Sans même évoquer son impact macroéconomique, qui m’apparaît très incertain et limité, je m’interroge sur le coût de cette mesure, qui devrait être comprise entre 2 milliards et 3 milliards d’euros, soit autant de déficit en plus, et sur sa compatibilité avec les engagements de retour à l’équilibre de nos comptes d’ici à la fin de cette législature.
La viscosité et, pour tout dire, la gravité de la situation de nos finances publiques nous obligent à des remises en ordre salutaires et indispensables, mais aussi à une saine et utile pédagogie de la réforme. Nous ne pouvons faire l’économie de la réforme car, à terme, ce seront les réformes qui feront les économies, comme le rappelle le Président de la République.
De ce point de vue, permettez-moi de saluer à nouveau l’ambition réformatrice incarnée par la révision générale des politiques publiques, dont vous êtes le rapporteur général, monsieur le ministre. Celle-ci vise à accroître l’efficacité du système, à en adapter la gouvernance, à en diminuer les frottements. On ne peut qu’espérer qu’elle rejoigne dans l’ambition réformatrice celle qui, sous l’autorité du général de Gaulle, fut portée, en son temps, par le rapport Rueff-Armand !
Si chacun souhaite que les synergies et, donc, à terme, les gains de productivité soient encore plus significatifs, je tenais à saluer cette démarche, qui est portée au plus haut niveau de l’État et dont vous êtes l’acteur et le moteur, monsieur le ministre. Sachez que notre soutien vous est acquis !
Nous attendons avec impatience les premiers résultats de la revue générale des prélèvements obligatoires, cette petite sœur de la révision générale des politiques publiques. Je souhaite vivement qu’elle nous aide à trouver les moyens de rendre notre pays plus compétitif dans une économie désormais mondialisée, afin que tous ceux qui entreprennent retrouvent des marges de manœuvre et de liberté. J’en attends de l’audace et des propositions innovantes !
Nous ne saurions nous satisfaire de modifications à la marge, d’améliorations d’un système de prélèvements qui date du précédent millénaire et qui n’est plus adapté au nomadisme économique, à la disparition des frontières fiscales ou à l’irruption des nouvelles technologies, qui taillent en pièces nos convictions fiscales les plus fortes.
À cet égard, le temps est venu de nous demander s’il est encore fondé d’affirmer que certains impôts seraient payés par les ménages tandis que d’autres le seraient par les entreprises. Cette convention est commode et politiquement correcte, mais elle nous égare. À la vérité, les impôts et les prélèvements sociaux sont toujours, en définitive, payés par les ménages. Les impôts, taxes et autres cotisations sociales acquittés par les entreprises se retrouvent nécessairement dans le prix des biens et des services offerts aux consommateurs.
Les conséquences étaient sans gravité lorsque l’économie nationale échappait encore à la mondialisation, à la concurrence des territoires plus compétitifs que le nôtre du fait de lois moins exigeantes ou de systèmes fiscaux moins pesants et moins agressifs envers la production et l’emploi.
Les discours anesthésiants et les propos convenus ne suffisent plus à masquer l’ampleur des délocalisations d’activités et d’emplois. Ce matin, l’actualité nous apprend la disparition de plusieurs centaines d’emplois dans le secteur automobile. Faut-il rappeler que la France produisait 3, 3 millions de véhicules automobiles en 2001 et qu’elle en a produit 2, 2 millions en 2007, soit un tiers de moins ? Malheureusement, je crains que ce mouvement ne se poursuive. Qui peut encore sous-estimer l’ampleur du déficit croissant de notre balance commerciale, qui atteint 40 milliards d’euros en 2007 ? Cela signifie que nous consommons plus que ce que nous produisons.
Nous avons rendez-vous avec la réalité économique. Les impôts de production, notamment les cotisations assises sur le travail, qui financent les branches santé et famille, sont des activateurs de délocalisations d’activités et d’emplois. Il en est de même, dans une mesure significative, de la taxe professionnelle. Il va falloir, monsieur le ministre, rompre avec les tabous et mettre en chantier des réformes qui ne peuvent plus attendre.
Voilà un an, vous vous en souvenez, nous avions déjà débattu de cette question. C’est dire si je suis impatient de connaître les orientations de la revue générale des prélèvements obligatoires. J’ajoute que la dématérialisation des transactions ne fait qu’aviver la problématique fiscale. Le commerce par internet, le e-business, rend la perception des impôts et des taxes aléatoire. Au surplus, les États se livrent à une concurrence fiscale sans merci.
Pour conclure, je veux insister, compte tenu d’un contexte économique international de crise, sur la nécessité absolue de tenir fermement la dépense publique, de poursuivre résolument l’action réformatrice engagée par le Gouvernement et, enfin, de ne pas confondre la lutte contre la vie chère par l’intensification de la concurrence entre les distributeurs avec l’amélioration du pouvoir d’achat qui résulterait d’une plus grande compétitivité du travail, des entreprises et de nos territoires.
Qu’il s’agisse de l’État, de la sécurité sociale ou des collectivités territoriales, tous les acteurs publics doivent contribuer à la maîtrise des dépenses et à l’équilibre de nos finances. Mais si l’art de gouverner est en cause, tel est aussi le cas de l’art de légiférer, monsieur le ministre. Nombre de lois sont assorties de nouvelles normes. Par exemple, la loi du 27 juin 2005 relative aux assistants maternels et aux assistants familiaux prévoyait que ces derniers devaient bénéficier de soixante heures de formation. Désormais, il est question de cent vingt heures. Qui en supportera le coût ?