Si le « temps choisi » par le salarié est bien une illusion, comme nous le montrons sans mal tant les arguments qui nous sont opposés depuis le début de la discussion sur l'article 1er sont faibles, les dangers pour la santé des travailleurs sont eux bien réels.
Pour satisfaire votre désir de monétisation absolue du compte épargne-temps et les aspirations de flexibilité des entreprises, les modalités d'alimentation en temps sont largement, très largement ouvertes.
Alors qu'actuellement le repos compensateur de remplacement pouvant se substituer à la majoration salariale pour le paiement des heures supplémentaires peut déjà être affecté au compte épargne-temps comme peuvent l'être, dans certaines limites, les droits à congés ou jours de repos issus de la RTT, vous élargissez encore davantage ces possibilités en sacrifiant le repos compensateur obligatoire, lequel, en principe, ne peut être ni échangé, ni reporté au-delà d'une année.
Je passe rapidement sur les maxima de cinq jours dans l'année et de quinze jours au total, s'agissant de l'affectation des jours réalisés au-delà de la durée collective du temps de travail.
Pour ne pas entraver la « liberté chérie » du salarié qui souhaite renoncer à son temps de repos compensateur obligatoire lorsqu'il estime ne pas en avoir besoin, toutes les garanties sautent. C'est « no limit » et sans souci puisque, quand même, comme a cru bon de le préciser Pierre Morange, co-auteur de la proposition de loi : « La protection de la santé du salarié est assurée quant à elle par les limites maximales du temps de travail, ainsi que par les durées minimales obligatoires de repos, aux plans tant quotidien qu'hebdomadaire. »
Décidément, nous devons une fière chandelle à la directive européenne sur le temps de travail retirant la norme progressiste de 48 heures hebdomadaires !
On peut voir dans ces glissements successifs votre volonté de faire de notre droit du travail le droit non pas de la protection des travailleurs, mais de leur asservissement. Dans le cadre de la relation de travail, qui reste une relation déséquilibrée, en raison notamment de la dépendance économique des salariés, nous sommes persuadés qu'il importe, au contraire, de maintenir et de renforcer les protections de ces derniers, y compris contre eux-mêmes.
Enfin, monsieur le ministre, on ne peut que s'étonner du décalage entre de telles dispositions attentatoires à la santé et à la sécurité des salariés et votre volonté affichée de faire de la santé au travail votre priorité.
Vous pouvez vous targuer des chiffres, des comparaisons avec les USA, votre modèle - j'en ai été offusqué lors de votre propos liminaire -, l'intensification du travail en France et les chantages permanents à l'emploi sont bien à la source de l'explosion des accidents du travail et des maladies professionnelles, comme l'a rappelé mon collègue Guy Fischer. Le stress, pour n'évoquer que lui, est devenu une réalité inquiétante dans le monde du travail.
Pour lutter contre ce fléau, les remèdes sont connus. Le réaménagement du milieu et des conditions de travail est le plus sûr moyen pour les entreprises de réussir, sur le long terme, à améliorer la santé des salariés, donc la performance de l'économie.
Or vous faites les calculs inverses et, de surcroît, vous stigmatisez les salariés victimes de souffrances au travail, trop gros consommateurs d'indemnités journalières. Pour bien marquer notre désapprobation envers ces choix, nous proposons d'exclure des modalités d'alimentation du compte épargne-temps les heures de repos compensateur obligatoire.