Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, permettez-moi plusieurs remarques en conclusion de l'examen de l'article 3 bis instituant le contrat dit de première embauche.
En introduisant, par voie d'amendement, un dispositif rejeté par les Français, non examiné par les partenaires sociaux, dans un texte sur lequel l'urgence était déclarée, M. de Villepin a montré, une nouvelle fois, qu'il était l'homme de tous les coups de force.
Coups de force contre toutes les organisations syndicales : CGT, CFDT, FO, CFTC, CGC, UNEF, syndicats lycéens...
Coup de force permanent contre la démocratie et le Parlement, confirmé au Sénat, où les parlementaires de la majorité, muselés, ont respecté la consigne donnée de ne pas amender un article. Résultat ? Le CPE est en passe d'être adopté conforme, et ce malgré les questions qu'il soulève. Aucun des 81 amendements mis en discussion n'a été retenu. L'UMP, droite dans ses bottes, s'est bouchée les oreilles pour ne pas entendre la réprobation populaire, notamment celle des jeunes.
Coup de force idéologique également, puisque le CPE s'impose désormais comme la clé de voûte d'un projet de loi pour l'égalité des chances, alors que, justement, il légalise la précarisation des conditions d'existence des jeunes salariés, jeunes que ses auteurs considèrent comme une charge.
Nous ne pouvons accepter qu'au nom de l'emploi, après le vote du 29 mai et après les graves évènements de novembre dernier, ce gouvernement légitime aujourd'hui toute une série de réformes accentuant l'insécurité sociale des salariés.
Le CPE comme le CNE viennent faire écho aux demandes du MEDEF et des ultralibéraux attribuant au code du travail, aux droits et garanties collectives, la responsabilité du chômage. Ils sont une réponse à leur désir d'une flexibilité quasi complète du licenciement.
Avant tout, ces nouveaux contrats, échéance de 2007 oblige, répondent à un objectif de diminution rapide des chiffres du chômage. On utilisera donc s'il le faut les pires méthodes. Le Gouvernement cherche à doper les embauches et non à augmenter le volume d'emplois, à substituer des emplois très précaires à d'autres emplois précaires.
Les résultats des premières enquêtes destinées à faire apparaître l'impact du CNE sur le chômage, l'emploi et le bien-être valident cette observation quant aux effets limités sur les créations nettes d'emplois. D'après les économistes Pierre Cahuc et Stéphane Carcillo, le CNE ne créerait que 70 000 postes de plus. En outre, pour eux, « il est possible que ces emplois créés soient détruits afin d'éviter d'entrer dans un régime de protection de l'emploi contraignant, un CDI avec déjà deux ans d'ancienneté. » En revanche, l'impact négatif du CNE sur les conditions de vie des salariés est, lui, réel et durable.
Le CPE étant un copier-coller du CNE, ses effets seront identiques et tout aussi redoutables.
Nous avons démontré, au fil de nos amendements, que le CPE soulevait une question de principe tout d'abord, dans la mesure où, contrairement à la convention 158 de l'OIT, ratifiée par la France, il permet le licenciement d'un travailleur sans motif valable et sérieux, d'une part, et sans procédure contradictoire, d'autre part.
Nous avons vu que ce dispositif, excluant, en raison de leur âge, une catégorie de salariés, des garanties des règles de droit commun en matière de licenciement, introduisait une discrimination injustifiable entre les jeunes de moins de vingt-six ans et les autres salariés.
Plus grave peut-être encore, nous avons fait la démonstration que le fait de pouvoir licencier à tout moment, pendant deux ans, déséquilibrait la relation de travail au profit de l'employeur, mettait les jeunes dans une position de totale soumission, exposait ces derniers à l'arbitraire, bref, que le CPE précarisait les conditions d'existence des jeunes salariés en laissant ces derniers « dans un état de parfaite indétermination quant à leur avenir. »
Convaincus de la perversité immédiate du CPE pour le jeune salarié et des dangers potentiels qu'il recèle pour l'ensemble des salariés - le CPE n'étant qu'une première étape dans la réforme voulue du contrat de travail en général -, nous voterons résolument contre.
Pour reprendre la conclusion d'une tribune publiée dans Le Monde et signée par un collectif de juristes de droit social, « Non, décidément, l'espoir très aléatoire d'une amélioration de l'emploi ne peut justifier l'existence d'une catégorie de salariés corvéables à merci et l'effacement de trente-deux années d'acquis sociaux, ainsi que la négation de principes fondamentaux internationalement reconnus. »
Cet avis, mes chers collègues, est majoritairement partagé par nos concitoyens. Nous sommes à leurs côtés, ici comme dans la rue. Nous voterons contre le CPE !