M. le ministre nous a clairement indiqué que sa logique libérale trouvait là à s'appliquer. Les propos qu'il vient de tenir confirment les déclarations qu'il a faites ces dernières semaines sur le sujet ultrasensible des OPA.
Vous avez déclaré, monsieur le ministre, que les entreprises devaient comprendre et engager des actions en conséquence. Si l'on suivait le même raisonnement pour les automobilistes français en disant qu'ils doivent comprendre et, de ce fait, limiter leur vitesse, les radars n'auraient plus aucune justification.
Dans le contexte particulièrement mouvant que connaît aujourd'hui la sphère financière, il faut instaurer un minimum de réglementation pour que les opérations financières se déroulent dans un cadre partiellement contraint. Nous avons considéré, à la lumière de l'actualité récente - il a beaucoup été question de l'affaire Arcelor - qu'il convenait de donner plus de poids à la réglementation, afin de garantir l'intérêt général, dans un marché mondialisé, ouvert à tous les échanges.
De fait, il existe en France des autorités de régulation dont la mission est précisément d'encadrer le marché, dans le respect de l'intérêt général.
Sur les marchés financiers, l'AMF, puissante et dotée d'une autonomie et d'un budget qui doivent lui permettre d'être non seulement le gendarme de la bourse, mais aussi le gardien du patrimoine économique français, joue un rôle déterminant dans le dépôt ou non des OPA, puisqu'elle doit octroyer un visa préalable garantissant le respect, par l'attaquant, de ses obligations en matière de transparence et d'égalité de traitement des investisseurs.
Sur ce point, monsieur le ministre, il convient d'étendre les compétences de l'AMF à d'autres domaines, différents de ceux dont elle a la charge aujourd'hui. D'ailleurs, dans votre amendement « Danone », qui constitue le seul élément de patriotisme économique dans votre projet de loi, vous vous êtes appuyé sur l'AMF.
L'AMF a un rôle à jouer dans la protection des entreprises françaises et il faut renforcer ses prérogatives dans le contrôle des OPA ouvertes sur les sociétés relevant du droit français.
C'est la raison pour laquelle nous voulons ajouter aux obligations de l'attaquant celle de respecter, dans certains secteurs réservés, l'emploi, le savoir-faire et la politique industrielle du pays d'accueil. Les intentions stratégiques de l'initiateur devraient être un élément déterminant dans l'obtention d'un visa de l'AMF.
L'AMF, autorité publique de marché, est investie d'une mission de service public, qui comprend la protection de l'intérêt général économique. Ainsi pourrait être créé un collège spécialement investi de cette compétence en économie industrielle.
La prise en considération de l'intérêt général économique, notion définie par la jurisprudence du Conseil d'État, doit faire partie des critères d'octroi du visa de l'AMF à une OPA. Si l'initiateur n'a pas fourni de projet stratégique et industriel satisfaisant, l'AMF aura le pouvoir de bloquer la procédure.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, tel est l'objet de cet amendement qui, vous le comprenez bien, permet dans le contexte actuel de renforcer les garanties données sur le projet industriel. L'AMF est l'autorité tout indiquée pour apporter une contribution utile en la matière.
Cet amendement va également dans le sens des préconisations que nous avions déjà formulées lors de l'examen par le Sénat du projet de loi de sécurité financière. C'est véritablement dans cette direction que nous devrions nous engager aujourd'hui.