Intervention de Roland Muzeau

Réunion du 28 février 2006 à 10h20
Égalité des chances — Article 3 bis suite

Photo de Roland MuzeauRoland Muzeau :

Même un amendement qui n'a strictement aucune portée, le Gouvernement n'en veut pas. C'est quand même fort !

Le paragraphe III de l'article 3 bis traite notamment du régime spécifique d'indemnisation du chômage, dont relèveront les salariés sortant d'un CPE.

Conscient tout de même que ce contrat atypique d'un nouveau genre proposé à l'ensemble des jeunes était effectivement critiquable dans la mesure où il était hors cadre du droit commun, excluant toutes les garanties, si minimes soient-elles, applicables notamment en matière de licenciement, le Gouvernement s'est employé à vanter d'autres aspects particuliers du CPE.

Ainsi, comme le Locapass - dispositif facilitant l'accès au logement - ou les droits reconnus à la formation, l'indemnisation à laquelle ce contrat ouvre droit est présentée comme un atout supplémentaire, une innovation majeure contrebalançant en quelque sorte la précarité bien réelle par ailleurs imposée.

Quelles que soient les précautions prises par le Gouvernement que vous soutenez sans broncher, mes chers collègues, une lecture attentive du texte permet de relativiser les supposées avancées qu'il contient.

Le droit individuel à la formation requérant l'accord de l'employeur à raison de vingt heures par an existe déjà pour les salariés en CDI. Vous avancez simplement le délai d'ouverture du droit à un mois d'ancienneté.

S'agissant de la sécurisation du parcours d'accès au logement, le texte se contente de prévoir que l'employeur est tenu d'informer son salarié des dispositifs existants accordant une garantie et une caution de loyer. Encore faut-il que lesdits dispositifs puissent absorber tous les bénéficiaires potentiels du CNE, mais aussi que la durée de dix-huit mois pendant laquelle, gratuitement, les échéances de loyer peuvent être payées au propriétaire, soit adaptée à l'incertitude que fait peser sur le salarié, d'une part, le fait que durant vingt-quatre mois son contrat peut être rompu et, d'autre part, le fait qu'à l'issue de ces deux ans rien ne lui garantit la transformation en CDI.

S'agissant enfin des droits à indemnisation chômage et au bénéfice de la convention de reclassement personnalisé, là encore, ce qui semble vous convenir, ne saurait nous satisfaire.

En effet, mes chers collègues, l'allocation forfaitaire versée durant deux mois, c'est évidemment mieux que rien. Reste que, dans son montant - 16, 40 euros par jour au lieu de 25, 01 euros pour l'allocation de base du régime de droit commun d'indemnisation chômage - et dans sa durée - deux mois au maximum au lieu de sept -, cette allocation est sensiblement inférieure à l'allocation minimale des ASSEDIC.

Reste surtout que les jeunes salariés aux parcours chaotiques, éjectés de l'entreprise avant d'avoir travaillé suffisamment longtemps - quatre mois en CPE ou enchaînant des CPE de courte durée - demeureront, pour les uns, exclus du dispositif de l'allocation forfaitaire et, pour les autres, maintenus en marge du système d'assurance chômage, dont relèvent les autres salariés. Bref, ils seront exclus de la protection indemnitaire de droit commun en raison de leur âge et du type d'emploi précaire proposé, et ce alors même qu'ils cotisent dès le premier mois de travail.

Que dire, par ailleurs, du droit à une convention de reclassement personnalisé, dispositif dont on attend encore le bilan, mais qui est déjà largement torpillé par l'expérimentation du contrat de transition professionnelle, si ce n'est qu'il est lui aussi largement hypothétique.

Nous venons de voir toutes les limites de l'accord de décembre dernier sur l'assurance chômage, qui a, une fois de plus, écarté le sujet de l'amélioration de la couverture des situations de chômage aux primo-demandeurs d'emploi ou aux salariés précaires.

Nous voyons également toute l'hypocrisie de cet article sur le CPE, dit « projet le plus social jamais élaboré pour les jeunes » - excusez du peu ! - qui ne sécurise absolument pas la situation financière et juridique des personnes qu'il vise.

Dans ces conditions, le présent amendement de suppression se justifie pleinement.

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