Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais à mon tour vous présenter quelques réflexions sur le contexte avant d'aborder le texte même.
Je vous ai bien entendu, monsieur le ministre, au sujet de la situation actuelle de la société Arcelor. J'ai bien compris votre développement sur la position de l'État partie prenante non-actionnaire, mais je souhaite aller un peu plus loin, avec la liberté de parole qui est conférée à un rapporteur de la commission des finances. Je comprends tout à fait que le représentant du Gouvernement se doive, s'agissant d'une opération de marché en cours, de respecter toutes les règles de la prudence.
Monsieur le ministre, il me semble que l'issue éventuellement positive de l'offre à laquelle vous avez fait allusion serait grave pour trois raisons au moins.
Tout d'abord, ce serait un puissant recul de l'Europe, car Arcelor est une société qui a été constituée par l'union des actifs industriels dans ce métier en provenance du Luxembourg, de France, de Belgique, d'Espagne, et qui s'inscrit dans une dynamique réellement européenne.
Le projet de l'initiateur, pour autant qu'on le connaisse, et sans doute est-il perfectible dans son exposé, lie les intérêts d'un groupe extérieur à l'Union européenne par son actionnariat, par son contrôle et probablement par ses objectifs stratégiques mondiaux, à ceux d'un groupe bien européen puisqu'il est allemand.
De ce point de vue, si les choses allaient à leur terme, il faudrait bien constater un recul de l'Europe industrielle. Une expression me vient aux lèvres, et je vous la livre, mes chers collègues, pour vous faire réfléchir à l'enjeu : ce serait une sorte de « 29 mai des marchés financiers » !
Ensuite, vous avez cité, monsieur le ministre, les pôles de compétitivité concernés par les technologies que développe Arcelor. Si nous adhérons probablement tous ici à une politique de la valeur ajoutée, à une politique d'amplification des efforts en matière technologique, force est de constater que le succès d'une telle politique repose pour une bonne part sur l'existence, en France et en Europe, des centres de décision correspondants. Et tout ce qui peut conduire à l'évasion de ces centres de décision risque de nous mettre en contradiction avec les objectifs de notre politique.
Enfin, sans doute faut-il s'interroger sur les suivants de la liste. L'observation des principales valeurs industrielles de l'indice CAC 40, pour se limiter à celles-ci, montre que des situations d'instabilité potentielle du capital ou du contrôle sont assez fréquentes. Mieux vaudrait ne pas avoir à connaître, au cours de l'année à venir, d'autres problèmes de cette nature. En termes d'opinion publique, s'agissant de la prise de conscience que nos concitoyens peuvent avoir sur ces sujets économiques et sociaux, ce serait tout à fait désastreux.
Tout doit donc être fait pour éviter de se trouver de nouveau dans une telle situation.
Enfin, en ce qui concerne les entreprises non industrielles, des inquiétudes doivent être exprimées au sujet d'Euronext, la plate-forme boursière, qui est soumise à de fortes sollicitations de la part de certains investisseurs institutionnels : ceux-ci exercent déjà leur influence au sein de différentes assemblées générales, mais dans des conditions qui peuvent paraître très éloignées des préoccupations que l'État et la représentation parlementaire ont le devoir de faire valoir.
Certes, à ce stade, la situation que nous avons l'un et l'autre évoquée, monsieur le ministre, ne nous concerne qu'indirectement. Néanmoins, il nous faut être extrêmement attentifs, car les autorités de la République ne peuvent manifestement pas être de simples spectatrices en la matière.
J'en viens maintenant au texte même. Sa vocation première est d'unifier les règles du jeu sur les différents marchés européens.
De ce point de vue, le projet de loi de transposition au Luxembourg, dont le processus a peut-être été un peu accéléré par les circonstances présentes, est extrêmement proche du texte qui est issu des travaux du Sénat en première lecture, par exemple en ce qui concerne le principe de réciprocité. Je puis vous assurer, monsieur le ministre, qu'il n'y a eu aucune concertation préalable entre la commission des finances du Sénat et le ministère des finances du grand-duché de Luxembourg.