commissaires des finances exercent des pouvoirs au titre de l'article 57, soit en tant que rapporteur spécial, soit comme président ou rapporteur général.
La composition des commissions étant établie à la proportionnelle, il s'ensuit, d'une part, que majorité et minorité participent au contrôle budgétaire de l'article 57 et, d'autre part, que la répartition numérique des rapports spéciaux entre les groupes s'effectue inévitablement en proportion de l'effectif de chacun d'entre eux, qu'il appartienne ou non à la majorité sénatoriale.
La répartition des secteurs de contrôle au sein de la commission des finances pose d'autant moins de problème qu'il existe en son sein une tradition de souplesse et de respect mutuel, à laquelle chaque commissaire participe, qui permet une distribution harmonieuse des responsabilités.
Cela est favorisé par le travail méthodique, régulièrement poursuivi, notamment sous la forme de séminaires - le dernier en date s'est tenu le 14 octobre 2004 à Versailles - à l'occasion desquels les commissaires échangent librement sur les méthodes de contrôle et sur les diligences qu'ils peuvent accomplir. Ces séminaires ont abouti à l'adoption d'un « guide des bonnes pratiques de contrôle budgétaire », à usage interne.
Enfin, l'article 57, dans sa rédaction actuelle, ne nous a pas empêchés de réaliser des contrôles bisectoriels, c'est-à-dire des contrôles conjoints de deux rapporteurs spéciaux sur des questions communes à leurs compétences. Je pense au contrôle sur la société pour l'expansion des ventes des produits agricoles et alimentaires, la SOPEXA, effectué par nos collègues Joël Bourdin et Marc Massion et qui a fait l'objet d'un rapport présenté il y a un mois et demi, que chacun a encore à l'esprit. L'article 57 ne nous a pas plus empêchés d'engager un contrôle transversal, c'est-à-dire ne portant pas sur un domaine propre à un ou deux rapporteurs spéciaux, comme celui que j'ai conduit cette année sur l'informatisation de l'Etat.
L'Assemblée nationale a donc décidé que, chaque année, les commissions des finances accorderaient les pouvoirs de contrôle de l'article 57 de la LOLF, pour un objet et une durée limités, à un ou plusieurs de ses membres obligatoirement désignés à cet effet.
Cette disposition ne modifie rien aux pouvoirs de contrôle du président de la commission des finances, de son rapporteur général et de ses rapporteurs spéciaux. Elle ne crée pas plus un « rapporteur général bis » ou des « rapporteurs spéciaux bis ». Elle accorde un pouvoir d'investigation sur un sujet déterminé par la commission, qui peut coïncider ou non avec le champ des rapports spéciaux. Ce sujet pourra être transversal.
C'est la commission qui fixera la durée de la mission et la composition de ses membres.
A vrai dire, cet article souhaité par l'Assemblée nationale conforte, pour une large part, des pratiques déjà mises en oeuvre par la commission des finances du Sénat, où le pluralisme est vécu comme une habitude et où contrôles bisectoriels et missions transversales ne sont plus à inventer. Il s'agit, chez nous, de pratiques courantes.
Dans ces conditions, je vous propose d'adopter conforme l'article 5, qui consacre en quelque sorte notre méthodologie.
Enfin, l'article 6 autorise l'organisation de débats parlementaires sur le rapport annuel de la Cour des comptes, ainsi que sur ses autres rapports publics.
L'organisation de ces débats, qui serait destinée à favoriser la bonne suite des observations et recommandations de la Cour des comptes, correspond à un voeu parfois exprimé, par les uns ou les autres et, selon le texte proposé, n'aurait pas de caractère obligatoire.
En outre, l'article 6 prévoit que la mission d'assistance au Parlement de la Cour des comptes comprendra aussi la « préparation » de ce débat.
La Cour des comptes ne peut prendre part ni au débat ni à sa préparation ; telle est ma conviction. S'il est important que le débat puisse se développer aussi bien en commission qu'en séance publique, il n'est pas opportun de le prévoir dans la LOLF.
Chacune des deux assemblées dispose des moyens nécessaires à son organisation. La Cour pourrait certes introduire le débat, mais il n'est pas opportun de le prévoir dans la LOLF. C'est pourquoi je propose un amendement de suppression de l'article 6.
Vous me permettrez d'exprimer une conviction : le texte qui nous est soumis ne va pas au-delà du discours sur la méthode. Une loi organique ne doit pas faire l'objet de modifications formelles, sauf à lui conférer un caractère de vecteur de communication. Veillons toutefois à ce que le cadre ne se substitue pas à la politique elle-même.
Est-ce à dire qu'il n'est pas opportun de modifier la LOLF ? J'affirme que nous ne devons nous livrer à cet exercice que d'une main tremblante.
Néanmoins, éclairé par les débats récents sur les novations conceptuelles, les financements innovants et autres partenariats public-privé, je m'interroge à propos de la LOLF.
Comment devons-nous interpréter les positions prises par le Gouvernement ? Choisit-il un mode de financement parce que celui-ci est le plus conforme aux intérêts de l'Etat ou parce qu'il autorise à des transcriptions budgétaires et comptables qui ajournent l'accroissement du déficit, tout au moins le déficit « optique », et reportent la constatation de la dette ? L'un de vos collègues ministre, il y a quelques jours, défendant ici même son budget, nous a dit que le partenariat public-privé, c'est tout de même beaucoup mieux, car on n'est pas exposé aux régulations et aux gels budgétaires !