Intervention de Dominique de Legge

Réunion du 8 décembre 2010 à 21h45
Modernisation des professions judiciaires et juridiques exécution des décisions de justice — Suite de la discussion adoption d'un projet de loi et adoption définitive en deuxième lecture d'une proposition de loi

Photo de Dominique de LeggeDominique de Legge :

Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, la rénovation de notre système juridique est une nécessité attendue à la fois par les professionnels du droit – avocats, notaires, huissiers – et par les citoyens, qui appellent de leurs vœux une justice plus claire, plus accessible, et donc plus efficace. Je me réjouis de l’effet positif que les textes qui nous sont soumis simultanément aujourd’hui, le projet de loi du Gouvernement et la proposition de loi de notre collègue Laurent Béteille, ne manqueront pas d’avoir sur le droit français, comme sur notre société.

Rarement, textes de loi auront fait l’objet de concertations aussi larges et approfondies entre les pouvoirs publics, les élus, et les professions juridiques et judiciaires. Inspirées des rapports Darrois et Guinchard, les dispositions que nous examinons sont bien le fruit d’une expertise, mais surtout d’un consensus, afin que les intérêts de tous soient pris en compte.

Bien des mesures constituent donc, à ce titre, de réels progrès.

Concernant la proposition de loi de Laurent Béteille, je parlerai de la rationalisation de la répartition des contentieux entre les tribunaux d’instance et de grande instance en matière de décision de justice, de la modernisation des pratiques professionnelles de l’ensemble des professions du droit, de la procédure participative ou de l’obligation de formation continue des notaires, huissiers, greffiers des tribunaux de commerce et commissaires-priseurs judiciaires.

S’agissant du texte gouvernemental, je salue tout particulièrement la modernisation et le renforcement des structures d’exercice de l’ensemble des professions libérales réglementées, qui permettent à différentes professions du droit exerçant des activités complémentaires de travailler ensemble, mais aussi l’actualisation du régime de spécialisation des avocats.

Nous disposons ainsi d’une panoplie de dispositions qui vont permettre à ces professions du droit d’accomplir leur mission de manière plus efficace, dans l’intérêt des citoyens, tout en leur assurant une compétitivité accrue dans un marché européen et international du droit de plus en plus concurrentiel.

Bien évidemment, comme toute réforme, celle-ci bouscule les choses et, ce faisant, engendre un certain émoi chez les professionnels concernés. Aussi, je souhaiterais insister sur ce qui a fait débat, voire polémique, à savoir les inquiétudes suscitées par la possible création d’une grande profession du droit.

Ces inquiétudes sont légitimes si l’on se souvient que le rapport Darrois, auquel le projet de loi fait référence, s’intitulait explicitement : « Vers une grande profession du droit », alors même que le débat sur la suppression de la profession d’avoué battait son plein.

Dans ce contexte, certains ont vu pour s’en émouvoir, d’autres ont commenté pour la souhaiter, la disparition pure et simple de la profession de notaire ! En quelque sorte, fallait-il supprimer cette exception française des offices notariaux au nom de l’harmonisation européenne ou, au contraire, fallait-il la conserver au nom d’une tradition dont les professionnels n’ont pas démérité et dans laquelle beaucoup de nos familles ont trouvé un conseil de proximité ? Nous retrouvons là ces querelles dont notre pays est si friand.

Je me risquerai à un parallèle sur un tout autre sujet. On a voulu, un temps, en finir avec nos 36 000 communes, au motif qu’elles incarnaient une exception française d’un autre âge. La voie choisie a été celle de la modernisation, pour tenir compte des nécessaires synergies à dégager, et non celle de la suppression.

Il en va un peu de même dans ce débat. Qui peut en effet affirmer que l’activité du notaire n’a pas évolué au cours des cinquante dernières années ? Elle est de plus en plus tournée vers le monde des affaires, tandis que moins d’actes, proportionnellement, concernent le droit de la famille. Pour autant, fallait-il concentrer toutes les fonctions de conseil juridique au sein d’une même profession ? Qui peut nier que la complexité du droit, dans le contexte d’une économie mondialisée, ne nécessitait pas de sécuriser les actes pour les usagers, avec l’assurance du concours d’experts et une offre de services regroupés ?

Le choix du Gouvernement et de la commission des lois a été celui du pragmatisme, et je tiens à saluer ici le travail de notre rapporteur Laurent Béteille.

Ainsi, l’acte contresigné par avocat ne remplace en aucun cas l’acte authentique rédigé chez le notaire, qui fait autorité par délégation de l’État. Le contreseing de l’avocat vise à introduire davantage de sécurité dans la prise d’actes impliquant deux parties, particulièrement quand celles-ci n’ont pas la même connaissance des règles de droit. Les deux actes sont clairement distincts.

Le projet de loi confirme, du reste, les prérogatives des notaires dans un certain nombre de domaines. Il consacre leurs compétences en matière de transactions immobilières en intégrant au code civil les règles générales applicables pour la publicité foncière. Le projet va même plus loin en élargissant leurs prérogatives.

Ainsi, le notaire ayant rédigé une convention de pacte civil de solidarité, ou PACS, ne sera plus obligé d’avoir recours aux services d’un greffier, et pourra réaliser lui-même l’enregistrement de la convention.

Il ne s’agit pas, mes chers collègues, d’opposer les professions du droit entre elles en créant de faux conflits d’intérêts, mais bien de délimiter clairement les contours de chacune, afin de relever le défi de l’évolution de notre société et celui de la toujours plus rude concurrence internationale.

C’est pourquoi la décision de favoriser l’interprofessionnalité me semble particulièrement opportune et va dans le sens de la complémentarité et de l’efficacité. Inciter avocats, notaires, experts-comptables, commissaires-priseurs judiciaires et huissiers de justice à travailler ensemble, dans le cadre de structures capitalistiques, est le gage d’une meilleure fonctionnalité du droit pour le justiciable et d’une meilleure coopération entre les différents acteurs juridiques.

Nous pouvons le constater, ces textes constituent une avancée notable pour l’adaptation des professions juridiques et judiciaires aux réalités internationales et à l’évolution de notre société. La concertation qui a présidé à leur élaboration, le pragmatisme et la recherche d’efficacité des mesures proposées, et surtout le souci de placer le citoyen au cœur du fonctionnement de notre justice, sont autant de raisons pour le groupe UMP de voter ces deux textes.

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