« Le recours au travail de nuit doit être exceptionnel. » Ainsi s'ouvre l'article L. 213-1 du code du travail. Mais nous savons que l'exception trouve si souvent à s'appliquer qu'elle tend à devenir la règle !
Le nombre de salariés travaillant de nuit est en effet de plus en plus important, comme le montre l'étude de la DARES publiée au mois de décembre dernier, que personne ne peut ignorer - certainement pas vous, monsieur le ministre ! - et dont nous avons déjà évoqué le contenu.
Le travail de nuit peut nuire à la santé. L'article L. 213-1 le souligne d'ailleurs puisqu'il précise que le travail de nuit « doit prendre en compte les impératifs de protection de la sécurité et de la santé des travailleurs », ce qui peut a priori se traduire ainsi : les salariés travaillant la nuit doivent pouvoir bénéficier d'un allégement global de leur durée hebdomadaire d'activité ou encore d'un suivi médical, tout simplement parce que le fait de travailler la nuit n'est pas naturel.
En la matière, vu l'état de la médecine du travail, nous sommes encore assez loin du compte - chacun pourrait au moins l'admettre -, d'autant que les formes d'atteinte à la santé sont diverses et tiennent, par exemple, aux conditions générales d'activité : l'environnement sonore, la présence de l'outil informatique, la manutention de charges ou la permanence de la station debout.
Comme nous l'avons souligné, l'ensemble des secteurs d'activité a connu une progression du nombre des salariés soumis au travail de nuit, mais les nouvelles formes de la pénibilité du travail que nous connaissons progressent également.
Ainsi, dans l'industrie, plus du tiers des salariés sont soumis à un bruit supérieur à 85 décibels, contre un peu plus du quart il y a neuf ans.
De même, le cinquième des salariés de l'industrie travaille sur écran, contre le dixième il y a dix ans ; c'est là le produit de l'informatisation renforcée des circuits de production.
Ce processus touche, notamment, les agents de maîtrise, les cadres et les techniciens de l'industrie, qui se substituent, dans bien des cas, aux ouvriers sur certains processus de production.
On ne peut également que souligner que plus du quart des salariés travaillent le plus souvent debout, la proportion atteignant, comme cela semble logique, hélas ! la moitié des salariés dans le secteur du commerce et des services.
Quand on ajoute le travail de nuit à ces conditions de travail demeurant pénibles ou recouvrant de nouvelles formes de pénibilité, le principe de précaution posé par l'article L. 213-1 du code du travail s'impose, et nous le reprenons.
Nous sommes, en revanche, beaucoup plus partagés sur la notion dangereusement floue de « nécessité d'assurer la continuité de l'activité économique ». C'est cette notion qui ouvre la porte à tous les abus et à toutes les mises en cause des principes tout à fait généreux et généraux posés par les premiers mots de l'article L. 213-1.
Dès lors, d'ailleurs, que l'on préconise de réglementer le travail de nuit au plus près du terrain, on peut aller jusqu'aux accords d'établissement : on laisse une place à une forme d'adaptabilité du code du travail aux seuls impératifs de « continuité de l'activité économique ».
Chacun ici l'aura compris, nous ne pouvons que préconiser d'en rester à la protection de la sécurité et de la santé des salariés.