Intervention de Roland Muzeau

Réunion du 2 mars 2005 à 15h00
Réforme de l'organisation du temps de travail dans l'entreprise — Article 1er

Photo de Roland MuzeauRoland Muzeau :

Dans le cadre la première loi Aubry, le compte épargne-temps était une modalité de financement d'un congé initialement non rémunéré. Mais, plus que cela, il représentait pour le salarié une liberté de gestion de son temps de travail, liberté qui s'inscrivait parfaitement dans la réduction du temps de travail.

Cette liberté du salarié se traduisait notamment par la faculté accrue de consacrer son temps à des activités en dehors de son emploi, par exemple des activités familiales, associatives, culturelles ou de formation.

Sous réserve du respect des dispositions de la convention collective qui a mis en place le compte et sans oublier que c'est l'entreprise qui conserve une maîtrise importante sur la gestion du temps de travail du salarié, ce dernier avait la plus grande latitude pour décider du rythme de son épargne, de l'utilisation et de la durée d'un congé.

La loi Fillon de janvier 2003 remettait déjà en cause le fait de pouvoir épargner essentiellement du temps. En effet, en permettant une certaine monétisation du compte, elle a fait primer la valorisation en argent au détriment de la valorisation en temps.

Avec la proposition de loi présentée aujourd'hui, le principe du compte épargne-temps se trouve définitivement renversé. La législation antérieure - je parle des lois Aubry - favorisait la prise de repos par le salarié. La nouvelle, la vôtre, celle que vous soutenez avec votre majorité, va privilégier la transformation du repos en argent.

En transformant le temps de repos en argent, c'est une autre logique qui s'installe et que nous combattons. En effet, il est prévu que le compte pourra être alimenté par des jours de congés annuels, des heures et jours de repos, des RTT, des heures supplémentaires et, enfin, par des augmentations ou compléments de salaires. Mais dans quel but ?

La logique du financement d'un congé initialement rémunéré s'efface devant la logique capitalistique, puisqu'il est prévu que les droits affectés sur le compte épargne-temps sont utilisés pour compléter la rémunération de celui-ci, pour alimenter un plan d'épargne retraite ou, enfin, pour indemniser un congé non rémunéré.

Nous refusons la monétisation totale du compte épargne-temps. Les salariés - les derniers sondages le prouvent - ne sont pas unanimes quant à l'abandon de leurs jours de RTT contre de l'argent. C'est pourquoi notre amendement de repli vise à réduire la possibilité d'alimenter le compte épargne-temps avec les jours de repos issus de la réduction du temps de travail.

La rédaction de l'article 1er ne nous étonne guère. La monétisation du compte épargne-temps s'inscrit parfaitement dans votre logique individualiste : la nouvelle formule de ce compte n'encourage évidemment pas le partage du temps de travail.

Par ailleurs, c'est la convention ou l'accord collectif qui définira l'utilisation du compte épargne-temps. Il y a fort à parier que l'option de la monétisation du temps sera choisie dans la plupart des cas : c'en est fini de la possibilité pour les salariés de financer un congé, autrement dit de dégager du temps pour un projet personnel.

Le compte épargne-temps, tel qu'il est proposé, est un marché de dupes : les salariés seront inévitablement perdants. Il fait disparaître toute idée de profiter de la réduction du temps de travail autrement que par de l'argent. C'est pourquoi nous en refusons la logique.

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