La séance, suspendue à douze heures trente, est reprise à seize heures cinq, sous la présidence de M. Roland du Luart.
La séance est reprise.
J'informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif aux parcs nationaux et aux parcs naturels marins est parvenue à l'adoption d'un texte commun.
Je rappelle au Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation des sénateurs appelés à siéger au sein du Conseil national du bruit et de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre.
La commission des affaires sociales a fait connaître qu'elle propose la candidature de M. Alain Milon pour siéger, en qualité de membre titulaire, au sein du Conseil national du bruit, et de M. Jacques Baudot pour siéger au sein de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre.
Ces candidatures ont été affichées et seront ratifiées, conformément à l'article 9 du règlement, s'il n'y a pas d'opposition à l'expiration du délai d'une heure.
Tout d'abord, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens à vous dire le plaisir que j'ai à me retrouver dans cet hémicycle, pour lequel j'éprouve, si vous me permettez l'expression, une affection toute particulière, pour la deuxième lecture de ce projet de loi.
A cette occasion, je suis très heureux de saluer M. le rapporteur ainsi que M. le président de la commission des finances, avec lesquels nous avons beaucoup travaillé sur ces questions essentielles pour notre économie.
Il m'est naturellement impossible d'ouvrir cette discussion sans me référer aux événements qui ont eu lieu ces dernières semaines et qui illustrent l'importance du texte dont nous allons débattre à nouveau cet après-midi.
En effet, concevoir le cadre juridique des offres publiques d'achat est indispensable. Ce projet de loi a pour vocation première de protéger non seulement les actionnaires, mais également toutes les parties prenantes, y compris les parties prenantes non-actionnaires. Je souhaite montrer à nos concitoyens que se trouvent là les moyens à la fois de promouvoir l'intérêt des actionnaires et de protéger les intérêts industriels et sociaux des entreprises concernées.
Tel est l'objectif que je me fixe pour cette deuxième lecture, qui se déroule aujourd'hui au Sénat et qui aura lieu dans quelques jours à l'Assemblée nationale.
Tout d'abord, je reviendrai sur les enjeux du sujet d'aujourd'hui. Ensuite, j'aborderai le contenu du texte lui-même, que le débat va, je n'en doute pas, enrichir et perfectionner. Enfin, je rappellerai qu'il s'agit d'une étape dans la politique que nous menons en faveur de la stabilisation de l'actionnariat des groupes français ; j'aurai l'occasion d'y revenir, en particulier lors de l'examen du projet de loi sur lequel nous travaillons avec Gérard Larcher et qui vous sera, je l'espère, présenté prochainement.
Quel est l'enjeu de ces offres publiques d'achat, ces fameuses OPA, dont nous parlons aujourd'hui ?
Chacun d'entre nous a à l'esprit l'offre de Mittal Steel sur Arcelor, ce grand groupe franco-luxembourgeois, mais également belge et espagnol, champion de l'acier. Toutefois, en l'espèce, il s'agit d'une offre hostile initiée par une société de droit néerlandais sur une entreprise de droit luxembourgeois
Il nous faut tirer ensemble les leçons de situations concrètes - je sais que mon point de vue est partagé par M. le rapporteur -, qui nous incitent à réfléchir et à enrichir notre législation.
Où en sommes-nous sur ce dossier précis ?
Je rappelle que la société Mittal Steel a annoncé son offre hostile - elle a été caractérisée comme telle par le conseil d'administration d'Arcelor - le 27 janvier dernier.
J'ai rencontré les présidents des deux entreprises concernées et j'ai exprimé au président de l'entreprise Mittal Steel, au nom du gouvernement, mes très vives préoccupations sur la façon dont la démarche avait été initiée.
Je lui ai également fait part de mes interrogations et des lacunes que j'avais pu observer. L'État français est en effet un stakeholder, c'est-à-direune partie prenante, non-actionnaire, qui a un intérêt dans le développement économique d'une grande entreprise.
Quelles sont ces parties prenantes non-actionnaires ? Ce sont les salariés, les syndicats, les fournisseurs, les clients, les collectivités locales et aussi, parfois, lorsqu'un intérêt majeur est en jeu, les États.
S'agissant de l'entreprise Arcelor, compte tenu du fait qu'en France près de 30 000 emplois se trouvent concernés, que quatre pôles de compétitivité ayant un intérêt dans le développement de cette entreprise participent à de nombreux échanges de recherche et de développement, l'État français s'intéresse évidemment de très près à cette entreprise, qui représente un enjeu économique important.
La position du gouvernement français sur ce dossier n'a pas varié d'un iota depuis le premier jour où il a eu connaissance de l'offre : il n'est, à ce stade, ni pour ni contre cette OPA.
En revanche, en tant que partie prenante très concernée, au même titre du reste que d'autres parties prenantes comme l'État luxembourgeois, qui lui est en outre actionnaire, ou encore l'État espagnol, l'État français a posé un certain nombre de questions essentielles : quel est le projet industriel concret ? Quel est le projet social ? Quel est le projet d'intégration des cultures ? Quel est le projet de gouvernance pour le futur groupe ?
Ces interrogations ont fait naître par ailleurs des questions sur les règles de gouvernance actuelles du groupe Mittal Steel, que nombre d'actionnaires d'Arcelor se sont naturellement posées : par exemple, comment son conseil d'administration a-t-il pu engager une offre hostile de cette ampleur sur la base d'un projet aussi peu précis ?
J'ai choisi d'affirmer haut et clair mon rôle de partie prenante dans cette affaire. Certes, l'État français n'est pas actionnaire, mais il est une partie prenante non-actionnaire. Et à ce stade, compte tenu de la situation, il est évidemment de ma responsabilité de partie prenante, en fonction des seuls intérêts économiques que je défends pour le pays - certaines régions françaises sont très fortement impliquées -, de constater les faits ou les lacunes du dossier, de dire ce que nous voyons et de faire part des questions qui sont les nôtres.
C'est ce que je fais, ni plus ni moins, dans l'intérêt de la partie prenante non-actionnaire que je représente.
Dans notre monde moderne et dans notre économie mondialisée, ce serait une erreur de penser que les entreprises peuvent vivre dans une bulle, branchées sur les seuls marchés financiers. Les entreprises doivent comprendre que l'adhésion de leur environnement, des salariés, des collectivités locales, des États à leur projet est crucial pour leur développement et la création de valeur pour leurs actionnaires.
Les parties prenantes de l'entreprise ont droit à la parole lorsque l'entreprise se prépare à une importante mutation. Le pouvoir politique, qui rend compte aux Français, ne remplirait pas son rôle s'il se taisait, s'il restait inactif dans de telles circonstances. Je note du reste que de tels débats existent dans d'autres pays.
Aux États-Unis, par exemple, l'attaque d'un conglomérat chinois sur Unocal n'a pas abouti. En ce moment, la reprise de l'armateur anglais P&O par une société établie à Dubaï fait l'objet de fortes interrogations du Sénat américain. Le législateur américain n'est pas un actionnaire, mais il s'interroge en tant que partie prenante non-actionnaire. Il s'inquiète du fait que cet armateur contrôle six ports américains, donc il pose des questions.
Au Royaume-Uni, on parle de l'intérêt du gazier russe Gazprom pour Centrica, qui contrôle British Gas. Le gouvernement britannique a adressé de façon ferme des messages on ne peut plus clairs.
Pour ma part, je conteste le monopole de parole que se sont arrogé les seuls marchés financiers. Une entreprise, c'est beaucoup plus qu'un placement financier. L'État a le devoir de s'exprimer et de faire valoir ses intérêts spécifiques en tant que partie prenante non-actionnaire si cela se justifie. À l'évidence, c'est le cas pour Arcelor compte tenu de l'importance de l'implication de certaines de ses activités sur le territoire national.
Cela dit, je le répète, je ne suis ni pour ni contre l'OPA de Mittal Steel ; les actionnaires d'Arcelor auront le dernier mot, et c'est parfaitement normal. Mais le Gouvernement doit aussi prendre en compte les intérêts du pays en termes d'emploi et de projet industriel.
Dans cette affaire, vous l'avez compris, je me bats également pour restaurer la légitimité de la parole publique face au risque d'une économie exclusivement financière, tout en qualifiant très précisément ce droit à la parole au regard des intérêts dont j'ai la charge en tant que ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Je tiens d'ailleurs à souligner que je m'en suis entretenu à plusieurs reprises avec mes homologues du G7. Gordon Brown agit de même en Grande-Bretagne, tout comme John Snow, secrétaire au Trésor, aux États-Unis. Telle est la réalité du monde dans lequel nous vivons aujourd'hui. Nous devons le reconnaître !
Le projet de loi que vous examinez aujourd'hui, mesdames, messieurs les sénateurs, est l'un des instruments de l'action publique en ce sens.
Les entreprises françaises ont recours à la bourse pour avoir accès aux meilleurs financements. C'est ce qui leur permet de se développer dans de bonnes conditions et de créer de l'activité, des emplois. En sollicitant les marchés financiers, elles acceptent les règles qui protègent les investisseurs : c'est l'objet du droit boursier et de l'information financière C'est aussi l'origine du régime des offres publiques qui donne un caractère ordonné et équitable aux tentatives de prises de contrôle d'une entreprise cotée.
On voit d'ailleurs, chez nos voisins luxembourgeois, que l'absence de règles sur les OPA n'est pas une protection pour leurs entreprises, bien au contraire, puisque le Luxembourg vient de décider d'accélérer la transposition de la directive qui nous réunit aujourd'hui.
Le débat de première lecture, bien que largement convergent, laisse ouvertes quelques options. Le texte qui en résulte peut, comme nous l'avions déjà évoqué, être enrichi d'un dispositif de défense ciblé, dont je prends l'initiative.
L'examen en première lecture du présent projet de loi a conforté le consensus autour des choix de transposition que je vous proposais.
La protection des actionnaires en période d'offre se trouve ainsi confirmée. Les décisions importantes reviennent à l'assemblée générale des actionnaires en période d'offre. C'est du reste l'option que notre droit retenait déjà.
Comme vous l'aviez fait en première lecture, l'Assemblée nationale a choisi de ne pas transposer l'article 11 de la directive. Il nous semble en effet qu'annuler systématiquement des dispositions conventionnelles et statutaires en cas d'offre publique est excessif au regard du principe de la liberté du contrat.
Enfin, le principe de réciprocité a, lui aussi, été validé.
À l'issue de cette première lecture, il vous revient désormais de trancher deux points.
Il s'agit, d'abord, de l'ampleur du principe de réciprocité. Pour être concret, il arrive que des offres concurrentes existent sur une seule entreprise. Certaines de ces offres viennent d'entreprises qui peuvent se défendre elles-mêmes contre les OPA et d'autres qui ne le peuvent pas. Faut-il alors conserver à la structure française ses moyens de défense ? Vous aviez dit oui et je vous avais suivis. L'Assemblée nationale, pour sa part, a considéré qu'en aucun cas un offreur appliquant le principe de « désarmement », celui de l'article 9 de la directive, ne pouvait se voir opposer la cause de réciprocité, et ce même si un offreur concurrent restait « armé » ; nous aurons l'occasion d'y revenir.
Il s'agit, ensuite, de la solidité des accords entre actionnaires en période d'offre.
Vous aviez donné un signal pour encourager les entreprises françaises au désarmement en faisant tomber les pactes d'actionnaires en cas d'offre. Vous aviez également choisi, en contrepartie, d'appliquer dans ce cas un principe large de réciprocité. L'Assemblée nationale a considéré qu'il fallait s'en tenir, comme nous y oblige la directive, à l'ouverture de la possibilité pour les entreprises de désarmer en période d'offre leurs actionnaires liés par des pactes, mais sans les y inciter. Ma recommandation a été de retenir cette transposition minimale ; nous y reviendrons également.
Dans les équilibres que je viens de citer, mesdames, messieurs les sénateurs, vous l'avez compris, la notion de réciprocité est essentielle. Elle permet de choisir les options les plus attractives pour les actionnaires, tout en retenant un principe de défense dans le cas où les attaques ne se font pas à armes égales.
Une fois ce principe de défense retenu, comme vous l'avez fait, la question qui se pose est donc celle des moyens de défense des entreprises, celle de la « substance de la réciprocité ».
Cette question est posée depuis le début de vos travaux. Votre rapporteur l'a abordée à l'occasion d'une prise de parole. Elle a également fait l'objet de débats à l'Assemblée nationale. Nous avons examiné un amendement consacré aux augmentations de capital réservées en période d'offre, dispositions que nous n'avons finalement pas retenues comme un moyen de défense pertinent.
Pour aller dans le sens que nous souhaitons tous, j'ai déposé aujourd'hui un amendement, au nom du Gouvernement, qui vise à introduire dans notre droit une mesure permettant une défense efficace tout en respectant les règles de bonne gouvernance. La proposition du Gouvernement consiste à autoriser les entreprises attaquées à émettre des bons de souscription d'actions spécifiques pour se défendre.
C'est une faculté qui est connue et employée dans de nombreux pays, en particulier aux États-Unis, que personne ne peut soupçonner d'entraver la liberté d'entreprendre ni de nuire aux intérêts des actionnaires. Les entreprises qui l'utilisent sont très nombreuses, dans tous les secteurs économiques.
Très concrètement, il s'agit de prévoir que les assemblées générales puissent autoriser l'émission, en période d'offre, de bons de souscription d'actions. Ces BSA donnent le droit aux actionnaires d'acquérir des actions nouvelles à un prix préférentiel.
C'est une défense efficace : elle confronte l'offreur au risque d'une forte dilution, qui rend la prise de contrôle plus onéreuse.
C'est une défense juste, car l'amendement prévoit que les BSA doivent être proposés à l'ensemble des actionnaires existants, notamment les actionnaires minoritaires. Ce point était très important pour moi.
C'est enfin une défense intelligente : elle a en fait vocation à conduire au dialogue. Elle pousse l'offreur à améliorer, le cas échéant, son offre, tant dans son prix que dans son contenu stratégique et industriel, dans l'intérêt des actionnaires mais également des parties prenantes.
Que les choses soient claires ! Mon intention n'est certainement pas de transformer les entreprises françaises en forteresses dont la stratégie ne serait jamais remise en cause. Elle est de rendre la partie plus égale dans les cas où les entreprises françaises ont une gouvernance ouverte, et de les autoriser à appliquer les mêmes clauses, dans les mêmes conditions que les autres.
Mon intention n'est pas de porter atteinte aux droits des actionnaires. Je suis convaincu que ce mécanisme est au contraire de nature à augmenter le prix et la qualité de l'offre lorsque celle-ci réussira, dans l'intérêt de toutes les parties.
Je rappelle d'ailleurs que ce sont les actionnaires qui décident in fine si l'entreprise qu'ils possèdent doit se doter ou non de telles possibilités de défense.
Cette nouvelle mesure de défense s'insère naturellement dans la procédure de gouvernance introduite par la directive. Le système des BSA devra avoir été approuvé au préalable, autrement dit « à froid », par l'assemblée générale des actionnaires. En cas d'usage de la réciprocité, il pourra être actionné sur délégation par le conseil d'administration pendant l'offre ; sinon, c'est l'assemblée générale des actionnaires qui devrait le confirmer « à chaud ».
Nous aurons l'occasion, pendant le débat, de revenir sur le fonctionnement de ce mécanisme, mais je tenais d'ores et déjà à l'évoquer, car il me semble parfaitement légitime et équitable par rapport à la situation des entreprises françaises, notamment dans le souci de réciprocité que nous recherchons.
Avant de conclure, je voudrais vous dire combien je souhaite mettre tous les atouts du côté du dynamisme de nos entreprises et leur permettre de développer une base actionnariale large et stable. C'est tout le sens des mesures que je vous ai proposées lors de la dernière session budgétaire et qui ont été adoptées.
Nous avons ainsi stabilisé l'actionnariat des entreprises françaises en favorisant la durée d'investissement grâce au nouveau régime d'imposition à l'impôt sur le revenu des plus-values d'actions à long terme. Nous avons également ajusté la fiscalité patrimoniale de l'actionnariat salarié pour supprimer certains effets pervers qui poussaient à la vente.
Je souhaite aller au-delà et donner une nouvelle impulsion à la participation et à l'actionnariat salarié dans notre pays. Je suis convaincu qu'il s'agit d'une stratégie « gagnante-gagnante » : gagnante pour les entreprises, qui stabilisent ainsi leur actionnariat, mais aussi gagnante pour les salariés, qui bénéficient encore plus des bonnes performances de nos groupes.
C'est dans cet esprit que je proposerai très prochainement, avec Gérard Larcher, des mesures de nature à associer davantage les salariés au capital de leur entreprise. Nous allons du reste engager une concertation sur ce projet de texte dans les jours à venir.
Vous le voyez, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, ce texte s'inscrit dans une stratégie globale, celle du gouvernement de Dominique de Villepin, en faveur de la stabilité et de la croissance des entreprises qui sont établies dans notre pays. Par la voie normative, par l'intervention fiscale, par l'incitation à la négociation, je veux défendre nos entreprises, leurs salariés, leurs actionnaires, et plus généralement l'ensemble des parties prenantes non-actionnaires qui ont un intérêt, à des degrés divers, dans les entreprises françaises.
Je choisis de mettre tous les atouts du côté du dynamisme de nos entreprises en leur permettant de développer une base actionnariale la plus large et surtout la plus stable possible, afin de les accompagner sur le long terme dans leurs projets ambitieux.
Dans toutes les situations, nous sommes donc vigilants, exigeants, et nous continuerons à l'être. Mesdames, messieurs les sénateurs, je ne doute pas que nous aurons, comme en première lecture, un débat riche qui nous permettra de progresser ensemble.
Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais à mon tour vous présenter quelques réflexions sur le contexte avant d'aborder le texte même.
Je vous ai bien entendu, monsieur le ministre, au sujet de la situation actuelle de la société Arcelor. J'ai bien compris votre développement sur la position de l'État partie prenante non-actionnaire, mais je souhaite aller un peu plus loin, avec la liberté de parole qui est conférée à un rapporteur de la commission des finances. Je comprends tout à fait que le représentant du Gouvernement se doive, s'agissant d'une opération de marché en cours, de respecter toutes les règles de la prudence.
Monsieur le ministre, il me semble que l'issue éventuellement positive de l'offre à laquelle vous avez fait allusion serait grave pour trois raisons au moins.
Tout d'abord, ce serait un puissant recul de l'Europe, car Arcelor est une société qui a été constituée par l'union des actifs industriels dans ce métier en provenance du Luxembourg, de France, de Belgique, d'Espagne, et qui s'inscrit dans une dynamique réellement européenne.
Le projet de l'initiateur, pour autant qu'on le connaisse, et sans doute est-il perfectible dans son exposé, lie les intérêts d'un groupe extérieur à l'Union européenne par son actionnariat, par son contrôle et probablement par ses objectifs stratégiques mondiaux, à ceux d'un groupe bien européen puisqu'il est allemand.
De ce point de vue, si les choses allaient à leur terme, il faudrait bien constater un recul de l'Europe industrielle. Une expression me vient aux lèvres, et je vous la livre, mes chers collègues, pour vous faire réfléchir à l'enjeu : ce serait une sorte de « 29 mai des marchés financiers » !
Ensuite, vous avez cité, monsieur le ministre, les pôles de compétitivité concernés par les technologies que développe Arcelor. Si nous adhérons probablement tous ici à une politique de la valeur ajoutée, à une politique d'amplification des efforts en matière technologique, force est de constater que le succès d'une telle politique repose pour une bonne part sur l'existence, en France et en Europe, des centres de décision correspondants. Et tout ce qui peut conduire à l'évasion de ces centres de décision risque de nous mettre en contradiction avec les objectifs de notre politique.
Enfin, sans doute faut-il s'interroger sur les suivants de la liste. L'observation des principales valeurs industrielles de l'indice CAC 40, pour se limiter à celles-ci, montre que des situations d'instabilité potentielle du capital ou du contrôle sont assez fréquentes. Mieux vaudrait ne pas avoir à connaître, au cours de l'année à venir, d'autres problèmes de cette nature. En termes d'opinion publique, s'agissant de la prise de conscience que nos concitoyens peuvent avoir sur ces sujets économiques et sociaux, ce serait tout à fait désastreux.
Tout doit donc être fait pour éviter de se trouver de nouveau dans une telle situation.
Enfin, en ce qui concerne les entreprises non industrielles, des inquiétudes doivent être exprimées au sujet d'Euronext, la plate-forme boursière, qui est soumise à de fortes sollicitations de la part de certains investisseurs institutionnels : ceux-ci exercent déjà leur influence au sein de différentes assemblées générales, mais dans des conditions qui peuvent paraître très éloignées des préoccupations que l'État et la représentation parlementaire ont le devoir de faire valoir.
Certes, à ce stade, la situation que nous avons l'un et l'autre évoquée, monsieur le ministre, ne nous concerne qu'indirectement. Néanmoins, il nous faut être extrêmement attentifs, car les autorités de la République ne peuvent manifestement pas être de simples spectatrices en la matière.
J'en viens maintenant au texte même. Sa vocation première est d'unifier les règles du jeu sur les différents marchés européens.
De ce point de vue, le projet de loi de transposition au Luxembourg, dont le processus a peut-être été un peu accéléré par les circonstances présentes, est extrêmement proche du texte qui est issu des travaux du Sénat en première lecture, par exemple en ce qui concerne le principe de réciprocité. Je puis vous assurer, monsieur le ministre, qu'il n'y a eu aucune concertation préalable entre la commission des finances du Sénat et le ministère des finances du grand-duché de Luxembourg.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Ici, c'est le Palais du Luxembourg !
Sourires.
Il est vrai que cette inspiration commune pourrait s'expliquer par le fait que nous siégeons - M. le président de la commission a raison de le rappeler - au Palais du Luxembourg !
Sans reprendre l'exposé que j'ai fait en première lecture, je rappellerai que la directive résulte d'un processus long et complexe. Elle repose sur des notions généralement déjà connues en droit français, mais elle innove sur certains points, tout particulièrement en ce qu'elle fait apparaître le principe de réciprocité.
Ce principe, que vous avez fort bien décrit, monsieur le ministre, pose en quelque sorte une règle du jeu égale pour tous : celui qui s'expose, celui qui fait preuve d'ouverture, ne doit pas être menacé par un intervenant qui n'exprimerait pas la même préférence pour l'ouverture ou dont les modalités de gouvernance ne répondraient ni aux critères ni aux pratiques de l'Union européenne.
La directive est donc novatrice par certains concepts. Elle l'est aussi parce qu'elle nous permet d'exercer des options, de nous placer, en quelque sorte, dans une espèce de jeu combinatoire au sein duquel certains commentateurs juridiques ont parfois des difficultés à se situer !
Quoi qu'il en soit, la commission des finances, dans sa majorité, continue de penser que les choix de transposition qui sont ceux du Gouvernement, à la suite des conclusions du groupe de travail de Jean-François Lepetit, sont bons. Il n'y a aucune raison de modifier ces choix entre la première et la deuxième lecture.
La commission des finances du Sénat souhaitera, en règle générale, en revenir aux votes de notre assemblée en première lecture, notamment au sujet de l'étendue à conférer au principe de réciprocité. Je n'insisterai pas davantage sur ce point, monsieur le ministre, car vous avec vous-même évoqué les différentes positions en présence.
Pour le Sénat, plus le principe de réciprocité sera large, plus il trouvera d'opportunités de s'appliquer et mieux les entreprises qui en ont besoin pourront être protégées.
Encore faut-il s'entendre sur cette protection ! Je voudrais, à cet égard, amorcer un bref développement. Il existe dans le droit boursier et dans le droit des sociétés toutes sortes de procédures, d'incidents, qui peuvent permettre de gagner du temps et de rendre plus délicate la posture d'un attaquant. Pour autant, monsieur le ministre, est-ce là l'essentiel des enjeux ?
Lorsque la stratégie et le devenir d'un groupe sont en cause, il est important de pouvoir disposer de temps pour être en mesure de choisir les bonnes alliances et de poser sur la table les bonnes cartes.
Mais il faut savoir distinguer la tactique de la stratégie. Les obstacles au contrôle, les pactes d'actionnaires, les conditions statutaires, voire les émissions de bons de souscription d'actions, relèvent non pas de la stratégie mais de la tactique. En tout cas, ces dispositifs ne sont pas, en eux-mêmes, porteurs de stratégie. Ils ne sont significatifs et efficaces que s'ils sont mis au service d'une stratégie meilleure que celle de l'attaquant, qui apparaisse plus convaincante, qui soit davantage porteuse de confiance et de valeur pour l'assemblée générale des actionnaires qui aura à trancher le moment venu.
Monsieur le ministre, il est certes indispensable de pouvoir incorporer à notre droit boursier, dans le respect du droit communautaire, des innovations comme celles que vous nous proposez. Cependant, nous devons rester conscients que la vraie défense d'une entreprise réside dans sa stratégie industrielle, ...
...dans le soin qu'elle porte à suivre son actionnariat pour s'éviter de constater, un beau matin, que le roi, ou plutôt le président-directeur général, est nu.
Naturellement, en ce domaine, l'essentiel se trouve entre les mains de ceux qui peuvent inspirer et développer la stratégie de l'entreprise, et communiquer sur cette stratégie.
Je n'en dirai pas davantage sur ce sujet. Je tenais simplement à rappeler le cadre dans lequel s'inscrivent les mesures que nous allons examiner.
Pour conclure, monsieur le ministre, je veux souligner que la commission des finances fait une suggestion dans un domaine connexe à l'amendement que vous nous proposez, afin d'améliorer les conditions d'information des comités d'entreprise. Les comités d'entreprise sont, eux aussi, des partenaires non-actionnaires, et il a semblé à la commission des finances que la loi du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques pouvait être légèrement modifiée et rendue encore plus explicite, en particulier en visant clairement les enjeux en matière de localisation des centres de décision des entreprises et des groupes d'entreprises.
Tel est le sens général des observations de la commission des finances. J'aurai l'occasion, au cours du débat, de développer ces différents points en présentant les amendements de la commission ou en donnant les avis de celle-ci sur les autres amendements.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe socialiste, 14 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 7 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. François Marc.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mesdames, messieurs les sénateurs, l'actualité économique et financière particulièrement brûlante a jeté sur cette deuxième lecture du projet de loi relatif aux offres publiques d'acquisition une lumière crue. Elle révèle aujourd'hui encore plus clairement les contradictions, les pas de deux, la duplicité, bref, la politique de gribouille d'un gouvernement qui paraît un peu honteux d'assumer son ultralibéralisme manifeste.
À l'été 2005, volant au secours de Danone que les rumeurs d'OPA hostiles de PepsiCo avaient mis en émoi, Dominique de Villepin avait manifesté sa ferveur gaullienne : au nom du « patriotisme économique », il avait promis l'adoption d'une réglementation des OPA qui protège le patrimoine économique français.
Nous étions donc légitimement en droit d'attendre de ce texte qu'il contienne des mesures destinées à protéger les entreprises françaises contre des attaques hostiles. Il n'en est rien ! Pis, comme nous l'avions déjà souligné en première lecture, ce projet de loi affaiblit cruellement les sociétés cibles dans l'adoption rapide de stratégies de défense anti-OPA.
Alors que la directive laissait aux États membres la possibilité de ne pas transposer l'article 9, qui consacre l'obligation de passivité des dirigeants, le Gouvernement, soutenu par la majorité sénatoriale, a fait le choix, malgré ses déclarations, de le transposer.
Cet article affaiblit considérablement l'efficacité du processus de défense en instituant une obligation de passivité des dirigeants, qui sont placés dans la situation de ne pouvoir réagir au plus vite à l'attaque tant que l'assemblée générale des actionnaires n'a pas arrêté sa position.
Le projet de loi, tel qu'il a été adopté en première lecture, place donc les sociétés françaises en mauvaise posture pour faire face aux attaques des prédateurs mondiaux. Par conséquent, il n'y a rien de neuf quant au patriotisme économique annoncé.
Pour notre part, nous avions voté contre cette transposition choisie par le Gouvernement dans la mesure où elle ne permettait pas d'atteindre l'objectif à nos yeux essentiel, à savoir aider les entreprises françaises cibles dans leur lutte contre les OPA hostiles et introduire dans les processus d'acceptation ou de refus des OPA d'autres critères que celui de la rentabilité financière.
Quelques mois après l'adoption de ce texte, et peu avant son examen en deuxième lecture, le déclenchement de l'OPA hostile de Mittal sur Arcelor a déstabilisé le Gouvernement, qui, sous la pression de puissants lobbies, redouble de démagogie. Les slogans reprennent de plus belle : cette fois-ci, le patriotisme économique n'est plus seulement français, il devient européen !
Naïvement, nous pensions que le Gouvernement avait compris et qu'il allait enfin déposer des amendements pour modifier la ligne générale de la transposition qu'il avait initialement adoptée. Si gouverner, c'est prévoir, c'est aussi savoir reconnaître ses erreurs pour mieux servir l'intérêt général. Mais, là encore, nos espoirs furent déçus.
En effet, dans le texte qui nous est proposé en deuxième lecture ou dans les amendements déposés par le Gouvernement, rien ne permet aux entreprises cibles de se défendre. Pis, l'amendement gouvernemental qui nous est présenté comme la panacée ne fait que renforcer la logique de la suprématie du critère de la rentabilité actionnariale sur tous les autres : l'intérêt social et l'intérêt général.
Cet amendement, dont vous vous saisissez pour montrer que le Gouvernement a su tirer les leçons d'Arcelor, est un coup d'épée dans l'eau. Il devrait permettre à la société, sur autorisation de l'assemblée générale des actionnaires, d'attribuer des bons de souscription d'actions dont l'exercice est destiné à noyer la participation de l'initiateur ou à surenchérir le coût de l'opération pour l'en dissuader. Or l'usage de cette « pilule empoisonnée », inspirée du droit américain, est subordonné à l'utilisation, par l'initiateur, des défenses anti-OPA au titre de la clause de réciprocité.
Cet amendement est donc juridiquement contestable et politiquement inopportun ; nous aurons l'occasion d'y revenir dans la discussion des articles. En attendant, je tiens à vous dire brièvement, monsieur le ministre, ce qui ne va pas dans cet amendement gouvernemental, et le raisonnement que je vais développer est applicable à tout le projet de loi.
La clause de réciprocité, derrière laquelle le Gouvernement s'abrite pour légitimer ses choix de transposition, ne peut pas jouer en l'état actuel du projet de loi. D'éminents juristes, tels Alain Pietrancosta et Anne Maréchal, l'ont parfaitement démontré. Leur logique, qui se fonde sur la lecture des documents préparatoires à l'adoption de la directive concernant les offres publiques d'acquisition, est imparable : la transposition de l'obligation de passivité de l'article 9 exclut l'applicabilité de la clause de réciprocité. La réciprocité ne se justifie que dans un cas : lorsque les entreprises, plus vertueuses que les États, ont choisi d'appliquer le droit communautaire en l'absence de transposition nationale. En d'autres termes, les sociétés cibles ne pourront pas s'appuyer sur cet amendement pour se défendre, puisqu'elles ne pourront pas invoquer la clause de réciprocité. C'est, je le répète, un coup d'épée dans l'eau !
Par ailleurs, l'amendement gouvernemental ne résout pas la question du rôle de l'État en cas d'OPA hostiles sur des sociétés, souvent anciennement publiques, qui relèvent de secteurs stratégiques pour l'économie nationale.
Or, avec cet amendement, qui décidera in fine de l'opportunité de l'OPA ? Ce seront les actionnaires, et seulement eux ! Ce sont eux qui pourront, ou non, exercer les bons de souscription d'actions en fonction de l'intérêt strictement financier de l'opération. Ils sont donc les seuls à pouvoir décider de la pertinence de l'OPA alors que, pour ce type d'entreprise, d'autres critères doivent jouer. Réserver le pouvoir de décision aux seuls actionnaires exclut la prise en compte de l'intérêt général, de l'intérêt social et de l'intérêt des salariés.
L'amendement gouvernemental ne change rien à l'économie du projet de loi. La bonne transposition est celle qui aurait permis aux entreprises cibles de se défendre. Il ne fallait pas transposer l'obligation de passivité de l'article 9.
Mes chers collègues, j'appelle votre attention sur le fait que le Luxembourg n'a pas transposé l'article 9, ce qui offre la possibilité de faire application de la clause de réciprocité. Cet exemple prouve a contrario que le dispositif français est totalement branlant et ne permet aucunement l'application de la clause de réciprocité.
L'esprit et la lettre de la directive auraient été respectés si vous nous aviez suivis lors de la première lecture en ne transposant pas l'article 9. On aurait ainsi évité qu'un attaquant étranger, confronté à la clause de réciprocité invoquée dans le cadre des dispositions transposées par la France, ne conteste judiciairement sa conformité au texte européen. On aurait également évité le développement des contentieux, nuisibles tant aux entreprises cibles qu'à l'image de la place boursière française.
Mais ce n'est pas tout ! Il aurait aussi fallu, et c'est fondamental, se saisir de cette transposition pour renforcer l'interventionnisme public dans la réglementation des OPA.
Les excès et les dérives du capitalisme financier ne sont pas une fatalité. L'autorité de régulation et l'autorité judiciaire ont leur mot à dire : ce sont les seules autorités habilitées, en l'état actuel du droit, à intervenir. Ce sont aussi les seuls intervenants dont on peut penser qu'ils défendent autre chose que la rentabilité financière de court terme, qui n'est pas le meilleur critère.
Peut-on accepter que d'anciennes entreprises publiques se transforment en simple produit financier sans aucune contrepartie pour la collectivité ? L'Autorité des marchés financiers, qui examine déjà si l'attaquant respecte les obligations de transparence et d'égalité de traitement des investisseurs, pourrait également étudier le contenu de la politique industrielle et sociale envisagée par l'attaquant avant de lui accorder un visa. Après tout, l'AMF est investie d'une mission de service public qui comprend la protection de l'intérêt général économique. À plus long terme, ces critères pourraient être intégrés dans la réglementation européenne afin de faire face aux OPA extracommunautaires du type Mittal-Arcelor.
Le Gouvernement n'a même pas tenté de rencontrer ses partenaires européens pour travailler à la mise en place d'une politique industrielle, dont le droit européen des offres publiques aurait pu constituer un instrument utile. Nous ne pouvons que mettre en cause les arbitrages gouvernementaux, qui, en dépit des slogans démagogiques, placent la logique de la rentabilité financière au coeur du processus des décisions, favorisant ainsi les dérives du capitalisme financier.
Nous voterons donc contre le texte qui nous est soumis en deuxième lecture et, bien évidemment, contre l'amendement gouvernemental, qui n'améliore en rien le dispositif.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la deuxième lecture du projet de loi transposant la directive communautaire concernant les offres publiques d'acquisition intervient quatre mois après la première lecture, mais elle se situe dans une actualité marquée par l'annonce de l'offre publique d'achat du groupe indo-néerlandais Mittal Steel sur le groupe européen Arcelor, dont une part importante des activités est domiciliée en France.
Nous reviendrons bien évidemment au cours de la discussion des articles sur cette situation particulière, qui montre que les « garanties » et la « transparence » dont se prévalent la directive et, par voie de conséquence, le projet de loi, n'ont finalement que peu de poids au regard de la pression exercée par les marchés financiers.
Mais l'actualité économique est aussi marquée par d'autres éléments significatifs.
Monsieur le ministre, la croissance économique du pays est pour le moins ralentie. Loin des 2 % à 2, 5 % que vous attendiez, l'INSEE vient en effet de nous annoncer que la croissance de 2005 se situerait finalement aux alentours de 1, 4 %.
Cette réalité économique génère évidemment quelques doutes, fort compréhensibles, sur l'amélioration de la situation de l'emploi dont on nous parle depuis plusieurs mois et elle témoigne de la discutable efficacité des choix politiques qui président à l'action du Gouvernement.
Le commerce extérieur de notre pays a atteint un niveau de déficit inégalé. Ce déficit résulte pour un tiers de nos relations commerciales avec notre principal partenaire, l'Allemagne fédérale, et pour une part croissante de nos relations avec les pays d'Asie, qu'il s'agisse du Japon ou des puissances émergentes comme la République populaire de Chine.
Fort heureusement, la situation financière de nos plus grandes entreprises n'a jamais été aussi florissante. Se nourrissant de la contradiction entre une économie atone et une financiarisation accrue, le CAC 40 bat record sur record, atteignant les 5 000 points ces derniers jours, peu de temps après la publication des résultats à la hausse de la plupart des grands groupes industriels et bancaires du pays.
Ainsi, TotalFinaEIf, tirant parti de la hausse du prix du pétrole brut - véritable racket exercé sur les populations -, annonce un bénéfice net de 12 milliards d'euros, en hausse de 16 %, le dividende étant annoncé en hausse de 20 % par action.
Le groupe pétrolier va d'ailleurs, comme il le fait depuis plusieurs années, procéder au rachat de ses propres actions et à la destruction de titres, permettant in fine d'accroître le retour sur investissement des détenteurs.
France Télécom annonce 5, 7 milliards d'euros de bénéfice en 2005. L'entreprise prévoit d'ailleurs de supprimer 17 000 emplois, profitant notamment du départ à la retraite d'un nombre important des fonctionnaires faisant encore partie de l'effectif de l'opérateur historique.
La priorité affirmée dans cette entreprise, dont l'État est encore actionnaire à 32, 5 %, est à la rémunération du capital, au désendettement financier, en lieu et place du développement de l'activité. C'est en effet la moitié de la marge financière dégagée par l'activité qui serait consacrée dans les années à venir à solder les emprunts - capital et intérêts - et à rémunérer les actionnaires.
Dans ce contexte, la transposition d'une directive libérale concernant les offres publiques d'acquisition ne fait que créer les conditions de la poursuite des gaspillages financiers que celles-ci alimentent.
En accordant une primauté renforcée au strict droit financier sur le droit du travail ou à la simple logique économique, il s'agit clairement de créer les conditions de batailles financières toujours plus coûteuses et toujours plus massives, mobilisant des ressources toujours plus importantes tirées de l'activité économique.
Devant l'affaire Mittal-Arcelor, certains ont pu laisser penser que la menace qui guettait notre économie, et l'économie européenne de manière générale, résidait dans la montée en puissance des pays émergents où les entreprises, du fait d'une surface financière sans cesse plus importante, pourraient se lancer à brève échéance à l'assaut des forteresses de l'industrie du vieux continent.
Mais la réalité est plus prosaïque : devant la recherche continuelle des gains de productivité et de la rentabilité maximale, nos entreprises ont largement fait appel aux marchés financiers pour mener leur politique de « créneaux porteurs » ou de concentration et se sont, de fait, vulnérabilisées.
Dans le droit-fil de la position défendue au Parlement européen par le groupe confédéral de la gauche unitaire européenne / gauche verte nordique, nous nous étions opposés à l'adoption de ce projet de loi lors de son examen en première lecture. Rien ne semble devoir faire varier cette position initiale, d'autant que, sur certains éléments essentiels, le présent texte est d'inspiration encore plus libérale que celui de la directive.
Telles sont les raisons pour lesquelles le groupe CRC ne pourra que confirmer sa position de première lecture.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd'hui en deuxième lecture le projet de loi tendant à transposer la directive européenne sur les OPA.
Monsieur le ministre, vous nous avez invités à participer au questionnement suscité par l'actualité. L'OPA, qualifiée d'« inamicale », de Mittal Steel sur Arcelor a constitué une sorte d'électrochoc pour la communauté financière, ainsi que pour nombre de nos concitoyens. Comme vous l'avez précisé, le Gouvernement n'est ni pour ni contre, mais il nous met en garde contre une bulle financière qui marquerait à l'excès la vie des entreprises. Ce sont les actionnaires qui auront le dernier mot. Encore faut-il qu'ils soient clairement informés et qu'il n'y ait aucune ambiguïté.
Le Gouvernement est dans son rôle lorsqu'il s'interroge sur les conséquences stratégiques de telles opérations. Nous ne pouvons donc que le soutenir dans ses démarches pour veiller à préserver l'intérêt national.
Mais convenons qu'un fossé sans doute trop profond s'est creusé entre les épargnants et les entreprises cotées. Des fonds d'investissement se livrent à l'intermédiation, sont à la recherche de valeurs et cèdent bien souvent à la tyrannie du très court terme.
Les questions que nous nous posons mettent en lumière les enjeux de la globalisation de l'économie. Nous avons, me semble-t-il, mis du temps : les pouvoirs publics, les institutions et les économistes ont fait preuve de lenteur pour reconnaître la réalité du phénomène des délocalisations.
Je ne serais donc pas étonné qu'après le temps des délocalisations d'activités et d'emplois, qui étaient présentées comme des chances pour la France, vienne à présent celui des OPA lancées par des acteurs issus des pays émergents. En effet, toutes les délocalisations d'activités finissent par créer de la valeur dans ces pays.
Monsieur le ministre, vous participiez hier à un voyage d'État en Inde aux côtés du Président de la République, qui s'interrogeait sur le niveau des exportations de la France vers ce pays. Mais les grandes sociétés, notamment celles qui sont cotées en bourse, procèdent-elles encore à des exportations ? Mon sentiment est plutôt qu'elles opèrent et produisent aujourd'hui directement dans les pays émergents. Leurs activités et leurs profits sont, pour l'essentiel, constatés hors du territoire national. Les PME constituent donc un véritable sujet.
J'écoutais, voilà quelques jours, le président Carlos Ghosn dévoiler son plan stratégique pour Renault, plan qui a été jugé très positif et prometteur. Or, évoquant les gains de productivité, M. Ghosn précisait que les coûts de production de Renault avaient diminué de 12 % en quatre ans, tandis que les prix facturés par les fournisseurs avaient baissé de 14 % en trois ans. Vous vous êtes certainement interrogé, monsieur le ministre, sur le devenir des sous-traitants de Renault opérant encore sur le territoire national.
S'il n'y a pas de profonde réforme structurelle du droit du travail et du financement de la protection sociale, peut-on continuer plus longtemps à prélever des impôts de production sans prendre le risque d'assister à de nouveaux départs d'entreprises ? Il y a aujourd'hui urgence, me semble-t-il, à mettre nos politiques en cohérence. Oui, nous sommes dans une économie mondialisée ! Nous devons en tirer toutes les conséquences, qu'il s'agisse du droit de l'environnement, du droit du travail ou du financement de la protection sociale.
Les règles du jeu des marchés financiers sont désormais globales et nous devons en prendre acte. Il serait illusoire de croire que nous pouvons les accepter et nous en réjouir lorsqu'elles semblent servir nos intérêts immédiats, par exemple lorsque Arcelor mène à bien une OPA sur Dofasco au Canada, et nous en abstraire ou protester dans le cas contraire.
Les champions français font des acquisitions stratégiques. Nous devons nous en réjouir, mais veillons au juste équilibre.
Le départ à l'étranger de centres de décisions puissants constitue toujours, il est vrai, un appauvrissement pour l'économie nationale et un risque de discontinuité stratégique. Mais les meilleures défenses dont peut disposer une entreprise cotée sont celles qui sont issues des bonnes performances de gestion et de l'augmentation de sa valeur. En outre, la bataille pour le contrôle de nos grandes entreprises d'envergure internationale se joue en amont. Elle dépend moins de l'accumulation de barrières juridiques ou institutionnelles que de la capacité de notre pays à orienter son épargne vers les entreprises françaises.
Le Gouvernement a raison de lutter contre les déficits publics. En effet, tant que les épargnants français seront conduits à souscrire des bons du trésor pour financer les déficits publics, il y aura nécessairement un manque de capitaux pour assurer le financement des entreprises.
La France serait sans aucun doute mieux protégée face aux raids hostiles et plus à même de prendre en compte ses intérêts nationaux si la part des épargnants français dans le capital des grandes entreprises du CAC 40 était plus importante.
Il convient donc d'agir dans le long terme sur la politique de l'épargne, en privilégiant le risque par rapport à la sécurité et la durée par rapport à la volatilité. Il faudrait peut-être également accorder une plus large place à l'investissement direct, dans lequel l'épargnant s'approprie l'entreprise elle-même. Il y a sans doute en la matière des marges de progression dont les équipes dirigeantes doivent se saisir.
Le Gouvernement a déposé un amendement de défense, sans doute efficace, sur les bons de souscription d'actions. Nous voterons ce dispositif, que M. le rapporteur sous-amendera au nom de la commission des finances. Si vous m'autorisez une métaphore animalière, je dirai qu'un tel instrument permettra de faire durer la parade précédant l'éventuel accouplement.
Sourires
Je vous le concède, monsieur de Montesquiou. Pardonnez-moi si je vous ai choqué.
Le Gouvernement a prévu d'offrir ces bons de souscription préférentiels à l'ensemble des actionnaires. Nous nous en réjouissons. Cela étant, un tel dispositif peut certes faire durer la procédure, mais il ne changera pas grand-chose s'il ne correspond pas à une phase d'investissement valorisant en soi l'entreprise. En effet, en faisant appel au capital, on percevra de la trésorerie supplémentaire que l'éventuel acquéreur n'aura pas de mal à financer.
L'obsession de donner de la valeur met en lumière le paradoxe de l'« opéabilité ». J'emprunterai volontiers à cet égard une image à M. Edouard Tétreau, qui vient de recevoir au Sénat le prix des lecteurs du livre d'économie 2005.
Le président Poncelet a en effet eu l'excellente idée d'offrir à chacun d'entre nous l'ouvrage de M. Tétreau, analyste financier. Il est vrai que M. Benchmark sénior, gérant du fonds Futility asset management, manifeste une gourmandise pour les sociétés opéables, car ce sont celles qui se valorisent le mieux et vers lesquelles les fonds d'investissement s'orientent le plus volontiers. Il est donc tentant pour certains dirigeants d'y avoir recours, puisque c'est ce qui valorise le mieux les stocks-options et qu'une convergence d'intérêts peut exister à ce moment-là.
Le rapprochement entre les actionnaires et les équipes dirigeantes appelle donc sans doute des règles de bonne gouvernance imprégnées de déontologie et de respect mutuel.
En ce qui concerne le cas particulier de Mittal Steel et d'Arcelor, il s'agira pour l'essentiel, si j'ai bien compris, d'échanges de papiers. Ce sera plus une offre publique d'échange qu'une offre publique d'achat. Les actionnaires d'Arcelor devront ainsi choisir entre les actions qu'ils détiennent d'une société apparemment opéable et celles d'une société qui ne le sera pas. Lorsque nous l'avons auditionné, M. Mittal a en effet précisé que son groupe familial conserverait la majorité des actions. Je ne sais pas quel jugement M. Benchmark sénior porterait demain sur la valeur boursière des actions du groupe qui se constituerait si l'offre en cours aboutissait positivement.
Cela dit, monsieur le ministre, votre texte va dans le bon sens. Nous l'amenderons et nous le voterons. Nous donnerons ainsi à la communauté financière et aux entreprises françaises les instruments adaptés afin de mieux valoriser leur potentiel et de créer de la valeur économique, des emplois et de la cohésion sociale.
Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Il me semble tout d'abord important de préciser de nouveau la position du Gouvernement français s'agissant des OPA se déroulant sur notre territoire lorsque - et c'est le cas de l'affaire que nous avons évoquée tout à l'heure - l'État n'est pas actionnaire de l'entreprise concernée. Il faut en effet rappeler les conditions dans lesquelles les États peuvent légitimement parler d'une opération ayant des conséquences sur leur territoire.
Tous les gouvernements qui se sont succédé, de droite comme de gauche, n'ont hélas ! pas suffisamment abordé cette question et l'État a peu à peu renoncé à sa capacité de s'exprimer sur de telles opérations.
Nous avons alors assisté à la constitution progressive d'un monopole de fait des analystes financiers pour émettre légitimement une position sur une entreprise ou sur un rapprochement d'entreprises. Eh bien, mesdames, messieurs les sénateurs, nous nous y refusons ! Nous estimons très clairement que, lorsqu'un intérêt économique est en jeu, comme c'est le cas s'agissant de l'opération qui a été évoquée tout à l'heure, un État peut légitiment s'exprimer, mais pas n'importe comment, car la parole est très importante sur les marchés. La possibilité d'avoir son mot à dire n'appartient pas aux seuls analystes financiers, ni même aux seuls marchés financiers !
Les gouvernants ont la responsabilité de donner leur avis lorsqu'ils ont un intérêt à agir et qu'ils sont parties prenantes non-actionnaires, tout comme les comités d'entreprise, qui doivent être informés, les collectivités locales, ou encore les clients ou les fournisseurs. Ces parties prenantes non-actionnaires doivent retrouver la possibilité de s'exprimer, tout en sachant, je le répète, que ce sont les actionnaires qui décident in fine. Mais ceux-ci doivent le faire en toute connaissance de cause.
Car, au XXIe siècle, ce qui créé de la valeur, c'est le fait qu'une entreprise ait un projet porteur d'avenir conciliant les intérêts de toutes les parties prenantes : les salariés, les clients, les fournisseurs, les actionnaires. Et il revient aujourd'hui aux chefs d'entreprise d'accomplir les efforts nécessaires : ils doivent passer leur temps non pas seulement dans des road shows, mais aussi avec les parties prenantes non-actionnaires.
L'OPA de Mittal Steel sur Arcelor n'est nullement annonciatrice de je ne sais quelle mainmise du nouveau monde sur l'ancien. Cette opération se déroule sur le continent européen : une entreprise de droit néerlandais a fait une offre - qui a été qualifiée d' « hostile » par le conseil d'administration d'Arcelor - pour une entreprise de droit luxembourgeois.
N'allons donc pas chercher des symboles qui n'ont rien à voir avec la réalité ! La réalité, c'est qu'aujourd'hui une OPA hostile a été lancée et que les parties prenantes non-actionnaires n'ont pas eu connaissance d'un plan stratégique industriel, d'intégration sociale et de gouvernance générale. Celles-ci s'en sont naturellement émues et souhaitent que ce plan leur soit soumis dans les meilleurs délais.
Je le dis depuis le premier jour et je le dirai jusqu'à la fin de cette opération : l'État n'a pas à dire s'il est pour ou contre, mais il doit clairement faire entendre sa voix. C'est ce que je fais au nom du Gouvernement.
J'attends d'avoir connaissance de ce plan. Nous l'étudierons, nous en parlerons et nous poserons les questions légitimes, au nom des intérêts économiques de notre pays, que j'ai la charge de défendre.
J'en viens maintenant aux bénéfices des grandes entreprises, qui ont été évoqués tout à l'heure. Bien entendu, on peut présenter les choses comme vous le faites, ...
... mais au-delà de l'émotion, que je peux comprendre, avec laquelle vous jouez, quelle est la réalité ? Eh bien ! les bénéfices des grandes entreprises du CAC 40 se situent dans la moyenne de ceux des autres grandes entreprises mondiales. Ils ne sont pas supérieurs et, en tant que ministre des finances, je dirai : hélas !
S'agissant du groupe Total auquel vous faisiez allusion tout à l'heure, monsieur Véra, ...
Il faut qu'il réinvestisse pour créer des emplois. C'est cela, le problème !
... sachez qu'il réalise 95 % de ses bénéfices en dehors du territoire national. Seuls 5 % de ses bénéfices sont réalisés en France et essentiellement dans les secteurs du raffinage et du stockage. Ce ne sont donc pas les automobilistes français qui financent les profits de Total !
L'impôt que devra acquitter Total sera très important, et je m'en réjouis, parce qu'il bénéficiera à la collectivité. Cet impôt dépasse de beaucoup la seule activité réalisée en France puisque les bénéfices sont imposés en France.
Ayant anticipé que le second semestre serait bon, car la croissance revient, j'ai réuni, dès le 28 septembre dernier, à la demande de Dominique de Villepin, les grands groupes pétroliers et j'ai demandé explicitement à Total - vous serez satisfaite, madame Luc, puisque j'ai fait, voilà cinq mois, ce que vous appelez aujourd'hui de vos voeux - de s'engager à investir massivement en France. Le groupe a donc décidé d'investir 3, 5 milliards d'euros au cours des trois ans à venir, uniquement sur le territoire national, notamment pour accroître ses capacités de raffinage.
Non, monsieur Marc, il s'agira non pas de rachat d'actions, mais d'investissements industriels, lesquels auraient pu être effectués ailleurs : une raffinerie peut se construire hors de France !
Des engagements ont été pris par Total et je me tiens informé, semaine après semaine, de leur respect. Si tel n'était pas le cas, d'autres méthodes pourraient être utilisées, y compris le recours à l'impôt.
Toutefois, cela ne me suffisait pas ! Je voulais également que l'entreprise prenne des engagements en matière de recherche et de développement, et c'est ce qu'elle a fait : dans les trois ans à venir, 600 millions d'euros supplémentaires seront dépensés dans ce domaine afin de préparer les énergies d'avenir.
Les investissements qui seront réalisés par Total s'élèvent donc déjà à 4, 1 milliards d'euros, auxquels il faut ajouter l'impôt acquitté. Des montants considérables sont donc rapatriés et réinvestis en France. C'est aussi cela la mondialisation ! Nous ne vivons pas dans une bulle. Il faut comprendre ces mécanismes et anticiper ; c'est précisément ce que nous faisons.
On peut toujours désinformer nos compatriotes, mais mon rôle est d'essayer de leur expliquer la réalité et de faire en sorte que chacun, avec ses différences - je n'ai évidemment pas l'ambition de vous convaincre - la comprenne.
Je le redis clairement : il faut donner un cadre juridique précis aux OPA afin de protéger les actionnaires. Ce sont les entreprises qui décident du bien-fondé d'un rapprochement. Désormais, ce qui changera, c'est que les entreprises françaises auront la possibilité de répondre dans ce dialogue, quelquefois hostile, souvent amical, pouvant donner lieu à des fusions. Mais avant de se lancer dans ce type d'opérations, qui bien souvent ne fonctionnent pas, il faut tout évaluer : les projets industriels, stratégiques, sociaux et de gouvernance.
Il faut surtout faire en sorte que les entreprises françaises disposent des mêmes armes que les autres, afin que soient préservés les intérêts des parties prenantes, et pas uniquement ceux des actionnaires. Ces intérêts peuvent converger avec le projet de l'entreprise et in fine celle-ci sera gagnante.
Tel est l'objet de ce texte, des amendements proposés et des débats qui suivront. J'ai bien entendu les recommandations de M. le président de la commission et de M. le rapporteur d'accroître la fluidité des capitaux pour accroître la capacité d'investissement dans les entreprises françaises et, surtout, favoriser un actionnariat qui soutienne des projets de long terme et se sente en harmonie avec les perspectives des entreprises françaises.
C'est ce qui a été fait d'ores et déjà avec les modifications apportées à la loi de finances sur la fiscalité des plus-values à long terme ou en faveur de l'actionnariat salarié. Nous poursuivrons dans ce sens avec le projet de loi auquel Gérard Larcher et moi-même travaillons actuellement.
Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Je rappelle que, aux termes de l'article 42, alinéa 10, du règlement, à partir de la deuxième lecture au Sénat des projets de loi, la discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux assemblées du Parlement n'ont pas encore adopté un texte identique.
CHAPITRE IER
Dispositions relatives à la compétence et aux pouvoirs de l'Autorité des marchés financiers
L'amendement n° 9, présenté par MM. Marc et Yung, Mme Bricq, MM. Massion, Angels, Auban, Charasse, Demerliat, Frécon, Haut, Masseret, Miquel, Moreigne et Sergent, Mme M. André, M. Badinter, Mme Boumediene-Thiery, MM. Collombat, Courrière, Dreyfus-Schmidt, Frimat, C. Gautier, Mahéas, Peyronnet, Sueur, Sutour et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 433-1-1 du code monétaire et financier est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le règlement général de l'Autorité des marchés financiers fixe les conditions dans lesquelles tout projet d'offre publique doit être accompagné d'une obligation de déclaration d'intention stratégique, définie comme une déclaration d'intention de l'initiateur en ce qui concerne la stratégie industrielle et la gestion des ressources humaines de la cible. Il précise notamment les conditions dans lesquelles le dépôt d'un projet d'offre publique par toute personne qui n'aurait pas respecté l'obligation de déclaration d'intention stratégique, telle que définie précédemment, peut être refusé. »
La parole est à M. François Marc.
M. le ministre nous a clairement indiqué que sa logique libérale trouvait là à s'appliquer. Les propos qu'il vient de tenir confirment les déclarations qu'il a faites ces dernières semaines sur le sujet ultrasensible des OPA.
Vous avez déclaré, monsieur le ministre, que les entreprises devaient comprendre et engager des actions en conséquence. Si l'on suivait le même raisonnement pour les automobilistes français en disant qu'ils doivent comprendre et, de ce fait, limiter leur vitesse, les radars n'auraient plus aucune justification.
Dans le contexte particulièrement mouvant que connaît aujourd'hui la sphère financière, il faut instaurer un minimum de réglementation pour que les opérations financières se déroulent dans un cadre partiellement contraint. Nous avons considéré, à la lumière de l'actualité récente - il a beaucoup été question de l'affaire Arcelor - qu'il convenait de donner plus de poids à la réglementation, afin de garantir l'intérêt général, dans un marché mondialisé, ouvert à tous les échanges.
De fait, il existe en France des autorités de régulation dont la mission est précisément d'encadrer le marché, dans le respect de l'intérêt général.
Sur les marchés financiers, l'AMF, puissante et dotée d'une autonomie et d'un budget qui doivent lui permettre d'être non seulement le gendarme de la bourse, mais aussi le gardien du patrimoine économique français, joue un rôle déterminant dans le dépôt ou non des OPA, puisqu'elle doit octroyer un visa préalable garantissant le respect, par l'attaquant, de ses obligations en matière de transparence et d'égalité de traitement des investisseurs.
Sur ce point, monsieur le ministre, il convient d'étendre les compétences de l'AMF à d'autres domaines, différents de ceux dont elle a la charge aujourd'hui. D'ailleurs, dans votre amendement « Danone », qui constitue le seul élément de patriotisme économique dans votre projet de loi, vous vous êtes appuyé sur l'AMF.
L'AMF a un rôle à jouer dans la protection des entreprises françaises et il faut renforcer ses prérogatives dans le contrôle des OPA ouvertes sur les sociétés relevant du droit français.
C'est la raison pour laquelle nous voulons ajouter aux obligations de l'attaquant celle de respecter, dans certains secteurs réservés, l'emploi, le savoir-faire et la politique industrielle du pays d'accueil. Les intentions stratégiques de l'initiateur devraient être un élément déterminant dans l'obtention d'un visa de l'AMF.
L'AMF, autorité publique de marché, est investie d'une mission de service public, qui comprend la protection de l'intérêt général économique. Ainsi pourrait être créé un collège spécialement investi de cette compétence en économie industrielle.
La prise en considération de l'intérêt général économique, notion définie par la jurisprudence du Conseil d'État, doit faire partie des critères d'octroi du visa de l'AMF à une OPA. Si l'initiateur n'a pas fourni de projet stratégique et industriel satisfaisant, l'AMF aura le pouvoir de bloquer la procédure.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, tel est l'objet de cet amendement qui, vous le comprenez bien, permet dans le contexte actuel de renforcer les garanties données sur le projet industriel. L'AMF est l'autorité tout indiquée pour apporter une contribution utile en la matière.
Cet amendement va également dans le sens des préconisations que nous avions déjà formulées lors de l'examen par le Sénat du projet de loi de sécurité financière. C'est véritablement dans cette direction que nous devrions nous engager aujourd'hui.
Ce sont de belles paroles, mais les mesures proposées figurent déjà dans le règlement général de l'AMF, plus précisément à l'article 231-20, qui dispose que l'initiateur d'une offre, dans le projet de note d'information qu'il doit déposer auprès de l'autorité en même temps que son projet d'offre, doit mentionner, notamment, « ses intentions, pour une durée couvrant au moins les douze mois à venir, relatives à la politique industrielle et financière des sociétés concernées » et « ses orientations en matière d'emploi. Il indique notamment, eu égard aux données dont il a connaissance, et en cohérence avec ses intentions sur la politique industrielle et financière [...], les changements prévisibles en matière de volume et de structure des effectifs. »
Par conséquent, mon cher collègue, le droit existant vous donne satisfaction, vous ne pouvez pas l'ignorer. Vous savez aussi que le défaut de ces indications conduirait l'AMF à refuser son visa à la note d'information de l'auteur de l'offre ; dès lors, l'opération ne serait pas possible. Compte tenu de ce rappel, je vous serais obligé de bien vouloir retirer votre amendement qui est redondant par rapport au droit existant.
Je vais me joindre à M. le rapporteur pour essayer de vous convaincre, monsieur Marc.
Tout d'abord, il me semble déceler dans votre amendement une légère confusion : l'Autorité des marchés financiers n'a pas à juger du bien fondé de telle ou telle OPA. Elle doit simplement vérifier qu'une information complète, accessible et compréhensible est bien à la disposition de tous les actionnaires.
Vous souhaitez aller plus loin : je perçois dans vos propos le souhait que l'AMF puisse prendre position sur la validité ou la pertinence du projet industriel qui sous-tend une OPA. Non, monsieur le sénateur, ce n'est pas son rôle ! En revanche, j'ai une meilleure proposition à vous faire, encore plus sociale.
Vous souhaitez que l'ensemble des parties prenantes et des actionnaires aient une connaissance claire et précise du projet industriel, du projet social et du projet stratégique. Or tel est l'objet d'un amendement que je présenterai au nom du Gouvernement Mais il faut prévoir cette obligation dans le cadre non pas de l'AMF, mais du projet qui doit être exposé par l'assaillant en présence du comité d'entreprise, à un moment donné de l'offre. Pour aller dans votre sens, nous proposons d'ajouter l'obligation de présenter aux salariés le projet industriel, le projet stratégique et le projet social.
Vous aurez ainsi satisfaction, monsieur Marc. C'est pourquoi je vous demande de retirer votre amendement.
Je suis en désaccord avec M. le rapporteur puisque les éléments qu'il vient de citer ne correspondent pas au contenu de l'arrêté du 1er septembre 2005. En effet, cet arrêté prévoit, s'agissant de l'article 231-20, que le contenu de la note d'information porte « sur les intentions pour une durée couvrant au moins les douze mois à venir relatives à la politique industrielle et financière des sociétés concernées, ainsi qu'au maintien de l'admission des titres de capital ou donnant accès au capital de la société visée aux négociations sur un marché réglementé. »
Au regard de ces éléments qui touchent essentiellement aux aspects financiers, ...
... nous souhaitons que l'on puisse exiger du prédateur des indications précises en ce qui concerne sa stratégie et ses intentions en matière d'emploi, et que ces deux expressions figurent explicitement dans l'article.
Cet amendement est tout à fait fondé eu égard à la formulation de l'arrêté du 1er septembre 2005, qui n'est pas très ancien. Le complément que nous voulons apporter est totalement justifié compte tenu de l'objectif visé. Nous maintenons donc notre amendement.
L'amendement n'est pas adopté.
L'article L. 433-1 du code monétaire et financier est ainsi rédigé :
« Art. L. 433-1. - I. - Afin d'assurer l'égalité des actionnaires et la transparence des marchés, le règlement général de l'Autorité des marchés financiers fixe les règles relatives aux offres publiques portant sur des instruments financiers émis par une société dont le siège social est établi en France et qui sont admis aux négociations sur un marché réglementé français.
« II. - Ces règles s'appliquent également aux offres publiques visant des instruments financiers émis par une société dont le siège statutaire est établi sur le territoire d'un État membre de la Communauté européenne ou d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen autre que la France lorsque les titres de capital de cette société auxquels sont attachés des droits de vote :
« 1° Ne sont pas admis aux négociations sur un marché réglementé de l'État sur le territoire duquel la société a son siège statutaire et
« 2° Ont été admis aux négociations sur un marché réglementé d'un État membre de la Communauté européenne ou d'un autre État partie à l'Espace économique européen pour la première fois en France.
« Lorsque la première admission mentionnée au 2° est intervenue simultanément dans plusieurs États membres de la Communauté européenne ou d'autres États parties à l'accord sur l'Espace économique européen avant le 20 mai 2006, l'Autorité des marchés financiers fixe les règles mentionnées au I lorsqu'elle a été déclarée autorité compétente pour le contrôle de l'offre par les autorités de contrôle des autres États membres de la Communauté européenne concernés. À défaut, lorsque cette déclaration n'est pas intervenue dans les quatre semaines suivant le 20 mai 2006, l'Autorité des marchés financiers fixe les règles mentionnées au I lorsqu'elle a été déclarée autorité compétente pour le contrôle de l'offre par la société qui fait l'objet de l'offre.
« Lorsque la première admission mentionnée au 2° intervient simultanément dans plusieurs États membres de la Communauté européenne ou d'autres États parties à l'accord sur l'Espace économique européen après le 20 mai 2006, l'Autorité des marchés financiers fixe les règles lorsqu'elle a été déclarée compétente pour le contrôle de l'offre par la société qui fait l'objet de l'offre.
« Dans les conditions et selon les modalités fixées par le règlement général de l'Autorité des marchés financiers, la société qui fait l'objet de l'offre et qui déclare l'Autorité des marchés financiers, autorité compétente pour le contrôle de l'offre, en informe cette dernière, qui rend cette décision publique.
« III. - Le règlement général de l'Autorité des marchés financiers fixe les conditions dans lesquelles les règles mentionnées au I s'appliquent aux offres publiques visant des instruments financiers émis par des sociétés dont le siège statutaire est établi hors d'un État membre de la Communauté européenne ou d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen et qui sont admis aux négociations sur un marché réglementé français.
« IV. - Le règlement général de l'Autorité des marchés financiers peut également fixer les conditions dans lesquelles les règles prévues au I s'appliquent aux offres publiques visant des instruments financiers qui sont admis aux négociations sur un marché d'instruments financiers autre qu'un marché réglementé, à la demande de la personne qui le gère.
« V. - Toute personne, dont il y a des motifs raisonnables de penser qu'elle prépare une offre publique, peut être tenue de déclarer ses intentions à l'Autorité des marchés financiers, dans des conditions et selon des formes fixées par le règlement général de celle-ci.Il en est ainsi, en particulier, quand des instruments financiers admis aux négociations sur un marché réglementé français font l'objet d'un mouvement significatif.
« Une information concernant cette déclaration est portée à la connaissance du public dans les conditions fixées par le règlement général de l'Autorité des marchés financiers.
« Le règlement général détermine les conséquences qui résultent de cette déclaration d'intention. Il précise notamment les conditions dans lesquelles le dépôt d'un projet d'offre publique par toute personne qui aurait, dans un délai fixé par le règlement général de l'Autorité des marchés financiers, démenti avoir l'intention de déposer une telle offre peut être refusé. »
L'amendement n° 7, présenté par M. Vera, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Compléter le I du texte proposé par cet article pour l'article L. 433-1 du code monétaire et financier par un alinéa ainsi rédigé :
« Le règlement général de l'Autorité des marchés financiers tient compte, pour les règles relatives aux offres publiques, du caractère stratégique de ces instruments financiers, tel que fixé par décret du ministre de l'économie des finances.
La parole est à M. Bernard Vera.
Comme nous avons déjà eu l'occasion de le souligner, le choix opéré dans la loi de sécurité financière du 1er août 2003 a consisté à consacrer dans le code monétaire et financier le démembrement de la puissance publique, en confiant de manière quasi exclusive à une autorité indépendante, l'AMF, le soin de faire respecter les règles du jeu en matière boursière et financière.
L'intérêt général et, notamment, l'intérêt même du pays, de ses entreprises et de leurs salariés, est finalement laissé à l'appréciation d'une autorité dont les orientations sont fixées par un règlement général et le code monétaire et financier. Quelle politique économique et quelle politique industrielle peuvent trouver forme et contenu dans un tel contexte ?
On peut affirmer son attachement à la défense des intérêts économiques du pays, décréter le patriotisme économique ou dire que les États ont repris la parole, il n'en demeure pas moins qu'une bonne partie des décisions stratégiques concernant les plus grandes entreprises de notre pays échappe à tout contrôle public et que seule la loi du marché s'applique. L'AMF se contente en réalité de suivre la stricte application des règles du jeu : peu importe si nombre des OPA menées ces derniers temps se concluent de manière générale par des batailles financières où l'emploi est souvent la première victime.
Avec cet amendement, nous voulons donner corps à la notion de secteur stratégique pour notre économie. Comme chacun le sait, un décret de décembre 2005 a procédé à la spécification d'un certain nombre de secteurs d'activité. Il convient sans doute de faire entrer ce décret dans notre législation sous la forme d'une incitation à la réécriture du règlement général de l'AMF, comme nous vous le proposons.
D'ailleurs, de manière générale, il nous semble que, dès lors qu'un secteur d'activité est particulièrement présent dans l'économie du pays, il importe qu'il bénéficie d'un certain nombre de garanties et de précautions dans les mouvements pouvant affecter les entreprises de ce secteur.
Le présent amendement tend à remédier pour partie à cette situation.
J'ai lu plusieurs fois cet amendement, et je me suis vraiment interrogé sur son sens : « Le règlement général de l'Autorité des marchés financiers tient compte, pour les règles relatives aux offres publiques, du caractère stratégique de ces instruments financiers, tel que fixé par décret du ministre de l'économie des finances. »
J'avoue ne pas avoir compris de quoi il s'agissait. Est-ce le caractère stratégique des secteurs que vous visez, monsieur Véra, des secteurs qui, par nature, ne pourraient pas faire l'objet d'une OPA ? Pratiquez-vous un amalgame avec le décret qui énonce une liste d'activités proches de la puissance publique, notamment de la défense, et qui de ce fait méritent un traitement spécifique du point de vue de l'État ? Vous ne le dites pas explicitement !
En tout état de cause, cette disposition n'est pas opérationnelle et la commission ne peut qu'émettre un avis défavorable.
Je reprendrai exactement l'argumentation de M. le rapporteur. Le Gouvernement est donc également défavorable à cet amendement.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 10, présenté par MM. Marc et Yung, Mme Bricq, MM. Massion, Angels, Auban, Charasse, Demerliat, Frécon, Haut, Masseret, Miquel, Moreigne et Sergent, Mme M. André, M. Badinter, Mme Boumediene-Thiery, MM. Collombat, Courrière, Dreyfus-Schmidt, Frimat, C. Gautier, Mahéas, Peyronnet, Sueur, Sutour et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le troisième alinéa (2°) du II du texte proposé par cet article pour l'article L. 433-1 du code monétaire et financier :
« 2° Ont été admis aux négociations en premier lieu sur le marché réglementé français.
La parole est à M. François Marc.
Le texte de l'article 1er tel qu'il est proposé par le Gouvernement ne nous paraît pas clair et ce manque de clarté pourrait donner lieu à des contentieux. Son interprétation pourrait même être en contradiction avec la directive, ce qui serait tout à fait regrettable.
En effet, la directive prévoit très clairement une règle de détermination de la compétence des autorités nationales de marché. Elle dispose ainsi, dans son article 4, que les deux critères de détermination du droit applicable sont le lieu de cotation et le siège social de la cible, avec une priorité accordée au critère du lieu de cotation. Dès lors, plusieurs hypothèses sont visées par la directive.
Première hypothèse, l'autorité compétente est celle de l'État membre dans lequel la société visée a son siège social, lorsque les titres de cette société sont cotés dans le même pays.
Deuxième hypothèse, si la société n'est pas cotée dans le pays où elle a son siège social, le critère qui prime est le lieu de cotation.
Troisième hypothèse, si la société est cotée sur plusieurs places, le droit applicable est celui de l'État où la société a été cotée en premier lieu. C'est le cas visé à l'alinéa 2 du 2.b) de l'article 4 de la directive qui dispose clairement que « si les titres de la société visée sont admis à la négociation sur les marchés réglementés de plus d'un État membre, l'autorité compétente pour le contrôle de l'offre est celle de l'État membre sur le marché réglementé duquel les titres de la société ont été admis à la négociation en premier lieu ».
Cette hypothèse est aussi visée à l'article 1er du présent projet de loi dans la nouvelle rédaction proposée pour le deuxième paragraphe du II de l'article L. 433-1 du code monétaire et financier : il y est prévu que l'AMF est compétente lorsque la société a son siège social en Europe et a été cotée pour la première fois en France.
Malheureusement, la formulation choisie n'est pas claire. En effet, le texte qui nous est présenté dispose, s'agissant de la compétence de l'AMF sur les offres publiques visant des instruments financiers :
« 1° Ne sont pas admis aux négociations sur un marché réglementé de l'État sur le territoire duquel la société a son siège statutaire et ;
« 2° Ont été admis aux négociations sur un marché réglementé d'un État membre ou d'un autre État partie à l'Espace économique européen pour la première fois en France ».
Cette formulation ne convient pas. Je ne comprends pas pourquoi le Gouvernement a complexifié et brouillé un mécanisme pourtant tout à fait explicite dans la directive.
Il suffisait de dire, comme nous le proposons dans notre amendement : « Ont été admis aux négociations en premier lieu sur le marché réglementé français. »
En première lecture, nous avions déjà soulevé ce problème, mais en vain. Je tiens à renouveler notre critique, qui est constructive, monsieur le ministre. Retrouvez-nous sur le terrain du bon sens et de l'intérêt général ! Le rôle du législateur est déterminant ; il doit tout mettre en oeuvre pour que le droit soit intelligible par tous les citoyens et applicable à chacun de la même manière. Force est de constater que, si notre amendement n'était pas voté, le législateur aurait failli à sa mission. À l'évidence, telle n'est pas la volonté de ceux qui siègent sur ces travées.
La commission ne souscrit pas du tout à cette analyse. En première lecture, elle avait souligné que cet amendement conduirait à modifier le sens du texte. En réalité, contrairement à ce que nous a dit notre collègue François Marc, la mesure proposée éloigne le texte de la directive.
En effet, le projet de loi couvre actuellement les sociétés dont le siège est situé hors de France et qui sont cotées uniquement en France, mais aussi les sociétés dont le siège se trouve hors de France et qui sont cotées sur plusieurs places européennes et dont la première cotation a lieu en France.
Selon l'analyse de la commission, l'adoption de l'amendement conduirait à supprimer ce dernier cas de compétence de l'AMF, ce qui serait regrettable.
S'agissant des compétences en jeu, il faut bien distinguer celles qui relèvent du droit des sociétés et celles qui sont issues du droit boursier, c'est-à-dire l'information du marché.
En termes de droit des sociétés, il est naturel que le pays dans lequel est situé le siège soit chargé de l'essentiel de la régulation. Cependant, s'il se trouve par ailleurs que les titres sont cotés sur d'autres places de cotation que celle qui relève de l'autorité de régulation de ce pays, les autorités de régulation compétentes pour celles-ci doivent également jouer leur rôle, de telle sorte que l'information du public soit assurée de manière homogène dans l'ensemble de l'Union européenne.
C'est en application de ce principe que, s'agissant par exemple de la société Arcelor, l'autorité de régulation luxembourgeoise, qui s'appelle, si je ne me trompe, la Commission de surveillance du secteur financier, est compétente pour tout ce qui concernera notamment la recevabilité de l'offre, pour tout ce qui résultera directement de l'interprétation des statuts de la société, tandis que, par ailleurs, l'Autorité des marchés financiers, qui exerce sa compétence sur la principale place de cotation européenne en termes de volume de transactions, va aussi jouer un rôle important, en coordination avec les autorités boursières belge, luxembourgeoise et espagnole. Il y aura donc concertation entre les régulateurs pour s'assurer d'un traitement homogène du sujet et des informations délivrées aux marchés.
Nous avons étudié avec beaucoup de soin votre amendement, monsieur Marc. Cela étant, notre analyse est en tout point conforme à celle de M. le rapporteur. C'est pourquoi nous vous demandons de bien vouloir retirer cet amendement.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 11, présenté par MM. Marc et Yung, Mme Bricq, MM. Massion, Angels, Auban, Charasse, Demerliat, Frécon, Haut, Masseret, Miquel, Moreigne et Sergent, Mme M. André, M. Badinter, Mme Boumediene-Thiery, MM. Collombat, Courrière, Dreyfus-Schmidt, Frimat, C. Gautier, Mahéas, Peyronnet, Sueur, Sutour et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans la seconde phrase du dernier alinéa du V du texte proposé par cet article pour l'article L. 433-1 du code monétaire et financier, remplacer les mots :
dans un délai fixé par le règlement général de l'Autorité des marchés financiers
par les mots :
dans les six mois
La parole est à M. Richard Yung.
C'est en quelque sorte un amendement de précision.
Je rappelle qu'il s'agit ici du délai pendant lequel une personne qui aurait démenti avoir l'intention de déposer une offre publique ne pourrait obtenir de visa pour en déposer une autre.
L'amendement gouvernemental adopté au Sénat en première lecture visait en particulier le cas de la société Danone. À cet égard, l'épisode que nous avons vécu l'été dernier a été instructif puisque, en l'absence d'informations fiables sur une éventuelle OPA de PepsiCo sur Danone, la place s'était inquiétée, des rumeurs avaient circulé et les salariés de Danone s'étaient alarmés. Ensuite, plus rien ; le P-DG de Danone nous a d'ailleurs annoncé récemment qu'il n'avait plus aucune cause d'inquiétude.
Il avait donc été décidé, à ce moment-là, d'obliger les initiateurs d'offres publiques à se déclarer le plus tôt possible, pour éviter les incertitudes pouvant nuire aux entreprises visées. Nous n'étions pas opposés à cette approche, mais nous aurions souhaité que les choses soient mieux précisées. Au travers de cet amendement, nous espérons donc parvenir cette fois-ci à convaincre nos collègues qu'il est indispensable que le législateur précise davantage les conditions entourant la déclaration d'intention.
D'une manière générale, comme vous venez d'ailleurs de le dire vous-même, monsieur le ministre, on ne peut pas tout demander à l'AMF, laquelle ne doit pas tout réglementer en la matière. Sur ce point important, il nous semble que l'intervention du législateur est fondamentale au regard des principes : la détermination du délai entre la publication du démenti et le dépôt d'un autre projet d'offre publique ne peut relever de l'autorité de régulation.
En conséquence, nous proposons de prévoir un délai minimal de six mois, afin de donner le temps à l'entreprise concernée de s'organiser et de convoquer éventuellement une assemblée générale des actionnaires pour mettre en place les moyens de défense contre une OPA. Ce délai permettra d'atténuer les conséquences néfastes des rumeurs d'OPA sur le fonctionnement des marchés.
Lors de l'examen du texte au Sénat en première lecture, M. le ministre avait d'ailleurs indiqué qu'un tel délai lui paraissait raisonnable. Il nous semble donc de bonne politique de l'inscrire directement dans la loi, plutôt que de reporter à une date ultérieure sa détermination par l'AMF.
Lors de la première lecture, j'avais moi-même interrogé M. le ministre sur ce point précis. M. Breton avait indiqué qu'un délai de six mois lui paraissait être « une solution parfaitement équitable et justifiée ». Dans ces conditions, il me semble que nos collègues ont satisfaction sur le fond.
Quant à la compétence en la matière, quelle serait la sanction dans le cas où l'initiateur d'une offre publique aurait, trop peu de temps auparavant, nié son intérêt pour la société visée ? Une telle offre serait tout simplement déclarée irrecevable par l'Autorité des marchés financiers. Par conséquent, dès lors que l'AMF aura décidé d'inscrire dans son règlement général un délai de forclusion de six mois - décision qui, soit dit en passant, devra être homologuée par un arrêté ministériel - tout initiateur d'une offre publique ayant déclaré, moins de six mois plus tôt, ne pas s'intéresser à l'entreprise visée se verra opposer l'irrecevabilité de son offre par l'AMF. Cela ne fait aucun doute.
Si M. le ministre veut bien confirmer la réponse qu'il a donnée en première lecture, nos collègues pourront, en toute confiance, me semble-t-il, retirer leur amendement.
Je confirme bien volontiers, monsieur le rapporteur, la réponse que nous avions apportée en première lecture. Prévoir un délai de six mois me paraît effectivement tout à fait approprié. Il appartiendra à l'AMF d'inscrire cette disposition dans son règlement général. Un arrêté sera pris dans ce sens.
Il est nettement préférable, à mon sens, de procéder de cette façon. C'est la raison pour laquelle je demande le retrait de l'amendement.
Sur le fond, nous avons globalement satisfaction, mais une certaine imprécision demeure. Comme l'a dit lui-même M. le ministre, on ne peut pas s'en remettre à l'AMF pour tout.
Je persiste donc à penser que la fixation de ce délai de six mois est une mesure importante qui doit relever du législateur, et non pas du seul règlement général de l'AMF. Par conséquent, je maintiens l'amendement.
L'amendement n'est pas adopté.
L'article 1 er est adopté.
I. - Le I de l'article L. 433-3 du code monétaire et financier est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Le prix proposé doit être au moins équivalent au prix le plus élevé payé par l'auteur de l'offre, agissant seul ou de concert au sens des dispositions de l'article L. 233-10 du code de commerce, sur une période de douze mois précédant le dépôt de l'offre. L'Autorité des marchés financiers peut demander ou autoriser la modification du prix proposé dans les circonstances et selon les critères fixés dans son règlement général.
« Le règlement général de l'Autorité des marchés financiers fixe également les conditions dans lesquelles l'autorité peut accorder une dérogation à l'obligation de déposer un projet d'offre publique portant sur des instruments financiers émis par une société dont le siège social est établi en France et dont les instruments financiers sont admis aux négociations sur un marché réglementé d'un État membre de la Communauté européenne ou d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen. »
II. - Non modifié.
III. - Dans les I et II de l'article L. 433-3 et dans le I de l'article L. 433-4 du même code, après les mots : « marché réglementé », sont insérés les mots : « d'un État membre de la Communauté européenne ou d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ».
IV. - Dans le IV de l'article L. 433-3 du même code, après les mots : « droit étranger », le mot : « et » est remplacé par le mot : « ou ».
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 12, présenté par MM. Marc et Yung, Mme Bricq, MM. Massion, Angels, Auban, Charasse, Demerliat, Frécon, Haut, Masseret, Miquel, Moreigne et Sergent, Mme M. André, M. Badinter, Mme Boumediene-Thiery, MM. Collombat, Courrière, Dreyfus-Schmidt, Frimat, C. Gautier, Mahéas, Peyronnet, Sueur, Sutour et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit la première phrase du premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour compléter le I de l'article L. 433-3 du code monétaire et financier :
Le prix proposé doit être un prix équitable, défini comme le prix le plus élevé payé par l'auteur de l'offre, agissant seul ou de concert au sens des dispositions de l'article L. 233-10 du code de commerce, pendant une période de douze mois précédant l'offre.
La parole est à Mme Nicole Bricq.
Nous reprenons un débat que nous avons déjà eu lors de la première lecture à propos de la notion de prix équitable. La majorité sénatoriale, en particulier M. le rapporteur, avait alors préféré supprimer les termes « au moins », que l'Assemblée nationale a ensuite rétablis. Cela marque déjà un progrès, mais n'est pas encore suffisant à nos yeux. C'est pourquoi nous revenons sur ce sujet à l'occasion de la deuxième lecture.
En effet, nous sommes très attachés à une définition du prix équitable qui assure une égalité de traitement de tous les investisseurs, qu'ils soient professionnels ou profanes, majoritaires ou minoritaires, institutionnels ou particuliers.
Comme M. Marini l'avait d'ailleurs lui-même indiqué dans son rapport, il convient de réduire les risques de contestation des prix des offres obligatoires en adoptant une définition simple et claire du prix équitable. C'est la raison pour laquelle nous ne comprenons pas davantage aujourd'hui qu'hier que cette notion ne soit pas reprise dans le texte de l'article 2. Cela conduit du reste M. le rapporteur à utiliser des périphrases, du type : « le prix équivalent à... ». Il nous semble que le recours à la notion de prix équitable simplifierait les choses.
Encore une fois, nous constatons un recul par rapport au texte de la directive, où se trouve clairement définie la notion de prix équitable, définition qui n'est pas reprise dans la rédaction du projet de loi issue de la première lecture. Cela est probablement dû au fait que la majorité sénatoriale a des conceptions différentes des nôtres s'agissant du contenu de cette définition.
En effet, nous sommes, pour notre part, très favorables à une définition du prix équitable qui permette de prendre en compte la situation particulière de l'actionnaire minoritaire évincé par l'offre publique de retrait obligatoire. À cet égard, je citerai l'arrêt Tissot contre Genefim, rendu le 5 mai 1998 par la cour d'appel de Paris : « La recherche de l'indemnisation juste et équitable par l'initiateur d'une offre publique de retrait [...] doit viser [...] à déterminer un juste prix [...] en écartant, le cas échéant, les critères non pertinents ou en retenant au contraire des méthodes [...] de nature à conduire à une évaluation équitable et légitime de l'entreprise ».
Lors des débats de première lecture, la position de M. le rapporteur, opposée à la nôtre, avait prévalu. L'Assemblée nationale a bien vu qu'un problème se posait et a préféré revenir à la rédaction initiale. Mais cette avancée reste à notre avis insuffisante, car le texte est encore trop favorable aux plus gros acteurs, au détriment de l'égalité de traitement des investisseurs et de l'intérêt général.
Nous souhaitons donc que la définition du prix équitable, telle qu'elle figure dans le texte de la directive, soit transcrite dans le droit français.
L'amendement n° 1, présenté par M. Marini, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour compléter le I de l'article L. 433-3 du code monétaire et financier, supprimer les mots :
au moins
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter cet amendement et pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 12.
Ce n'est pas à moi qu'il faut faire plaisir, c'est aux petits actionnaires !
...mais je ne puis souscrire à son analyse. J'en reste, à ce stade, à celle que la commission avait présentée lors de la première lecture. Nous avions alors estimé que le prix à prendre en considération pour l'offre obligatoire était bien le prix le plus élevé payé pour les mêmes titres par l'offrant.
Toutefois, et le texte le précise bien, ce prix se conçoit sans préjudice des situations exceptionnelles qui peuvent se présenter, c'est-à-dire des cas où l'AMF est en droit de considérer que le marché n'est pas représentatif, parce qu'il n'est pas assez liquide, parce qu'un événement exceptionnel s'est produit, parce que la société concernée est dans une situation difficile, parce qu'on est en présence d'une manipulation de cours, etc. Dans de telles hypothèses, l'AMF peut faire prévaloir une analyse multicritères.
Il me semble donc que l'on est plus proche de l'article 5 de la directive en supprimant les termes « au moins », tout en considérant que le prix de l'offre obligatoire est le prix le plus élevé payé pour les mêmes titres par l'offrant et en gardant en mémoire le fait que l'AMF peut procéder à des ajustements en cas de situation exceptionnelle.
Je confirme donc la position adoptée par la commission lors de la première lecture et je demande à nos collègues du groupe socialiste de bien vouloir s'y rallier.
Madame Bricq, le projet de loi comporte déjà un délai de référence pour le calcul du prix de l'offre de retrait obligatoire. Comme je l'ai indiqué en première lecture, votre amendement ne se justifie donc pas.
J'ajoute que la rédaction que vous proposez conduit à supprimer toute capacité pour l'AMF de donner une portée à la notion de prix équitable. Vous réduisez en effet le premier alinéa du paragraphe I à une seule phrase alors que les capacités d'action de l'AMF sont décrites dans la deuxième phrase de l'alinéa proposé par le projet de loi.
Pour toutes ces raisons, je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement.
Monsieur le rapporteur, l'amendement n° 1 porte sur une question qui, vous l'avez rappelé tout à l'heure, a déjà fait l'objet de longs débats, tant dans cette enceinte qu'à l'Assemblée nationale.
Permettez-moi de revenir sur les arguments que j'ai présentés au Sénat en première lecture, et que j'ai repris devant les députés, mais en apportant un éclairage nouveau.
Maintenir l'expression « au moins » dans la rédaction présentée au paragraphe I de l'article 2 peut, en effet, sembler inutile dans la mesure où l'AMF a la possibilité de demander une modification du prix proposé lors d'une offre obligatoire.
Pour autant, supprimer cette expression pourrait, selon notre analyse, dissuader certains auteurs d'offres publiques obligatoires de proposer spontanément un prix supérieur au prix le plus élevé constaté au cours de la période antérieure et, par voie de conséquence, défavoriser les actionnaires.
Paradoxalement, car ce n'est pas ce que vous cherchez, cette suppression n'irait pas dans l'intérêt des épargnants. C'est pourquoi je vous propose de retenir la rédaction de l'Assemblée nationale.
Monsieur le rapporteur, j'espère que vous aurez été convaincu par ce nouvel éclairage et que votre sagesse vous conduira à retirer votre amendement.
L'amendement n'est pas adopté.
M. le ministre nous a indiqué que le maintien de l'expression « au moins » pouvait à certains égards sembler inutile, mais que sa suppression pourrait, dans des circonstances particulières, être dissuasive. Il a donc bien équilibré ses explications.
Monsieur le ministre, comme vous l'avez rappelé, nous nous sommes déjà largement expliqués sur ce sujet. Pour ma part, n'étant pas animé d'une conviction doctrinale totale, et dans la mesure où le Sénat et l'Assemblée nationale doivent se rapprocher, j'accepte - je parle sous le contrôle de M. le président de la commission des finances - de renoncer à cet amendement dès lors que les conditions d'application de cette disposition seront définies par l'Autorité des marchés financiers.
Sous le bénéfice du doute - doute que vous avez instillé dans mon esprit, monsieur le ministre - je retire l'amendement n° 1.
L'amendement n° 1 est retiré.
L'amendement n° 13, présenté par MM. Marc et Yung, Mme Bricq, MM. Massion, Angels, Auban, Charasse, Demerliat, Frécon, Haut, Masseret, Miquel, Moreigne et Sergent, Mme M. André, M. Badinter, Mme Boumediene-Thiery, MM. Collombat, Courrière, Dreyfus-Schmidt, Frimat, C. Gautier, Mahéas, Peyronnet, Sueur, Sutour et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit la seconde phrase du premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour compléter le I de l'article L. 433-3 du code monétaire et financier :
Lorsque le prix proposé porte atteinte au principe d'égalité de traitement des actionnaires et/ou ne respecte pas la méthode multicritères telle que définie par le règlement général de l'Autorité des marchés financiers, cette dernière peut en demander une modification.
La parole est à M. Richard Yung.
Nous considérons que l'AMF doit pouvoir intervenir pour contrôler que le prix proposé est conforme au principe d'égalité de traitement des actionnaires.
La directive que nous sommes en train de transposer prévoit, dans son article 5, que « les États membres peuvent autoriser leurs autorités de contrôle à modifier le prix prévu [...] dans des circonstances et selon des critères clairement déterminés ».
Il importe donc que le législateur précise certains de ces critères, sinon tous, pour en garantir la stabilité et le respect. Nous estimons en effet que le législateur - nous tenons le même raisonnement que tout à l'heure - doit orienter l'évaluation retenue par l'AMF et l'encadrer par des critères utilisés et connus de tous, en particulier à travers la méthode dite multicritères.
La directive prévoit de surcroît que toute décision des autorités de contrôle qui modifie le prix équitable doit être motivée et rendue publique. Or, l'Autorité des marchés financiers, autorité de régulation, ne doit pas avoir seule la maîtrise exclusive de la détermination des prix des titres en matière d'offres publiques. Lui fixer un cadre, c'est permettre à tout un chacun de s'y référer pour pouvoir éventuellement contester son avis devant les tribunaux et devant la cour d'appel de Paris.
C'est aussi dans cette perspective qu'il importe de faire référence au principe d'égalité de traitement des actionnaires. Ce principe doit guider l'AMF dans la fixation du caractère équitable ou non du prix. A cet effet, l'AMF pourra encourager la délivrance, par l'initiateur, d'une attestation d'équité en référence au principe d'égalité de traitement des investisseurs.
Monsieur le président, je crains que cet amendement ne soit pas à sa place. En effet, il traite de l'offre publique de retrait obligatoire, qui est abordée par l'article 5 du projet de loi, et non pas de l'offre publique obligatoire, objet de l'article 2. Il s'agit de deux procédures distinctes.
La commission, estimant que le présent amendement ne peut pas figurer à l'article 2, émet, ne serait-ce que pour des raisons de procédure, un avis défavorable.
Je partage l'avis de M. le rapporteur. J'ajoute que cet amendement ne me semble pas utile dans la mesure où le principe d'égalité de traitement de l'ensemble des actionnaires est un principe général que l'AMF garantit déjà à travers le corpus de l'ensemble de ses décisions.
De la même façon, la méthode multicritères est déjà utilisée par l'AMF. En outre, je le rappelle, dans l'hypothèse d'une grande divergence entre les résultats de la méthode multicritères et le prix proposé pour l'offre obligatoire, l'AMF peut être amenée à demander une modification de prix ; cela s'est d'ailleurs déjà produit.
Les pratiques actuelles sont donc de nature à répondre à vos préoccupations, monsieur le sénateur. C'est pourquoi je vous invite, après M. le rapporteur, à retirer votre amendement.
L'amendement n° 13 est retiré.
L'amendement n° 2 rectifié, présenté par M. Marini, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le IV de cet article :
IV. - Dans le IV de l'article L. 433-3 du même code, les mots : de la société contrôlée ou qui constitue un actif essentiel sont remplacés par les mots : de ladite société.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini, rapporteur. Cet amendement vise à préciser et à clarifier une disposition adoptée dans la loi du 26 juillet 2005, dite « loi Breton ».
Sourires
Il vise la situation où l'on doit déposer une offre publique tout à la fois sur la société mère d'un groupe et sur la société fille, lorsque celle-ci répond à certaines conditions.
La commission considère que ces conditions doivent être cumulatives. D'une part, il doit s'agir d'un actif substantiel du groupe et, d'autre part, cet actif doit être détenu au minimum à hauteur d'un tiers de son capital ou des droits de vote.
L'évocation de la notion de contrôle ne me paraît pas utile. Cette notion, qui figure dans la loi du 26 juillet 2005, risque de compliquer le sujet et même de soulever de réelles difficultés dans certains cas particuliers.
Pour toutes ces raisons, je vous invite à adopter cet amendement.
Monsieur le rapporteur, dans un souci de clarté, pourriez-vous préciser la portée de votre amendement ?
Bien volontiers, monsieur le ministre. Cet amendement vise, dans la dernière phrase du IV de l'article L. 433-3 du code monétaire et financier, à remplacer les mots : « de la société contrôlée ou qui constitue un actif essentiel » par les mots : « de ladite société ». L'objectif est de ne plus se référer à la notion de contrôle qui, en l'espèce, n'est pas utile.
Cela suppose de revenir à la notion cumulative dans la première partie de l'amendement, ce que vous n'avez pas prévu. Or, c'est un sujet sur lequel il faut être très précis.
Pour bien comprendre l'objet de l'amendement de la commission, il convient de considérer l'ensemble du paragraphe IV de l'article L. 1433-3 du code des marchés monétaires et financiers.
Permettez-moi de vous en rappeler les termes : « Le règlement général de l'Autorité des marchés financiers fixe également les conditions dans lesquelles tout projet d'offre publique déposé conformément aux dispositions de la section 1 du présent chapitre ou de la présente section doit, lorsque l'offre porte sur une société qui détient plus du tiers du capital ou des droits de vote d'une société française ou étrangère dont les titres de capital sont admis aux négociations [...] et qui constitue un actif essentiel de la société détentrice » - c'est donc bien cumulatif -« , être accompagné des documents permettant de prouver qu'un projet d'offre publique irrévocable et loyale est ou sera déposé sur l'ensemble du capital » - et, on reprend pour des raisons rédactionnelles - « de la société contrôlée ou qui constitue un actif essentiel, ».
Il y a là une incohérence. Puisque le critère est cumulatif au début de l'article, il faut qu'il le reste à la fin. Il convient donc, d'une part, de remplacer le mot « ou » par le mot « et », d'autre part, d'éviter de faire allusion au contrôle.
Monsieur le président, la rédaction de la commission n'est peut-être pas parfaite. Une brève suspension de séance nous permettrait sans doute de l'améliorer. Mais dans l'esprit, la proposition de la commission est conforme à ce que je viens d'énoncer.
Une suspension de séance n'est peut-être pas nécessaire. Nous pourrions réserver le vote de cet amendement, le temps que le texte de référence soit distribué à l'ensemble de nos collègues. Nous y gagnerions ainsi en clarté et chacun pourrait se prononcer en toute connaissance de cause sur ce dispositif.
La problématique est celle d'une offre publique d'achat qui porte sur une société mère : il s'agit de savoir si une filiale importante doit être également liée à cette offre.
Prenez un grand groupe national qui détient une participation significative dans une grande société étrangère : peut-on lancer une offre publique d'achat sur la seule société mère sans, au même moment et cumulativement, lancer par obligation une offre sur la filiale ?
Or, il ne s'agit pas de la même dimension : dans le premier cas, on mobilise quelques milliards ; dans le second, il faut en mobiliser infiniment plus. C'est autre chose que des bons de souscription d'actions.
Nous ne pouvons donc commettre la moindre erreur d'appréciation quant à la rédaction de cet article. C'est pourquoi, si M. le rapporteur le veut bien, je demande la réserve de cet amendement.
La réserve est ordonnée.
En conséquence, le vote sur l'amendement n° 2 rectifié et sur l'article 2 est réservé.
Après l'article L. 233-10 du code de commerce, il est inséré un article L. 233-10-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 233-10-1. - En cas d'offre publique d'acquisition, sont considérées comme agissant de concert les personnes qui ont conclu un accord avec l'auteur d'une offre publique visant à obtenir le contrôle de la société qui fait l'objet de l'offre. Sont également considérées comme agissant de concert les personnes qui ont conclu un accord avec la société qui fait l'objet de l'offre afin de faire échouer cette offre. » -
Adopté.
L'article L. 433-4 du code monétaire et financier est complété par un III et un IV ainsi rédigés :
« III. - Sans préjudice des dispositions du II, le règlement général de l'Autorité des marchés financiers fixe également les conditions dans lesquelles, à l'issue de toute offre publique et dans un délai de trois mois à l'issue de la clôture de cette offre, les titres non présentés par les actionnaires minoritaires, dès lors qu'ils ne représentent pas plus de 5 % du capital ou des droits de vote, sont transférés aux actionnaires majoritaires à leur demande, et les détenteurs indemnisés. Dans les conditions et selon les modalités fixées par le règlement général de l'Autorité des marchés financiers, l'indemnisation est égale, par titre, au prix proposé lors de la dernière offre ou, le cas échéant, au résultat de l'évaluation mentionnée au II. Lorsque la première offre publique a eu lieu en tout ou partie sous forme d'échange de titres, l'indemnisation peut consister en un règlement en titres, à condition qu'un règlement en numéraire soit proposé à titre d'option, dans les conditions et selon les modalités fixées par le règlement général de l'Autorité des marchés financiers. Lorsque les titulaires de titres ne sont pas identifiés, dans les conditions mentionnées à l'article L. 228-6-3 du code de commerce, l'indemnisation est effectuée en numéraire et son montant consigné.
« IV. - Le règlement général de l'Autorité des marchés financiers fixe également les conditions dans lesquelles la procédure mentionnée aux II et III porte sur les titres donnant ou pouvant donner accès au capital. La fraction du capital ou des droits de vote mentionnée aux II et III est alors calculée en tenant compte des titres de capital existants et des titres de capital susceptibles d'être créés par conversion, souscription, échange, remboursement, ou de toute autre manière, des titres donnant ou pouvant donner accès au capital. »
L'amendement n° 24, présenté par M. Marini, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le second paragraphe (IV) du texte proposé par cet article pour compléter l'article L. 433-4 du code monétaire et financier :
« IV. - Le règlement général de l' Autorité des marchés financiers fixe également les conditions dans lesquelles la procédure mentionnée aux II et III porte sur les titres donnant ou pouvant donner accès au capital, dès lors que les titres de capital susceptibles d'être créés par conversion, souscription, échange, remboursement, ou de toute autre manière, des titres donnant ou pouvant donner accès au capital non présentés, une fois additionnés avec les titres de capital existants non présentés, ne représentent pas plus de 5 % de la somme des titres de capital existants et susceptibles d'être créés. »
La parole est à M. le rapporteur.
Il s'agit d'un amendement de coordination avec une rédaction adoptée par l'Assemblée nationale.
Nous sommes ici dans le domaine des offres publiques de retrait obligatoire.
Je ne reviens pas sur le seuil établi ; un débat a eu lieu en première lecture. Nous avions discuté de l'opportunité de l'abaisser de 95% à 90 %, mais les choses ne sont probablement pas mûres pour une telle évolution et il reste donc fixé à 95 %.
Il existe toutefois des cas de figure où ce ne sont pas seulement des actions qui sont en circulation, ce sont aussi des valeurs mobilières plus complexes, donnant accès ou susceptible de donner accès au capital.
Il faut faire en sorte que l'offre publique de retrait obligatoire permette à l'actionnaire très majoritaire d'acquérir aussi bien les titres dits, par simplification, « titres retard », que les valeurs constituant le capital.
L'Assemblée nationale, selon moi, n'avait pas traité cette question de façon pleinement satisfaisante sur le plan technique.
L'amendement n° 24, essentiellement rédactionnel, vise donc, tout en respectant les intentions de l'Assemblée nationale, à nous permettre de disposer d'un dispositif tout à fait opérationnel.
Monsieur le rapporteur, cet amendement tend à clarifier le dispositif introduit par l'Assemblée nationale, qui consiste à donner un sens légal au retrait obligatoire sur les titres donnant ou pouvant donner accès au capital.
Cette rédaction me semble effectivement aller dans le bon sens.
Bien entendu, une offre publique facultative doit toujours précéder l'offre de retrait obligatoire. Le principe selon lequel l'offre initiale doit porter sur la totalité des titres donnant accès au capital reste valable.
Le Gouvernement émet donc un avis favorable.
L'amendement est adopté.
L'article 5 est adopté.
CHAPITRE II
Dispositions relatives à l'amélioration de l'information des actionnaires et des salariés
Après l'article L. 225-100-2 du code de commerce, il est inséré un article L. 225-100-3 ainsi rédigé :
« Art. L. 225-100-3. - Pour les sociétés dont des titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé, le rapport visé à l'article L. 225-100 expose et, le cas échéant, explique les éléments suivants lorsqu'ils sont susceptibles d'avoir une incidence en cas d'offre publique :
« 1° La structure du capital de la société ;
« 2° Les restrictions statutaires à l'exercice des droits de vote et aux transferts d'actions ou les clauses des conventions portées à la connaissance de la société en application de l'article L. 233-11 ;
« 3° Les participations directes ou indirectes dans le capital de la société dont elle a connaissance en vertu des articles L. 233-7 et L. 233-12 ;
« 4° La liste des détenteurs de tout titre comportant des droits de contrôle spéciaux et la description de ceux-ci ;
« 5° Les mécanismes de contrôle prévus dans un éventuel système d'actionnariat du personnel, quand les droits de contrôle ne sont pas exercés par ce dernier ;
« 6° Les accords entre actionnaires dont la société a connaissance et qui peuvent entraîner des restrictions au transfert d'actions et à l'exercice des droits de vote ;
« 7° Les règles applicables à la nomination et au remplacement des membres du conseil d'administration ou du directoire ainsi qu'à la modification des statuts de la société ;
« 8° Les pouvoirs du conseil d'administration ou du directoire, en particulier l'émission ou le rachat d'actions ;
« 9° Les accords conclus par la société qui sont modifiés ou prennent fin en cas de changement de contrôle de la société, sauf si cette divulgation, hors les cas d'obligation légale de divulgation, porterait gravement atteinte à ses intérêts ;
« 10° Les accords prévoyant des indemnités pour les membres du conseil d'administration ou du directoire ou les salariés, s'ils démissionnent ou sont licenciés sans cause réelle et sérieuse ou si leur emploi prend fin en raison d'une offre publique. » -
Adopté.
Le quatrième alinéa de l'article L. 432-1 du code du travail est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« En cas de dépôt d'une offre publique d'acquisition portant sur une entreprise, le chef de cette entreprise et le chef de l'entreprise qui est l'auteur de cette offre réunissent immédiatement leur comité d'entreprise respectif pour l'en informer. Au cours de la réunion du comité de l'entreprise qui fait l'objet de l'offre, celui-ci décide s'il souhaite entendre l'auteur de l'offre et peut se prononcer sur le caractère amical ou hostile de l'offre. Le chef de l'entreprise qui est l'auteur de l'offre adresse au comité de l'entreprise qui en fait l'objet, dans les trois jours suivant sa publication, la note d'information mentionnée au IX de l'article L. 621-8 du code monétaire et financier. L'audition de l'auteur de l'offre se déroule dans les formes, les conditions, les délais et sous les sanctions prévues aux alinéas suivants.
« Si l'offre est déposée par une entreprise dépourvue de comité d'entreprise, et sans préjudice de l'article L. 422-3 du présent code, le chef de cette entreprise en informe directement les membres du personnel. De même, à défaut de comité d'entreprise dans l'entreprise qui fait l'objet de l'offre, et sans préjudice de l'article L. 422-3 précité, le chef de cette entreprise en informe directement les membres du personnel. Dans ce cas et dans les trois jours suivant la publication de la note d'information mentionnée au IX de l'article L. 621-8 du code monétaire et financier, l'auteur de l'offre la transmet au chef de l'entreprise faisant l'objet de l'offre qui la transmet lui-même au personnel sans délai. »
L'article 7 de ce projet de loi aborde la question importante de l'information des salariés en cas d'offre publique d'achat.
Alors que le droit existant prévoit une information du seul comité d'entreprise de la société cible, le projet de loi prévoit également d'informer le comité d'entreprise de la société initiant l'offre.
Il est vrai que les deux sociétés sont l'une et l'autre concernées. Or, dans le cours de cette discussion, sous le feu de l'actualité, nous sommes souvent tentés de raisonner systématiquement du point de vue d'une cible, mais nous devons aussi être capables de raisonner du point de vue d'un initiateur. En effet, une offre publique d'acquisition est susceptible d'entraîner d'importantes conséquences structurelles pour la société qui l'initie, en termes d'organisation et d'emploi, dans ses propres branches, divisions ou filiales
Le principe de cette double information est ainsi défini par le premier alinéa du texte et devrait figurer à l'article L. 432-1 du code du travail : « En cas de dépôt d'une offre publique d'acquisition portant sur une entreprise, le chef de cette entreprise et le chef de l'entreprise qui est l'auteur de cette offre réunissent immédiatement leur comité d'entreprise respectif pour l'en informer ».
La procédure d'information n'est ensuite précisée que pour le comité d'entreprise de la société visée par l'offre : « Au cours de la réunion du comité de l'entreprise qui fait l'objet de l'offre, celui-ci décide s'il souhaite entendre l'auteur de l'offre et peut se prononcer sur le caractère amical ou hostile de l'offre.
« Le chef de l'entreprise qui est l'auteur de l'offre adresse au comité de l'entreprise qui en fait l'objet, dans les trois jours suivant sa publication, la note d'information » visée par l'Autorité des marchés financiers et peut décider d'auditionner l'auteur de l'offre.
Des sanctions sont prévues si le chef de l'entreprise ayant initié l'offre ou son représentant ne se rend pas à la réunion du comité d'entreprise à laquelle il a été invité. Ces sanctions consistent en l'impossibilité d'exercer les droits de vote attachés aux titres de la société faisant l'objet de l'offre que la société initiatrice de l'offre détient ou viendrait à détenir.
Dans ce cadre, monsieur le ministre, la position de la commission des finances consiste à préciser le contenu de l'information transmise par le chef de l'entreprise initiatrice au comité de l'entreprise visée, notamment sur la localisation de l'emploi et des centres de décision.
C'est ce que montrera l'examen du sous-amendement que je présenterai, sous-amendement portant sur l'amendement n° 28, lui-même présenté par le Gouvernement.
Cette solution assez souple nous a semblé préférable à la création de nouvelles procédures.
D'autres amendements portant sur cet article, présentés par nos collègues MM. François Marc et Bernard Véra, tendent au contraire à créer de nouvelles procédures, qu'il s'agisse de la transmission de la note d'information au comité de l'entreprise qui initie l'offre, et non seulement au comité de l'entreprise visée - c'est l'objet de l'amendement n° 17 -, de l'élaboration d'un nouveau document, distinct de la notice d'information, en association avec les représentants du personnel - c'est l'amendement n° 8 -, ou de procédures formelles d'avis public du comité de l'entreprise visée ou du comité de l'entreprise initiatrice de l'offre - il s'agit respectivement des amendements n° 14 et 16.
Ce commentaire, mes chers collègues, est à porter en facteur commun des différents amendements qui vont être défendus. Je serai donc bref en émettant les avis de la commission, puisque j'ai présenté notre conception générale de ce projet.
L'amendement n° 28, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. Rédiger ainsi le premier alinéa de cet article :
Les quatrième et cinquième alinéas de l'article L. 432-1 du code du travail sont remplacés par trois alinéas ainsi rédigés :
II. Compléter le texte proposé par cet article pour remplacer le quatrième alinéa de l'article L. 432-1 du code du travail par un alinéa ainsi rédigé :
« Dans les quinze jours suivant la publication de la note d'information, le comité d'entreprise est réuni pour procéder à son examen et, le cas échéant, à l'audition de l'auteur de l'offre. Si le comité d'entreprise a décidé d'auditionner l'auteur de l'offre, la date de la réunion est communiquée à ce dernier au moins trois jours à l'avance. Lors de la réunion, l'auteur de l'offre peut se faire assister des personnes de son choix. Il présente au comité d'entreprise les répercussions de la mise en oeuvre de l'offre sur l'ensemble des intérêts de la société visée et spécialement l'emploi ainsi que ses plans stratégiques pour la société visée et leurs répercussions probables sur l'emploi et les sites d'activité de ladite société. Il prend connaissance des observations éventuellement formulées par le comité d'entreprise. Ce dernier peut se faire assister préalablement et lors de la réunion d'un expert de son choix dans les conditions prévues aux huitième et neuvième alinéas de l'article L. 434-6. »
La parole est à M. le ministre.
J'ai bien entendu les propos de M. le rapporteur général : ils se situent tout à fait dans l'esprit de l'amendement que je vous présente.
Comme j'ai déjà eu fréquemment l'occasion de le dire au cours des derniers jours, mesdames, messieurs les sénateurs, il me semble vraiment essentiel, lors du dépôt d'une offre, que l'initiateur démontre dans les meilleurs délais qu'il y a, derrière cette offre, un véritable projet de nature à créer de la valeur pour les actionnaires, mais également pour les parties prenantes, telles que je les ai précédemment qualifiées et définies.
L'expérience des offres publiques d'acquisition réalisées par le passé montre du reste que, sans un projet industriel de qualité qui soutienne réellement l'offre, les fusions sont le plus souvent vouées à l'échec.
Il s'agit non plus de bâtir à la va-vite des projets industriels de circonstance après qu'une offre a été lancée, mais de raisonner préalablement, d'étudier précisément les conséquences de la fusion, de réfléchir à tête reposée, dans l'intimité des comités exécutifs, voire des conseils d'administration. Ce n'est qu'ensuite, si le projet fait sens, que l'on pourra le proposer, notamment par le biais d'une offre publique d'achat ou d'une offre publique d'échange.
Cet esprit, de bon sens, prévaut du reste dans la quasi-totalité des offres auxquelles nous assistons aujourd'hui. Puisque certains, pourtant, ne procèdent pas de cette façon, il me semble nécessaire que l'initiateur mette avec plus d'insistance l'accent sur son projet industriel.
Au vu des nombreux amendements déposés qui concernent ce même thème, je constate que cette idée rejoint une préoccupation consensuelle ; M. le rapporteur vient de l'évoquer brillamment.
Aussi l'amendement n° 28 tend-il à ajouter une obligation dans le cadre qui paraît le plus pertinent, sans alourdir les procédures qui existent aujourd'hui.
À l'occasion de l'audition, prévue par la loi, de l'initiateur ou de l'un de ses représentants par le comité d'entreprise de la société cible - obligation qui existe déjà en droit français - l'initiateur serait désormais obligé de présenter au comité d'entreprise de la cible les répercussions de l'offre sur l'ensemble des intérêts de la société cible, notamment sur ses aspects industriels et stratégiques, mais également sur l'emploi et sur les sites d'activité.
Je rappelle, de plus, que si l'initiateur ne se présente pas à la réunion organisée sur l'initiative du comité d'entreprise de la cible, la sanction prévue est assez lourde, puisque les droits de vote que l'initiateur viendrait à acquérir lors de l'offre sont suspendus.
Cette pénalité existe déjà. Il s'agit de préciser, à l'occasion de cette rencontre prévue par la loi, la nature du projet industriel, du projet social et du projet stratégique, de façon à ce que les entreprises cibles puissent les étudier à loisir avant de consulter les parties prenantes concernées.
Le sous-amendement n° 26 rectifié, présenté par M. Marini, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi la quatrième phrase du texte proposé par le II de l'amendement n° 28 pour modifier l'article L. 432-1 du code du travail :
Il présente au comité d'entreprise sa politique industrielle et financière, ses plans stratégiques pour la société visée et les répercussions de la mise en oeuvre de l'offre sur l'ensemble des intérêts, l'emploi, les sites d'activité et la localisation des centres de décision de ladite société.
La parole est à M. le rapporteur.
Ce matin, la commission des finances avait adopté un amendement qui prévoyait un dispositif très proche de celui que propose le Gouvernement et dont l'effet était identique.
Nous pouvons donc souscrire à la disposition préconisée par le Gouvernement.
Nous présentons toutefois le sous-amendement n° 26 rectifié. En effet, nous souhaiterions rétablir une rédaction qui nous semblait plus explicite, plus précise, et, surtout, réintroduire le membre de phrase : « la localisation des centres de décision de ladite société ».
En réalité, c'est une explicitation, car les sites d'activité englobent les centres de décision, à savoir l'état-major, les sièges de branche. Mais, pour une information méthodique du comité d'entreprise, pour une diffusion dans le public des éléments dont il s'agit, il est préférable, je crois, que la rédaction soit plus spécifique en ce qui concerne les centres de décision.
Monsieur le ministre, c'est dans cet esprit que la commission préconise l'adoption de ce sous-amendement n° 26 rectifié.
Le sous-amendement n° 27 rectifié, présenté par M. Marini, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I. - Dans la première phrase du texte proposé par le II de l'amendement n° 28 pour compléter l'article L. 432-1 du code du travail, après les mots
Dans les quinze jours suivant la publication de la note d'information,
insérer les mots :
et avant la date de convocation de l'assemblée générale réunie en application de l'article L. 233-32 du code de commerce.
II. - Compléter l'amendement n° 28 par un paragraphe ainsi rédigé :
III. - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
II. - Dans le sixième alinéa de l'article L. 432-1 du code du travail, le chiffre : deux est remplacé par le chiffre : trois.
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre ce sous-amendement et pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 28.
Le sous-amendement n° 27 rectifié est un sous-amendement de cohérence. Il convient, bien entendu, que la réunion d'information du comité d'entreprise se tienne avant la date de convocation de l'assemblée générale. Cela va de soi, mais il vaut sans doute mieux que le texte le précise de façon incontestable et c'est l'objet du sous-amendement n° 27 rectifié.
Enfin, la commission est favorable à l'amendement n°28 du Gouvernement.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les sous-amendements n° 26 rectifié et 27 rectifié ?
Monsieur le président, je constate que la commission d'un côté, le Gouvernement de l'autre, sont arrivés à des conclusions relativement proches, sans d'ailleurs se concerter. Cela démontre bien que, l'un comme l'autre, nous avons eu les mêmes préoccupations.
Dans la quasi-totalité des cas, les projets industriels existent déjà. Mais, dans certaines circonstances - l'actualité récente nous l'a rappelé -, il est vrai qu'ils peuvent être curieusement absents, en tout cas au début d'une offre. Il est donc important que les actionnaires, les parties prenantes, puissent prendre position en tout état de cause et être clairement informés. Ce rendez-vous que constitue la réunion organisée par le comité d'entreprise nous semble un lieu et un moment appropriés pour préciser la nature du projet qui légitime une telle offre.
Vous avez ajouté la localisation. Cela me semble être une idée tout à fait pertinente à laquelle je souscris. Il en est de même de la proposition de la commission relative à la réunion d'information, laquelle doit bien évidemment se tenir avant la date de l'assemblée générale.
Sourires
Mon explication de vote porte sur le package qui nous est soumis, à savoir l'amendement n° 28 du Gouvernement et les deux sous-amendements de la commission.
Nous nous félicitons de l'évolution manifeste du Gouvernement ! En effet, lorsque nous avons présenté des amendements allant dans ce sens lors de l'examen du texte en première lecture - il n'y a pas si longtemps ! -, on nous avait répondu que nos revendications étaient véritablement excessives et que le fait d'associer le comité d'entreprise et les salariés n'avait pas de sens et qu'il fallait se dispenser de ce genre d'exercice.
Le Gouvernement a donc fait un virage à 180 degrés dans sa philosophie relative à l'approche de l'entreprise, ce dont nous nous réjouissons.
Le ministre fait un signe de dénégation.
Nous avons quelques petites exigences supplémentaires qui figurent dans les amendements que nous avons présentés et qui concernent la forme, notamment les documents écrits que nous souhaitons voir distribuer. Mais nous nous réjouissons des avancées considérables sur ce point précis de la prise en considération des salariés de ces entreprises à travers leurs instances représentatives et, bien entendu, nous attendons l'avis qui sera exprimé sur nos propres amendements pour prendre une position définitive.
Vous constatez les mérites du bicamérisme !
La parole est à M. le ministre.
Je ne voudrais pas « casser » le consensus qui semble se dégager sur les travées de cette assemblée. Mais permettez-moi, monsieur Marc, de vous rappeler qu'en première lecture il ne s'agissait pas de cela !
Vous souhaitiez, en effet, que le comité d'entreprise puisse décider. Or, nous parlons, nous, d'une consultation et non d'une décision ! Nous ne changeons donc pas l'esprit de la loi ; nous ne faisons que préciser, à l'occasion de cette rencontre, les projets industriels qui doivent sous-tendre toute OPA, lorsque celle-ci est initiée.
Le sous-amendement est adopté.
Le sous-amendement est adopté.
L'amendement est adopté.
L'amendement n° 17, présenté par MM. Marc et Yung, Mme Bricq, MM. Massion, Angels, Auban, Charasse, Demerliat, Frécon, Haut, Masseret, Miquel, Moreigne et Sergent, Mme M. André, M. Badinter, Mme Boumediene-Thiery, MM. Collombat, Courrière, Dreyfus-Schmidt, Frimat, C. Gautier, Mahéas, Peyronnet, Sueur, Sutour et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après la première phrase du premier alinéa du texte proposé par cet article pour remplacer par deux alinéas le quatrième alinéa de l'article L. 432-1 du code du travail, insérer une phrase ainsi rédigée :
Le chef d'entreprise qui est l'auteur de l'offre doit remettre à son comité d'entreprise la note d'information mentionnée au IX de l'article L. 621-8 du code monétaire et financier ou, si celle-ci n'est pas encore prête, un document comprenant les principaux éléments du projet d'offre publique.
La parole est à M. François Marc.
Les salariés de la société initiatrice de l'offre pourraient subir les effets d'une OPA dans l'hypothèse où l'opération ainsi conduite aboutirait à une fusion ou à une opération de diversification excessive, dangereuse, par exemple, pour l'avenir de l'entreprise.
La préoccupation des salariés de la société initiatrice doit être prise en compte ; c'est l'objet de cet amendement.
Si la loi prévoit que le comité d'entreprise doit délivrer un avis, elle le contraint à examiner le projet d'OPA, à consulter l'ensemble des salariés afin de déterminer une position raisonnable, conforme au respect de l'intérêt social et à même de leur assurer un positionnement pertinent au cours de l'opération.
Il s'agit donc, à travers cet amendement ainsi résumé, de procurer l'information nécessaire par un document écrit qui permette ainsi de rendre un avis sur l'opération et sur ses conséquences en termes d'emploi.
Monsieur le président, j'ai déjà indiqué dans mon commentaire que cet amendement n'était pas indispensable, compte tenu de ce que nous venons de voter. Je souhaite donc qu'il soit retiré.
Monsieur le président, je le maintiens, car il concerne la société initiatrice. L'avis que nous venons d'émettre portait sur un amendement relatif à la société cible, ce qui n'est pas la même chose !
Cette fois, nous voulons apporter toute les informations nécessaires aux salariés de la société initiatrice. C'est d'autant plus légitime qu'en cas de fusion il existe des risques concernant l'emploi.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 25, présenté par M. Marini, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après la première phrase du premier alinéa du texte proposé par cet article pour remplacer par deux alinéas le quatrième alinéa de l'article L. 432-1 du code du travail, insérer une phrase ainsi rédigée :
Le chef de l'entreprise auteur de l'offre réunit le comité d'entreprise dans les conditions prévues à l'article L. 432-1 ter du présent code.
La parole est à M. le rapporteur.
L'amendement est adopté.
L'amendement n° 15, présenté par MM. Marc et Yung, Mme Bricq, MM. Massion, Angels, Auban, Charasse, Demerliat, Frécon, Haut, Masseret, Miquel, Moreigne et Sergent, Mme M. André, M. Badinter, Mme Boumediene-Thiery, MM. Collombat, Courrière, Dreyfus-Schmidt, Frimat, C. Gautier, Mahéas, Peyronnet, Sueur, Sutour et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant la dernière phrase du premier alinéa du texte proposé par cet article pour remplacer par deux alinéas le quatrième alinéa de l'article L. 432-1 du code du travail, insérer deux phrases ainsi rédigées :
A réception de la note d'information, le comité d'entreprise, ou les délégués du personnel peuvent demander à l'initiateur de l'offre des informations supplémentaires ou des détails à propos de la déclaration d'intention stratégique, telle que définie à l'article L. 433-1-1 du code monétaire et financier. L'initiateur de l'offre doit fournir, dans les 3 jours suivant la réception de la note d'information, les éléments demandés.
La parole est à Mme Nicole Bricq.
Cet amendement vise à compléter le dispositif que nous avons présenté du point de vue de la société initiatrice et de l'information qu'elle doit à ses salariés.
L'introduction d'une obligation à la charge de l'initiateur de soumettre à l'AMF un projet de gestion de l'entreprise à moyen ou à long terme est nécessaire à la préservation des outils de production et du patrimoine industriel d'un pays.
En conséquence, il nous semble important, comme vient de le dire mon collègue François Marc, que les salariés de la société initiatrice soient, eux aussi, informés des intentions stratégiques de l'entreprise à laquelle ils appartiennent et qui est l'initiatrice de l'offre. A réception de la note d'information, le comité d'entreprise, à défaut les délégués du personnel, doivent pouvoir demander à l'initiateur de l'offre un supplément d'informations à propos de la déclaration d'intention stratégique, telle qu'elle est définie à l'article L. 412-1 du code monétaire et financier.
Afin que cette demande soit efficace, l'initiateur de l'offre doit fournir, dans les trois jours suivant la réception de la note d'information, les éléments demandés.
Il n'est pas illégitime, avec cet amendement, de créer à la charge de l'initiateur une obligation d'information de ses salariés à propos de ses intentions en termes de gestion et de stratégie de l'entreprise qu'il vise.
Le débat public qui a lieu en ce moment à propos de l'OPA de Mittal sur Arcelor le montre bien ; je pourrais presque paraphraser les propos du Président de la République, à savoir qu'il faut des explications d'ordre stratégique. En effet, une prise de contrôle ne peut se limiter à une opération de pure valorisation financière ; elle suppose, de la part de l'initiateur, une volonté de gestion à long terme de l'entreprise, surtout quand des emplois et la pérennité d'un savoir-faire et des sites de production sont en jeu.
Je voudrais préciser à Mme Bricq que c'est le présent projet de loi qui pose pour la première fois le principe d'une symétrie d'information entre les deux comités d'entreprise, celui de l'initiateur et celui de la cible.
Permettez-moi de vous rappeler que cela n'avait pas été prévu dans le projet de loi relatif aux nouvelles régulations économiques de 2001. Il est vrai que l'on avait peut-être un peu moins d'expérience à cette époque-là.
Je ne crois pas qu'il soit utile d'aller jusqu'aux étapes de procédure que vous nous proposez. L'information du comité d'entreprise doit pouvoir être faite sans que toutes ces précisions soient apportées. Aller trop loin dans la définition des formalités pourrait handicaper une société française susceptible de déposer une offre - laquelle peut être une offre amicale - sur une autre société dont le siège se tiendrait ou l'activité s'exercerait sur un territoire autre que le territoire français. Dans ce cas-là, monsieur le ministre, le fait de multiplier les obstacles serait contraire au patriotisme économique !
Le Gouvernement est défavorable non sur le fond, car nous partageons vos préoccupations, madame Bricq, mais sur la forme.
La disposition que nous venons d'adopter à l'unanimité, ce dont je me réjouis, émanait à la fois de la commission et du Gouvernement. Elle visait, je vous le rappelle, non pas à donner un pouvoir supplémentaire au comité d'entreprise, comme vous le souhaitiez, mais, dans le cadre de la consultation, à avoir des informations précises - ce que vous demandez - sur le projet industriel, le projet stratégique, le projet social, le projet d'intégration des entreprises concernées et le projet de gouvernance de l'ensemble. On va le faire savoir et cela fera partie des étapes.
À l'occasion de cette consultation, l'ensemble des éléments d'information qui seront apportés devront l'être à toutes les parties prenantes et, bien entendu, à tous les actionnaires.
Comme le Sénat l'a souhaité, si j'ai bien compris, au travers de son vote unanime, nous voulons, dès lors qu'une opération de cette nature sera proposée, que l'on n'attende pas quelques semaines pour avoir connaissance d'un projet stratégique.
Nous souhaitons au contraire - c'est ce qui se passe dans la quasi-totalité des opérations initiées désormais dans l'ensemble des pays -, que, quasiment simultanément à l'offre, les parties prenantes et les marchés soient informés du projet industriel qui la sous-tend. Ce travail a d'ailleurs été nécessaire, car il a bien fallu débattre du projet industriel dans les conseils d'administration avant d'obtenir les autorisations d'initier l'offre.
Nous souhaitons donc, pour tous ceux qui procéderont à ce type d'offre publique d'achat ou d'offre publique d'échange, que désormais les projets industriels stratégiques et les projets de synergie soient préparés, présentés et débattus dans le cadre du comité d'entreprise.
La disposition que vous proposez me semblant redondante par rapport à ce qui a été voté, je vous demande, madame Bricq, de vouloir bien retirer votre amendement.
Je comprends bien la préoccupation de Mme Bricq. Certaines obligations et contraintes supplémentaires pourraient prolonger ce que j'ai appelé tout à l'heure la parade qui précède l'éventuel accouplement.
Toutefois, ma chère collègue, nous légiférons pour les sociétés dont le siège social se trouve en France. Or il ne vous aura pas échappé qu'un certain nombre d'entre elles ont aujourd'hui leur siège hors du territoire national. Nous avons tous à l'esprit l'exemple du groupe Arcelor, auquel le droit luxembourgeois s'applique.
Ma chère collègue, en matière d'information, satisfaire aux attentes des actionnaires, a fortiori du comité d'entreprise et de l'ensemble des salariés concernés est certes une obligation mais, à trop charger la barque, nous risquons de nous rendre complices de la délocalisation de sièges sociaux.
En attendant que l'Europe soit politiquement en situation d'opérer une régulation, la sagesse veut que nous nous en tenions à la proposition du Gouvernement et de la commission des finances.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 8, présenté par M. Vera, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par cet article pour remplacer le quatrième alinéa de l'article L. 432-1 du code du travail par un alinéa ainsi rédigé :
« L'organe d'administration ou de direction de la société visée établit et rend public un document contenant son avis motivé sur l'offre, notamment quant à ses répercussions sur l'ensemble des intérêts de la société, y compris l'emploi, et quant aux plans stratégiques de l'offrant pour la société visée et leurs répercussions probables sur l'emploi et les sites d'implantation énoncés dans le document d'offre. Avant de finaliser ce document, l'organe d'administration ou de direction de la société visée informe et consulte de manière approfondie et complète les représentants du personnel de la société et indique les conclusions qu'il tire de leur avis. Si l'organe d'administration ou de direction de la société visée reçoit en temps utile un avis distinct des représentants du personnel quant aux répercussions sur l'emploi, celui-ci est joint à ce document. »
La parole est à M. Bernard Vera.
Notre amendement reprend les termes d'une proposition formulée par le rapporteur de la commission de l'emploi et des affaires sociales du Parlement européen, qui présente, à nos yeux, le mérite de préciser le contenu de l'échange d'informations entre la direction et les salariés de l'entreprise visée.
Cette proposition ayant finalement été inscrite à l'alinéa 5 de l'article 9 du texte de la directive, il est logique de l'inclure dans l'ensemble de la transposition dudit texte.
Cet amendement vise donc à consacrer la spécificité de l'expression des salariés en matière d'OPA et à caractériser plus nettement leur sentiment sur le sens donné à cette opération.
Dans un souci louable de transparence, il nous semble que cette procédure doive être intégrée à notre législation, afin de renforcer le droit de regard et d'expression des salariés et de leurs représentants sur tout ce qui touche au devenir de leur entreprise. Et, contrairement à la position exprimée par le rapporteur lors de la première lecture, nous ne croyons pas que cette disposition puisse être une source de contentieux. En effet, elle n'est que l'expression d'une volonté de transparence qui intègre un peu la position des salariés, ceux-ci étant, à leur corps défendant, la cible réelle de l'offre publique d'acquisition.
N'oublions pas, mes chers collègues, que c'est leur travail qui produit la marge opérationnelle et les dividendes qui servent à retenir les actionnaires de référence ; c'est leur travail qui permet de financer les outils de défense anti-OPA ; c'est encore leur travail qui, dans certains cas, sera mis en cause lorsque l'acquéreur souhaitera réaliser un retour sur investissements plus rapide.
Pour toutes ces raisons, nous vous invitons, mes chers collègues, à adopter cet amendement.
Nous avons déjà repoussé cet amendement en première lecture, car il serait facteur de confusion des genres et source de contentieux.
La commission émet donc un avis défavorable.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 14, présenté par MM. Marc et Yung, Mme Bricq, MM. Massion, Angels, Auban, Charasse, Demerliat, Frécon, Haut, Masseret, Miquel, Moreigne et Sergent, Mme M. André, M. Badinter, Mme Boumediene-Thiery, MM. Collombat, Courrière, Dreyfus-Schmidt, Frimat, C. Gautier, Mahéas, Peyronnet, Sueur, Sutour et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par cet article pour remplacer par deux alinéas le quatrième alinéa de l'article L. 432-1 du code du travail par un alinéa ainsi rédigé :
« Le comité d'entreprise de la société visée par l'offre, ou, en l'absence de comité d'entreprise, les délégués du personnel de la société visée par l'offre, doivent rendre un avis sur l'opération dans les sept jours qui suivent la réception de la note d'information mentionnée au IX de l'article L. 621-8 du code monétaire et financier. Cet avis doit être publié dans les meilleurs délais ».
La parole est à M. François Marc.
L'article 7 du projet de loi vise à renforcer les droits à l'information des salariés. En effet, il prévoit que le chef d'entreprise qui est l'auteur de l'offre publique d'acquisition doit lui aussi réunir son comité d'entreprise pour l'informer de l'opération envisagée.
Toutefois, nous estimons que l'élargissement de l'obligation d'information en faveur des salariés par l'intermédiaire du comité d'entreprise n'est pas suffisant. Malgré tous nos efforts pour qu'il en soit autrement, le comité d'entreprise est pour l'instant privé de voix délibérative au conseil d'administration. Il devrait donc au moins pouvoir détenir les principaux éléments du projet d'OPA, les salariés étant les premiers concernés par les prises de contrôle au sein de l'entreprise.
En conséquence, nous proposons de donner aux représentants du personnel les moyens de réagir, en leur garantissant l'accès à l'information au même titre que les membres du conseil d'administration. Bien entendu, nous proposons que l'avis formel et écrit du comité d'entreprise soit publié dans les meilleurs délais, afin d'informer l'ensemble des acteurs et la communauté financière, et d'assurer une certaine forme de citoyenneté au sein de l'entreprise.
Le comité d'entreprise peut parfaitement, s'il le souhaite, émettre un avis public. Nul n'est en mesure de le lui interdire.
Les amendements n°s 14 et 16 ne sont donc absolument pas nécessaires, d'autant que nous avons renforcé le contenu de l'information délivrée au comité d'entreprise de la société cible grâce à l'amendement gouvernemental, sous-amendé par la commission des finances.
Je souhaite donc le retrait de ces deux amendements.
Je suis, bien évidemment, en phase avec le rapporteur.
Je vous demande donc, monsieur Marc, de bien vouloir retirer vos amendements, dans la mesure où nous avons très largement répondu tout à l'heure à vos préoccupations en adoptant l'amendement gouvernemental, sous-amendé par la commission.
Nous allons maintenir ces deux amendements, et ce pour une raison d'équité entre les salariés de l'entreprise initiatrice et ceux de l'entreprise cible.
L'amendement du Gouvernement, sous-amendé par la commission, sur lequel nous nous sommes abstenus, mais dont nous partageons l'avancée qu'il tend à marquer, s'adresse aux salariés de la société cible. Or nos amendements sont destinés aux salariés de la société initiatrice. De plus, ils n'alourdissent pas les procédures. Ils ont non pas une fonction dilatoire, mais une fonction d'information. Nous voulons que les salariés de la société cible et ceux de la société initiatrice disposent de la même information. Je ne comprends donc pas les réticences de M. le ministre et de M. le rapporteur.
Dans la réalité, les salariés de la société cible ne restent pas l'arme au pied ; ils se mettent en contact avec ceux de la société émettrice. Nous leur donnons donc tout simplement le droit d'être directement informés par leur comité d'entreprise.
Il se pose un problème de fond tout à fait normal puisque s'engage un débat démocratique entre la droite et la gauche. Je ne comprends pas que vous soyez réticents à mettre à égalité tous les partenaires de l'entreprise que sont les salariés.
Eu égard aux parties prenantes que vous voulez satisfaire, à savoir les actionnaires, la transposition que vous avez faite est déséquilibrée.
Dans le cadre de la deuxième lecture, vous vous êtes rendu compte, monsieur le ministre, qu'il fallait accroître les droits d'information des salariés. Certes, vous le faites, mais toujours avec réticence, alors que les salariés sont bien souvent, en cas d'OPA hostile notamment, les premiers défenseurs de l'entreprise. À cet égard, vous le savez, je pourrais citer des exemples plus ou moins récents.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 16, présenté par MM. Marc et Yung, Mme Bricq, MM. Massion, Angels, Auban, Charasse, Demerliat, Frécon, Haut, Masseret, Miquel, Moreigne et Sergent, Mme M. André, M. Badinter, Mme Boumediene-Thiery, MM. Collombat, Courrière, Dreyfus-Schmidt, Frimat, C. Gautier, Mahéas, Peyronnet, Sueur, Sutour et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par cet article pour remplacer par deux alinéas le quatrième alinéa de l'article L. 432-1 du code du travail par un alinéa ainsi rédigé :
« Le comité d'entreprise de la société initiatrice de l'offre, ou, en l'absence de comité d'entreprise, les délégués du personnel de la société initiatrice de l'offre, doivent rendre un avis sur l'opération dans les sept jours qui suivent la réception de la note d'information mentionnée au IX de l'article L.621-8 du code monétaire et financier. Cet avis doit être publié dans les meilleurs délais. »
Cet amendement a déjà été défendu ; la commission et le Gouvernement en ont demandé le retrait.
Je mets aux voix l'amendement n° 16.
L'amendement n'est pas adopté.
L'article 7 est adopté.
Dans le dernier alinéa de l'article L. 432-1 bis du code du travail, les mots : « du quatrième alinéa » sont remplacés par les mots : « des quatrième et cinquième alinéas ». -
Adopté.
Dans le deuxième alinéa de l'article L. 435-3 du code du travail, les mots : « au quatrième alinéa » sont remplacés par les mots : « aux quatrième et cinquième alinéas ». -
Adopté.
CHAPITRE III
Dispositions visant à assurer un traitement égal aux entreprises
Le chapitre III du titre III du livre II du code de commerce est complété par une section 5 intitulée : « Des offres publiques d'acquisition ». -
Adopté.
Il est inséré, dans la section 5 du chapitre III du titre III du livre II du code de commerce, un article L. 233-32 ainsi rédigé :
« Art. L. 233-32. - Pendant la période d'offre publique visant une société dont des actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé, le conseil d'administration, le conseil de surveillance, à l'exception de leur pouvoir de nomination, le directoire, le directeur général ou l'un des directeurs généraux délégués de la société visée doivent obtenir l'approbation préalable de l'assemblée générale pour prendre toute mesure dont la mise en oeuvre est susceptible de faire échouer l'offre, hormis la recherche d'autres offres.
« Toute délégation en vue de prendre une telle mesure accordée par l'assemblée générale avant la période d'offre est suspendue en période d'offre publique.
« Toute décision du conseil d'administration, du conseil de surveillance, du directoire, du directeur général, de l'un des directeurs généraux délégués ou de l'assemblée générale, prise avant la période d'offre, qui n'est pas totalement ou est partiellement mise en oeuvre, qui ne s'inscrit pas dans le cours normal des activités de la société et dont la mise en oeuvre est susceptible de faire échouer l'offre doit faire l'objet d'une approbation ou d'une confirmation par l'assemblée générale pendant la période d'offre publique. »
Je suis saisi de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 29, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi le texte proposé par cet article pour l'article L. 233-32 du code du commerce :
« Art. L. 233-32.- I. Pendant la période d'offre publique visant une société dont des actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé, le conseil d'administration, le conseil de surveillance, à l'exception de leur pouvoir de nomination et de révocation, le directoire, le directeur général ou l'un des directeurs généraux délégués de la société visée doivent obtenir l'approbation préalable de l'assemblée générale pour prendre toute mesure dont la mise en oeuvre est susceptible de faire échouer l'offre, hormis la recherche d'autres offres.
« II. Sans préjudice des autres mesures permises par la loi, l'assemblée générale extraordinaire de la société visée peut décider l'émission de bons permettant de souscrire, à des conditions préférentielles, à des actions de ladite société, et leur attribution gratuite à tous les actionnaires de cette société ayant cette qualité avant l'expiration de la période d'offre publique.
« L'assemblée générale peut déléguer cette compétence au conseil d'administration ou au directoire. Elle fixe le montant maximum de l'augmentation de capital pouvant résulter de l'exercice de ces bons ainsi que le nombre maximum de bons pouvant être émis.
« La délégation peut également prévoir la fixation de conditions relatives à l'obligation ou à l'interdiction, pour le conseil d'administration ou le directoire, de procéder à l'émission et à l'attribution gratuite de ces bons, d'y surseoir ou d'y renoncer. La société visée porte à la connaissance du public, avant la clôture de l'offre, son intention d'émettre ces bons.
« Les conditions d'exercice de ces bons, qui doivent être relatives aux termes de l'offre ou de toute offre concurrente éventuelle, ainsi que les autres caractéristiques de ces bons, dont le prix d'exercice ou les modalités de détermination de ce prix, sont fixées par l'assemblée générale ou, sur délégation de celle-ci, par le conseil d'administration ou le directoire. Ces bons deviennent caducs de plein droit dès que l'offre et toute offre concurrente éventuelle échouent, deviennent caduques ou sont retirées.
« III. Toute délégation d'une mesure dont la mise en oeuvre est susceptible de faire échouer l'offre, hormis la recherche d'autres offres, accordée par l'assemblée générale avant la période d'offres est suspendue en période d'offre publique.
« Toute décision du conseil d'administration, du conseil de surveillance, du directoire, du directeur général ou de l'un des directeurs généraux délégués, prise avant la période d'offre, qui n'est pas totalement ou partiellement mise en oeuvre, qui ne s'inscrit pas dans le cours normal des activités de la société et dont la mise en oeuvre est susceptible de faire échouer l'offre doit faire l'objet d'une approbation ou d'une confirmation par l'assemblée générale. »
La parole est à M. le ministre.
Ce nouveau dispositif permettra aux entreprises, en cas d'offre, d'émettre des bons de souscription d'action attribués à l'ensemble des actionnaires existants, ce qui augmentera le nombre de titres de l'entreprise.
Comme je l'ai indiqué tout à l'heure, ce dispositif de défense est déjà connu et pratiqué par de nombreux partenaires à l'étranger, mais la sécurité juridique n'est pas aujourd'hui avérée en droit français.
Il répond à deux objectifs : permettre aux entreprises de disposer de moyens de négociation et de défense accrus en cas d'OPA, tout en respectant les meilleurs standards de gouvernance européens.
La possibilité offerte aux entreprises d'émettre des bons de souscription d'actions leur donnera l'occasion de mieux négocier avec un éventuel initiateur, ce qui est essentiel. Pour éviter la perspective de l'émission de tels bons et la dilution qu'elle provoque, l'initiateur sera amené à dialoguer avec la société cible et à améliorer les conditions proposées non seulement pour les actionnaires, mais également pour l'ensemble des parties prenantes.
Par ailleurs, ce dispositif respecte les principes de bonne gouvernance, car l'émission de bons sera autorisée, dans tous les cas, par l'assemblée générale des actionnaires, et leur attribution sera effectuée dans le strict respect du principe de l'égalité de traitement entre tous les actionnaires. Il s'insère en outre parfaitement dans la procédure mise en place par la directive pour les décisions en période d'offres.
Enfin, la délégation à l'assemblée générale sera strictement encadrée. Elle fonctionnera dans le cadre de la clause de réciprocité, si l'assemblée des actionnaires en a donné l'autorisation. Celle-ci devra fixer le montant maximum de l'augmentation de capital pouvant résulter de l'exercice des bons, ainsi que le nombre maximal de bons émis. En l'absence de réciprocité, il reviendra à l'assemblée générale de décider ou non de recourir à cette procédure à chaud.
Ce dispositif, nouveau en droit français, permettra ainsi aux entreprises de se défendre efficacement, tout en respectant le principe de bonne gouvernance, mais sans entrer dans une logique de forteresse, puisqu'il invite à la dissuasion et, surtout, donne à nos entreprises des armes identiques à celles qui peuvent exister par ailleurs. Dans un souci de réciprocité, il s'agit tout simplement de mettre toutes ces entreprises au même niveau.
Le projet du Gouvernement prévoit, je le rappelle, une adoption par l'assemblée générale extraordinaire, qui donne une autorisation pour dix-huit mois. Dès lors, une société qui souhaiterait pouvoir bénéficier de cette disposition devra donc, de facto, se présenter pratiquement tous les ans devant l'assemblée générale.
Compte tenu du fait que les actionnaires peuvent être différents d'une année sur l'autre - même si le Gouvernement est favorable à la stabilité d'un noyau de plus en plus important d'actionnaires pour accompagner les projets, on sait que cela se passe ainsi dans toutes les entreprises - , ce dispositif me semble de bonne gouvernance. Cet amendement répond donc à l'intérêt des entreprises.
Le sous-amendement n° 31, présenté par M. Marini, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Dans le deuxième alinéa (II) du texte proposé par l'amendement n° 29 pour l'article L. 233-32 du code de commerce, remplacer les mots :
l'assemblée générale extraordinaire de la société visée
par les mots :
l'assemblée générale de la société visée, statuant dans les conditions prévues à l'article L. 225-98,
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre ce sous-amendement et pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 29.
Si vous le permettez, monsieur le président, avant de présenter ce sous-amendement, j'aimerais rappeler le cadre dans lequel il s'insère.
Le Gouvernement nous propose de faciliter l'émission de bons de souscription d'actions et de permettre d'y procéder à froid.
Les assemblées générales seront ainsi en mesure, d'une part, de décider du principe de l'émission de tels bons et, d'autre part, de déléguer en la matière les compétences nécessaires au conseil d'administration ou au directoire, selon la structure de la société.
Comme nous l'avons dit lors de la discussion générale, nous avons souscrit à cette initiative gouvernementale qui s'inscrit dans la logique des instruments qui existent déjà en droit français et est, de plus, conforme au droit communautaire.
Elle nous semble d'autant plus intéressante qu'elle donne un contenu concret au jeu de la réciprocité. En effet, de deux choses l'une : ou la société cible est en mesure de se prévaloir de la réciprocité, auquel cas elle n'a pas à soumettre les autorisations déjà données à une nouvelle assemblée générale en période d'offre, le conseil d'administration ou le directoire de la société exécutant par conséquent les délégations déjà conférées à froid par l'assemblée générale de cette société ; ou alors la réciprocité ne pourra pas être invoquée, auquel cas, par référence à l'article 9 de la directive, il y aura lieu, si l'on souhaite recourir aux BSA, de demander à l'assemblée générale extraordinaire réunie pendant la période d'offre de renouveler cette autorisation. Ladite autorisation suivra en réalité le sort des autres défenses, de nature conventionnelle ou statutaire, susceptibles d'être utilisées par la société.
Monsieur le ministre, ce dispositif concret, auquel souscrit la commission, est tout à fait bienvenu. Toutefois, deux remarques doivent être faites.
D'une part, pour faciliter le recours aux bons de souscription d'actions, il nous semble que la décision d'assemblée générale doit être prise à la majorité simple.
Je ne souhaite pas à ce stade qualifier l'assemblée générale d'extraordinaire ou d'ordinaire. Notre sous-amendement précise simplement qu'une majorité simple est la condition nécessaire et suffisante pour autoriser le recours à ces opérations. L'exigence d'une majorité qualifiée - la majorité usuelle en assemblée générale extraordinaire - nous paraît aller au-delà des prescriptions du droit communautaire, celui-ci ne s'opposant en rien à un vote à la majorité simple pour l'émission de BSA, à la condition qu'aucun actionnaire ne soit lésé et que, par conséquent, les droits préférentiels de souscription dont disposent tous les actionnaires ne soient en rien limités.
Il n'est procédé à aucune suppression du droit préférentiel de souscription de chaque actionnaire. Les bons de souscription d'actions sont émis au bénéfice de tous les actionnaires sur une base de stricte égalité. Dans ces conditions, ces attributions gratuites de bons au bénéfice de tous les actionnaires peuvent être décidées à la majorité simple.
D'autre part, ainsi que le relevait le président Arthuis lors de la discussion générale, l'émission de titres supplémentaires de capital produit une dilution de celui-ci, à laquelle sont susceptibles de réagir les investisseurs et qui risque de provoquer un ajustement à la baisse des cours. Pour éviter de telles réactions, qui rendraient la défense inefficace, il apparaîtrait logique qu'à l'opération technique d'émission de BSA soit associée une stratégie de la société ou du groupe faisant l'objet de l'offre publique, stratégie de nature à inspirer confiance aux marchés. De la sorte, au-delà de la défense tactique, pourra prévaloir une défense stratégique de nature à assurer une valorisation correcte par le marché des titres de cette entreprise.
La commission émet un avis favorable sur l'amendement du Gouvernement, modifié par son sous-amendement n° 31.
Monsieur le rapporteur, sur le fond, je vous comprends parfaitement. Néanmoins, le sujet que vous soulevez n'est pas anodin.
Dans l'esprit du Gouvernement, le mécanisme qu'il propose a vocation à être utilisé aussi peu que possible, à l'instar de ce que l'on constate dans les pays où il existe. Le président de la commission des finances a d'ailleurs souligné ce point. Assurément, l'effet de dilution est tel que, en fin de compte, peu nombreuses seront les entreprises qui y auront recours in fine. En revanche, la perspective de pouvoir l'utiliser contraindra les uns et les autres à porter de bons projets, dans l'intérêt de l'ensemble des parties, y compris les parties prenantes non actionnaires. Tant que tel ne sera pas le cas existera toujours la possibilité de recourir à cette arme de dissuasion.
Je comprends que vous souhaitiez que cette arme soit encore plus efficace en rendant possible son utilisation par un vote à la majorité simple. Le Gouvernement n'avait pas retenu cette option par souci de cohérence avec le droit des sociétés, puisque l'émission de ces BSA s'apparente en fait à une augmentation de capital. C'est la raison pour laquelle nous avions fait le choix de la majorité des deux tiers, choix qui nous semblait donc plus cohérent.
Plus cohérent, monsieur le président !
Cela dit, monsieur le rapporteur, vous avez bien montré que cet instrument avait une vocation dissuasive, qu'il s'agissait d'une arme de dissuasion.
Aussi, tout en comprenant bien l'esprit de votre sous-amendement, le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat, même si celle-ci est positive.
L'amendement n° 20 rectifié, présenté par MM. Marc et Yung, Mme Bricq, MM. Massion, Angels, Auban, Charasse, Demerliat, Frécon, Haut, Masseret, Miquel, Moreigne et Sergent, Mme M. André, M. Badinter, Mme Boumediene-Thiery, MM. Collombat, Courrière, Dreyfus-Schmidt, Frimat, C. Gautier, Mahéas, Peyronnet, Sueur, Sutour et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 233-32 du code de commerce, remplacer les mots :
doivent obtenir l'approbation préalable de
par les mots :
peut consulter
La parole est à M. François Marc.
Cet amendement touche au coeur même du texte de la transposition tel que l'a retenu le Gouvernement. En effet, l'article 10 vise à transposer l'article 9 de la directive « offres publiques ». Je rappelle que la transposition de cet article était optionnelle, chaque État conservant sa liberté en la matière.
Cet article dispose qu'en période d'offre publique, si la direction de la société souhaite prendre des mesures dont la mise en oeuvre est susceptible de faire échouer l'offre - c'est-à-dire des mesures de défense anti-OPA -, elle doit obtenir l'approbation préalable de l'assemblée générale. Ce faisant, l'article 10 du projet de loi tend à faire de l'intervention des actionnaires la modalité exclusive de l'acceptation ou du refus de l'OPA.
Entendons-nous bien : nous ne sommes pas contre la démocratie actionnariale, loin s'en faut. En revanche, nous sommes opposés à ce que l'assemblée générale des actionnaires soit le seul centre de décision de l'avenir d'une entreprise.
Nous sommes là au coeur du débat sur la souveraineté actionnariale ou sur la prise en compte des intérêts d'une organisation, sujet évoqué au cours de notre discussion.
Il est en effet à craindre que, somme toute logiquement, les actionnaires expriment leur envie de voir aboutir une offre hostile afin d'empocher leurs bénéfices. En conséquence, dans certains cas, et en particulier lorsque l'intérêt général économique est en jeu, la prise de décision doit être encadrée par la consultation de la direction de l'entreprise et y être subordonnée.
C'est toute une conception de l'entreprise qui est en débat ici : le seul et unique point de référence est-il celui de l'intérêt des actionnaires ou bien l'intérêt national doit-il être pris en considération ? L'intérêt général et la nécessité de protéger l'emploi doivent-ils prévaloir sur les intérêts des actionnaires ?
La transposition de l'article 9 fait du critère capitalistique et financier le critère déterminant dans la prise de décision, alors que d'autres critères devraient être pris en compte Or c'est l'intérêt social de l'entreprise, l'intérêt d'une gestion de long terme visant à pérenniser les emplois et l'outil industriel, qui devrait orienter la décision et être la « boussole » de l'offre publique.
C'est la raison pour laquelle nous voulons associer le comité d'entreprise au processus d'acceptation ou de refus de l'OPA.
Monsieur le président, mes chers collègues, notre position est fondamentalement différente de celle du Gouvernement. Nous nous en tenons à ce qui se pratique, par exemple, au Luxembourg, dont on a considéré tout à l'heure, s'agissant de la défense d'Arcelor, qu'il constituait un cas intéressant. Nous souhaitons que la France se place dans cette même logique et ne transpose pas l'article 9 de la directive dans son droit, à l'instar de ce qui prévaut dans d'autres pays, préservant ainsi la prise en considération de l'ensemble des intérêts qui sont en jeu dans ce genre d'opérations.
Si elle devait rejeter cet amendement, notre assemblée signifierait, comme lors de la première lecture, qu'elle fait crédit au Gouvernement de son choix libéral, pour ne pas dire ultralibéral, de donner la seule primauté de décision à l'ensemble des actionnaires. En matière d'économie politique, il importe de savoir si les actionnaires sont seuls habilités à décider de ce qu'est une entreprise ou si l'on considère que l'ensemble des partenaires doit prendre part aux décisions.
L'amendement n° 18, présenté par MM. Marc et Yung, Mme Bricq, MM. Massion, Angels, Auban, Charasse, Demerliat, Frécon, Haut, Masseret, Miquel, Moreigne et Sergent, Mme M. André, M. Badinter, Mme Boumediene-Thiery, MM. Collombat, Courrière, Dreyfus-Schmidt, Frimat, C. Gautier, Mahéas, Peyronnet, Sueur, Sutour et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 233-32 du code du commerce par une phrase ainsi rédigée :
Le conseil d'administration, le conseil de surveillance, le directoire, le directeur général ou l'un des directeurs généraux délégués de la société visée doit également consulter le comité d'entreprise ou, en l'absence de comité d'entreprise, les délégués du personnel, pour prendre toute mesure dont la mise en oeuvre est susceptible de faire échouer l'offre.
La parole est à M. François Marc.
Cet amendement prend acte du fait que les mesures qu'une société serait amenée à prendre afin de se protéger contre les OPA hostiles ne peuvent être adoptées sans consultation préalable du comité d'entreprise.
L'amendement n° 21, présenté par MM. Marc et Yung, Mme Bricq, MM. Massion, Angels, Auban, Charasse, Demerliat, Frécon, Haut, Masseret, Miquel, Moreigne et Sergent, Mme M. André, M. Badinter, Mme Boumediene-Thiery, MM. Collombat, Courrière, Dreyfus-Schmidt, Frimat, C. Gautier, Mahéas, Peyronnet, Sueur, Sutour et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer l'avant-dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 233-32 du code de commerce.
La parole est à M. François Marc.
Les délégations accordées par les assemblées générales d'actionnaires au conseil d'administration peuvent prévoir, à l'avance, des mesures contre les OPA hostiles. Leur suppression oblige les dirigeants à réunir de nouveau l'assemblée générale extraordinaire, ce qui peut nuire à l'efficacité de la défense mise en oeuvre.
L'objet de cet amendement va dans le sens de ce que j'ai dit tout à l'heure sur la démocratie actionnariale.
L'amendement n° 19, présenté par MM. Marc et Yung, Mme Bricq, MM. Massion, Angels, Auban, Charasse, Demerliat, Frécon, Haut, Masseret, Miquel, Moreigne et Sergent, Mme M. André, M. Badinter, Mme Boumediene-Thiery, MM. Collombat, Courrière, Dreyfus-Schmidt, Frimat, C. Gautier, Mahéas, Peyronnet, Sueur, Sutour et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter le dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 233-32 du code du commerce par une phrase ainsi rédigée :
Toute décision prise avant la période d'offre, qui ne s'inscrit pas dans le cours normal des activités de la société et dont la mise en oeuvre est susceptible de faire échouer l'offre doit faire l'objet d'une consultation du comité d'entreprise, ou, en l'absence de comité d'entreprise, les délégués du personnel.
La parole est à M. François Marc.
La consultation du comité d'entreprise est nécessaire tant avant que pendant la période d'offre. Toute décision doit s'inscrire dans le cours normal des activités de la société.
Nous nous appuyons sur l'exemple de la société Vivendi, dont la diversification à tout va des activités l'a conduite à accumuler un endettement qui a desservi ses intérêts et hypothéqué dangereusement son avenir. Aussi, est -il nécessaire d'associer autant que possible le comité d'entreprise à la préparation de ces décisions, tant en amont du processus qu'au cours de celui-ci.
La commission n'est favorable à aucun de ces amendements.
Je ne crois pas qu'il soit nécessaire de reprendre le débat sur les options de transposition : nous l'avons eu en première lecture, et nous avons réaffirmé les principes lors de la présente discussion générale.
Au demeurant, l'équilibre choisi par le Gouvernement, qui repose sur la mise en oeuvre du principe de réciprocité, nous semble tout à fait satisfaisant.
En effet, mes chers collègues, il faut avoir présentes à l'esprit toute une série de situations possibles. On ne peut pas raisonner seulement du point de vue d'une société cible en étant impressionné - ce qui est d'ailleurs logique et normal -par un événement immédiat ou en train de se réaliser.
Il ne faudrait surtout pas exercer une influence négative sur des entreprises françaises susceptibles de réaliser des offensives, en se situant dans une optique purement défensive.
Si l'on allait dans votre sens, mes chers collègues, on assumerait la conservation de toutes les situations acquises, ce qui constituerait un message fortement négatif en termes de compétitivité internationale. Or, nos emplois, ne l'oublions pas, dépendent du succès de nos entreprises et de nos groupes dans la compétition internationale. L'image de la France et de la place financière de Paris est un élément significatif parmi d'autres dans cette compétition.
Enfin, il ne faut pas chausser de semelles de plomb nos entreprises susceptibles de se développer, d'avoir une vision offensive et de se livrer à des opérations de croissance externe, notamment par le biais d'offres publiques d'achat.
En vertu de l'ensemble de ces considérations, et sans revenir sur les observations plus techniques concernant la compétence des comités d'entreprises, la commission, je le répète, émet un avis défavorable sur chacun de ces amendements.
La position du Gouvernement rejoint en tous points celle de la commission, que M. le rapporteur a exposée très clairement.
Par conséquent, le Gouvernement demande le rejet de ces quatre amendements.
Le sous-amendement est adopté.
La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote sur l'amendement n° 29.
Nous voterons contre l'amendement du Gouvernement, non seulement parce que celui-ci n'a pas souhaité satisfaire nos demandes concernant les droits des salariés par le biais de leur comité d'entreprise, mais aussi parce que le dispositif qui nous est proposé, excusez-moi l'expression, est purement « cosmétique » !
Nous savons bien que le jeu est mondial, M. le rapporteur vient de le rappeler, et que, dans les vingt ans à venir, toutes les entreprises, notamment d'Asie, qui ont une profitabilité actionnariale de loin très supérieure à celle des firmes d'Europe, du Japon ou d'Amérique du Nord seront capables de lancer des OPA sur la plupart des autres entreprises.
Par conséquent, le mécanisme que vous nous proposez, qui n'est qu'un processus temporisateur, ne nous protégera pas de ce monde qui arrive à grands pas. C'est parce que l'on sera capable de développer de véritables politiques industrielles, innovatrices, y compris dans le domaine des services, que l'on pourra résister à cette offensive.
L'amendement est adopté.
En conséquence, les amendements n° 20 rectifié, 18, 21 et 19 n'ont plus d'objet.
Je mets aux voix l'article 10, modifié.
L'article 10 est adopté.
Il est inséré, dans la section 5 du chapitre III du titre III du livre II du code de commerce, un article L. 233-33 ainsi rédigé :
« Art. L. 233-33. - Les dispositions prévues à l'article L. 233-32 ne sont pas applicables lorsque la société fait l'objet d'une ou plusieurs offres publiques engagées exclusivement par des entités qui n'appliquent pas ces dispositions ou des mesures équivalentes ou qui sont respectivement contrôlées, au sens du II ou du III de l'article L. 233-16, par des entités qui n'appliquent pas toutes ces dispositions ou des mesures équivalentes. Toutefois, les dispositions prévues à l'article L. 233-32 s'appliquent si les seules entités qui n'appliquent pas les dispositions de cet article ou des mesures équivalentes ou qui sont contrôlées, au sens du II ou du III de l'article L. 233-16, par des entités qui n'appliquent pas ces dispositions ou des mesures équivalentes, agissent de concert, au sens de l'article L. 233-10, avec la société faisant l'objet de l'offre. Toute contestation portant sur l'équivalence des mesures fait l'objet d'une décision de l'Autorité des marchés financiers.
« Dans le cas où le précédent alinéa s'applique, toute mesure prise par le conseil d'administration, le conseil de surveillance, le directoire, le directeur général ou l'un des directeurs généraux délégués de la société visée doit avoir été expressément autorisée pour l'hypothèse d'une offre publique par l'assemblée générale dans les dix-huit mois précédant le jour du dépôt de l'offre. »
Monsieur le ministre, la commission des finances est attachée au principe de réciprocité, qui est l'une des pierres angulaires de la directive.
Nous proposons ainsi de revenir à l'approche que nous avions fait prévaloir en première lecture, permettant l'application de la réciprocité en cas d'offres concomitantes dès lors qu'un des initiateurs n'est pas soumis à un régime de gouvernance et de primauté des actionnaires équivalent à celui que transpose l'article 10 du présent projet de loi.
S'agissant du champ de la réciprocité, nous souhaitons également avoir confirmation, monsieur le ministre, que l'exception de réciprocité serait susceptible d'être également opposée à une société initiatrice qui ne serait pas cotée.
Selon nous, la directive OPA permet une telle lecture. Le champ défini par son article 2 désigne, en effet, par « offrant » « toute personne physique ou morale, de droit public ou privé, qui fait une offre », sans condition, s'agissant des personnes morales, sur leur caractère coté ou non.
Le rapport du groupe de travail présidé par M. Jean-François Lepetit, dont les conclusions ont largement inspiré le présent projet de loi, s'est également prononcé en faveur de l'application aux initiateurs non cotés. Il relève ainsi : « Le groupe de travail estime qu'un initiateur non coté ne pouvant pas faire l'objet d'une offre publique, il n'applique par construction pas l'article 9. L'esprit de la clause de réciprocité étant d'établir une stricte égalité des conditions de jeu à l'égard des offres publiques, le groupe de travail recommande que la clause de réciprocité soit opposable aux initiateurs non cotés ».
Monsieur le ministre, la commission souhaiterait que vous puissiez lui confirmer que cette interprétation est bien la vôtre.
Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 22, présenté par MM. Marc et Yung, Mme Bricq, MM. Massion, Angels, Auban, Charasse, Demerliat, Frécon, Haut, Masseret, Miquel, Moreigne et Sergent, Mme M. André, M. Badinter, Mme Boumediene-Thiery, MM. Collombat, Courrière, Dreyfus-Schmidt, Frimat, C. Gautier, Mahéas, Peyronnet, Sueur, Sutour et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. François Marc.
Avec l'amendement n° 20 rectifié, cet amendement fait partie des points sensibles qui nous ont conduits à envisager le rejet de ce texte, au cas où nous n'obtiendrions pas satisfaction.
En effet, cet article 11, qui est une transposition de l'article 12 de la directive, avait été présenté, lors de l'examen en première lecture, comme un moyen de protéger les sociétés cibles contre les sociétés attaquantes qui ne respecteraient pas les dispositions de l'article 9. En effet, l'article 12 de la directive prévoit le recours à l'argument de la réciprocité pour se prémunir contre les OPA hostiles des initiateurs qui n'auraient pas respecté l'article 9.
Or cette clause de réciprocité, telle qu'elle est transposée dans le présent projet de loi, ne peut pas être présentée comme un rempart utile pour les cibles françaises d'offres publiques hostiles, car elle est, en l'état actuel du projet de loi, inopérante. En effet, la clause de réciprocité ne peut pas être invoquée par les États qui ont transposé l'article 9, que nous appellerons l'obligation de passivité des dirigeants. C'est le cas de la France.
Reportons-nous au texte même de la directive. Aux termes de son article 12, les sociétés qui respectent l'obligation de passivité des dirigeants sont dispensées de le faire lorsqu'elles deviennent la cible d'une offre lancée par une société qui, elle, n'applique pas cette obligation de passivité prévue par l'article 9.
L'objectif du législateur européen était de protéger les entreprises qui auraient transposé librement l'article 9 sans craindre de se retrouver en situation de désavantage compétitif vis-à-vis de celles qui ne l'auraient pas fait. La directive dispose ainsi que l'exemption est réservée aux sociétés qui « appliquent les articles 9 et 11 », ce qui signifie qu'elles les appliquent au regard du jeu des « arrangements facultatifs » prévus par la directive et non au regard du droit national. La clause de réciprocité est destinée aux sociétés et non aux États !
C'est une clause d'incitation, en direction des sociétés, au respect des termes de la directive. La raison d'être de la clause de réciprocité se trouve bien dans le caractère facultatif de la transposition de l'article 9.
De deux choses l'une : soit l'État membre impose l'application de l'article 9 - c'est ce que vous voulez faire -, et, en ce cas, il est applicable à toutes les OPA et est opposable à tous les offrants, y compris à ceux qui n'appliquent pas ces articles ; soit l'État membre n'impose pas l'application de ces articles, et la réciprocité de l'article 12 s'applique afin de protéger les sociétés qui auraient procédé à la transposition de leur plein gré.
La transposition de l'obligation de passivité exclut l'application de la clause de réciprocité.
Finalement, la transposition de l'article 9, que vous avez décidé de pratiquer en France, prive les sociétés cibles du recours à un moyen de défense en imposant la passivité aux dirigeants, mais, en outre, elle ne leur permet pas de s'appuyer sur la clause de réciprocité.
En conséquence, le choix de la transposition que vous avez fait est le moins protecteur possible : non seulement la transposition de l'article 9 limite les moyens de défense de la cible, mais, de surcroît, elle écarte le recours à la clause de réciprocité. Et ce ne sont pas les maigres aménagements de M. le rapporteur qui y changeront quelque chose.
En réalité, vous ne pourrez pas utiliser l'article 11 du présent projet de loi comme un parapluie contre les effets de l'obligation de passivité. Ne racontez pas cela aux entreprises : elles risquent de considérer que la clause de réciprocité les protège, alors que c'est faux !
Tels sont, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les arguments qui sous-tendent cet amendement. Bien entendu, si cette prétendue protection était laissée en l'état, les entreprises françaises se verraient proposer une arme totalement inopérante, une sorte de « ligne Maginot ».
L'amendement n° 3, présenté par M. Marini, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi la première phrase du premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 233-33 du code monétaire et financier :
Les dispositions prévues à l'article L. 233-32 ne sont pas applicables lorsque la société fait l'objet d'une ou plusieurs offres publiques engagées par des entités, agissant seules ou de concert au sens de l'article L. 233-10, dont l'une au moins n'applique pas ces dispositions ou des mesures équivalentes ou qui sont respectivement contrôlées, au sens du II ou du III de l'article L. 233-16, par des entités dont l'une au moins n'applique pas ces dispositions ou des mesures équivalentes.
La parole est à M. le rapporteur.
Cet amendement, que j'ai déjà présenté, vise à rétablir notre rédaction de première lecture.
L'amendement n° 30, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Compléter le second alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 233-33 du code de commerce par une phrase ainsi rédigée :
L'autorisation peut notamment porter sur l'émission par le conseil d'administration ou le directoire des bons visés au II de l'article L. 233-32.
La parole est à M. le ministre.
Il s'agit d'un amendement de coordination avec l'amendement relatif aux BSA, présenté précédemment.
La commission est défavorable à l'amendement n° 22.
Ayant le souci d'être bref, je me permettrai de renvoyer M. François Marc et les membres du groupe socialiste aux pages 43, 44 et 45 du rapport écrit de deuxième lecture concernant la controverse juridique initiée par M. Alain Pietrancosta, professeur à l'Université Paris-I, et Mme Anne Maréchal, avocate et ancienne élève de l'ENA.
Ils ont élaboré, pour le Bulletin Joly Bourse de novembre 2005, un article intitulé « Transposition de la directive OPA : des incertitudes entourant le recours à la clause de réciprocité ». Notre collègue vient d'en reprendre les différents arguments.
Aux yeux de votre rapporteur, cette interprétation, pour respectable qu'elle soit, ne peut être considérée comme convaincante, et ce pour plusieurs motifs : en raison du texte issu des travaux préparatoires de la directive européenne, de la formulation même de cette dernière et de sa cohérence logique et intellectuelle.
Par ailleurs, des États membres ont déjà voté la transposition dans les conditions que critiquent M. Marc et le professeur Pietrancosta, mais qui n'ont fait l'objet d'aucune remarque de la part de la Commission, sachant que ces États membres lui avaient présenté préalablement leur choix de transposition.
D'autres arguments sont développés dans le rapport écrit et je ne saurais mieux vous conseiller que de vous y reporter.
Nous considérons donc que la réciprocité a bien vocation à s'appliquer à l'égard de sociétés relevant du droit d'États tiers à l'Union européenne et que la directive n'apporte, sur ce plan, aucune précision contraire.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur l'amendement n° 22.
En revanche, elle est favorable à l'amendement n°30.
En ce qui concerne l'amendement n° 22, la suppression que vous proposez, monsieur Marc, de la clause de réciprocité remet en cause l'équilibre atteint par le texte entre le respect de la démocratie actionnariale et la possibilité de se défendre à armes égales.
Vous considérez que la directive ne permet pas d'offrir la réciprocité lorsque c'est l'État qui impose l'article 9 de la directive aux entreprises. Comme je l'ai dit à l'Assemblée nationale, je ne souscris pas à cette analyse, qui me paraît infondée. Du reste, le commissaire McCreevy a précisé, aujourd'hui même, qu'il partageait cette façon de voir.
J'ajoute que, lors de l'examen du présent projet de loi, le Conseil d'État en a validé la compatibilité avec les textes communautaires.
Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable.
Sur l'amendement n° 3, comme j'ai eu l'occasion de le dire en première lecture et devant l'Assemblée nationale, le Gouvernement émet un avis favorable, car la rédaction proposée évite une situation potentiellement injuste du point de vue de la société cible.
Par ailleurs, je souhaite revenir à la question précise et importante qui a été posée par M. Marini
Comme vous le soulignez, monsieur le rapporteur, le rapport Lepetit comprend un paragraphe explicite sur le fait que la clause de réciprocité s'applique aux initiateurs non cotés. Il rappelle, en effet, que la définition du terme « offrant » à l'article 2 de la directive couvre aussi bien les personnes physiques que les personnes morales, que ces dernières soient cotées ou non, qu'il s'agisse de sociétés ou d'autres types d'entités.
Par ailleurs, l'esprit de la clause de réciprocité étant d'établir une stricte égalité des conditions de jeu à l'égard des offres publiques, le groupe de travail présidé par M. Lepetit a recommandé, dans son rapport, que la clause de réciprocité soit opposable aux initiateurs non cotés. Dans ces conditions, le projet de loi utilise le terme « entité » pour désigner l'éventuel initiateur, ce qui, je tiens à le rappeler, couvre bien la situation des sociétés également non cotées.
Une entreprise non cotée initiatrice ou une entreprise cotée, mais contrôlée par une entreprise non cotée, telle qu'une holding familiale, par exemple, pourraient donc se voir opposer la réciprocité.
Telles sont les précisions que je souhaitais apporter, qui me paraissent importantes pour la clarté de nos débats.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement est adopté.
L'amendement est adopté.
L'article 11 est adopté.
L'article L. 225-125 du code de commerce est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les effets de la limitation mentionnée à l'alinéa précédent, prévue dans les statuts d'une société qui fait l'objet d'une offre publique et dont des actions sont admises à la négociation sur un marché réglementé, sont suspendus lors de la première assemblée générale qui suit la clôture de l'offre lorsque l'auteur de l'offre, agissant seul ou de concert, vient à détenir une fraction du capital ou des droits de vote de la société visée par l'offre supérieure à une quotité fixée par le règlement général de l'Autorité des marchés financiers, au moins égale à celle requise pour modifier les statuts, et dans la limite des trois quarts. »
L'amendement n° 4, présenté par M. Marini, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après les mots :
vient à détenir
rédiger ainsi la fin du texte proposé par cet article pour l'article L. 225-125 du code de commerce :
les deux tiers du capital ou des droits de vote de la société visée par l'offre.
La parole est à M. le rapporteur.
Il s'agit, certes, d'un amendement technique, mais la question que vous posez, monsieur le rapporteur, est celle du niveau du seuil caractérisant une offre publique réussie qui, aux termes du projet de loi, emporte suspension des restrictions statutaires au plafonnement du droit de vote.
Le texte initial du Gouvernement prévoyait de renvoyer la détermination de ce seuil au règlement général de l'Autorité des marchés financiers, l'AMF, après consultation publique.
Ce point a été largement débattu.
J'ai accepté, à l'Assemblée nationale, un amendement prévoyant de situer ce seuil dans une fourchette comprise entre 66, 66 %, taux correspondant à la minorité de blocage, et 75 %, seuil prévu par la directive. Proposer de fixer dans la loi le seuil à 66, 67 %, c'est-à-dire au niveau immédiatement supérieur à la minorité du blocage, me semble pertinent quant au fond et je vous confirme que c'est celui qui devrait, à l'évidence, être retenu in fine.
Pour autant, en évitant d'inscrire dans la loi un seuil de niveau réglementaire, la rédaction issue de l'Assemblée nationale me semble malgré tout préférable
Sous le bénéfice de ces explications, et tout en partageant votre souci, monsieur le rapporteur, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement.
Dès lors qu'il n'y a pas de différence quant au fond ni sur l'appréciation de ce seuil, sachant qu'il s'agit d'une disposition que j'ai présentée comme étant technique et compte tenu des assurances données par le Gouvernement, je retire cet amendement.
L'article 16 est adopté.
Il est inséré, dans la section 5 du chapitre III du titre III du livre II du code de commerce, un article L. 233-38 ainsi rédigé :
« Art. L. 233-38. - Les statuts d'une société dont des actions sont admises à la négociation sur un marché réglementé peuvent prévoir que les effets des restrictions statutaires à l'exercice des droits de vote attachés à des actions de la société ainsi que les effets de toute clause d'une convention conclue après le 21 avril 2004 prévoyant des restrictions à l'exercice des droits de vote attachés à des actions de la société sont suspendus lors de la première assemblée générale suivant la clôture de l'offre lorsque l'auteur de l'offre, agissant seul ou de concert, vient à détenir, à l'issue de celle-ci, une fraction du capital ou des droits de vote supérieure à une quotité fixée par le règlement général de l'Autorité des marchés financiers, sans pouvoir atteindre le seuil prévu par le dernier alinéa de l'article L. 225-125. » -
Adopté.
Il est inséré, dans la section 5 du chapitre III du titre III du livre II du code de commerce, un article L. 233-39 ainsi rédigé :
« Art. L. 233-39. - Les statuts d'une société dont des actions sont admises à la négociation sur un marché réglementé peuvent prévoir que les droits extraordinaires de nomination ou révocation des administrateurs, membres du conseil de surveillance, membres du directoire, directeurs généraux, directeurs généraux délégués, détenus par certains actionnaires sont suspendus lors de la première assemblée générale suivant la clôture de l'offre lorsque l'auteur de l'offre, agissant seul ou de concert, détient à l'issue de celle-ci une fraction du capital ou des droits de vote supérieure à une quotité fixée par le règlement général de l'Autorité des marchés financiers. » -
Adopté.
Il est inséré, dans la section 5 du chapitre III du titre III du livre II du code de commerce, un article L. 233-40 ainsi rédigé :
« Art. L. 233-40. - Lorsqu'une société décide d'appliquer ou de mettre fin à l'application des dispositions prévues aux articles L. 233-35 à L. 233-39, elle en informe l'Autorité des marchés financiers, qui rend cette décision publique. Les conditions et modalités d'application du présent alinéa sont fixées par le règlement général de l'Autorité des marchés financiers. »
L'amendement n° 5, présenté par M. Marini, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par cet article pour l'article L. 233-40 du code monétaire et financier par un alinéa ainsi rédigé :
« Les dispositions des articles L. 233-35 à L. 233-39 qu'une société a décidé d'appliquer ne sont pas applicables lorsque cette dernière fait l'objet d'une ou plusieurs offres publiques engagées par des entités, agissant seules ou de concert au sens de l'article L. 233-10, dont l'une au moins n'applique pas ces dispositions ou des mesures équivalentes ou qui sont respectivement contrôlées, au sens du II ou du III de l'article L. 233-16, par des entités dont l'une au moins n'applique pas ces mêmes dispositions ou des mesures équivalentes. Toutefois, les dispositions des articles L. 233-35 à L. 233-39 s'appliquent si les seules entités qui n'appliquent pas les dispositions de ces articles ou des mesures équivalentes ou qui sont contrôlées, au sens du II ou du III de l'article L. 233-16, par des entités qui n'appliquent pas ces dispositions ou des mesures équivalentes, agissent de concert, au sens de l'article L. 233-10, avec la société faisant l'objet de l'offre. Toute contestation sur l'équivalence de ces mesures fait l'objet d'une décision de l'Autorité des marchés financiers. »
La parole est à M. le rapporteur.
Il s'agit de rétablir la mesure que le Sénat a votée en première lecture relative à l'applicabilité de la réciprocité pour les dispositions facultatives de l'article 11 de la directive qu'une société cible aurait décidé d'appliquer sur une base volontaire.
La commission estime que, pour parer à toute éventualité, il est préférable de bien prévoir que le principe de réciprocité s'applique aussi dans le cas où la société qui devient une cible a décidé, de sa propre initiative, de désarmer tous les obstacles au contrôle dont elle pourrait disposer aux termes de pactes d'actionnaires ou de ses statuts.
Nous avons déjà eu ce débat en première lecture. Je voudrais rappeler pourquoi le Gouvernement est défavorable à l'introduction d'une telle clause de réciprocité.
En premier lieu, il existe à nos yeux un lien logique fort entre transposition des articles optionnels et faculté de réciprocité. Dans la mesure où la transposition de l'article 11 de la directive n'est pas rendue obligatoire, la mise en oeuvre de la clause de réciprocité n'est évidemment pas nécessaire. Ainsi, par exemple, si une entreprise ayant décidé d'appliquer volontairement l'article 11 le regrette, le plus simple pour elle est de décider de cesser d'appliquer cet article. Rien ne l'en empêche et c'est une démarche plus efficace que celle qui consiste à opter pour la réciprocité.
Ensuite, je ne vous cache pas, monsieur le rapporteur - je vous l'avais déjà indiqué, mais je vous le confirme après une analyse approfondie de nos services - que nous avons des inquiétudes quant à la sécurité juridique du dispositif que vous proposez, dans la mesure où il créé une notion de réciprocité sélective qui est inconnue de la directive, ce qui laisse planer une insécurité qui ne me semble pas opportune par rapport aux objectifs du présent texte.
En excluant du champ de la clause de réciprocité deux mesures de l'article 11 qui existaient déjà en droit français, on pourrait considérer que vous allez à l'encontre de la directive aux termes de laquelle la clause de réciprocité doit être appliquée à l'article 11 dans son intégralité.
Je m'étais engagé devant vous, lors de la première lecture de ce projet de loi, à saisir la Commission sur ce sujet.
Malgré de nombreuses relances, ses services juridiques n'ont pas encore répondu à l'ensemble de nos interrogations. Par conséquent, à ce stade, il me semble dangereux de prendre des risques.
C'est pourquoi, pour des raisons à la fois d'opportunité, en termes d'incitation donnée à l'application de l'article 11, et de conformité juridique, je vous demande, monsieur le rapporteur, de bien vouloir reconsidérer votre position et de retirer votre amendement, afin de retenir, ce qui me semble plus sûr juridiquement, la rédaction qui a été préférée par l'Assemblée nationale.
Le problème est complexe, mais M. le ministre a évoqué un point qui m'a beaucoup intéressé.
Nous visons la situation où une entreprise se place volontairement sous ce que j'appellerai le « régime de désarmement des défenses », pour parler de manière claire. Cette entreprise vient à être attaquée et n'ayant prévu ni la configuration ni l'attaquant, elle risque d'être victime de son propre choix.
Dans ce cas de figure, le raisonnement de la commission tend à permettre à l'entreprise de se prévaloir de la clause de réciprocité pour le cas où son attaquant serait moins transparent qu'elle-même.
M. le ministre nous dit, lui, qu'au lieu de faire jouer la réciprocité, comme nous le proposons, il serait concevable que l'entreprise revienne sur son option.
Mais je pose alors les questions suivantes : comment revient-on sur l'option ? Faut-il réunir l'assemblée générale, avec tous les dangers et incertitudes qui peuvent en résulter en période d'offre, notamment si le capital a déjà beaucoup tourné et si les actionnaires ne sont plus tout à fait les mêmes qu'avant l'opération ?
Dès lors, s'il s'agissait simplement d'un acte susceptible d'être délégué au conseil d'administration ou au directoire de la société, nous pourrions sans doute vous suivre, monsieur le ministre, et considérer que l'option est en quelque sorte réversible.
En revanche, si l'option est nécessairement une décision relevant d'une assemblée générale à réunir pendant la période d'offre, force est de reconnaître qu'elle risque, dans certains cas au moins, d'être inefficace.
Telle est mon incertitude. Le maintien, ou non, de cet amendement dépendra de la réponse que M. le ministre voudra bien me faire.
Monsieur le rapporteur, je crains de ne pas pouvoir vous répondre positivement. Nous sommes exactement dans le même cas de figure que pour la mise en oeuvre de la clause de réciprocité : il faudra donc convoquer une assemblée générale dans les deux cas. C'est la raison pour laquelle je pense sincèrement que nous ne pouvons pas aller jusqu'à ce que vous demandez, c'est-à-dire jusqu'à une délégation en blanc du conseil d'administration.
Je le répète, ce qui « armera » la clause de réciprocité, c'est la convocation de l'assemblée générale ; elle seule pourra donc la défaire. C'est pourquoi, dans un souci de sécurité juridique, je vous incite, mesdames, messieurs les sénateurs, à revenir aux résultats auxquels nous étions parvenus après de longues discussions.
Monsieur le ministre, je comprends tout à fait votre souci de veiller à la sécurité juridique. Vous avez consulté la Commission, qui n'a pas encore fait connaître son avis. Peut-être le fera-t-elle dans les jours qui viennent.
Or, dans les jours qui viennent, l'Assemblée nationale sera saisie de ce texte en deuxième lecture. Nous pourrions ce soir prendre devant vous l'engagement, monsieur le ministre, de faire connaître à cet amendement, si nous le maintenons et si nous l'adoptons, un sort qui dépendra de l'avis qu'exprimera demain la Commission. La question devrait pouvoir être réglée d'ici à la tenue de la commission mixte paritaire.
Le principe de précaution nous conduit donc à maintenir cet amendement tout en prenant l'engagement de lui faire subir le sort qu'il méritera lorsque nous serons suffisamment éclairés.
L'amendement est adopté.
L'article 19 est adopté.
L'article 21 a été supprimé par l'Assemblée nationale.
CHAPITRE IV
Dispositions diverses
L'article L. 235-2-1 du code de commerce est ainsi rédigé :
« Art. L. 235-2-1. - Les délibérations prises en violation des dispositions régissant les droits de vote attachés aux actions peuvent être annulées. »
L'amendement n° 23, présenté par MM. Marc et Yung, Mme Bricq, MM. Massion, Angels, Auban, Charasse, Demerliat, Frécon, Haut, Masseret, Miquel, Moreigne et Sergent, Mme M. André, M. Badinter, Mme Boumediene-Thiery, MM. Collombat, Courrière, Dreyfus-Schmidt, Frimat, C. Gautier, Mahéas, Peyronnet, Sueur, Sutour et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Nicole Bricq.
L'article 22 concerne le droit des actionnaires.
Nous sommes là quelque peu à front renversé ! Tout au long de la discussion du texte, mes chers collègues de la majorité sénatoriale, alors que nous nous battions pour les droits des salariés, vous avez privilégié le droit des actionnaires. Et voilà que, curieusement, vous avez adopté en première lecture un amendement, dont l'Assemblée nationale a modifié la rédaction sans en changer la finalité, par lequel vous revenez sur un principe qui nous paraît essentiel : le principe de la transparence et du droit à l'information des actionnaires.
En somme, vous proposez que la sanction de nullité absolue ne s'applique plus automatiquement quand les règles, notamment les règles de convocation, ne sont pas respectées. Nous proposons, nous, de revenir à la règle qui nous paraît absolue pour assurer le principe de transparence : quand les règles de convocation des assemblées générales sont violées, la sanction doit être la nullité absolue, sauf à introduire une disposition tout à fait aléatoire qui ne permet pas le respect du principe de transparence.
C'est la raison pour laquelle nous demandons la suppression de l'article 22.
La commission n'est pas favorable à cet amendement.
En effet, le vote de l'Assemblée nationale permet au juge d'apprécier la gravité d'une entorse de procédure, alors que la rédaction précédente créait une nullité de droit. Or, parfois, celle-ci est un marteau-pilon pour écraser une mouche ! Si le sort d'un vote de l'assemblée générale est indifférent à l'entorse de procédure ou à l'irrégularité susceptible de s'être produite, le fait d'annuler de plein droit la décision de l'assemblée générale, et donc toutes ses conséquences, est une sanction tout à fait disproportionnée.
La vision de nos collègues députés est juste, et nous ne pouvons pas souscrire, madame, à votre amendement.
L'amendement n'est pas adopté.
L'article 22 est adopté.
I. - L'ordonnance n° 2005-648 du 6 juin 2005 relative à la commercialisation à distance de services financiers auprès des consommateurs est ratifiée.
II. - Les 2° et 3° du I de l'article 1er de l'ordonnance précitée sont abrogés.
III. - Dans l'article L. 121-16 du code de la consommation, le mot : « section » est remplacé par le mot : « sous-section ».
IV - L'article L. 121-16 du même code est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Toutefois, elles ne s'appliquent pas aux contrats portant sur des services financiers. »
V. - L'article L. 121-17 du même code est ainsi modifié :
1° Le 1° est abrogé ;
2° Les 2°, 3°, 4° et 5° deviennent respectivement les 1°, 2°, 3° et 4°.
VI. - Au début du 4° de l'article L. 121-20-10 du même code, les mots : « L'information relative à l'existence ou à l'absence » sont remplacés par les mots : « L'existence ou l'absence ».
VII. - Dans le 5° du III de l'article L. 112-2-1 du code des assurances, le mot : « rétractation » est remplacé par le mot : « renonciation ».
VIII. - Dans le 2° de l'article L. 353-1 du code monétaire et financier, les mots : « définie à l'article L. 341-1 » sont remplacés par les mots : « dans les conditions définies au septième alinéa de l'article L. 341-1 ».
IX. - Les dispositions du présent article entrent en vigueur au 1er décembre 2005.
L'amendement n° 6 rectifié, présenté par M. Marini, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après le VII de cet article, insérer trois paragraphes ainsi rédigés :
VII bis. - L'article L. 341-15 du code monétaire et financier est complété par les mots : «, sous réserve des modalités d'exercice du droit de rétractation prévues au II de l'article L. 341-16 ».
VII ter. - L'article L. 341-16 du code monétaire et financier est ainsi modifié :
1° Le I est ainsi rédigé :
« I. - La personne démarchée dispose d'un délai de quatorze jours calendaires révolus pour exercer son droit de rétractation, sans avoir à justifier de motifs ni à supporter de pénalités.
« Le délai pendant lequel peut s'exercer le droit de rétractation commence à courir :
« 1° Soit à compter du jour où le contrat est conclu,
« 2° Soit à compter du jour où la personne démarchée reçoit les conditions contractuelles et les informations, si cette dernière date est postérieure à celle mentionnée au 1° ».
2° Le premier alinéa du II est remplacé par cinq alinéas ainsi rédigés :
« Lorsque la personne démarchée exerce son droit de rétractation, elle ne peut être tenue qu'au paiement du prix correspondant à l'utilisation du produit ou du service financier effectivement fourni entre la date de conclusion du contrat et celle de l'exercice du droit de rétractation, à l'exclusion de toute pénalité.
« Le démarcheur ne peut exiger de la personne démarchée le paiement du produit ou du service mentionné au premier alinéa que s'il peut prouver que la personne démarchée a été informée du montant dû, conformément au 5° de l'article L. 341-12.
« Toutefois, il ne peut exiger ce paiement s'il a commencé à exécuter le contrat avant l'expiration du délai de rétractation sans demande préalable de la personne démarchée.
« Le démarcheur est tenu de rembourser à la personne démarchée dans les meilleurs délais et au plus tard dans les trente jours toutes les sommes qu'il a perçues de celle-ci en application du contrat, à l'exception du montant mentionné au premier alinéa. Ce délai commence à courir le jour où le démarcheur reçoit notification par la personne démarchée de sa volonté de se rétracter.
« La personne démarchée restitue au démarcheur dans les meilleurs délais et au plus tard dans les trente jours toute somme et tout bien qu'elle a reçus de ce dernier. Ce délai commence à courir à compter du jour où la personne démarchée notifie au démarcheur sa volonté de se rétracter. »
3° Le III est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« 3° Aux contrats exécutés intégralement par les deux parties à la demande expresse de la personne démarchée avant que cette dernière n'exerce son droit de rétractation ».
4° Le V est supprimé.
VII quater. - Dans la première phrase de l'article L. 343-2 du code monétaire et financier, les mots : « sont en outre applicables les dispositions du chapitre Ier du titre IV du livre III, à l'exception de l'article L. 341-16. » sont supprimés.
La parole est à M. le rapporteur.
Il suffira de retenir de ce très long amendement qu'il est de cohérence entre plusieurs textes techniques de droit financier et qu'il a trait aux modalités du démarchage et aux conditions de commercialisation à distance de services financiers.
Il n'y a pas d'innovation, c'est le « peignage » de textes qui proviennent d'un côté d'une loi, de l'autre d'une ordonnance, et qu'il faut mettre en harmonie.
L'amendement est adopté.
L'article 24 est adopté.
I et II. - Non modifiés.
III. - Le livre II du même code est ainsi modifié :
1° La sous-section 1 de la section 2 du chapitre III du titre Ier est complétée par deux articles L. 213-6-1 et L. 213-6-2 ainsi rédigés :
« Art. L. 213-6-1. - Tout acte qui interrompt la prescription des intérêts à l'égard de l'un des porteurs d'obligations émises en France par toute collectivité privée ou publique, société commerciale ou civile, française ou étrangère, profite aux autres obligataires du même emprunt.
« Ce même acte interrompt également au profit du Trésor la prescription des impôts et taxes qui peuvent lui être dus sur les intérêts visés au premier alinéa.
« Art. L. 213-6-2. - La décision judiciaire définitive rendue en faveur de l'un des porteurs d'obligations émises en France par toute collectivité privée ou publique, ou par toute société commerciale ou civile, française ou étrangère, et concernant les droits communs des obligataires, peut acquérir force exécutoire au profit de tout obligataire qui n'a pas figuré dans l'instance par une ordonnance du président du tribunal de grande instance dans la circonscription duquel l'affaire a été portée en première instance. » ;
2° Avant la sous-section 1 de la section 3 du chapitre III du titre Ier, il est inséré un article L. 213-21-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 213-21-1. - Tout propriétaire de titres émis par l'État faisant partie d'une émission comprenant à la fois des titres au porteur et des titres nominatifs a la faculté de convertir ses titres dans l'autre forme. » ;
3° Le II de l'article L. 214-1 est ainsi rétabli :
« II. - Tout organisme de placement collectif doit, préalablement à sa commercialisation sur le territoire de la République française, faire l'objet d'une autorisation délivrée par l'Autorité des marchés financiers. Un décret définit les conditions de délivrance de cette autorisation. » ;
4° La section 3 du chapitre Ier du titre II est complétée par un article L. 221-26-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 221-26-1. - Les opérations relatives au livret jeune sont soumises au contrôle sur pièces et sur place de l'inspection générale des finances et les établissements et organismes collecteurs sont, à raison de cette activité, soumis au même contrôle. »
IV et V. - Non modifiés.
VI. - Le livre V du même code est ainsi modifié :
1° Dans le troisième alinéa de l'article L. 512-5, les mots : « en exécution des prescriptions du deuxième alinéa de l'article 10 de la loi du 24 juillet 1929 » sont supprimés ;
2° Dans le premier alinéa de l'article L. 512-55, les mots : « qui ne sont pas régies par la section 3 ou par les lois particulières comportant un contrôle de l'État » sont supprimés ;
3° Dans la section 5 du chapitre II du titre Ier du livre V, il est inséré un article L. 512-60 ainsi rédigé :
« Art. L. 512-60. - Les caisses de Crédit mutuel agricole et rural sont régies par les règles fixées à la section 3, à l'exception des dispositions visant spécifiquement les caisses de Crédit agricole mutuel soumises aux dispositions de l'article L. 512-35. Elles ont pour organe central la Confédération nationale du crédit mutuel. Elles doivent adhérer à la Fédération du Crédit mutuel agricole et rural, qui elle-même adhère à la Confédération nationale du crédit mutuel. » ;
4° Dans le troisième alinéa de l'article L. 512-75, les mots : « ne peut être inférieure à un minimum fixé par le décret prévu par l'article L. 512-84 » sont remplacés par les mots : « est fixée par les statuts prévus à l'article L. 512-73 » ;
5° La sous-section 2 de la section 2 du chapitre VIII du titre Ier est complétée par un paragraphe 5 ainsi rédigé :
« Paragraphe 5
« Présentation et certification des comptes
« Art. L. 518-15-1. - Chaque année, la Caisse des dépôts et consignations présente aux commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances ses comptes annuels et consolidés, certifiés par deux commissaires aux comptes. La commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations désigne les commissaires aux comptes ainsi que leurs suppléants sur proposition du directeur général. » ;
6° Le chapitre VIII du titre Ier est complété par une section 5 intitulée : « Les associations sans but lucratif habilitées à faire certains prêts ».
VII. - Le livre VI du même code est ainsi modifié :
1° L'article L. 611-7 est ainsi rétabli :
« Art. L. 611-7. - Les règlements du Comité de la réglementation bancaire et financière en vigueur antérieurement à la loi n° 2003-706 du 1er août 2003 de sécurité financière peuvent être modifiés ou abrogés par arrêté du ministre chargé de l'économie pris dans les conditions prévues à l'article L. 611-1. » ;
2° Le titre Ier est complété par un chapitre V intitulé : « Autres institutions », composé d'une section unique intitulée « Commissaires du Gouvernement et mission de contrôle des activités financières », et comprenant le II de l'article L. 511-32 qui devient l'article L. 615-1.
VIII à XI. - Non modifiés.
XII. - Le II, le 3° du III et le 2° du VII du présent article sont applicables à Mayotte, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna.
XIII. - Sont abrogés :
1° Les articles L. 432-1 à L. 432-4 et les articles L. 463-1 et L. 463-2 du code monétaire et financier ;
2° La loi du 16 juillet 1934 relative aux droits des porteurs d'obligations d'un même emprunt ;
3° Le décret du 8 août 1935 relatif aux droits d'obligataires d'un même emprunt ;
4° L'article 73-2 du décret-loi du 30 octobre 1935 unifiant le droit en matière de chèques et relatif aux cartes de paiement ;
5° Le 3 de l'article 30 de la loi n° 84-148 du 1er mars 1984 relative à la prévention et au règlement amiable des difficultés des entreprises. -
Adopté.
Nous en revenons à l'amendement n° 2 rectifié, dont le vote a été précédemment réservé.
La parole est à M. le rapporteur.
Monsieur le président, la commission souhaite apporter une nouvelle rectification à cet amendement de façon à reprendre l'intégralité du paragraphe afin que tout soit bien intelligible. Ainsi, il n'y aura plus de doute : il s'agit bien de critères cumulatifs, un actif essentiel, d'une part, la détention d'au moins un tiers du capital ou des droits de vote, d'autre part.
Je suis donc saisi d'un amendement n° 2 rectifié bis, présenté par M. Marini, au nom de la commission, et qui est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le IV de cet article :
IV. - Le IV de l'article L. 433-3 du même code est ainsi rédigé :
« IV. - Le règlement général de l'Autorité des marchés financiers fixe également les conditions dans lesquelles tout projet d'offre publique déposé conformément aux dispositions de la section 1 du présent chapitre ou de la présente section doit, lorsque l'offre porte sur une société qui détient plus du tiers du capital ou des droits de vote d'une société française ou étrangère dont des titres de capital sont admis aux négociations sur un marché réglementé d'un État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou sur un marché équivalent régi par un droit étranger et qui constitue un actif essentiel de la société détentrice, être accompagné des documents permettant de prouver qu'un projet d'offre publique irrévocable et loyale est ou sera déposé sur l'ensemble du capital de ladite société française ou étrangère, au plus tard à la date d'ouverture de la première offre publique. »
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Le Gouvernement est sensible, au-delà de sa limpidité, à la volonté que traduit l'amendement n° 2 rectifié bis d'améliorer la rédaction de l'article L. 433-3 du code monétaire et financier issue de la loi relative à la confiance et à la modernisation de l'économie.
Aux termes de cet amendement, tout initiateur qui lance une offre sur une société mère devra également, comme l'a rappelé tout à l'heure le président de la commission, lancer une offre sur toute ses sociétés filles, françaises ou étrangères, dans lesquelles elle détient plus du tiers du capital ou des droits de vote et qui constituent un actif essentiel de la société mère.
Des interrogations ont pu exister sur la notion d'actif essentiel, et c'est le Conseil des marchés financiers, l'ancêtre de l'AMF, qui en a délimité les contours. Il va de soi qu'une société fille dont la contribution au chiffre d'affaires, à la rentabilité et au résultat net de la société mère est déterminante serait naturellement considérée comme un actif essentiel.
Le Gouvernement émet donc un avis favorable sur cet amendement.
L'amendement est adopté.
L'article 2 est adopté.
Les autres dispositions du projet de loi ne font pas l'objet de la deuxième lecture.
Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Pierre Martin, pour explication de vote.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme sa première lecture, le deuxième examen de ce projet de loi relatif aux offres publiques d'acquisition coïncide avec une affaire qui suscite de nombreuses réactions politiques et une certaine émotion dans l'opinion publique.
Danone hier, Arcelor aujourd'hui, le risque était grand que le Parlement ne légifère que par rapport à des cas particuliers, certes importants, mais très différents et très complexes sur le plan juridique comme sur le plan financier.
Le Sénat a su éviter cet écueil, et il convient d'en féliciter son rapporteur, Philippe Marini. Il a combattu avec justesse les idées reçues sur les OPA, qui, ainsi qu'il l'a fort justement relevé, ne sont pas « à sens unique ».
Le Gouvernement et la commission des finances sont parvenus à un bon équilibre. Les entreprises françaises pourront ainsi concilier leur dimension internationale et la nécessité de disposer de mesures de défense équitables face à d'éventuelles offres jugées inamicales, dans le respect des droits des actionnaires.
Tel est le sens des amendements adoptés en première lecture et que la commission des finances a souhaité rétablir en deuxième lecture. Tel est aussi le sens des amendements adoptés aujourd'hui sur proposition de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Nous sommes pour la compétition économique, source d'émulation et de croissance à l'échelle européenne et mondiale ; mais nous voulons une compétition loyale, un combat à armes égales, dont les règles s'imposent à tous.
Nous sommes ainsi favorables à une application large de la clause de réciprocité, qui garantit l'égalité des conditions de jeu entre les entreprises initiatrices d'offres publiques et les entreprises cibles. Nous approuvons également l'introduction d'un nouveau dispositif permettant à une société, en cas d'offre inamicale, d'émettre des bons de souscription d'actions avec une forte décote. Nous l'approuvons d'autant plus qu'il incitera l'initiateur de l'OPA à rechercher un terrain d'entente avec la société cible et qu'il respecte les principes de bonne gouvernance et d'égalité entre les actionnaires.
Là encore, monsieur le ministre, en concertation avec la commission des finances, vous êtes parvenu au juste équilibre.
Au-delà des règles juridiques, il appartient maintenant à nos entreprises de faire la preuve de leur dynamisme et de leurs capacités, et à notre pays de leur donner les moyens de se développer. C'est là que réside le véritable enjeu pour les années à venir. C'est un enjeu à la fois politique, économique et capitalistique.
C'est tout le sens de la politique engagée depuis 2002 pour encourager l'investissement et stabiliser l'actionnariat des entreprises.
Le projet de loi s'inscrit dans une démarche volontariste pour soutenir la croissance et développer l'emploi, au service des entreprises, des salariés et des épargnants. C'est dans cet esprit que le groupe UMP le votera, tel qu'il résulte des travaux de notre assemblée.
Applaudissements sur les travées de l'UMP.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les sénateurs du groupe socialiste ont déjà avancé de nombreux arguments pour expliquer pourquoi ils allaient voter, vous l'avez bien compris, contre le projet de loi qui nous est soumis.
Chacun constate aujourd'hui que le capitalisme financier connaît de multiples dérèglements et dysfonctionnements ; la question des OPA hostiles s'inscrit dans ce contexte général, que l'on retrouve dans la plupart des pays occidentaux.
Bien entendu, la question de savoir si c'est la recherche de la rentabilité à court terme, le « courtermisme », et la valeur actionnariale qui doivent être l'argument privilégié dans toutes les décisions à caractère financier doit nous amener à nous interroger sur la façon dont nous allons armer les défenses de nos entreprises.
Nous avons le sentiment que le Gouvernement a conservé, en transposant la directive européenne, une approche relativement libérale. Il n'a pas donné suffisamment d'éléments forts de résistance et n'a pas répondu aux attentes que nous avions pu exprimer au sujet de la place des salariés et de la défense de l'ensemble des intérêts de l'entreprise.
Dans cette transposition, monsieur le ministre, c'est bien la place des actionnaires qui vous préoccupe fondamentalement. Cette exigence unique nous paraît trop limitée, trop restreinte. Nous ne pouvons donc nous associer aux appréciations positives qui ont été émises sur le projet de loi.
Aucun des amendements que nous avions déposés et qui auraient permis d'améliorer la situation n'a été adopté. Sur la transposition de l'article 9, en particulier, nous n'avons pas obtenu gain de cause en quoi que ce soit. Dans ces conditions, nous voterons contre le texte qui nous est aujourd'hui soumis.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
Je tiens à remercier nos collègues, qui, sur les différentes travées, ont participé activement à ce débat. Je veux remercier également le président de la commission des finances, bien entendu, et nos collaborateurs. Je souhaite remercier enfin le ministre et ses équipes, car, avant ces phases publiques, les réunions ont été nombreuses au cours desquelles ils ont bien voulu procéder avec nous à toute une mise au point et nous apporter l'information nécessaire.
Ce texte relatif aux offres publiques d'acquisition, très complexe, nous a réunis pendant de nombreuses semaines. Je voulais exprimer la reconnaissance de la commission pour l'excellent climat de travail qui a prévalu et pour l'esprit constructif dont vous avez fait preuve, monsieur le ministre, afin que nous trouvions des solutions équilibrées.
Mes chers collègues, les questions relatives à la stabilité du contrôle d'un certain nombre de grandes entreprises de notre pays seraient sans doute moins préoccupantes si, depuis 1993, par exemple, ou depuis 1997, avaient été mis en oeuvre des fonds d'épargne retraite tels que certains d'entre nous les préconisaient.
Ainsi, dès 1993, M. Jean Arthuis et moi-même avons cosigné une proposition de loi visant à créer des fonds de pension à la française et nous avons dû attendre 1997, la fin de la législature, pour qu'elle devienne, sous une forme très atténuée, la loi Thomas, mise entre parenthèses entre 1997 et 2002.
C'est en définitive au début de la présente législature, en 2003, que sont enfin nés, avec la loi Fillon, les instruments d'épargne à long terme de capitaux patients qui vont se sédimenter progressivement, mais qui, hélas ! tout en étant sur une courbe croissante, sont encore trop récents pour représenter des positions significatives dans le capital de nos entreprises.
Mes chers collègues, les dates que j'ai indiquées devraient militer pour que nous fassions ensemble notre autocritique et que nous cessions de nous livrer à des gesticulations ou à des oppositions factices, ...
...car la réalité est là, et si c'est l'épargne des autres, gérée par des fonds à court terme qui s'investit dans nos entreprises et sur les marchés, c'est parce que nous n'avons pas su nous adapter à temps.
L'espoir est sans doute qu'aujourd'hui, avec les instruments qui existent depuis 2003, qui ont, certes, mis un peu trop longtemps à se mettre en place, mais qui commencent à être opérationnels, il y ait un réservoir d'épargne patiente qui puisse s'investir dans le capital de nos entreprises et être potentialisé par des dispositions à venir, puisque vous allez nous inviter, monsieur le ministre, à discuter d'épargne salariale, de développement de la participation et de l'actionnariat des salariés. Tout cela ira dans le même sens, celui de la perspective industrielle, cohérente avec la perspective financière.
Mes chers collègues, c'est sur cette note d'espoir qu'il nous faut maintenant interrompre notre discussion.
Applaudissements sur les travées de l'UMP.
Je tiens tout d'abord à remercier M. Philippe Marini, qui a, une nouvelle fois, fait la démonstration de son talent.
Je remercierai également la présidence qui nous a permis d'avoir des échanges riches et très éclairants. J'associe aussi M. le ministre à mes remerciements.
Tout au long de cette discussion, nous nous sommes tenus à l'écart de tout illusionnisme, de tout angélisme, car il serait dangereux d'accréditer l'idée que les pouvoirs publics auraient certains pouvoirs qui, malheureusement, ne se vérifieraient pas. Ce serait prendre le risque d'afficher l'impuissance politique : or il n'y a rien de plus dangereux dans une démocratie. Et, de ce point de vue, il me semble que l'exercice a été équilibré, marqué par une exigence de réalisme.
Il est important de savoir qui détient le capital et je souscris totalement aux propos de M. le rapporteur. Mais il est important aussi que, quel que soit l'actionnaire, ses activités puissent se développer dans notre pays et que les emplois, les investissements s'enracinent dans le territoire national, ce qui suppose, monsieur le ministre, qu'un certain nombre de réformes fondamentales soient conduites dans les meilleurs délais.
Nous ne pourrons pas attendre plus longtemps la réforme du financement de notre protection sociale car elle conditionne très directement le potentiel de maintien des activités et de l'emploi. La recherche est également très importante. Au risque d'être redondant, je ne manquerai pas de vous faire des « piqûres de rappel » pour vous faire part de mon impatience.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je me réjouis du débat qui vient d'avoir lieu. Nous avons voté un amendement contre l'avis du Gouvernement, mais nous avons pris l'engagement de régler la question d'ici à l'examen du texte en commission mixte paritaire. Croyez bien que j'y veillerai, monsieur le ministre !
Applaudissementssur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
Le projet de loi est adopté.
Je remercie le Sénat d'avoir adopté ce texte en deuxième lecture, après l'avoir enrichi.
Monsieur le président, c'est d'abord à vous que je rendrai hommage, car vous avez mené les débats dans la sérénité, en faisant en sorte que, dans des délais raisonnables, soient apportées les meilleures améliorations possibles sur ce texte important pour nos entreprises.
Le Gouvernement a proposé deux avancées significatives. La première concerne les fameux bons de souscription en actions qui ont été adoptés par votre Haute Assemblée, ce dont je me félicite. Ils vont dans le sens de l'intérêt de nos entreprises. Ils ne doivent cependant pas se substituer, j'y insiste, aux bonnes stratégies des entreprises car, si les actionnaires restent fidèles à une entreprise, c'est bien entendu parce qu'ils sont associés à son projet, qu'ils le comprennent, qu'ils le soutiennent, et parce que celui-ci est porteur de richesses pour les salariés, pour les clients, pour les actionnaires, il ne faut jamais l'oublier. Monsieur le président de la commission, le Gouvernement travaille à un cadre positif et il continuera de le faire.
Par ailleurs, je me félicite du consensus sur la proposition du Gouvernement relative au renforcement des projets qui seront présentés aux comités d'entreprise. Monsieur Marc, si ce n'est pas celle qui avait été proposée par le groupe socialiste en première lecture, il me semble qu'il s'agit d'une avancée positive. L'adoption de cet amendement à l'unanimité m'a laissé un moment espérer que l'ensemble du texte pourrait être également voté à l'unanimité, mais hélas ! j'ai été déçu - sinon surpris - par le vote sur l'ensemble, car tous les amendements qui ont été adoptés allaient dans le sens de l'intérêt général, des entreprises et donc de l'emploi. Nous ne nous sommes pas retrouvés sur tous les sujets, mais c'est la règle de la démocratie !
Cela dit, je tiens à remercier M. le rapporteur, M. le président de la commission, l'ensemble des services du Sénat, auquel vous me permettrez d'associer les services du ministère de l'économie. Ils nous ont permis d'aboutir à l'élaboration d'un texte qui présente des avancées importantes et équilibrées dans le sens de l'intérêt de nos entreprises. Je rappellerai toutefois que, si nous sommes là pour aider ces dernières de notre mieux, c'est à elles de prendre en main leur destin.
En tout cas, nous avons, ce soir, fait avancer la législation pour leur donner les moyens de se battre à armes égales dans le cadre de la mondialisation.
Applaudissements sur les travées de l'UMP.
Je rappelle que la commission des affaires sociales a proposé des candidatures pour deux organismes extraparlementaires.
La présidence n'a reçu aucune opposition dans le délai d'une heure prévu par l'article 9 du règlement.
En conséquence, ces candidatures sont ratifiées et je proclame M. Alain Milon membre titulaire du Conseil national du bruit et M. Jacques Baudot membre de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures quinze.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à vingt heures dix, est reprise à vingt-deux heures quinze, sous la présidence de M. Guy Fischer.