Pour que chacun mesure la portée de cet amendement, il convient de citer l'actuel deuxième alinéa de l'article L 213-1 du code du travail : « La mise en place dans une entreprise ou un établissement du travail de nuit au sens de l'article L. 213-2 ou son extension à de nouvelles catégories de salariés sont subordonnées à la conclusion préalable d'une convention ou d'un accord collectif de branche étendu ou d'un accord d'entreprise ou d'établissement. »
Quelques éclaircissements s'imposent quant à l'organisation du travail de nuit qui découle de ces dispositions.
Le passage au travail de nuit est dépendant d'un accord, ce qui est la moindre des choses puisque ce n'est qu'au travers de la négociation collective que l'on peut en envisager tant la mise en place que l'extension. Cependant, une telle orientation souffre de deux défauts caractéristiques.
Premièrement, l'accord n'est pas présumé majoritaire et, de fait, un accord signé entre une organisation syndicale minoritaire et un employeur ou un groupement d'entreprises peut être validé.
Deuxièmement, l'accord peut être signé au niveau d'une branche, mais peut aussi descendre au niveau de l'entreprise ou de l'établissement. Une telle démarche est évidemment plus que discutable. Elle revient, en particulier, à mettre en question la possibilité, pour les salariés, dans des entreprises aux activités similaires, de disposer des mêmes droits et garanties.
Accord d'entreprise ou d'établissement : n'est ce pas là la meilleure manière de faire en sorte que, dans les entreprises où les organisations syndicales seraient un peu moins combatives qu'ailleurs, voire inexistantes, l'employeur puisse tirer son avantage le plus loin possible, en dérogeant largement aux principes fondamentaux qui s'appliquent en matière de travail de nuit, lequel est censé constituer l'exception ?
Nous affirmons que ce type de disposition permet aujourd'hui à n'importe quel groupe industriel constitué de déménager en province un établissement de production de fortes traditions revendicatives et de faire signer par les nouveaux salariés de cet établissement, issus, par exemple, du monde rural, un accord conventionnel sur l'organisation du temps de travail plus directement favorable, non pas à la « continuité de l'activité économique », selon la formule consacrée par le code, mais bien plutôt à la « rentabilité immédiate », fruit, entre autres, d'une utilisation plus importante des investissements matériels.
Il importe donc, ne serait-ce que pour que la concurrence naturelle entre les entreprises ne soit pas faussée par ce que l'on peut appeler le « dumping social », que les accords portant sur la mise en place du travail de nuit soient discutés au niveau des branches professionnelles et non, prétendument au plus près du terrain, par le biais d'accords d'entreprise ou d'établissement.