L'amendement n° 33 tend à supprimer de l'alinéa visé la mention : « sauf disposition contraire prévue par la convention ou l'accord collectif », mention qui s'applique à la possibilité pour le salarié d'utiliser les droits affectés au compte épargne-temps pour compléter sa rémunération. Il faut préciser que le choix de cette option est laissé à l'initiative du salarié : c'est un des droits qui lui restent !
Mais la proposition de loi recèle un piège : le salarié pourra utiliser les droits pour compléter sa rémunération annuelle sauf si l'accord collectif en décide autrement. Là aussi, l'inquiétude est grande : un simple accord d'entreprise signé par un salarié mandaté ou n'ayant pas fait l'objet d'opposition pourra donc valablement priver le salarié de la jouissance de ses droits affectés au CET. Je vous laisse imaginer les dégâts !
Il est vrai aussi que, si l'accord collectif ne prévoit pas le contraire, l'employeur pourra obtenir que les droits soient utilisés dans l'année, ce qui lui évitera de provisionner des sommes trop importantes à l'échelle de son entreprise.
Quoi qu'il arrive, c'est donc bien désormais l'employeur qui, en fonction de sa situation et de ses intérêts, a la maîtrise du CET.
Non seulement le salarié est dépossédé de sa pleine initiative pour alimenter le CET, mais, s'il souhaite ou s'il a besoin de compléter à bref délai sa rémunération, il peut se voir opposer un accord, signé en son nom, qui le privera de ses droits. S'il n'est pas prévu qu'il peut utiliser ses droits annuellement, il risque, en vertu d'une disposition collective, de ne pouvoir le faire que sur une longue période.
Je dois appeler votre attention, mes chers collègues, sur le fait que le salaire - c'est d'ailleurs le fondement idéologique de vos positions en droit du travail - est un élément essentiel du contrat de travail et que le contrat de travail est individuel. Comment un accord collectif pourra-t-il priver un salarié, fût-ce momentanément, d'une partie de sa rémunération ? Le CET n'est pas un élément dans un système d'assurance sociale obligatoire où une prestation vient répondre à une cotisation : il faut le préciser, nous sommes seulement en présence, tout au moins en principe, d'une rémunération différée.
Qu'en est-il si le salarié veut, pour quelque motif que ce soit, disposer dans l'année de la totalité de ses droits ? S'il n'a pas adhéré à un plan d'épargne retraite, on voit mal sur quel fondement il pourra en être privé !
Encore une fois, tout cela est la conséquence de cet abandon de la puissance publique, de cette irresponsabilité intentionnelle et de cette volonté de mettre de côté le législateur. L'accord collectif décidera de tout ! On voit que, en l'espèce, il semble surtout destiné à décider à la place du salarié.