Intervention de Roland Muzeau

Réunion du 28 février 2006 à 10h20
Égalité des chances — Article 3 bis suite, amendement 656

Photo de Roland MuzeauRoland Muzeau :

J'en viens à l'amendement n° 656.

Comme nous le voyons depuis le début de l'examen de l'article 3 bis, le contrat première embauche, c'est le retour au XIXème siècle pour une génération de jeunes envers lesquels les employeurs n'auront plus à justifier d'un motif réel et sérieux de licenciement.

Pour sortir du chômage et de la précarité, les jeunes de moins de vingt-six ans se verront offrir comme perspective une angoisse au quotidien durant les deux premières années d'exécution du contrat, si tant est que celui-ci dure si longtemps.

Par le droit, vous les précarisez et dessinez ainsi sans complexe les contours de la nouvelle condition salariale, celle qu'analyse justement M. Patrick Savidan : des salariés taillables et corvéables à merci que l'on peut jeter, reprendre au gré des besoins de l'entreprise. Ce n'est pas une caricature, c'est votre CPE !

En défendant notre précédent amendement, je faisais remarquer que l'article 3 bis avait aussi pour conséquence de priver les salariés en CPE licenciés collectivement pour motif économique des garanties de droit commun, dont l'obligation de reclassement, mais aussi de la priorité de réembauchage.

En effet, l'article L.321-14 du code du travail dispose ceci : « Le salarié licencié pour motif économique bénéficie d'une priorité de réembauchage durant un délai d'un an à compter de la date de rupture de son contrat s'il manifeste le désir d'user de cette priorité. Dans ce cas, l'employeur l'informe de tout emploi devenu disponible et compatible avec sa qualification. [...] »

Au passage, je vous signale que la jurisprudence considère qu'un poste tenu par des stagiaires est un poste disponible. Nous reviendrons donc sur cette question un peu plus tard.

Si l'employeur manque à ses obligations en ce domaine, il est passible d'une sanction financière.

Cette priorité de réembauchage doit être mentionnée dans la lettre de licenciement ou le document écrit adressé au salarié qui énonce le motif de licenciement, motif justement absent lors de la rupture du CPE, comme chacun s'en souvient.

Si, ainsi que vous le prétendez, le CPE est destiné à sécuriser les parcours professionnels, et donc de vie, des jeunes auxquels il s'adresse, il me semble pour le moins paradoxal de ne pas prévoir que les salariés dont le contrat est rompu bénéficient d'une priorité de réembauchage pendant un an dans l'entreprise.

Notre amendement remédie à cet oubli. Il est tout aussi paradoxal de ne pas avoir envisagé sérieusement la mise en place d'autres outils financés spécifiquement par l'employeur, comme un accompagnement personnalisé, visant eux aussi à permettre aux jeunes salariés de retrouver le plus rapidement possible un emploi.

En cas de rupture, le titulaire d'un CPE ne pourra pas prétendre de plein droit à l'indemnisation du chômage. Il entrera éventuellement dans le cadre des conventions de reclassement avec accompagnement personnalisé. Avec plus de chance, il se verra offrir un autre CPE.

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