Intervention de François Marc

Réunion du 21 février 2006 à 16h00
Offres publiques d'acquisition — Adoption d'un projet de loi en deuxième lecture

Photo de François MarcFrançois Marc :

Par ailleurs, l'amendement gouvernemental ne résout pas la question du rôle de l'État en cas d'OPA hostiles sur des sociétés, souvent anciennement publiques, qui relèvent de secteurs stratégiques pour l'économie nationale.

Or, avec cet amendement, qui décidera in fine de l'opportunité de l'OPA ? Ce seront les actionnaires, et seulement eux ! Ce sont eux qui pourront, ou non, exercer les bons de souscription d'actions en fonction de l'intérêt strictement financier de l'opération. Ils sont donc les seuls à pouvoir décider de la pertinence de l'OPA alors que, pour ce type d'entreprise, d'autres critères doivent jouer. Réserver le pouvoir de décision aux seuls actionnaires exclut la prise en compte de l'intérêt général, de l'intérêt social et de l'intérêt des salariés.

L'amendement gouvernemental ne change rien à l'économie du projet de loi. La bonne transposition est celle qui aurait permis aux entreprises cibles de se défendre. Il ne fallait pas transposer l'obligation de passivité de l'article 9.

Mes chers collègues, j'appelle votre attention sur le fait que le Luxembourg n'a pas transposé l'article 9, ce qui offre la possibilité de faire application de la clause de réciprocité. Cet exemple prouve a contrario que le dispositif français est totalement branlant et ne permet aucunement l'application de la clause de réciprocité.

L'esprit et la lettre de la directive auraient été respectés si vous nous aviez suivis lors de la première lecture en ne transposant pas l'article 9. On aurait ainsi évité qu'un attaquant étranger, confronté à la clause de réciprocité invoquée dans le cadre des dispositions transposées par la France, ne conteste judiciairement sa conformité au texte européen. On aurait également évité le développement des contentieux, nuisibles tant aux entreprises cibles qu'à l'image de la place boursière française.

Mais ce n'est pas tout ! Il aurait aussi fallu, et c'est fondamental, se saisir de cette transposition pour renforcer l'interventionnisme public dans la réglementation des OPA.

Les excès et les dérives du capitalisme financier ne sont pas une fatalité. L'autorité de régulation et l'autorité judiciaire ont leur mot à dire : ce sont les seules autorités habilitées, en l'état actuel du droit, à intervenir. Ce sont aussi les seuls intervenants dont on peut penser qu'ils défendent autre chose que la rentabilité financière de court terme, qui n'est pas le meilleur critère.

Peut-on accepter que d'anciennes entreprises publiques se transforment en simple produit financier sans aucune contrepartie pour la collectivité ? L'Autorité des marchés financiers, qui examine déjà si l'attaquant respecte les obligations de transparence et d'égalité de traitement des investisseurs, pourrait également étudier le contenu de la politique industrielle et sociale envisagée par l'attaquant avant de lui accorder un visa. Après tout, l'AMF est investie d'une mission de service public qui comprend la protection de l'intérêt général économique. À plus long terme, ces critères pourraient être intégrés dans la réglementation européenne afin de faire face aux OPA extracommunautaires du type Mittal-Arcelor.

Le Gouvernement n'a même pas tenté de rencontrer ses partenaires européens pour travailler à la mise en place d'une politique industrielle, dont le droit européen des offres publiques aurait pu constituer un instrument utile. Nous ne pouvons que mettre en cause les arbitrages gouvernementaux, qui, en dépit des slogans démagogiques, placent la logique de la rentabilité financière au coeur du processus des décisions, favorisant ainsi les dérives du capitalisme financier.

Nous voterons donc contre le texte qui nous est soumis en deuxième lecture et, bien évidemment, contre l'amendement gouvernemental, qui n'améliore en rien le dispositif.

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