Intervention de Roland Muzeau

Réunion du 2 mars 2005 à 15h00
Réforme de l'organisation du temps de travail dans l'entreprise — Article 1er

Photo de Roland MuzeauRoland Muzeau :

Le III de l'article 1er procède du même esprit que celui que nous avons déjà évoqué et qui est en oeuvre dans le II de ce même article.

Il s'agit juste de faire en sorte que l'abondement des entreprises au titre du compte épargne-temps puisse, comme c'est le cas actuellement, faire l'objet d'une exemption de cotisations sociales et de prélèvement fiscal.

Que les choses soient claires ! Nous avons indiqué, notamment pendant l'été 2003, lors du débat sur les retraites, que nous sommes clairement opposés à cette forte incitation que constitue la franchise fiscale et sociale sur les abondements des PERCO.

Si de telles dispositions étaient adoptées en l'état, elles viendraient très nettement polluer la relance de la négociation collective que prétend favoriser, notamment, la loi du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social.

En effet, adopter les dispositions de ce III offre l'opportunité à la partie patronale de proposer une nouvelle variante de l'utilisation des jours de repos résultant de la mise en oeuvre de la réduction ou de l'aménagement du temps de travail.

De surcroît, une telle mesure exclut du champ d'application des prélèvements sociaux - c'est évidemment plus que problématique - des sommes plus ou moins importantes, ce qui constitue une formidable incitation à substituer les versements au PERCO à la rémunération directe.

A ce stade de la réflexion, nous pouvons évidemment nous interroger sur plusieurs points.

Premièrement, le PERCO peut être instrumentalisé pour favoriser les procédures d'autocontrôle du capital des entreprises concernées.

Deuxièmement, les PERCO sont fortement sollicités pour intervenir sur les marchés obligataires.

Dans les faits, la monétisation du compte épargne-temps deviendra, par voie de conséquence, un outil de financement de la dette publique, une marge de manoeuvre financière plus ou moins consistante permettant à l'Etat de lever sans trop de douleur les ressources extrabudgétaires dont il a besoin pour faire face à son endettement.

En clair, l'absence de revalorisation des salaires directs, et notamment de ceux qui sont perçus par les cadres, qui constituent, par excellence, le public cible du PERCO, conduira à alimenter la dette publique, dont le service est le principal obstacle à une amélioration durable des comptes publics et donc à la baisse des impôts, lesquels pèsent sur les mêmes.

Troisièmement, l'absence de prélèvement social ou fiscal sur les abondements conduit naturellement à privilégier une telle affectation de la valeur ajoutée, au détriment de l'emploi, des salaires et de l'investissement productif.

La mise en place des PERCO est donc contre-productive en termes d'emplois et génératrice, parce qu'elle gonfle le taux d'épargne des ménages, de nouveaux ralentissements de l'activité économique.

Tout laisse donc penser que la monétisation « encadrée » du compte épargne-temps n'est pas une mesure favorable aux premiers intéressés.

Le III de l'article 1er n'est que le nouveau produit d'une idéologie libérale « pur sucre », affidée aux marchés financiers et répondant d'abord et avant tout aux souhaits des gestionnaires de PERCO, c'est-à-dire, bien souvent, des établissements de crédit et des sociétés d'assurance.

Cette disposition n'a rien à voir avec les objectifs de réduction du temps de travail, pas grand-chose à voir non plus avec le nécessaire redressement des comptes sociaux, et encore moins avec la simple justice sociale.

Sous le bénéfice de ces observations nous vous invitons, mes chers collègues, à adopter cet amendement de suppression du III de l'article 1er.

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