La Constitution de la Ve République a institué, en 1958, un contrôle de constitutionnalité, confié au Conseil constitutionnel, exercé par voie d’action, abstrait, préalable à la promulgation de la loi et réservé aux autorités mentionnées par le deuxième alinéa de l’article 61, c'est-à-dire le Président de la République, le Premier ministre, les présidents des assemblées et, depuis 1974, soixante députés ou soixante sénateurs.
À l’occasion de la révision du 23 juillet 2008, le constituant a complété ce dispositif par un contrôle concret, a posteriori et ouvert aux justiciables après l’entrée en vigueur de la loi.
Ainsi, aux termes du nouvel article 61-1, premier alinéa, de la Constitution : « Lorsque, à l’occasion d’une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d’État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé. »
Le second alinéa de cet article réserve à une loi organique le soin de préciser les conditions d’application de ces dispositions. Tel est l’objet du texte qui vous est soumis.
Le constituant de 2008 était inspiré par un triple objectif. Le premier était de conférer au citoyen un droit nouveau lui permettant de faire valoir directement la protection de ses droits et libertés garantie par la Constitution en invoquant la non-conformité d’une disposition législative aux règles constitutionnelles, et de créer ainsi un lien direct entre le citoyen et la Constitution.
Le deuxième objectif était de purger l’ordre juridique des dispositions inconstitutionnelles ; le troisième, d’assurer la prééminence de la Constitution dans l’ordre juridique interne, conformément à la jurisprudence du Conseil d’État, de la Cour de cassation et du Conseil constitutionnel.
Grâce à l’introduction de la question d’inconstitutionnalité, la France comble une lacune manifeste de son état de droit et rejoint les autres grands pays démocratiques qui, presque tous, connaissent depuis plusieurs décennies – voire plus d’un siècle – le contrôle de constitutionnalité a posteriori.
Le projet de loi organique a pour objet de garantir l’effectivité du nouveau droit institué par l’article 61-1 de la Constitution. Le texte proposé par le Gouvernement, tel qu’il a été complété très utilement par l’Assemblée nationale, sur l’initiative de sa commission des lois, apporte à cet égard les garanties nécessaires.
Votre commission approuve très largement les avancées proposées par les députés, tout en étant attentive à l’équilibre qu’il est nécessaire de préserver entre les attentes légitimes des justiciables vis-à-vis de ce nouveau droit et les exigences de la bonne administration de la justice et de la sécurité juridique, qui sont la condition sine qua non du succès de la réforme.
La mise en œuvre de l’article 61-1 de la Constitution ouvre sans doute une nouvelle ère au contrôle de constitutionnalité en France. S’il paraît difficile de mesurer exactement l’ampleur que prendra ce nouveau contentieux, votre commission considère qu’un équilibre sera rapidement trouvé, après une période initiale d’engouement, grâce à la stabilisation de la jurisprudence et des comportements des justiciables.
Rappelons brièvement que le contrôle a posteriori de la loi s’est heurté à une sévère hostilité, y compris dans cette enceinte.