Intervention de Bernard Vera

Réunion du 21 février 2006 à 16h00
Offres publiques d'acquisition — Adoption d'un projet de loi en deuxième lecture

Photo de Bernard VeraBernard Vera :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la deuxième lecture du projet de loi transposant la directive communautaire concernant les offres publiques d'acquisition intervient quatre mois après la première lecture, mais elle se situe dans une actualité marquée par l'annonce de l'offre publique d'achat du groupe indo-néerlandais Mittal Steel sur le groupe européen Arcelor, dont une part importante des activités est domiciliée en France.

Nous reviendrons bien évidemment au cours de la discussion des articles sur cette situation particulière, qui montre que les « garanties » et la « transparence » dont se prévalent la directive et, par voie de conséquence, le projet de loi, n'ont finalement que peu de poids au regard de la pression exercée par les marchés financiers.

Mais l'actualité économique est aussi marquée par d'autres éléments significatifs.

Monsieur le ministre, la croissance économique du pays est pour le moins ralentie. Loin des 2 % à 2, 5 % que vous attendiez, l'INSEE vient en effet de nous annoncer que la croissance de 2005 se situerait finalement aux alentours de 1, 4 %.

Cette réalité économique génère évidemment quelques doutes, fort compréhensibles, sur l'amélioration de la situation de l'emploi dont on nous parle depuis plusieurs mois et elle témoigne de la discutable efficacité des choix politiques qui président à l'action du Gouvernement.

Le commerce extérieur de notre pays a atteint un niveau de déficit inégalé. Ce déficit résulte pour un tiers de nos relations commerciales avec notre principal partenaire, l'Allemagne fédérale, et pour une part croissante de nos relations avec les pays d'Asie, qu'il s'agisse du Japon ou des puissances émergentes comme la République populaire de Chine.

Fort heureusement, la situation financière de nos plus grandes entreprises n'a jamais été aussi florissante. Se nourrissant de la contradiction entre une économie atone et une financiarisation accrue, le CAC 40 bat record sur record, atteignant les 5 000 points ces derniers jours, peu de temps après la publication des résultats à la hausse de la plupart des grands groupes industriels et bancaires du pays.

Ainsi, TotalFinaEIf, tirant parti de la hausse du prix du pétrole brut - véritable racket exercé sur les populations -, annonce un bénéfice net de 12 milliards d'euros, en hausse de 16 %, le dividende étant annoncé en hausse de 20 % par action.

Le groupe pétrolier va d'ailleurs, comme il le fait depuis plusieurs années, procéder au rachat de ses propres actions et à la destruction de titres, permettant in fine d'accroître le retour sur investissement des détenteurs.

France Télécom annonce 5, 7 milliards d'euros de bénéfice en 2005. L'entreprise prévoit d'ailleurs de supprimer 17 000 emplois, profitant notamment du départ à la retraite d'un nombre important des fonctionnaires faisant encore partie de l'effectif de l'opérateur historique.

La priorité affirmée dans cette entreprise, dont l'État est encore actionnaire à 32, 5 %, est à la rémunération du capital, au désendettement financier, en lieu et place du développement de l'activité. C'est en effet la moitié de la marge financière dégagée par l'activité qui serait consacrée dans les années à venir à solder les emprunts - capital et intérêts - et à rémunérer les actionnaires.

Dans ce contexte, la transposition d'une directive libérale concernant les offres publiques d'acquisition ne fait que créer les conditions de la poursuite des gaspillages financiers que celles-ci alimentent.

En accordant une primauté renforcée au strict droit financier sur le droit du travail ou à la simple logique économique, il s'agit clairement de créer les conditions de batailles financières toujours plus coûteuses et toujours plus massives, mobilisant des ressources toujours plus importantes tirées de l'activité économique.

Devant l'affaire Mittal-Arcelor, certains ont pu laisser penser que la menace qui guettait notre économie, et l'économie européenne de manière générale, résidait dans la montée en puissance des pays émergents où les entreprises, du fait d'une surface financière sans cesse plus importante, pourraient se lancer à brève échéance à l'assaut des forteresses de l'industrie du vieux continent.

Mais la réalité est plus prosaïque : devant la recherche continuelle des gains de productivité et de la rentabilité maximale, nos entreprises ont largement fait appel aux marchés financiers pour mener leur politique de « créneaux porteurs » ou de concentration et se sont, de fait, vulnérabilisées.

Dans le droit-fil de la position défendue au Parlement européen par le groupe confédéral de la gauche unitaire européenne / gauche verte nordique, nous nous étions opposés à l'adoption de ce projet de loi lors de son examen en première lecture. Rien ne semble devoir faire varier cette position initiale, d'autant que, sur certains éléments essentiels, le présent texte est d'inspiration encore plus libérale que celui de la directive.

Telles sont les raisons pour lesquelles le groupe CRC ne pourra que confirmer sa position de première lecture.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion