Tous les gouvernements qui se sont succédé, de droite comme de gauche, n'ont hélas ! pas suffisamment abordé cette question et l'État a peu à peu renoncé à sa capacité de s'exprimer sur de telles opérations.
Nous avons alors assisté à la constitution progressive d'un monopole de fait des analystes financiers pour émettre légitimement une position sur une entreprise ou sur un rapprochement d'entreprises. Eh bien, mesdames, messieurs les sénateurs, nous nous y refusons ! Nous estimons très clairement que, lorsqu'un intérêt économique est en jeu, comme c'est le cas s'agissant de l'opération qui a été évoquée tout à l'heure, un État peut légitiment s'exprimer, mais pas n'importe comment, car la parole est très importante sur les marchés. La possibilité d'avoir son mot à dire n'appartient pas aux seuls analystes financiers, ni même aux seuls marchés financiers !
Les gouvernants ont la responsabilité de donner leur avis lorsqu'ils ont un intérêt à agir et qu'ils sont parties prenantes non-actionnaires, tout comme les comités d'entreprise, qui doivent être informés, les collectivités locales, ou encore les clients ou les fournisseurs. Ces parties prenantes non-actionnaires doivent retrouver la possibilité de s'exprimer, tout en sachant, je le répète, que ce sont les actionnaires qui décident in fine. Mais ceux-ci doivent le faire en toute connaissance de cause.
Car, au XXIe siècle, ce qui créé de la valeur, c'est le fait qu'une entreprise ait un projet porteur d'avenir conciliant les intérêts de toutes les parties prenantes : les salariés, les clients, les fournisseurs, les actionnaires. Et il revient aujourd'hui aux chefs d'entreprise d'accomplir les efforts nécessaires : ils doivent passer leur temps non pas seulement dans des road shows, mais aussi avec les parties prenantes non-actionnaires.
L'OPA de Mittal Steel sur Arcelor n'est nullement annonciatrice de je ne sais quelle mainmise du nouveau monde sur l'ancien. Cette opération se déroule sur le continent européen : une entreprise de droit néerlandais a fait une offre - qui a été qualifiée d' « hostile » par le conseil d'administration d'Arcelor - pour une entreprise de droit luxembourgeois.
N'allons donc pas chercher des symboles qui n'ont rien à voir avec la réalité ! La réalité, c'est qu'aujourd'hui une OPA hostile a été lancée et que les parties prenantes non-actionnaires n'ont pas eu connaissance d'un plan stratégique industriel, d'intégration sociale et de gouvernance générale. Celles-ci s'en sont naturellement émues et souhaitent que ce plan leur soit soumis dans les meilleurs délais.
Je le dis depuis le premier jour et je le dirai jusqu'à la fin de cette opération : l'État n'a pas à dire s'il est pour ou contre, mais il doit clairement faire entendre sa voix. C'est ce que je fais au nom du Gouvernement.
J'attends d'avoir connaissance de ce plan. Nous l'étudierons, nous en parlerons et nous poserons les questions légitimes, au nom des intérêts économiques de notre pays, que j'ai la charge de défendre.
J'en viens maintenant aux bénéfices des grandes entreprises, qui ont été évoqués tout à l'heure. Bien entendu, on peut présenter les choses comme vous le faites, ...