Intervention de Joseph Kergueris

Réunion du 7 janvier 2009 à 16h00
Communication audiovisuelle nomination des présidents de sociétés de l'audiovisuel public — Discussion d'un projet de loi et d'un projet de loi organique déclarés d'urgence

Photo de Joseph KerguerisJoseph Kergueris, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la rénovation de l’audiovisuel public ne porte pas uniquement sur l’audiovisuel national. Elle comporte aussi un volet, important à nos yeux, qui est consacré à l’audiovisuel extérieur.

En effet, les deux projets de loi contiennent plusieurs dispositions visant à prolonger la réforme de l’audiovisuel extérieur, lancée sur l’initiative du Président de la République au cours de l’année dernière.

Compte tenu de l’importance de l’audiovisuel extérieur pour la place et l’influence de la France et de notre langue à l’échelle internationale, la commission des affaires étrangères a souhaité se saisir pour avis de ces deux textes. Naturellement, son avis porte non pas sur l’ensemble des dispositions, mais uniquement sur les articles ayant trait à l’audiovisuel extérieur.

Ainsi, l’aspect le plus emblématique de la réforme, la suppression progressive de la publicité sur les chaînes du service public, s’applique uniquement au territoire national et, à ce titre, ne concerne pas l’audiovisuel extérieur. Par conséquent, je ne l’évoquerai pas. Toutefois, je pense utile de dire un mot du financement de l’audiovisuel extérieur, dont nous nous sommes déjà entretenus ici, voilà quelques semaines, madame la ministre.

La commission des affaires étrangères et la commission des affaires culturelles ont travaillé ensemble et en bonne intelligence dans le cadre de l’examen des dispositions relatives à l’audiovisuel extérieur. Elles ont ainsi procédé, le 2 décembre dernier, à une audition commune du président-directeur général de la société Audiovisuel extérieur de la France, M. Alain de Pouzilhac, et de sa directrice générale déléguée, Mme Christine Ockrent. Ce travail en bonne entente a permis d’aboutir à des conclusions identiques ou très proches.

Permettez-moi d’ailleurs de saluer le travail effectué par les deux co-rapporteurs de la commission des affaires culturelles, Mme Catherine Morin-Desailly et M. Michel Thiollière, ainsi que par le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, M. Bruno Retailleau, que nous venons d’entendre.

Depuis plusieurs années, des parlementaires de sensibilités diverses appelaient de leurs vœux une réforme de l’audiovisuel extérieur.

À la différence de nos partenaires européens, qui disposent souvent d’un opérateur unique, comme la BBC pour le Royaume-Uni ou la Deutsche Welle pour l’Allemagne, l’audiovisuel extérieur français se caractérisait par la dispersion de ses opérateurs. Il comprenait ainsi deux chaînes de télévision, TV5 Monde et France 24, et deux radios, Radio France Internationale et sa filiale en langue arabe, Monte Carlo Doualiya.

De nombreux rapports avaient mis en évidence la fragmentation, la mauvaise organisation, voire le manque d’efficacité de l’audiovisuel extérieur français, malgré un budget équivalent à celui de nos partenaires. Sur l’initiative du Président de la République, un comité de pilotage a donc été chargé d’une réflexion sur la réforme de ce secteur et a remis ses conclusions en décembre 2007.

Ce rapport fixe deux missions à l’audiovisuel extérieur. La première est une mission d’influence, la France devant pouvoir rivaliser avec les grands médias internationaux tels que CNN ou Al Jazeera. La seconde est une mission culturelle consistant à promouvoir nos valeurs, à savoir la francophonie, la démocratie et les droits de l’homme.

Ces travaux ne sont pas restés lettre morte, puisque la principale recommandation du comité, la création d’une société holding Audiovisuel extérieur de la France, a été suivie d’effets en avril 2008.

Cette holding, qui a vocation à regrouper l’ensemble des participations publiques dans les sociétés du secteur audiovisuel extérieur, a pour mission de définir les priorités stratégiques et d’encourager les synergies entre les opérateurs que j’ai précédemment mentionnés.

Cette réforme vise donc à offrir plus de cohérence et d’efficacité à notre audiovisuel extérieur, et, tout à fait normalement, les deux projets de loi qui nous sont soumis comportent plusieurs dispositions visant à la prolonger.

Ainsi, le projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision fait de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France une société nationale de programme, ce qu’elle n’était pas auparavant, à l’image de France Télévisions et de Radio France. Il définit ses missions, ainsi que ses moyens d’action.

De plus, nos collègues députés ont précisé par un amendement que, à l’instar des autres sociétés de programme, le capital de cette société restera entièrement détenu par l’État. Cette initiative me paraît bienvenue au regard de l’expérience malheureuse et, disons-le, tumultueuse de la reprise par l’État de la participation de TF1 dans le capital de France 24.

Les règles de gouvernance de la holding, notamment la composition de son conseil d’administration et la procédure de nomination de son président, sont largement inspirées de celles de France Télévisions et de Radio France.

Enfin, en proposant de soumettre la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France à l’obligation de conclure un contrat d’objectifs et de moyens avec l’État, le projet de loi vise à combler une faille majeure : l’absence de véritable pilotage stratégique de l’audiovisuel extérieur. En raison des déficiences de la tutelle de l’État, cette obligation ne s’est jamais concrétisée pour Radio France Internationale, alors même que la loi l’impose depuis 2000.

La grande nouveauté du projet de loi tient donc au fait que Radio France Internationale, France 24 et, dans une certaine mesure, TV5 Monde seront désormais pilotées en fonction d’une stratégie globale, dans le cadre d’un contrat d’objectifs et de moyens.

Ce document sera commun à l’ensemble des sociétés de l’audiovisuel extérieur et, surtout, il contiendra des engagements pluriannuels de l’État sur le financement du secteur, ce qui est indispensable pour des sociétés audiovisuelles intervenant dans un contexte très concurrentiel.

Comme nous pouvons le constater, les règles applicables à la société en charge de l’audiovisuel extérieur sont largement inspirées de celles qui sont relatives à France Télévisions ou à Radio France. La réforme de l’audiovisuel extérieur est donc parfaitement cohérente avec celle de l’audiovisuel public national.

À l’occasion de l’examen des deux textes présentés, la commission des affaires étrangères a adopté plusieurs amendements visant à conforter cette réforme.

Ceux-ci peuvent être regroupés en trois volets.

Tout d’abord, tout en approuvant les nouvelles règles relatives à la gouvernance de la société en charge de l’audiovisuel extérieur, nous avons souhaité porter de quatre à cinq le nombre de personnalités indépendantes désignées par le Conseil supérieur de l’audiovisuel pour siéger à son conseil d’administration. Nous obtiendrons ainsi un nombre de membres équivalent à celui de France Télévisions.

Ensuite, en précisant qu’une de ces personnalités au moins doit disposer d’une expérience reconnue dans le domaine de la francophonie, nous avons voulu conforter la place de la francophonie dans la réforme de l’audiovisuel extérieur et rassurer nos partenaires francophones, en particulier ceux qui travaillent avec nous au sein de TV5 Monde.

Enfin, compte tenu de l’importance de l’audiovisuel extérieur pour la place et l’influence de la France et de notre langue au niveau international, il nous a semblé indispensable que la commission des affaires étrangères soit pleinement associée au contrôle parlementaire sur la société en charge de cette activité.

En effet, comment justifier, dès lors que la holding sera soumise à l’obligation de conclure un contrat d’objectifs et de moyens, que les commissions des affaires étrangères de l’Assemblée nationale et du Sénat ne soient pas destinataires de ce document au même titre que les commissions des affaires culturelles et les commissions des finances des deux assemblées ? Il y a ici une anomalie dont je m’étonne qu’elle n’ait pas été corrigée lors des débats à l’Assemblée nationale.

Enfin, pour conclure, je voudrais évoquer le financement de l’audiovisuel extérieur. La loi de finances pour 2009 attribue à ce dernier un montant d’environ 300 millions d’euros, en provenance de deux sources différentes : 65 millions d’euros au titre de la redevance audiovisuelle et 233 millions d’euros de subventions de l’État.

À titre de comparaison, le financement de l’audiovisuel public national s’élève à près de 3 milliards d’euros, dont plus de 2 milliards d’euros au titre de la redevance.

Quant à la dotation d’ARTE – ce n’est pas une critique, car j’apprécie le travail et la qualité de cette chaîne –, elle s’élève à elle seule à 300 millions d’euros alors que la structure est franco-allemande. Plus de 220 millions d’euros sont versés au titre de la redevance, soit l’équivalent de l’ensemble des crédits des opérateurs de l’audiovisuel extérieur pour une couverture mondiale.

Selon le document de programmation triennale, la subvention versée à la holding Audiovisuel extérieur de la France devrait même diminuer sur les trois prochaines années, passant de 233 millions d’euros en 2009 à 218 millions d’euros en 2010, puis à 203 millions d’euros en 2011.

Certes, j’en conviens, le développement des synergies et des mutualisations entre les opérateurs devrait favoriser des économies d’échelle, que je souhaite vivement voir se réaliser.

Pour autant, dans un contexte très concurrentiel, marqué par le développement de nouvelles technologies, évoqué voilà un instant, la réforme de notre audiovisuel extérieur serait, me semble-t-il, compromise si ses moyens venaient à diminuer fortement dans les prochaines années.

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