Avec l'amendement n° 20 rectifié, cet amendement fait partie des points sensibles qui nous ont conduits à envisager le rejet de ce texte, au cas où nous n'obtiendrions pas satisfaction.
En effet, cet article 11, qui est une transposition de l'article 12 de la directive, avait été présenté, lors de l'examen en première lecture, comme un moyen de protéger les sociétés cibles contre les sociétés attaquantes qui ne respecteraient pas les dispositions de l'article 9. En effet, l'article 12 de la directive prévoit le recours à l'argument de la réciprocité pour se prémunir contre les OPA hostiles des initiateurs qui n'auraient pas respecté l'article 9.
Or cette clause de réciprocité, telle qu'elle est transposée dans le présent projet de loi, ne peut pas être présentée comme un rempart utile pour les cibles françaises d'offres publiques hostiles, car elle est, en l'état actuel du projet de loi, inopérante. En effet, la clause de réciprocité ne peut pas être invoquée par les États qui ont transposé l'article 9, que nous appellerons l'obligation de passivité des dirigeants. C'est le cas de la France.
Reportons-nous au texte même de la directive. Aux termes de son article 12, les sociétés qui respectent l'obligation de passivité des dirigeants sont dispensées de le faire lorsqu'elles deviennent la cible d'une offre lancée par une société qui, elle, n'applique pas cette obligation de passivité prévue par l'article 9.
L'objectif du législateur européen était de protéger les entreprises qui auraient transposé librement l'article 9 sans craindre de se retrouver en situation de désavantage compétitif vis-à-vis de celles qui ne l'auraient pas fait. La directive dispose ainsi que l'exemption est réservée aux sociétés qui « appliquent les articles 9 et 11 », ce qui signifie qu'elles les appliquent au regard du jeu des « arrangements facultatifs » prévus par la directive et non au regard du droit national. La clause de réciprocité est destinée aux sociétés et non aux États !
C'est une clause d'incitation, en direction des sociétés, au respect des termes de la directive. La raison d'être de la clause de réciprocité se trouve bien dans le caractère facultatif de la transposition de l'article 9.
De deux choses l'une : soit l'État membre impose l'application de l'article 9 - c'est ce que vous voulez faire -, et, en ce cas, il est applicable à toutes les OPA et est opposable à tous les offrants, y compris à ceux qui n'appliquent pas ces articles ; soit l'État membre n'impose pas l'application de ces articles, et la réciprocité de l'article 12 s'applique afin de protéger les sociétés qui auraient procédé à la transposition de leur plein gré.
La transposition de l'obligation de passivité exclut l'application de la clause de réciprocité.
Finalement, la transposition de l'article 9, que vous avez décidé de pratiquer en France, prive les sociétés cibles du recours à un moyen de défense en imposant la passivité aux dirigeants, mais, en outre, elle ne leur permet pas de s'appuyer sur la clause de réciprocité.
En conséquence, le choix de la transposition que vous avez fait est le moins protecteur possible : non seulement la transposition de l'article 9 limite les moyens de défense de la cible, mais, de surcroît, elle écarte le recours à la clause de réciprocité. Et ce ne sont pas les maigres aménagements de M. le rapporteur qui y changeront quelque chose.
En réalité, vous ne pourrez pas utiliser l'article 11 du présent projet de loi comme un parapluie contre les effets de l'obligation de passivité. Ne racontez pas cela aux entreprises : elles risquent de considérer que la clause de réciprocité les protège, alors que c'est faux !
Tels sont, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les arguments qui sous-tendent cet amendement. Bien entendu, si cette prétendue protection était laissée en l'état, les entreprises françaises se verraient proposer une arme totalement inopérante, une sorte de « ligne Maginot ».